Mot-clefiranien

Firdousi, « Le Livre des rois. Tome V »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « Livre des rois » (« Schah-na­meh »1) d’Aboulkasim Fir­dousi2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique ; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec « quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France », comme le dit Étienne Qua­tre­mère3. Avec « Le Livre des rois », la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. « L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste », ex­plique Er­nest Re­nan4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. « Ô monde ! », dit l’une d’elles5, « n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après ! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé ? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure. » « Ko­bad », dit une autre6, « n’avait plus que sept mois à vivre ; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité]. »

  1. En per­san « شاهنامه ». Par­fois trans­crit « Shah Namu », « Çah­name », « Chah­namè », « Scheh­name », « Schah-namé », « Schah­nama », « Schah-na­mah », « Shah-na­meh », « Shah Name », « Shah­na­mah », « Shah­nama », « Šāh-nāma », « Šāhnā­mah », « Şeh­name », « Şāh-nāme » ou « Šah-na­meh ». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. « Compte rendu sur “Le Livre des rois” », 1841, p. 398-399. Haut
  1. « Le Schah­na­meh », p. 139. Haut
  2. « Tome I », p. 32. Haut
  3. « Tome VII », p. 287-288. Haut

Firdousi, « Le Livre des rois. Tome IV »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « Livre des rois » (« Schah-na­meh »1) d’Aboulkasim Fir­dousi2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique ; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec « quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France », comme le dit Étienne Qua­tre­mère3. Avec « Le Livre des rois », la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. « L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste », ex­plique Er­nest Re­nan4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. « Ô monde ! », dit l’une d’elles5, « n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après ! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé ? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure. » « Ko­bad », dit une autre6, « n’avait plus que sept mois à vivre ; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité]. »

  1. En per­san « شاهنامه ». Par­fois trans­crit « Shah Namu », « Çah­name », « Chah­namè », « Scheh­name », « Schah-namé », « Schah­nama », « Schah-na­mah », « Shah-na­meh », « Shah Name », « Shah­na­mah », « Shah­nama », « Šāh-nāma », « Šāhnā­mah », « Şeh­name », « Şāh-nāme » ou « Šah-na­meh ». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. « Compte rendu sur “Le Livre des rois” », 1841, p. 398-399. Haut
  1. « Le Schah­na­meh », p. 139. Haut
  2. « Tome I », p. 32. Haut
  3. « Tome VII », p. 287-288. Haut

Attar, « Les Sept Cités de l’amour »

éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris

éd. A. Mi­chel, coll. Spi­ri­tua­li­tés vi­vantes, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du Di­van (Re­cueil de poé­sies) de Fé­rid-ed­din At­tar1 (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Je consi­dère At­tar comme le meilleur poète mys­tique de la Perse. Certes, le nombre des Per­sans qui se sont dis­tin­gués dans le genre est si consi­dé­rable, et plu­sieurs d’entre eux ont ac­quis tant de gloire, que cette opi­nion peut pa­raître ha­sar­dée. Sous le rap­port du choix des pen­sées et de la grâce de l’expression, Djé­lâl-ed-dîn Roûmî ne lui est en rien in­fé­rieur ; mais de toutes les idées de ce cé­lèbre dis­ciple, je dé­fie­rais d’en trou­ver une qui n’appartienne pas à At­tar. Et Roûmî lui-même confesse cette lourde dette quand il dit : « At­tar a par­couru les sept ci­tés de l’Amour, tan­dis que j’en suis tou­jours au tour­nant d’une ruelle »2 ; et en­core : « At­tar fut l’âme du mys­ti­cisme, et Sa­naï fut ses yeux ; je ne fais que suivre leurs traces »3. Fé­rid-ed­din exerça d’abord la pro­fes­sion de par­fu­meur, ainsi que l’indique son sur­nom d’Attar (« qui fa­brique ou qui vend des par­fums »). Il avait une bou­tique très élé­gante, qui at­ti­rait les re­gards du pu­blic et qui flat­tait aussi bien les yeux que l’odorat. Un jour qu’il était as­sis sur le de­vant de sa bou­tique avec l’apparence d’un homme im­por­tant, un fou, ou pour mieux dire, un re­li­gieux très avancé dans la vie spi­ri­tuelle4, vint à sa porte, jeta un re­gard sur les mar­chan­dises qui étaient éta­lées, puis poussa un pro­fond sou­pir. At­tar, étonné, le pria de pas­ser son che­min. « Tu as rai­son », lui ré­pon­dit l’inconnu, « le voyage de l’éternité est fa­cile pour moi. Je ne suis pas em­bar­rassé dans ma marche, car je n’ai au monde que mon froc. Il n’en est mal­heu­reu­se­ment pas ainsi de toi, qui pos­sèdes tant de pré­cieuses mar­chan­dises. Songe donc à te pré­pa­rer à ce voyage. »

