Il s’agit de l’« Histoire galante de Shidôken » (« Fûryû Shidôken-den » 1) de Hiraga Gennai 2, satiriste japonais aux connaissances encyclopédiques, également connu sous le surnom de Fûrai Sanjin 3 (XVIIIe siècle). Sorte de Voltaire de son pays, il se livra, en même temps qu’aux belles-lettres, à l’étude de la chimie et l’histoire naturelle, apprit le hollandais, interrogea les savants dans tous les genres, répéta leurs expériences ou en imagina de nouvelles. Son « Histoire galante de Shidôken », où le voyage fictif est prétexte à des satires piquantes et mordantes contre la société de son temps, ne peut être comparée, à beaucoup d’égards, qu’aux histoires de « Micromégas » ou de « Candide ». Elles partagent les mêmes scènes vives et ingénieuses, la même imagination exaltée ; elles sont le même monument d’effronterie cynique érigé en faveur de l’athéisme. Le héros, Shidôken, est un vieil impénitent qui donne le fou rire aux visiteurs du temple d’Asakusa, à Edo, en racontant des propos burlesques ou licencieux. Il raconte comment, il y a longtemps, lorsqu’il était jeune, il fut détourné de la prêtrise par la révélation qu’il reçut d’un anachorète (« sennin » 4), que le bouddhisme n’était qu’un fatras de croyances tout juste bonnes pour les vieilles femmes. L’anachorète lui offrit un éventail magique lui permettant de voyager de par le monde, en quête des plaisirs dont un vain ascétisme l’avait jusqu’alors privé : « Ceci est l’éventail où sont renfermés les secrets de mes enchantements », lui dit l’anachorète en le lui remettant 5. « Si tu veux t’envoler, il te servira d’ailes ; si tu veux franchir mers et fleuves, il deviendra navire ; grâce à lui, tu pourras connaître le lointain et le proche, et voir distinctement dans la pénombre… Toutefois, comme c’est dans le désir amoureux que les sentiments revêtent la plus grande intensité, il te faudra visiter particulièrement les quartiers de plaisir des différentes contrées. Au cours de tes voyages, il t’arrivera souvent des aventures plaisantes, mais aussi bien des malheurs. En aucun cas, ceux-ci ne te doivent affliger… Salut ! »
Ouvrages peu soignés ou mal finis
Kôbô-daishi, « La Vérité finale des trois enseignements »
Il s’agit de « La Vérité finale pour les sourds et les aveugles » (« Rôko-shiiki » 1), traité de morale en action, plus connu sous le titre de « La Vérité finale des trois enseignements » (« Sangô-shiiki » 2). Son auteur, l’introducteur du bouddhisme ésotérique au Japon et le fondateur de l’école tantrique Shingon (« la vraie parole »), naquit en 774 apr. J.-C. Ses qualités intellectuelles le poussaient, dès son enfance, à se retirer dans les montagnes. Il en éprouvait à chaque fois une grande joie, disant : « Une fois dans les forêts montagneuses, j’en oublie de rentrer chez moi… La rivière pure de la montagne ne cesse de compatir envers les personnes se noyant dans le poison de l’honneur et de l’argent ! Qu’ils ne soient pas brûlés dans le [tourbillon] du monde ! Qu’ils quittent tout de suite ce lieu impur pour entrer dans la terre de la Loi ! » 3 Il fut envoyé, à l’âge de quinze ans, à la capitale impériale pour entrer dans la carrière des lettres — voie qu’il abandonna cependant pour s’engager dans celle, plus austère, des canons bouddhiques. Remarqué pour son érudition, on lui conféra d’abord le titre de Kûkai 4 (« l’Océan du vide » 5), et bien plus tard, celui de Kôbô-daishi 6 (« le Grand Maître qui répand la Loi » 7) sous lequel il est connu. En 804 apr. J.-C., il fut nommé pour aller à une ambassade en Chine, où il demeura plus de deux ans à se perfectionner dans la connaissance des soûtras ésotériques. À son retour, par un pieux et habile mensonge, il soutint que la déesse shintoïste du soleil — la Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel — était une incarnation du Bouddha. Ainsi harmonisée avec les croyances nationales, la religion bouddhique se propagea avec une rapidité extraordinaire, et il y eut bientôt une mode, chez les nobles, de se raser la tête pour se retirer du monde. Quant à Kôbô-daishi, sa figure emblématique suscita l’apparition de nombreuses légendes et de récits hagiographiques, en particulier le « Rouleau enluminé sur la vie du saint homme Kôbô-daishi » (« Kôbô-daishi gyôjô emaki » 8) où l’on le représente chassant les êtres maléfiques, repoussant les ténèbres de l’ignorance qu’ils incarnent et diffusant « la vraie parole » dans l’archipel. Parmi les ouvrages qu’il laissa à sa mort, le plus accessible et le moins aride, en même temps que le moins rebutant, est « La Vérité finale des trois enseignements ». C’est à peine si l’on y reconnaît quelques traces des soûtras ésotériques, et il faut y voir plutôt un recueil d’instruction morale qu’un livre religieux proprement dit. On ne peut pas en dire autant du reste de ses ouvrages, qui reposent sur l’usage de formules invocatoires (« mantra »), de diagrammes mystiques (« mandala »), réservés au cercle restreint des initiés.
