Mot-clefart et littérature

Vigny, « Œuvres complètes. Tome V. Les Consultations du Docteur-Noir, part. 1. Stello »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de « Stello » d’Alfred de Vi­gny, poète fran­çais à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les noms de ces deux géants rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses « Poé­sies », mais un as­sez mau­vais drame — « Chat­ter­ton » en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte so­li­tude où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il ? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte cou­leur et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : « [Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion », dé­clare un cri­tique1. « L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa li­berté de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste », ajoute un autre cri­tique2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un homme qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la vie. Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la pen­sée : « Pauvres faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe ! », dit-il3. Et aussi : « J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins ; re­viennent les sou­ve­nirs… ; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour »

  1. Émile Mon­té­gut. Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Haut
  1. « Tome VI. Jour­nal d’un poète », p. 132. Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome IV. Servitude et Grandeur militaires »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de « Ser­vi­tude et Gran­deur mi­li­taires » d’Alfred de Vi­gny, poète fran­çais à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les noms de ces deux géants rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses « Poé­sies », mais un as­sez mau­vais drame — « Chat­ter­ton » en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte so­li­tude où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il ? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte cou­leur et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : « [Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion », dé­clare un cri­tique1. « L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa li­berté de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste », ajoute un autre cri­tique2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un homme qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la vie. Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la pen­sée : « Pauvres faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe ! », dit-il3. Et aussi : « J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins ; re­viennent les sou­ve­nirs… ; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour »

  1. Émile Mon­té­gut. Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Haut
  1. « Tome VI. Jour­nal d’un poète », p. 132. Haut

Vigny, « Œuvres complètes. Tome III. Cinq-Mars, part. 2 »

éd. Ch. Delagrave, Paris

éd. Ch. De­la­grave, Pa­ris

Il s’agit de « Cinq-Mars » d’Alfred de Vi­gny, poète fran­çais à la des­ti­née as­sez triste. Seul — ou presque seul — de tous les ro­man­tiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses dé­marches lit­té­raires. On l’a re­mar­qué sans en rien dire à per­sonne, sans qu’au sur­plus il s’en plai­gnît lui-même. Il était né cinq ans avant Vic­tor Hugo, sept ans après La­mar­tine. Mais tan­dis que les noms de ces deux géants rem­plis­saient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses « Poé­sies », mais un as­sez mau­vais drame — « Chat­ter­ton » en 1835 — qui ti­rait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa re­traite un peu mys­té­rieuse, de sa sainte so­li­tude où il ren­trait aus­si­tôt. À quoi cela tient-il ? À ses dé­fauts d’abord, dont il faut conve­nir. Sou­vent, ses pro­duc­tions manquent de forte cou­leur et de re­lief. Au­cune n’est avor­tée, mais presque toutes sont lan­guis­santes et ma­la­dives. Leur étio­le­ment, comme ce­lui de toutes les gé­né­ra­tions dif­fi­ciles en vase clos, vient de ce qu’elles ont sé­journé trop long­temps dans l’esprit de leur au­teur. Il ne les a créées qu’en s’isolant com­plè­te­ment dans son si­lence, comme dans une tour in­ac­ces­sible : « [Ses] poé­sies sont nées, non comme naissent les belles choses vi­vantes — par une chaude gé­né­ra­tion, mais comme naissent les… choses pré­cieuses et froides, les perles, les co­raux… avec les­quels elles ont de l’affinité — par ag­glu­ti­na­tion, co­hé­sion lente, in­vi­sible conden­sa­tion », dé­clare un cri­tique1. « L’exécution de Vi­gny sou­vent brillante et tou­jours élé­gante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pé­nible et de la­bo­rieux… Et d’une ma­nière gé­né­rale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Mai­son du ber­ger”, sa li­berté de poète est per­pé­tuel­le­ment en­tra­vée par je ne sais quelle hé­si­ta­tion ou quelle im­puis­sance d’artiste », ajoute un autre cri­tique2. Ce­pen­dant, cette hé­si­ta­tion est le fait d’un homme qui se po­sait les ques­tions su­pé­rieures et qui éprou­vait la vie. Et quelle que fût la por­tée — ou mé­diocre ou éle­vée — de son es­prit, cet es­prit vi­vait au moins dans les hautes ré­gions de la pen­sée : « Pauvres faibles que nous sommes, per­dus par le tor­rent des pen­sées et nous ac­cro­chant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous en­ve­loppe ! », dit-il3. Et aussi : « J’allume mes bou­gies et j’écris, mes yeux en sont brû­lés. Je les éteins ; re­viennent les sou­ve­nirs… ; et les larmes, que j’ai la force de ca­cher aux vi­vants dans la jour­née, re­prennent leur cours. En­fin ar­rive la lu­mière du jour »

  1. Émile Mon­té­gut. Haut
  2. Fer­di­nand Bru­ne­tière. Haut
  1. « Tome VI. Jour­nal d’un poète », p. 132. Haut