  1. En per­san فریدالدین عطار. Par­fois trans­crit Fa­rî­dod­dîn ’At­târ, Fé­ryd-ed­dyn At­thar, Farīd al-Dīn ‘Aṭṭār, Fe­ri­dud­din At­tar, Fa­ri­dud­dine At­tar, Fa­ri­dad­din At­tar ou Fa­rîd-ud-Dîn ‘At­târ. Haut
  2. En per­san

    « هفت شهر عشق راعطار گشت
    ماهنوز اندر خم یک کوچهایم
     ».

    Haut

  1. En per­san

    « عطار روح بود و سنایی دو چشم او
    ما از پی سنایی و عطار آمدیم
     ».

    Haut

  2. Les fous sont re­gar­dés comme des saints dans la Perse et dans l’Inde, et ran­gés parmi les sou­fis. Haut

Firdousi, « Le Livre des rois. Tome III »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « Livre des rois » (« Schah-na­meh »1) d’Aboulkasim Fir­dousi2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique ; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec « quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France », comme le dit Étienne Qua­tre­mère3. Avec « Le Livre des rois », la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. « L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste », ex­plique Er­nest Re­nan4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. « Ô monde ! », dit l’une d’elles5, « n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après ! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé ? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure. » « Ko­bad », dit une autre6, « n’avait plus que sept mois à vivre ; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité]. »

  1. En per­san « شاهنامه ». Par­fois trans­crit « Shah Namu », « Çah­name », « Chah­namè », « Scheh­name », « Schah-namé », « Schah­nama », « Schah-na­mah », « Shah-na­meh », « Shah Name », « Shah­na­mah », « Shah­nama », « Šāh-nāma », « Šāhnā­mah », « Şeh­name », « Şāh-nāme » ou « Šah-na­meh ». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. « Compte rendu sur “Le Livre des rois” », 1841, p. 398-399. Haut
  1. « Le Schah­na­meh », p. 139. Haut
  2. « Tome I », p. 32. Haut
  3. « Tome VII », p. 287-288. Haut

Firdousi, « Le Livre des rois. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « Livre des rois » (« Schah-na­meh »1) d’Aboulkasim Fir­dousi2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique ; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec « quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France », comme le dit Étienne Qua­tre­mère3. Avec « Le Livre des rois », la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. « L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste », ex­plique Er­nest Re­nan4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. « Ô monde ! », dit l’une d’elles5, « n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après ! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé ? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure. » « Ko­bad », dit une autre6, « n’avait plus que sept mois à vivre ; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité]. »

  1. En per­san « شاهنامه ». Par­fois trans­crit « Shah Namu », « Çah­name », « Chah­namè », « Scheh­name », « Schah-namé », « Schah­nama », « Schah-na­mah », « Shah-na­meh », « Shah Name », « Shah­na­mah », « Shah­nama », « Šāh-nāma », « Šāhnā­mah », « Şeh­name », « Şāh-nāme » ou « Šah-na­meh ». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. « Compte rendu sur “Le Livre des rois” », 1841, p. 398-399. Haut
  1. « Le Schah­na­meh », p. 139. Haut
  2. « Tome I », p. 32. Haut
  3. « Tome VII », p. 287-288. Haut

Tarsusi, « Alexandre le Grand en Iran : le “Dârâb Nâmeh” »

