CatégorieOuvrages peu soignés ou mal finis

Ji Kang, «Se délivrer des sentiments personnels»

dans « La Vie et la Pensée de Hi K’ang [ou Ji Kang] (223-262 apr. J.-C.) », éd. E. J. Brill, Leyde, p. 122-130

dans «La Vie et la Pen­sée de Hi K’ang [ou Ji Kang] (223-262 apr. J.-C.)», éd. E. J. Brill, Leyde, p. 122-130

Il s’agit de «Se dé­li­vrer des sen­ti­ments per­son­nels» 1Shisi lun» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir plu­tôt que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son ca­rac­tère ex­cen­trique l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers les pro­me­nades, les ébats dans la na­ture, la poé­sie et la mu­sique cé­leste. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Es­sai sur la dé­prise de l’ego», «Traité sur la dé­prise du moi» ou «Se dé­li­vrer du moi». Haut
  2. En chi­nois «釋私論». Au­tre­fois trans­crit «Shih-ssû-lun», «Shih-tzu-lun» ou «Che sseu louen». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

Doubnov, «Précis d’histoire juive : des origines à nos jours [complété par Marc Jarblum]»

éd. Service technique pour l’éducation, Paris

éd. Ser­vice tech­nique pour l’éducation, Pa­ris

Il s’agit du «Pré­cis d’histoire juive», ou lit­té­ra­le­ment «L’Histoire juive ra­con­tée aux en­fants» («Yi­dishe Ge­shi­khte dert­seylt far Kin­der» 1) de Si­mon Doub­nov 2, l’un des plus émi­nents his­to­riens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet his­to­rio­graphe, né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie, est celle de toute une gé­né­ra­tion de Juifs de l’Europe orien­tale. Qu’au mi­lieu du car­nage et «du fond du gouffre», comme il dit lui-même 3, cet homme ait songé à des tra­vaux his­to­riques de si grande en­ver­gure, cela peut pa­raître étrange. Mais cela té­moigne sim­ple­ment de la pé­ren­nité du ju­daïsme, de sa vi­va­cité dans la mort. Doub­nov avait une hau­teur de vues, une élé­va­tion de pen­sées, une piété qui l’obligeaient à cher­cher l’indestructible au mi­lieu des des­truc­tions; il di­sait comme Ar­chi­mède au sol­dat ro­main : «Ne dé­range pas mes cercles!» «Que de fois», dit Doub­nov 4, «la dou­leur cau­sée par les brû­lants sou­cis quo­ti­diens a été apai­sée par mes rêves ar­dents du mo­ment où un gran­diose édi­fice 5 s’élèverait, et où ces mil­liers de faits et de com­bi­nai­sons se mê­le­raient en un vif ta­bleau dé­pei­gnant huit cents ans de la vie de notre peuple en Eu­rope orien­tale!» Des té­moins rap­portent que même après son ar­res­ta­tion par les agents de la Ges­tapo, ma­lade et gre­lot­tant de fièvre, Doub­nov n’arrêta pas son tra­vail : avec le stylo qui lui avait servi pen­dant tant d’années, il rem­plit un car­net de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de re­vol­ver, on le vit mar­chant et ré­pé­tant : «Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, ra­con­tez, bonnes gens, écri­vez!» 6 De ceux à qui s’adressaient ces pa­roles, presque au­cun ne sur­vé­cut. «Les pen­sées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et gran­dit de la terre. Elles ont be­soin de temps et d’un lieu pour être se­mées, elles ont be­soin d’un hi­ver pour prendre des forces et d’un prin­temps pour sor­tir et s’épanouir. Il y a les his­to­riens de l’hiver et les his­to­riens du prin­temps… Doub­nov est un his­to­rien de l’hiver», dit M. Marc-Alain Ouak­nin