Santôka, « Zen Saké Haïku : poèmes choisis »
Il s’agit d’une traduction partielle de Shôichi Taneda 1, poète japonais, vagabond et haïkiste, plus connu sous le surnom de Santôka 2 (« le feu au sommet de la montagne »). Il naquit au milieu de cinq frères et sœurs. Son père, riche propriétaire mais piètre père de famille, passait son temps à politiquer et courir le jupon. Un jour que ce dernier était en villégiature dans les montagnes avec une de ses maîtresses, son épouse, âgée de trente-trois ans, se jeta dans le puits de la propriété familiale. Santôka, qui avait onze ans, fut extrêmement frappé de voir le corps inanimé de sa mère qu’on sortait du puits. Pour ajouter à ce malheur, un de ses frères mourut en bas âge, et un autre se donna la mort en 1918. Quant à Santôka, après un mariage raté, il fut tour à tour brasseur de saké, encadreur de tableaux, traducteur. Il partit pour Tôkyô. Mélancolique, inconstant au travail, il occupait ses loisirs de bibliothécaire à des lectures bouddhiques. Dans le grand tremblement de terre qui ravagea la capitale, sa chambre s’écroula. Il retourna à Kumamoto. Une nuit de décembre 1924, ivre, il s’immobilisa devant un tramway que le conducteur ne parvint à arrêter qu’à grand-peine. On l’emmena dans un temple proche de là, le Hôon-ji, où il se fit moine. L’année suivante et toutes les autres jusqu’à sa mort, il s’en alla errer sur les routes du Japon, par les nuits d’hiver, sans gîte, sans feu ni lieu, comme s’il lui fallait marcher pour vivre : « Je ne suis rien d’autre qu’un moine mendiant », dit-il 3. « On ne peut pas dire grand-chose de moi sinon que je suis un pèlerin fou qui passe sa vie entière à déambuler, comme ces plantes aquatiques qui dérivent de rive en rive. Cela peut sembler pitoyable, pourtant je trouve la paix dans cette vie dépouillée… » Il faut lire ses poésies comme le carnet qu’un routard aurait laissé tomber de sa poche, et dans lequel il aurait noté ses observations à l’état brut, dans une langue plate et relâchée. La route est la plus belle conquête de l’homme libre : voilà, en substance, la seule philosophie de Santôka. Il jouit au Japon d’une faveur égale à celle de Kerouac en Amérique. Pour tout dire, je ne crois pas, mais peut-être je me trompe, que l’un et l’autre soient de grands talents, mais ils représentent pour la foule du grand public la figure la plus exacte et la plus vive du poète : un gueux sous la pluie, un bohème trempé dans ses haillons mais bienheureux, un mendiant loin des lois et des usages, un rebut du monde.