éd. de Boccard, coll. Persika, Paris

éd. de Boc­card, coll. Per­sika, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Livre de Dâ­râb » (« Dâ­râb Nâ­meh »1) d’Abu Tâ­her Tar­susi2, col­lec­tion in­di­geste et confuse de lé­gendes per­sanes sur Alexandre le Grand (XIe-XIIe siècle). Bien que le titre de cette col­lec­tion fasse ré­fé­rence au roi perse Dâ­râb (c’est-à-dire Da­rius), au­quel est consa­cré le pre­mier tiers du livre, il s’agit, pour les deux autres tiers, d’un ro­man d’Alexandre le Grand ; car, dans le « Livre de Dâ­râb », ce vain­queur des na­tions est fils de Dâ­râb, et non de Phi­lippe II, ce qui fait de lui un hé­ri­tier lé­gi­time des rois perses. Par ailleurs, in­dé­pen­dam­ment des ori­gines que le « Livre de Dâ­râb » lui prête, il est constam­ment éclipsé par sa femme, l’Iranienne Bu­rân­do­kht. « L’inclusion d’Alexandre dans la li­gnée lé­gi­time des rois perses a été ex­pli­quée comme une fa­çon de sau­ve­gar­der et de ma­gni­fier l’identité na­tio­nale, sous la do­mi­na­tion arabe », rap­pelle Mme Ève Feuille­bois-Pie­ru­nek3. On ne pos­sède au­cun ren­sei­gne­ment sur l’auteur. Son nom de re­la­tion, Tar­susi, et sa va­riante, Tar­tusi, ont donné lieu à dif­fé­rentes conjec­tures. Cer­tains ont dit que ce com­pi­la­teur in­fa­ti­gable de lé­gendes au­rait émi­gré de la Perse au Proche-Orient, à Tarse (dans l’actuelle Tur­quie) ou alors à Tar­tous (dans l’actuelle Sy­rie). D’autres ont dit qu’il au­rait fait le che­min in­verse. Le cadre de son « Livre de Dâ­râb » est em­prunté au cha­pitre consa­cré à Alexandre dans « Le Livre des rois » de Fir­dousi ; mais il est rem­pli et en­flé par une masse énorme de tra­di­tions se­con­daires, qui nous trans­portent en pleine dé­ca­dence, et où le cé­lèbre conqué­rant est fi­guré tour à tour comme ins­truit ou igno­rant, brave ou pol­tron, pro­phète mu­sul­man ou fils ro­main. De toute évi­dence, ne pou­vant pas ou ne vou­lant pas consul­ter les his­to­rio­graphes grecs et la­tins, Tar­susi s’est borné à re­cueillir les fables in­di­gènes, sans se mettre en peine de re­cher­cher si elles of­fraient ou non un ca­rac­tère de vé­rité et de co­hé­rence. Il n’a tenu au­cun compte de la chro­no­lo­gie. Des lam­beaux de contes po­pu­laires ont été réunis bout à bout, sans choix, sans exa­men. Des pays, sé­pa­rés dans la réa­lité par de grandes aires géo­gra­phiques, ont été mê­lés en­semble d’une fa­çon ab­surde. Se­lon un pas­sage, Alexandre, aban­donné par sa mère, est re­cueilli par « Aris­tote le Ro­main » qui vit en sa­vant as­cète dans la mon­tagne d’Altın (« or » en turc), au pied de la­quelle se trouve la ville d’Alexandrette qui donne son nom… à Alexandre. Se­lon un autre pas­sage, Alexandre fait un jour en­chaî­ner et en­fer­mer Aris­tote ; alors, une prière que ce­lui-ci adresse à Al­lah a pour ef­fet im­mé­diat de faire ou­blier à Alexandre toutes les connais­sances qu’il pos­sède, au point « qu’après cela, il ne put lire un seul mot sur une feuille de pa­pier ni in­ter­pré­ter un seul rêve »4. Tels sont quelques-uns des contes de bas étage qui com­posent cet ou­vrage, et que l’espace ne me per­met pas d’énumérer.

  1. En per­san « داراب‌‌نامه ». Par­fois trans­crit « Dārāb-nāme » ou « Da­rab-nama ». Haut
  2. En per­san ابوطاهر طرسوسی. Par­fois trans­crit Abū Ṭā­hir Ṭarsūsī. Haut
  1. « Les Fi­gures d’Alexandre dans la lit­té­ra­ture per­sane ». Haut
  2. p. 132. Haut

Firdousi, « Le Livre des rois. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du « Livre des rois » (« Schah-na­meh »1) d’Aboulkasim Fir­dousi2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique ; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec « quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France », comme le dit Étienne Qua­tre­mère3. Avec « Le Livre des rois », la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. « L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste », ex­plique Er­nest Re­nan4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. « Ô monde ! », dit l’une d’elles5, « n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après ! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé ? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure. » « Ko­bad », dit une autre6, « n’avait plus que sept mois à vivre ; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité]. »