  1. On ren­contre aussi les gra­phies «Idishe Ge­shi­khte dert­seylt far Kin­der», «Ji­dische Ges­chichte der­zeilt far Kin­der», «Idische Ges­chichte der­ze­jlt far Kin­der» et «Yid­dische Ges­chichte der­zeilt far Kin­der». Haut
  2. En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Par­fois trans­crit Se­myon Dub­now, Si­meon Dub­now, Shi­meon Dub­now, Shi­mon Dub­nov ou Semën Dub­nov. Le nom de Doub­nov, confor­mé­ment à une pra­tique bien éta­blie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses an­cêtres étaient ori­gi­naires : Doubno (Дубно), en Ukraine. Haut
  3. «Le Livre de ma vie : sou­ve­nirs et ré­flexions, ma­té­riaux pour l’histoire de mon temps», p. 737. Haut
  1. id. p. 359. Haut
  2. La gran­diose somme en dix vo­lumes, «His­toire uni­ver­selle du peuple juif», sur la­quelle Doub­nov ne cessa de tra­vailler de 1901 jusqu’à son as­sas­si­nat. Haut
  3. Dans So­phie Er­lich-Doub­nov, «La Vie de Si­mon Dub­nov», p. 25. Haut

Ibn Rushd (Averroès), «La Doctrine de l’intellect matériel dans le “Commentaire moyen au ‘De anima’ d’Aristote”»

dans « Langages et Philosophie : hommage à Jean Jolivet » (éd. J. Vrin, coll. Études de philosophie médiévale, Paris), p. 281-307

dans «Lan­gages et Phi­lo­so­phie : hom­mage à Jean Jo­li­vet» (éd. J. Vrin, coll. Études de phi­lo­so­phie mé­dié­vale, Pa­ris), p. 281-307

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Com­men­taire moyen sur le traité “De l’âme”» («Tal­khîs ki­tâb al-nafs» 1) d’Ibn Ru­shd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les phi­lo­sophes que l’islam donna à l’Espagne, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la mé­moire des peuples, grâce à ses re­mar­quables com­men­taires sur les écrits d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les noms cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès 3. Dans son An­da­lou­sie na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une to­lé­rance dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. «Chré­tiens, juifs, mu­sul­mans par­laient la même langue, chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et scien­ti­fiques. Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la ci­vi­li­sa­tion com­mune», dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf 4, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son temps. L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande in­fluence et en pro­fita pour y at­ti­rer les sa­vants de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter Aris­tote. Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’aristotélisme ne sera plus grec; il sera arabe. «Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la phi­lo­so­phie]», dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un homme : «Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’astronomie», pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’«im­pie», de «mé­créant», etc.; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. En arabe «تلخيص كتاب النفس». Par­fois trans­crit «Tal­khiç», «Talḫīṣ» ou «Tel­khis». Haut
  2. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Haut

Ibn Rushd (Averroès), «L’Intelligence et la Pensée, [ou] Grand Commentaire du “De anima”, livre III»

éd. Flammarion, coll. GF, Paris

éd. Flam­ma­rion, coll. GF, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Grand Com­men­taire sur le traité “De l’âme”» («Sharḥ ki­tâb al-nafs» 1) d’Ibn Ru­shd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les phi­lo­sophes que l’islam donna à l’Espagne, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la mé­moire des peuples, grâce à ses re­mar­quables com­men­taires sur les écrits d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les noms cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès 3. Dans son An­da­lou­sie na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une to­lé­rance dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. «Chré­tiens, juifs, mu­sul­mans par­laient la même langue, chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et scien­ti­fiques. Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la ci­vi­li­sa­tion com­mune», dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf 4, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son temps. L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande in­fluence et en pro­fita pour y at­ti­rer les sa­vants de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter Aris­tote. Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’aristotélisme ne sera plus grec; il sera arabe. «Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la phi­lo­so­phie]», dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un homme : «Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’astronomie», pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’«im­pie», de «mé­créant», etc.; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. En arabe «شرح كتاب النفس». Par­fois trans­crit «Šarḥ» ou «Scharh». Ce com­men­taire, perdu en arabe, est conservé dans la tra­duc­tion la­tine de Mi­chel Scot. Haut
  2. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Haut