« Proverbes, Paraboles et Argot dans la chanson congolaise moderne »
Il s’agit d’un recueil de proverbes congolais. Nul genre d’enseignement n’est plus ancien que celui des proverbes. Son origine remonte aux âges les plus reculés du globe. Dès que les hommes, mus par un instinct irrésistible ou poussés par la volonté divine, se furent réunis en société ; dès qu’ils eurent constitué un langage suffisant à l’expression de leurs besoins, les proverbes prirent naissance en tant que résumé naturel des idées communes de l’humanité. « S’ils avaient pu se conserver, s’ils étaient parvenus jusqu’à nous sous leur forme primitive », dit Pierre-Marie Quitard 1, « ils seraient le plus curieux monument du progrès des premières sociétés ; ils jetteraient un jour merveilleux sur l’histoire de la civilisation, dont ils marqueraient le point de départ avec une irrécusable fidélité. » La Bible, qui contient plusieurs livres de proverbes, dit : « Celui qui applique son âme à réfléchir sur la Loi du Très-Haut… recherche le sens secret des proverbes et revient sans cesse sur les énigmes des maximes » 2. Les sages de la Grèce eurent la même pensée que la Bible. Confucius imita les proverbes et fut à son tour imité par ses disciples. De même que l’âge de l’arbre peut se juger par le tronc ; de même, les proverbes nous apprennent le génie ou l’esprit propre à chaque nation, et les détails de sa vie privée. On en tenait certains en telle estime, qu’on les disait d’origine céleste : « C’est du ciel », dit Juvénal 3, « que nous est venue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la faudrait graver dans son cœur et la méditer toujours. » C’est pourquoi, d’ailleurs, on les gravait sur le devant des portes des temples, sur les colonnes et les marbres. Ces inscriptions, très nombreuses du temps de Platon, faisaient dire à ce philosophe qu’on pouvait faire un excellent cours de morale en voyageant à pied, si l’on voulait les lire ; les proverbes étant « le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles réduit en formules »
« Un Lettré à la Cour de l’Empereur Ichijô : Ôe no Masahira »

dans « Mélanges offerts à M. Charles Haguenauer, en l’honneur de son quatre-vingtième anniversaire : études japonaises » (éd. L’Asiathèque, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris), p. 369-387
Il s’agit d’Ôe no Masahira 1, le conférencier de l’Empereur du Japon et le plus fécond lettré de son temps (Xe-XIe siècle apr. J.-C.). Ses compositions sont rassemblées dans le « Recueil de l’adjoint du département des rites » (« Kôrihô-shû » 2), recueil de cent trente-trois poésies et trente-huit préfaces, composées par Masahira sur des thèmes imposés soit à l’occasion de cérémonies de la Cour, soit dans des réunions mondaines.
Dès six ans, à l’âge où les enfants chevauchaient des bâtons de bambou, Masahira apprit à lire. Deux ans plus tard, il commença à s’exercer à la poésie chinoise. Son grand-père, qui figurait au nombre des hauts dignitaires, surveillait ses études et l’encourageait : « Tu as, toi, l’étoffe d’un précepteur de l’Empereur », lui disait-il 3, « tu te trouveras sûrement sur le passage d’un roi Bun [un roi cherchant un sage pour ministre] ». L’enfant ajoutait foi à ces paroles ; son esprit s’exaltait. Il tirait son rideau et ne donnait même pas un regard furtif au jardin. Il fermait sa porte et n’accordait nul moment à la marche et aux jeux. Son occupation, c’était l’étude ; sa richesse, c’était le vent et la lune, thèmes de ses compositions. Pauvre, il pouvait à peine endurer les souffrances du froid. Seuls quatre murs composaient sa maison où il avait honte de voir s’enfouir ses livres. Sa vieille mère avait quatre-vingts ans, et il désespérait de n’avoir pas un traitement suffisant pour l’entretenir. « Confucius a dit : celui qui étudie trouve sa récompense dans l’étude. Trompé par ces paroles, dans ma jeunesse, j’ai — lourde faute — aimé les lettres ; c’est exactement comme si j’avais rêvé et perdu ma vie », écrivit le malheureux Masahira 4 après qu’on lui eut refusé à plusieurs reprises le poste qu’il s’était adjugé et qu’il croyait sien. Mais à partir de 1000 apr. J.-C. sa réputation s’établit, et devenu conférencier de l’Empereur, c’est-à-dire chargé de lui commenter certaines œuvres et de lui fournir des textes chinois munis des signes qui permettaient à un Japonais une lecture plus aisée, il présenta à Ichijô-tennô 5 « Le Livre des vers », « Les Mémoires historiques », « L’Œuvre » de Tchouang-tseu, etc.