  1. En per­san « شاهنامه ». Par­fois trans­crit « Shah Namu », « Çah­name », « Chah­namè », « Scheh­name », « Schah-namé », « Schah­nama », « Schah-na­mah », « Shah-na­meh », « Shah Name », « Shah­na­mah », « Shah­nama », « Šāh-nāma », « Šāhnā­mah », « Şeh­name », « Şāh-nāme » ou « Šah-na­meh ». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. « Compte rendu sur “Le Livre des rois” », 1841, p. 398-399. Haut
  1. « Le Schah­na­meh », p. 139. Haut
  2. « Tome I », p. 32. Haut
  3. « Tome VII », p. 287-288. Haut

« Anthologie de la poésie persane (XIe-XXe siècle) »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie per­sane (XIe-XXe siècle). La poé­sie est le ta­lent propre et par­ti­cu­lier des Per­sans, et la par­tie de leur lit­té­ra­ture où ils ex­cellent : la vi­va­cité de leur ima­gi­na­tion, la po­li­tesse de leurs mœurs, la dou­ceur de leur langue, telles sont peut-être les causes de leur fé­con­dité poé­tique. Un homme qui ne sait pas un mot de per­san ne lais­sera pas, en en­ten­dant ré­ci­ter des vers per­sans, d’être épris du son et de la ca­dence qui y est très sen­sible. Al­lez en Iran, par­lez aux gens dans la rue, aux bou­chers, aux mar­chands ; ils fe­ront en­trer dans leur ré­ponse des tour­nures qui suf­fi­ront à vous plon­ger dans une rê­ve­rie pro­fonde. Comme dit Hâ­fez :

« Le se­cret de Dieu que le gnos­tique pè­le­rin ne dit à per­sonne,
Je suis stu­pé­fait, ne sa­chant d’où le mar­chand de vin l’a en­tendu
 »1.

Si les belles-lettres de l’islam comptent parmi les plus re­mar­quables du monde, c’est avant tout grâce au gé­nie ira­nien. Les pre­miers maîtres dans l’art de la gram­maire étaient d’origine per­sane, même s’ils avaient passé leur jeu­nesse dans la pra­tique de la langue arabe. Tous les sa­vants mu­sul­mans qui ont traité des prin­cipes fon­da­men­taux de la science, tous ceux qui se sont dis­tin­gués dans la ju­ris­pru­dence, et la plu­part de ceux qui ont cultivé l’exégèse co­ra­nique, ap­par­te­naient à la race per­sane ou s’étaient as­si­mi­lés aux Per­sans par les ma­nières et par l’éducation. Cela suf­fit pour dé­mon­trer la vé­rité de la pa­role at­tri­buée au pro­phète Ma­ho­met : « Si la science était sus­pen­due au haut du ciel, il y au­rait des gens parmi les Per­sans pour s’en em­pa­rer »2. Comme dit Jan Rypka : « Les Ira­niens sont les Fran­çais de l’Orient. Chez les uns comme chez les autres, la pro­duc­tion lit­té­raire et ar­tis­tique pré­sente une éten­due et une va­leur in­ap­pré­ciables…

  1. « Le Di­van : œuvre ly­rique d’un spi­ri­tuel en Perse au XIVe siècle », p. 639. Haut
  1. Dans Ibn Khal­doun, « Pro­lé­go­mènes ». Haut

« Les Premiers Poètes persans (IXe-Xe siècle) : fragments »

éd. Département d’iranologie de l’Institut franco-iranien-Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, Téhéran-Paris

éd. Dé­par­te­ment d’iranologie de l’Institut franco-ira­nien-Li­brai­rie d’Amérique et d’Orient A. Mai­son­neuve, Té­hé­ran-Pa­ris

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie per­sane (IXe-Xe siècle). La poé­sie est le ta­lent propre et par­ti­cu­lier des Per­sans, et la par­tie de leur lit­té­ra­ture où ils ex­cellent : la vi­va­cité de leur ima­gi­na­tion, la po­li­tesse de leurs mœurs, la dou­ceur de leur langue, telles sont peut-être les causes de leur fé­con­dité poé­tique. Un homme qui ne sait pas un mot de per­san ne lais­sera pas, en en­ten­dant ré­ci­ter des vers per­sans, d’être épris du son et de la ca­dence qui y est très sen­sible. Al­lez en Iran, par­lez aux gens dans la rue, aux bou­chers, aux mar­chands ; ils fe­ront en­trer dans leur ré­ponse des tour­nures qui suf­fi­ront à vous plon­ger dans une rê­ve­rie pro­fonde. Comme dit Hâ­fez :

« Le se­cret de Dieu que le gnos­tique pè­le­rin ne dit à per­sonne,
Je suis stu­pé­fait, ne sa­chant d’où le mar­chand de vin l’a en­tendu
 »1.