Yang Xiong, «Rhapsodie du grand mystère, “Taixuan fu”»

dans « Anthologie de la poésie chinoise » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris)

dans «An­tho­lo­gie de la poé­sie chi­noise» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris)

Il s’agit de la «Rhap­so­die de la chasse des gardes im­pé­riaux» 1Yu­lie fu» 2), de la «Rhap­so­die du grand mys­tère» 3Taixuan fu» 4) et autres poé­sies de Yang Xiong 5, un des re­pré­sen­tants mi­neurs de la lit­té­ra­ture et de la pen­sée chi­noise, imi­ta­teur des clas­siques. Il vit le jour en l’an 53 av. J.-C. et mou­rut en l’an 18 apr. J.-C. Issu d’une fa­mille noble, mais dont «les pos­ses­sions n’atteignaient pas même dix “jin” d’or», et qui «man­quait de ré­serves en grains», il réus­sit à avoir pour maîtres les meilleurs pro­fes­seurs de Shu 6 (l’actuelle pro­vince de Si­chuan) : Zhuang Zun, Li Hong et Lin Lü. Tous les trois étaient ex­perts en di­vi­na­tion, en si­no­grammes «étranges» (ceux an­té­rieurs à la gra­phie qui s’imposa sous les Qin) et en tra­di­tions confu­céennes et taoïstes. La qua­ran­taine pas­sée, il par­tit de Shu et s’en alla à la ca­pi­tale Chang’an 7 où on le mo­qua pour sa pa­role em­bar­ras­sée et sa fa­çon d’écrire en style de sa pro­vince — «un style», di­sait-on, «dé­tes­table» 8. En l’an 11 apr. J.-C., tou­jours obs­cur et pauvre mal­gré ses fonc­tions de «gen­til­homme de la porte jaune» 9huang­men lang» 10), il fut faus­se­ment ac­cusé d’avoir trempé dans le com­plot contre le nou­vel Em­pe­reur Wang Mang. En déses­poir de cause, il sauta du haut d’une tour de la Bi­blio­thèque im­pé­riale, mais sur­vé­cut à ses bles­sures et fut mis hors de cause par l’Empereur en per­sonne. Peu après, cette épi­gramme cir­cula dans la ca­pi­tale, lui re­pro­chant ses ha­bi­tudes d’ermite, son goût presque sus­pect pour la so­li­tude et le si­lence :

«“So­li­taire et si­len­cieux”
Il se jette du haut de la tour!
“Pur et tran­quille”
Il com­pose des pré­sages!
»

  1. Au­tre­fois tra­duit «“Fou” sur la chasse avec les gardes im­pé­riaux» ou «Des­crip­tion de la chasse (où les sol­dats por­taient) des plu­mages». Haut
  2. En chi­nois «羽獵賦». Par­fois trans­crit «Yü-lieh fu» ou «Yu-lie fou». Haut
  3. C’est le pen­dant poé­tique du «Clas­sique du grand mys­tère». Haut
  4. En chi­nois «太玄賦». Par­fois trans­crit «T’ai-hsüan fu» ou «T’ai-hiuan fou». Haut
  5. En chi­nois 揚雄. Au­tre­fois trans­crit Jang-hiong, Yang Hsiung, Yang Hyong ou Yang-hioung. Éga­le­ment connu sous les noms de Yang Ziyun (揚子雲) et de Yang Zi (揚子). Par­fois trans­crit Yang Tzu-yün, Yang Tse Yün ou Yang-tseu. Haut
  1. En chi­nois . Par­fois trans­crit Chu ou Chou. Haut
  2. Aujourd’hui Xi’an (西安). Au­tre­fois trans­crit Tch’ang-ngan. Haut
  3. Dans le père Léon Wie­ger, «His­toire des croyances re­li­gieuses et des opi­nions phi­lo­so­phiques en Chine : de­puis l’origine jusqu’à nos jours», p. 315. Haut
  4. Au­tre­fois tra­duit «gen­til­homme des portes im­pé­riales» ou «se­cré­taire des portes im­pé­riales». Haut
  5. En chi­nois 黃門郎. Au­tre­fois trans­crit «houang-men lang». Haut