Michinaga, « Notes journalières. Tome III »
Il s’agit du « Midô kanpakuki » 1 (« Notes journalières », ou littéralement « Notes du grand chancelier de la chapelle ») de Fujiwara no Michinaga 2, ministre qui présida à un des moments les plus brillants du Japon ancien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vraiment mien quand je puis penser que rien ne vient diminuer la plénitude de la lune » 3. L’auteur de ce poème, Michinaga, présenta pendant toute sa vie le spectacle indescriptible d’un homme béni par la fortune. En étalant avec prodigalité son immense fortune dans des dons fastueux aux monastères, il conserva le pouvoir ministériel sous trois Empereurs avant de le transmettre à ses fils. Sans manifester aucun talent particulier, aucun don remarquable, aucun dessein politique neuf ou original, il releva pourtant les rites et la musique à moitié tombés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes lettrées, quelques bons généraux aussi, et de nombreux prêtres. On le vénéra à l’égal d’un bouddha incarné ; sa splendeur inspira les tout premiers ouvrages d’histoire nationale : l’« Eiga monogatari » 4 (« Dit de magnificence ») et l’« Ôkagami » 5 (« Grand Miroir »). « C’est autour de [Michinaga] que se développa cette civilisation originale et extrêmement brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui malheureusement a été limitée à une classe particulière, celle des nobles de la Cour, et à une région très restreinte, celle de la capitale et de ses abords immédiats ; l’ensemble du pays, en dehors des monastères provinciaux, restait plongé dans un état semi-barbare et une grande pauvreté ; …le mauvais état des voies de communication, fort peu développées jusqu’à l’époque moderne, empêchait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Françoise Petit
Michinaga, « Notes journalières. Tome II »
Il s’agit du « Midô kanpakuki » 1 (« Notes journalières », ou littéralement « Notes du grand chancelier de la chapelle ») de Fujiwara no Michinaga 2, ministre qui présida à un des moments les plus brillants du Japon ancien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vraiment mien quand je puis penser que rien ne vient diminuer la plénitude de la lune » 3. L’auteur de ce poème, Michinaga, présenta pendant toute sa vie le spectacle indescriptible d’un homme béni par la fortune. En étalant avec prodigalité son immense fortune dans des dons fastueux aux monastères, il conserva le pouvoir ministériel sous trois Empereurs avant de le transmettre à ses fils. Sans manifester aucun talent particulier, aucun don remarquable, aucun dessein politique neuf ou original, il releva pourtant les rites et la musique à moitié tombés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes lettrées, quelques bons généraux aussi, et de nombreux prêtres. On le vénéra à l’égal d’un bouddha incarné ; sa splendeur inspira les tout premiers ouvrages d’histoire nationale : l’« Eiga monogatari » 4 (« Dit de magnificence ») et l’« Ôkagami » 5 (« Grand Miroir »). « C’est autour de [Michinaga] que se développa cette civilisation originale et extrêmement brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui malheureusement a été limitée à une classe particulière, celle des nobles de la Cour, et à une région très restreinte, celle de la capitale et de ses abords immédiats ; l’ensemble du pays, en dehors des monastères provinciaux, restait plongé dans un état semi-barbare et une grande pauvreté ; …le mauvais état des voies de communication, fort peu développées jusqu’à l’époque moderne, empêchait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Françoise Petit
Michinaga, « Notes journalières. Tome I »