Hugo, « Les Chants du crépuscule • Les Voix intérieures • Les Rayons et les Ombres »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « Rayons et les Ombres » et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur ? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste ? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette ; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. « Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Dru­mont1. « Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées ; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit. »

  1. « Vic­tor Hugo de­vant l’opinion », p. 104. Haut

Hugo, « Les Orientales • Les Feuilles d’automne »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « Feuilles d’automne » et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur ? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste ? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette ; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. « Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Dru­mont1. « Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées ; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit. »

  1. « Vic­tor Hugo de­vant l’opinion », p. 104. Haut

Hugo, « Odes et Ballades »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « Odes et Bal­lades » et autres œuvres de Vic­tor Hugo (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des écri­vains de langue fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vrai­ment ab­solu à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’histoire lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La cri­tique qui vou­drait dé­mê­ler cette fi­gure ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur ? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste ? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau don Qui­chotte, cet homme est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette ; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au phy­sique et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la mer, com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du so­leil, as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide po­li­tique, tan­tôt chargé d’apitoyer le monde sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la na­ture. Avec sa mort, c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. « Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », dit Édouard Dru­mont1. « Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce gé­nie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées ; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’arbres et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit. »

  1. « Vic­tor Hugo de­vant l’opinion », p. 104. Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome II »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des « Mé­moires d’outre-tombe » de Fran­çois René de Cha­teau­briand, au­teur et po­li­tique fran­çais, père du ro­man­tisme chré­tien. Le mal, le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves »1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne mo­nar­chie, de l’ancienne aris­to­cra­tie, il se plaça contre la Ré­vo­lu­tion fran­çaise, dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la fa­mille de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mé­lan­co­lie mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au sou­ve­nir de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un « large so­leil ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses « Mé­moires d’outre-tombe » entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : « Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la réa­lité dans le néant ; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon ?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rou­gis en [y] pen­sant ». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette vie », écri­vait-il2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune pen­sée ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la re­li­gion chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec cha­leur et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : « Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses en­fants, ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le scep­ti­cisme de mon “Es­sai sur les Ré­vo­lu­tions”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume ; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son em­pri­son­ne­ment. Ces deux voix sor­ties du tom­beau, cette mort qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis de­venu chré­tien »

  1. « Mé­moires d’outre-tombe », liv. XLIII, ch. VIII. Haut
  1. « Études his­to­riques ». Haut

Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Quarto, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Quarto, Pa­ris

Il s’agit des « Mé­moires d’outre-tombe » de Fran­çois René de Cha­teau­briand, au­teur et po­li­tique fran­çais, père du ro­man­tisme chré­tien. Le mal, le grand mal de Cha­teau­briand fut d’être né entre deux siècles, « comme au confluent de deux fleuves »1, et de voir les ca­rac­tères op­po­sés de ces deux siècles se ren­con­trer dans ses opi­nions. Sorti des en­trailles de l’ancienne mo­nar­chie, de l’ancienne aris­to­cra­tie, il se plaça contre la Ré­vo­lu­tion fran­çaise, dès qu’il la vit dans ses pre­mières vio­lences, et il resta roya­liste, sou­vent contre son ins­tinct. Car au fond de lui-même, il était de la race, de la fa­mille de Na­po­léon Bo­na­parte. Même fougue, même éclat, même mé­lan­co­lie mo­derne. Si les Bour­bons avaient mieux ap­pré­cié Cha­teau­briand, il est pos­sible qu’il eût été moins vul­né­rable au sou­ve­nir de l’Empereur de­venu res­plen­dis­sant comme un « large so­leil ». Le pa­ral­lèle qu’il fait dans ses « Mé­moires d’outre-tombe » entre l’Empire et la mo­nar­chie bour­bo­nienne, pour cruel qu’il soit, est l’expression sin­cère de la concep­tion de l’auteur, tel­le­ment plus vraie que celle du po­li­tique : « Re­tom­ber de Bo­na­parte et de l’Empire à ce qui les a sui­vis, c’est tom­ber de la réa­lité dans le néant ; du som­met d’une mon­tagne dans un gouffre. Tout n’est-il pas ter­miné avec Na­po­léon ?… Com­ment nom­mer Louis XVIII en place de l’Empereur ? Je rou­gis en [y] pen­sant ». Triste jusqu’au déses­poir, sans amis et sans es­pé­rance, il était ob­sédé par un passé à ja­mais éva­noui et tombé dans le néant. « Je n’ai plus qu’à m’asseoir sur des ruines et à mé­pri­ser cette vie », écri­vait-il2 en son­geant qu’il était lui-même une ruine en­core plus chan­ce­lante. Au­cune pen­sée ne ve­nait le conso­ler ex­cepté la re­li­gion chré­tienne, à la­quelle il était re­venu avec cha­leur et avec vé­hé­mence. Sa mère et sa sœur avaient eu la plus grande part à cette conver­sion : « Ma mère, après avoir été je­tée à soixante-douze ans dans des ca­chots où elle vit pé­rir une par­tie de ses en­fants, ex­pira en­fin sur un gra­bat, où ses mal­heurs l’avaient re­lé­guée. Le sou­ve­nir de mes éga­re­ments [le scep­ti­cisme de mon “Es­sai sur les Ré­vo­lu­tions”] ré­pan­dit sur ses der­niers jours une grande amer­tume ; elle char­gea, en mou­rant, une de mes sœurs de me rap­pe­ler à cette re­li­gion dans la­quelle j’avais été élevé. Ma sœur me manda le der­nier vœu de ma mère. Quand la lettre me par­vint au-delà des mers, ma sœur elle-même n’existait plus ; elle était morte aussi des suites de son em­pri­son­ne­ment. Ces deux voix sor­ties du tom­beau, cette mort qui ser­vait d’interprète à la mort, m’ont frappé ; je suis de­venu chré­tien »