Yang Xiong, «Maîtres Mots»

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit des «Maîtres Mots», ou lit­té­ra­le­ment «Pro­pos mo­dèles» 1Fayan» 2), de Yang Xiong 3, un des re­pré­sen­tants mi­neurs de la lit­té­ra­ture et de la pen­sée chi­noise, imi­ta­teur des clas­siques. Il vit le jour en l’an 53 av. J.-C. et mou­rut en l’an 18 apr. J.-C. Issu d’une fa­mille noble, mais dont «les pos­ses­sions n’atteignaient pas même dix “jin” d’or», et qui «man­quait de ré­serves en grains», il réus­sit à avoir pour maîtres les meilleurs pro­fes­seurs de Shu 4 (l’actuelle pro­vince de Si­chuan) : Zhuang Zun, Li Hong et Lin Lü. Tous les trois étaient ex­perts en di­vi­na­tion, en si­no­grammes «étranges» (ceux an­té­rieurs à la gra­phie qui s’imposa sous les Qin) et en tra­di­tions confu­céennes et taoïstes. La qua­ran­taine pas­sée, il par­tit de Shu et s’en alla à la ca­pi­tale Chang’an 5 où on le mo­qua pour sa pa­role em­bar­ras­sée et sa fa­çon d’écrire en style de sa pro­vince — «un style», di­sait-on, «dé­tes­table» 6. En l’an 11 apr. J.-C., tou­jours obs­cur et pauvre mal­gré ses fonc­tions de «gen­til­homme de la porte jaune» 7huang­men lang» 8), il fut faus­se­ment ac­cusé d’avoir trempé dans le com­plot contre le nou­vel Em­pe­reur Wang Mang. En déses­poir de cause, il sauta du haut d’une tour de la Bi­blio­thèque im­pé­riale, mais sur­vé­cut à ses bles­sures et fut mis hors de cause par l’Empereur en per­sonne. Peu après, cette épi­gramme cir­cula dans la ca­pi­tale, lui re­pro­chant ses ha­bi­tudes d’ermite, son goût presque sus­pect pour la so­li­tude et le si­lence :

«“So­li­taire et si­len­cieux”
Il se jette du haut de la tour!
“Pur et tran­quille”
Il com­pose des pré­sages!
»

  1. Au­tre­fois tra­duit «Pa­roles sur la loi» ou «Les Pa­roles exem­plaires». Haut
  2. En chi­nois «法言». Par­fois trans­crit «Fa-yen», «Fa jen» ou «Fă-jan». Haut
  3. En chi­nois 揚雄. Au­tre­fois trans­crit Jang-hiong, Yang Hsiung, Yang Hyong ou Yang-hioung. Éga­le­ment connu sous les noms de Yang Ziyun (揚子雲) et de Yang Zi (揚子). Par­fois trans­crit Yang Tzu-yün, Yang Tse Yün ou Yang-tseu. Haut
  4. En chi­nois . Par­fois trans­crit Chu ou Chou. Haut
  1. Aujourd’hui Xi’an (西安). Au­tre­fois trans­crit Tch’ang-ngan. Haut
  2. Dans le père Léon Wie­ger, «His­toire des croyances re­li­gieuses et des opi­nions phi­lo­so­phiques en Chine : de­puis l’origine jusqu’à nos jours», p. 315. Haut
  3. Au­tre­fois tra­duit «gen­til­homme des portes im­pé­riales» ou «se­cré­taire des portes im­pé­riales». Haut
  4. En chi­nois 黃門郎. Au­tre­fois trans­crit «houang-men lang». Haut

Pamuk, «Les Nuits de la peste : roman»

éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Du monde en­tier, Pa­ris

Il s’agit du ro­man «Les Nuits de la peste» («Veba Ge­ce­leri») de M. Orhan Pa­muk, écri­vain turc pour le­quel le centre du monde est Is­tan­bul, non seule­ment parce qu’il y a passé toute sa vie, mais aussi parce que toute sa vie il en a ra­conté les re­coins les plus in­times. En 1850, Gus­tave Flau­bert, en ar­ri­vant à Is­tan­bul, frappé par la gi­gan­tesque bi­gar­rure de cette ville, par le cô­toie­ment de «tant d’individualités sé­pa­rées, dont l’addition for­mi­dable apla­tit la vôtre», avait écrit que Constan­ti­nople de­vien­drait «plus tard la ca­pi­tale de la Terre» 1. Cette naïve pré­dic­tion n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de dis­pa­raître, et la ca­pi­tale de perdre son nom de Constan­ti­nople, vi­dée de ses Grecs, ses Ar­mé­niens, ses Juifs. À la nais­sance de M. Pa­muk, tout juste un siècle après le sé­jour de Flau­bert, Is­tan­bul, en tant que ville mon­diale, n’était plus qu’une ombre cré­pus­cu­laire et vi­vait les jours les plus faibles, les moins glo­rieux de ses deux mille ans d’histoire. La douce tris­tesse de ses rues fa­nées et flé­tries, de son passé tombé en dis­grâce per­çait de toute part; elle avait une pré­sence vi­sible dans le pay­sage et chez les gens; elle re­cou­vrait tel un brouillard «les vieilles fon­taines bri­sées ici et là, ta­ries de­puis des an­nées, les bou­tiques de bric et de broc ap­pa­rues… aux abords im­mé­diats des vieilles mos­quées…, les trot­toirs sales, tout tor­dus et dé­fon­cés…, les vieux ci­me­tières égre­nés sur les hau­teurs…, les lam­pa­daires fa­lots», dit M. Pa­muk 2. Parce que cette tris­tesse était cau­sée par le fait d’être des re­je­tons d’un an­cien Em­pire, les Stam­bou­liotes pré­fé­raient faire table rase du passé. Ils ar­ra­chaient des pierres aux mu­railles et aux vé­né­rables édi­fices afin de s’en ser­vir pour leurs propres construc­tions. Dé­truire, brû­ler, éri­ger à la place un im­meuble oc­ci­den­tal et mo­derne était leur ma­nière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour ef­fa­cer le sou­ve­nir dou­lou­reux d’une an­cienne maî­tresse, se dé­bar­rasse en hâte des vê­te­ments, des bi­joux, des pho­to­gra­phies et des meubles. Au bout du compte, ce trai­te­ment de choc et ces des­truc­tions par le feu ne fai­saient qu’accroître le sen­ti­ment de tris­tesse, en lui ajou­tant le ton du déses­poir et de la mi­sère. «L’effort d’occidentalisation», dit M. Pa­muk 3, «ou­vrit la voie… à la trans­for­ma­tion des in­té­rieurs do­mes­tiques en mu­sées d’une culture ja­mais vé­cue. Des an­nées après, j’ai éprouvé toute cette in­con­gruité… Ce sen­ti­ment de tris­tesse, en­foui dé­fi­ni­ti­ve­ment dans les tré­fonds de la ville, me fit prendre conscience de la né­ces­sité de construire mon propre ima­gi­naire, si je ne vou­lais pas être pri­son­nier…» Un soir, après avoir poussé la porte de la mai­son fa­mi­liale, fran­chi le seuil et lon­gue­ment mar­ché dans ces rues qui lui ap­por­taient conso­la­tion et ré­con­fort, M. Pa­muk ren­tra au mi­lieu de la nuit et s’assit à sa table pour res­ti­tuer quelque chose de leur at­mo­sphère et de leur al­chi­mie. Le len­de­main, il an­nonça à sa fa­mille qu’il se­rait écri­vain.