Il s’agit du « Midô kanpakuki » 1 (« Notes journalières », ou littéralement « Notes du grand chancelier de la chapelle ») de Fujiwara no Michinaga 2, ministre qui présida à un des moments les plus brillants du Japon ancien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vraiment mien quand je puis penser que rien ne vient diminuer la plénitude de la lune » 3. L’auteur de ce poème, Michinaga, présenta pendant toute sa vie le spectacle indescriptible d’un homme béni par la fortune. En étalant avec prodigalité son immense fortune dans des dons fastueux aux monastères, il conserva le pouvoir ministériel sous trois Empereurs avant de le transmettre à ses fils. Sans manifester aucun talent particulier, aucun don remarquable, aucun dessein politique neuf ou original, il releva pourtant les rites et la musique à moitié tombés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes lettrées, quelques bons généraux aussi, et de nombreux prêtres. On le vénéra à l’égal d’un bouddha incarné ; sa splendeur inspira les tout premiers ouvrages d’histoire nationale : l’« Eiga monogatari » 4 (« Dit de magnificence ») et l’« Ôkagami » 5 (« Grand Miroir »). « C’est autour de [Michinaga] que se développa cette civilisation originale et extrêmement brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui malheureusement a été limitée à une classe particulière, celle des nobles de la Cour, et à une région très restreinte, celle de la capitale et de ses abords immédiats ; l’ensemble du pays, en dehors des monastères provinciaux, restait plongé dans un état semi-barbare et une grande pauvreté ; …le mauvais état des voies de communication, fort peu développées jusqu’à l’époque moderne, empêchait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Françoise Petit
Michinaga, « Poèmes »
Il s’agit des poèmes de Fujiwara no Michinaga 1, ministre qui présida à un des moments les plus brillants du Japon ancien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vraiment mien quand je puis penser que rien ne vient diminuer la plénitude de la lune » 2. L’auteur de ce poème, Michinaga, présenta pendant toute sa vie le spectacle indescriptible d’un homme béni par la fortune. En étalant avec prodigalité son immense fortune dans des dons fastueux aux monastères, il conserva le pouvoir ministériel sous trois Empereurs avant de le transmettre à ses fils. Sans manifester aucun talent particulier, aucun don remarquable, aucun dessein politique neuf ou original, il releva pourtant les rites et la musique à moitié tombés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes lettrées, quelques bons généraux aussi, et de nombreux prêtres. On le vénéra à l’égal d’un bouddha incarné ; sa splendeur inspira les tout premiers ouvrages d’histoire nationale : l’« Eiga monogatari » 3 (« Dit de magnificence ») et l’« Ôkagami » 4 (« Grand Miroir »). « C’est autour de [Michinaga] que se développa cette civilisation originale et extrêmement brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui malheureusement a été limitée à une classe particulière, celle des nobles de la Cour, et à une région très restreinte, celle de la capitale et de ses abords immédiats ; l’ensemble du pays, en dehors des monastères provinciaux, restait plongé dans un état semi-barbare et une grande pauvreté ; …le mauvais état des voies de communication, fort peu développées jusqu’à l’époque moderne, empêchait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Françoise Petit
Abou-Nowâs, « Le Vin, le Vent, la Vie : choix de poèmes »
Il s’agit d’Abou-Nowâs 1 (VIIIe-IXe siècle apr. J.-C.), poète persan d’expression arabe, « ivrogne, pédéraste, libertin, demi-fou de Hâroun al-Rachîd, aussi connu par ses bons mots et ses facéties, que par ses vers » 2. Il naquit à Ahvaz, d’un père arabe qui le laissa orphelin, et d’une mère persane qui le vendit à un marchand d’épices de Bassorah. L’enfant, cependant, n’avait aucune espèce d’aptitude pour le commerce ; il ne prenait intérêt qu’aux choses de l’esprit et affectionnait particulièrement les belles lettres. Il n’avait qu’un désir : celui d’approcher le poète Wâliba ibn al-Houbab. Or, il advint qu’un jour ce poète libertin et amateur de garçons s’arrêta devant la boutique d’épices et distingua le jeune Abou-Nowâs pour sa mine. Il lui proposa de l’emmener avec lui à Bagdad : « J’ai remarqué en toi les signes non équivoques d’un grand talent qui ne demande qu’à s’épanouir », lui dit-il 3. Plus tard, le bruit de son talent étant parvenu aux oreilles de Hâroun al-Rachîd, ce prince le fit venir à sa Cour, où il le logea