  1. « Mé­moires d’outre-tombe », liv. XLIII, ch. VIII. Haut
  1. « Études his­to­riques ». Haut

Lucien, « Œuvres. Tome VI »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des « Dia­logues des cour­ti­sanes » (« He­tai­ri­koi Dia­lo­goi »1) et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. « Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays ? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté », dit-il dans « Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur »3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé « Le Songe de Lu­cien »4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : « Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits »5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans « La Double Ac­cu­sa­tion », ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir « élevé » et « in­tro­duit parmi les Grecs », alors qu’« il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare » et por­tant une vi­laine robe orien­tale6.

  1. En grec « Ἑταιρικοὶ Διάλογοι ». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. « Œuvres. Tome II », p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec « Le Rêve, ou le Coq », qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. « Œuvres. Tome I », p. 14-15 & 17. Haut
  3. « Tome IV », p. 469 & 465. Haut

Lucien, « Œuvres. Tome V »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de l’« Apo­lo­gie des por­traits » (« Hy­per tôn ei­ko­nôn »1) et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. « Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays ? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté », dit-il dans « Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur »3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé « Le Songe de Lu­cien »4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : « Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits »5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans « La Double Ac­cu­sa­tion », ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir « élevé » et « in­tro­duit parmi les Grecs », alors qu’« il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare » et por­tant une vi­laine robe orien­tale6.

  1. En grec « Ὑπὲρ τῶν εἰκόνων ». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. « Œuvres. Tome II », p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec « Le Rêve, ou le Coq », qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. « Œuvres. Tome I », p. 14-15 & 17. Haut
  3. « Tome IV », p. 469 & 465. Haut

Lucien, « Œuvres. Tome IV »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit d’« Alexandre, ou le Faux Pro­phète » (« Alexan­dros, ê Pseu­do­man­tis »1) et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. « Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays ? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté », dit-il dans « Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur »3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé « Le Songe de Lu­cien »4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : « Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits »5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans « La Double Ac­cu­sa­tion », ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir « élevé » et « in­tro­duit parmi les Grecs », alors qu’« il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare » et por­tant une vi­laine robe orien­tale6.

  1. En grec « Ἀλέξανδρος, ἢ Ψευδόμαντις ». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. « Œuvres. Tome II », p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec « Le Rêve, ou le Coq », qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. « Œuvres. Tome I », p. 14-15 & 17. Haut
  3. « Tome IV », p. 469 & 465. Haut

Lucien, « Œuvres. Tome III »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de « Pro­mé­thée, ou le Cau­case » (« Pro­mê­theus, ê Kau­ka­sos »1) et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. « Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays ? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté », dit-il dans « Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur »3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé « Le Songe de Lu­cien »4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : « Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits »5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans « La Double Ac­cu­sa­tion », ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir « élevé » et « in­tro­duit parmi les Grecs », alors qu’« il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare » et por­tant une vi­laine robe orien­tale6.

  1. En grec « Προμηθεύς, ἢ Καύκασος ». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. « Œuvres. Tome II », p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec « Le Rêve, ou le Coq », qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. « Œuvres. Tome I », p. 14-15 & 17. Haut
  3. « Tome IV », p. 469 & 465. Haut

Lucien, « Œuvres. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des « Phi­lo­sophes à l’encan » (« Biôn Pra­sis »1, lit­té­ra­le­ment « La Vente des vies ») et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. « Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays ? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté », dit-il dans « Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur »3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé « Le Songe de Lu­cien »4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : « Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits »5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans « La Double Ac­cu­sa­tion », ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir « élevé » et « in­tro­duit parmi les Grecs », alors qu’« il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare » et por­tant une vi­laine robe orien­tale6.

  1. En grec « Βίων Πρᾶσις ». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. « Œuvres. Tome II », p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec « Le Rêve, ou le Coq », qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. « Œuvres. Tome I », p. 14-15 & 17. Haut
  3. « Tome IV », p. 469 & 465. Haut