  1. «Lettre à Louis Bouil­het du 14.XI.1850». Haut
  2. «Is­tan­bul», p. 68-69. Haut
  1. id. p. 54-55. Haut

Sénèque le philosophe, «L’Apocoloquintose du divin Claude»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de «L’Apocoloquintose du di­vin Claude» 1Divi Clau­dii Apo­co­lo­cyn­to­sis» 2) de Sé­nèque le phi­lo­sophe 3, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 4. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 5. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 6. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit «Fa­cé­tie sa­ti­rique sur la mort du Cé­sar Claude, vul­gai­re­ment ap­pe­lée Apo­ko­lo­kyn­tose», «Apo­lo­chin­tose, ou In­cu­cur­bi­ta­tion, c’est-à-dire Mé­ta­mor­phose de l’Empereur Claude en ci­trouille», «Apo­co­lo­cyn­tose, ou Dis­cours plein de mo­que­rie sur la mort de Clau­dius» ou «L’Apocolokintosis sur la mort de l’Empereur Claude». Haut
  2. Éga­le­ment connu sous les titres de «Divi Clau­dii Apo­theo­sis per sa­tu­ram» («L’Apothéose bur­lesque du di­vin Claude») et de «Lu­dus de morte Clau­dii Cæ­sa­ris» («Fan­tai­sie sur la mort du Cé­sar Claude»), le mot forgé «apo­co­lo­quin­tose» ayant déso­rienté les co­pistes qui lui ont sub­sti­tué le mot propre «apo­théose bur­lesque». Haut
  3. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  1. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  2. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  3. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut

le comte de Maistre, «Mémoires politiques et Correspondance diplomatique»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome III. De l’Église gallicane • Lettres sur l’Inquisition espagnole»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Lettres sur l’Inquisition es­pa­gnole» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome II. Du pape»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Du pape» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

Andreïev, «S.O.S.»

éd. Interférences, Paris

éd. In­ter­fé­rences, Pa­ris

Il s’agit de «L’Europe en dan­ger» («Ie­vropa v opas­nosti» 1), «S.O.S.» et autres pam­phlets de Léo­nid An­dreïev 2, au­teur russe. À la mort de son père, qui exer­çait la pro­fes­sion d’arpenteur-géomètre, An­dreïev était en­core au col­lège. Sa mère, is­sue d’une fa­mille po­lo­naise désar­gen­tée, se trouva sans res­sources. Le jeune homme connut la mi­sère noire. Un jour, le cœur gros, il pré­senta à un quo­ti­dien un ré­cit ayant pour su­jet un étu­diant tou­jours af­famé — sa propre vie! On lui dit de re­ve­nir quelques se­maines plus tard pour sa­voir s’il était ac­cepté. Il y re­tourna, com­pri­mant son an­goisse dans l’attente de la dé­ci­sion. Elle lui vint sous la forme d’un im­mense éclat de rire du di­rec­teur, qui dé­clara que sa prose ne va­lait rien. À quelque temps de là, dans une heure de déses­poir, An­dreïev se ti­rait un coup de ré­vol­ver dans le cœur. On le sauva. Mais ce­lui qui, comme lui, a été si proche d’une mort vo­lon­taire reste en proie à une ob­ses­sion per­ma­nente. En 1897, son di­plôme d’avocat en poche, An­dreïev ob­tint une place de chro­ni­queur ju­di­ciaire dans un grand jour­nal et par­vint en­fin à pu­blier ses nou­velles et ses feuille­tons si fou­gueux, si spon­ta­nés, quel­que­fois si bi­zarres, qui l’imposèrent à l’attention du pu­blic russe comme l’un des brillants re­pré­sen­tants du tour­nant du siècle. Il y prend place après Tol­stoï à qui il dé­die d’ailleurs l’«His­toire des sept pen­dus». Je me dois de dire quelques mots sur cette «His­toire», sans doute la plus réus­sie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en sub­stance, que ce qu’annonce le titre : les por­traits psy­cho­lo­giques de sept jeunes condam­nés qui s’apprêtent à su­bir le sup­plice de la pen­dai­son; les vi­sites su­prêmes de leurs pa­rents qui viennent avec la ré­so­lu­tion de leur rendre plus lé­gers ces der­niers mo­ments, mais qui fi­nissent par fondre en larmes; puis, l’horreur et la beauté se­reine, en même temps, de leurs ca­davres qui «sa­luent le so­leil le­vant»