et répandit sur lui ses bienfaits. Abou-Nowâs, par ses saillies aussi heureuses que hardies, par son savoir des expressions rares et par le charme de ses poésies, fit les délices de la Cour brillante de ce prince. Al-Jahiz, l’un des hommes les plus érudits de ce temps, disait : « Je ne connais pas à Abou-Nowâs d’égal pour la connaissance de la langue arabe ». Et Abou-Nowâs disait lui-même : « Je n’ai pas dit un vers avant d’avoir étudié soixante poétesses, dont al-Khansâ et Laylâ, et que dire du nombre des poètes ! » 4 Jamais il ne renia, pour autant, ses origines persanes : il se moqua sans retenue de la gloire des Arabes « qui ne sont pas les seuls élus de Dieu » ; il attaqua cet esprit de race, cet orgueil tribal si important dans la poésie arabe, et dont s’armait un Férazdak peu de temps auparavant ; enfin, sa nature raffinée et dissolue refusa de se plier aux mœurs austères du Bédouin « mangeur de lézard et buveur d’eau de puits dans les outres » menant une vie précaire sur une « terre aride peuplée d’hyènes et de chacals »
Abou-Nowâs, « Poèmes bachiques et libertins »
Il s’agit d’Abou-Nowâs 1 (VIIIe-IXe siècle apr. J.-C.), poète persan d’expression arabe, « ivrogne, pédéraste, libertin, demi-fou de Hâroun al-Rachîd, aussi connu par ses bons mots et ses facéties, que par ses vers » 2. Il naquit à Ahvaz, d’un père arabe qui le laissa orphelin, et d’une mère persane qui le vendit à un marchand d’épices de Bassorah. L’enfant, cependant, n’avait aucune espèce d’aptitude pour le commerce ; il ne prenait intérêt qu’aux choses de l’esprit et affectionnait particulièrement les belles lettres. Il n’avait qu’un désir : celui d’approcher le poète Wâliba ibn al-Houbab. Or, il advint qu’un jour ce poète libertin et amateur de garçons s’arrêta devant la boutique d’épices et distingua le jeune Abou-Nowâs pour sa mine. Il lui proposa de l’emmener avec lui à Bagdad : « J’ai remarqué en toi les signes non équivoques d’un grand talent qui ne demande qu’à s’épanouir », lui dit-il 3. Plus tard, le bruit de son talent étant parvenu aux oreilles de Hâroun al-Rachîd, ce prince le fit venir à sa Cour, où il le logea et répandit sur lui ses bienfaits. Abou-Nowâs, par ses saillies aussi heureuses que hardies, par son savoir des expressions rares et par le charme de ses poésies, fit les délices de la Cour brillante de ce prince. Al-Jahiz, l’un des hommes les plus érudits de ce temps, disait : « Je ne connais pas à Abou-Nowâs d’égal pour la connaissance de la langue arabe ». Et Abou-Nowâs disait lui-même : « Je n’ai pas dit un vers avant d’avoir étudié soixante poétesses, dont al-Khansâ et Laylâ, et que dire du nombre des poètes ! » 4 Jamais il ne renia, pour autant, ses origines persanes : il se moqua sans retenue de la gloire des Arabes « qui ne sont pas les seuls élus de Dieu » ; il attaqua cet esprit de race, cet orgueil tribal si important dans la poésie arabe, et dont s’armait un Férazdak peu de temps auparavant ; enfin, sa nature raffinée et dissolue refusa de se plier aux mœurs austères du Bédouin « mangeur de lézard et buveur d’eau de puits dans les outres » menant une vie précaire sur une « terre aride peuplée d’hyènes et de chacals »
« Textes ougaritiques. Tome II. Textes religieux et rituels • Correspondance »
Il s’agit de textes ougaritiques, découverts entre 1929 et 1939. Les fouilles entreprises en 1929, en Syrie du Nord, sur le site de Ras Shamra 1 (« Colline du fenouil »), en mettant au jour les vestiges d’une antique cité — identifiée assez rapidement avec la cité d’Ougarit 2 (XIVe-XIIIe siècle av. J.-C.) — enrichirent, et parfois bouleversèrent, nos connaissances sur l’histoire et la religion sémitiques, en révélant une civilisation, un système d’écriture et une littérature jusqu’alors inconnues. Cette découverte commença, comme ce fut très souvent le cas dans les annales archéologiques, par un coup de hasard. En labourant son champ situé non loin de là, un paysan syrien heurta de sa charrue des dalles à peine cachées sous terre. Quelques semaines plus tard, des archéologues français dépêchés sur place (la Syrie était alors sous mandat français) tenaient en main, sorties d’une couche de cendres et de pierrailles, des tablettes couvertes d’une écriture nette et élégante, une écriture de trente signes — le « cunéiforme alphabétique », le premier et le plus ancien alphabet connu. « Un seul mot s’impose : respect ! », dit M. Bruno Cot 3. « Ici, sur ce sol aride à quelque trois mille kilomètres de la France, s’est épanouie une civilisation plusieurs fois millénaire. Un monde fascinant qui a permis de découvrir le premier alphabet, d’où dériveront, plus tard, le phénicien, puis le grec et le latin ; un monde généreux aussi, puisque de ses entrailles sont issus des milliers de textes qui ont éclairé d’un jour nouveau l’histoire du Proche-Orient ». Ce qui constitue aussi l’immense intérêt de ces textes, ce sont les vives lumières qu’ils jettent sur la Bible hébraïque, avec laquelle ils partagent un fonds culturel commun qu’on appelle « cananéen ». Grâce à eux, les sacrifices, les offrandes, les lamentations et les prières des personnages bibliques sont — pour ainsi dire — des cérémonies auxquelles nous assistons, et qui prennent vie, devant nos yeux, avec une étonnante réalité. « Ainsi, de quelque côté qu’on l’envisage », dit l’archéologue Charles Virolleau 4, « qu’il s’agisse des origines de l’écriture, de la philologie ou de la linguistique sémitique, des croyances des Phéniciens et d’une façon plus générale… des Sémites occidentaux, la découverte des archives de Ras Shamra est assurément l’une des plus considérables qu’on ait faites… dans les pays du Levant, et à bien des égards, elle constitue une sorte de révélation. »
« Textes ougaritiques. Tome I. Mythes et légendes »
Il s’agit de textes ougaritiques, découverts entre 1929 et 1939. Les fouilles entreprises en 1929, en Syrie du Nord, sur le site de Ras Shamra 1 (« Colline du fenouil »), en mettant au jour les vestiges d’une antique cité — identifiée assez rapidement avec la cité d’Ougarit 2 (XIVe-XIIIe siècle av. J.-C.) — enrichirent, et parfois bouleversèrent, nos connaissances sur l’histoire et la religion sémitiques, en révélant une civilisation, un système d’écriture et une littérature jusqu’alors inconnues. Cette découverte commença, comme ce fut très souvent le cas dans les annales archéologiques, par un coup de hasard. En labourant son champ situé non loin de là, un paysan syrien heurta de sa charrue des dalles à peine cachées sous terre. Quelques semaines plus tard, des archéologues français dépêchés sur place (la Syrie était alors sous mandat français) tenaient en main, sorties d’une couche de cendres et de pierrailles, des tablettes couvertes d’une écriture nette et élégante, une écriture de trente signes — le « cunéiforme alphabétique », le premier et le plus ancien alphabet connu. « Un seul mot s’impose : respect ! », dit M. Bruno Cot 3. « Ici, sur ce sol aride à quelque trois mille kilomètres de la France, s’est épanouie une civilisation plusieurs fois millénaire. Un monde fascinant qui a permis de découvrir le premier alphabet, d’où dériveront, plus tard, le phénicien, puis le grec et le latin ; un monde généreux aussi, puisque de ses entrailles sont issus des milliers de textes qui ont éclairé d’un jour nouveau l’histoire du Proche-Orient ». Ce qui constitue aussi l’immense intérêt de ces textes, ce sont les vives lumières qu’ils jettent sur la Bible hébraïque, avec laquelle ils partagent un fonds culturel commun qu’on appelle « cananéen ». Grâce à eux, les sacrifices, les offrandes, les lamentations et les prières des personnages bibliques sont — pour ainsi dire — des cérémonies auxquelles nous assistons, et qui prennent vie, devant nos yeux, avec une étonnante réalité. « Ainsi, de quelque côté qu’on l’envisage », dit l’archéologue Charles Virolleau 4, « qu’il s’agisse des origines de l’écriture, de la philologie ou de la linguistique sémitique, des croyances des Phéniciens et d’une façon plus générale… des Sémites occidentaux, la découverte des archives de Ras Shamra est assurément l’une des plus considérables qu’on ait faites… dans les pays du Levant, et à bien des égards, elle constitue une sorte de révélation. »