  1. En russe «Европа в опасности». Par­fois trans­crit «Evropa v opas­nosti». Haut
  1. En russe Леонид Андреев. Par­fois trans­crit Léo­nide An­dréieff, Léo­nid An­dréief, Léo­nide An­dreyew, Leo­nid An­dréyev ou Léo­nide An­dréev. Haut

Andreïev, «[Récits complets. Tome IV.] Jour de colère et Autres Récits»

éd. J. Corti, coll. Domaine étranger, Paris

éd. J. Corti, coll. Do­maine étran­ger, Pa­ris

Il s’agit de «Lui : ré­cit d’un in­connu» («On : rass­kaz neïz­vest­nogo» 1), «Jour de co­lère» («Den gneva» 2) et autres nou­velles de Léo­nid An­dreïev 3, au­teur russe. À la mort de son père, qui exer­çait la pro­fes­sion d’arpenteur-géomètre, An­dreïev était en­core au col­lège. Sa mère, is­sue d’une fa­mille po­lo­naise désar­gen­tée, se trouva sans res­sources. Le jeune homme connut la mi­sère noire. Un jour, le cœur gros, il pré­senta à un quo­ti­dien un ré­cit ayant pour su­jet un étu­diant tou­jours af­famé — sa propre vie! On lui dit de re­ve­nir quelques se­maines plus tard pour sa­voir s’il était ac­cepté. Il y re­tourna, com­pri­mant son an­goisse dans l’attente de la dé­ci­sion. Elle lui vint sous la forme d’un im­mense éclat de rire du di­rec­teur, qui dé­clara que sa prose ne va­lait rien. À quelque temps de là, dans une heure de déses­poir, An­dreïev se ti­rait un coup de ré­vol­ver dans le cœur. On le sauva. Mais ce­lui qui, comme lui, a été si proche d’une mort vo­lon­taire reste en proie à une ob­ses­sion per­ma­nente. En 1897, son di­plôme d’avocat en poche, An­dreïev ob­tint une place de chro­ni­queur ju­di­ciaire dans un grand jour­nal et par­vint en­fin à pu­blier ses nou­velles et ses feuille­tons si fou­gueux, si spon­ta­nés, quel­que­fois si bi­zarres, qui l’imposèrent à l’attention du pu­blic russe comme l’un des brillants re­pré­sen­tants du tour­nant du siècle. Il y prend place après Tol­stoï à qui il dé­die d’ailleurs l’«His­toire des sept pen­dus». Je me dois de dire quelques mots sur cette «His­toire», sans doute la plus réus­sie d’Andreïev. Elle n’est rien d’autre, en sub­stance, que ce qu’annonce le titre : les por­traits psy­cho­lo­giques de sept jeunes condam­nés qui s’apprêtent à su­bir le sup­plice de la pen­dai­son; les vi­sites su­prêmes de leurs pa­rents qui viennent avec la ré­so­lu­tion de leur rendre plus lé­gers ces der­niers mo­ments, mais qui fi­nissent par fondre en larmes; puis, l’horreur et la beauté se­reine, en même temps, de leurs ca­davres qui «sa­luent le so­leil le­vant»

  1. En russe «Он : рассказ неизвестного». Haut
  2. En russe «День гнева». Haut
  1. En russe Леонид Андреев. Par­fois trans­crit Léo­nide An­dréieff, Léo­nid An­dréief, Léo­nide An­dreyew, Leo­nid An­dréyev ou Léo­nide An­dréev. Haut