Si les belles-lettres de l’islam comptent parmi les plus re­mar­quables du monde, c’est avant tout grâce au gé­nie ira­nien. Les pre­miers maîtres dans l’art de la gram­maire étaient d’origine per­sane, même s’ils avaient passé leur jeu­nesse dans la pra­tique de la langue arabe. Tous les sa­vants mu­sul­mans qui ont traité des prin­cipes fon­da­men­taux de la science, tous ceux qui se sont dis­tin­gués dans la ju­ris­pru­dence, et la plu­part de ceux qui ont cultivé l’exégèse co­ra­nique, ap­par­te­naient à la race per­sane ou s’étaient as­si­mi­lés aux Per­sans par les ma­nières et par l’éducation. Cela suf­fit pour dé­mon­trer la vé­rité de la pa­role at­tri­buée au pro­phète Ma­ho­met : « Si la science était sus­pen­due au haut du ciel, il y au­rait des gens parmi les Per­sans pour s’en em­pa­rer »2. Comme dit Jan Rypka : « Les Ira­niens sont les Fran­çais de l’Orient. Chez les uns comme chez les autres, la pro­duc­tion lit­té­raire et ar­tis­tique pré­sente une éten­due et une va­leur in­ap­pré­ciables…

  1. « Le Di­van : œuvre ly­rique d’un spi­ri­tuel en Perse au XIVe siècle », p. 639. Haut
  1. Dans Ibn Khal­doun, « Pro­lé­go­mènes ». Haut

Hamadhânî, « Le Livre des vagabonds : séances d’un beau parleur impénitent »

éd. Phébus, coll. Domaine arabe, Paris

éd. Phé­bus, coll. Do­maine arabe, Pa­ris

Il s’agit des « Ma­qâ­mât »1 (« Séances ») de Ha­madhânî2 (Xe siècle apr. J.-C.), lit­té­ra­teur per­san d’expression arabe, éga­le­ment connu sous le sur­nom de Badî‘ al-Za­mân3 (« le mi­racle de son siècle »). Les « Ma­qâ­mât » sont des al­lo­cu­tions d’apparat ou joutes d’éloquence, des acro­ba­ties poé­tiques ou pres­ti­di­gi­ta­tions lexi­co­gra­phiques, que pra­ti­quaient en­semble les gens de lettres. Cette ma­nière de briller, dans les cercles et les com­pa­gnies, par des pièces en vers et en prose était aussi fré­quente parmi les Orien­taux, qu’elle l’avait été au­tre­fois chez les Athé­niens, et qu’elle le sera plus tard dans les sa­lons mon­dains de Pa­ris. Les Orien­taux ont plu­sieurs de ces « Ma­qâ­mât », qui passent parmi eux pour des chefs-d’œuvre du bel es­prit et du beau style. Ha­madhânî a été le pre­mier à en pu­blier. Ha­rîrî l’a imité et, de l’avis gé­né­ral, sur­passé ; en sorte que M. René Riz­qal­lah Kha­wam, tra­duc­teur arabe, dit que « le livre de Ha­rîrî est sans doute, aux cô­tés des “Mille et une Nuits”, la meilleure in­tro­duc­tion que nous sa­chions aux mys­tères de l’âme arabe, et aux se­crets de l’arme qu’elle a tou­jours pri­vi­lé­giée : la pa­role »4. Il n’est pas pos­sible, en ef­fet, de pé­né­trer et d’approfondir les fi­nesses de la langue arabe sans l’étude préa­lable de ces « Ma­qâ­mât », sortes d’écrins mer­veilleux de la rhé­to­rique mu­sul­mane. Le ca­ne­vas sur le­quel Ha­madhânî et Ha­rîrî ont brodé ces com­po­si­tions est un des plus ori­gi­naux de la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. C’est la sé­rie des mé­ta­mor­phoses et des tra­ves­tis­se­ments d’un men­diant let­tré, sorte de co­quin éhonté, aussi exercé en sub­ti­li­tés gram­ma­ti­cales qu’en es­cro­que­ries, ne fai­sant ser­vir sa science lit­té­raire qu’à ex­tor­quer quelque au­mône, et payant ses dî­ners en bons mots et en ti­rades dé­nuées de points dia­cri­tiques. Tour à tour imam ou pè­le­rin, mar­chand am­bu­lant ou faux mé­de­cin, aveugle ou pied-bot, ri­gide cen­seur ou vo­leur avide, il sait re­tour­ner sa veste et contre­faire sa voix, gri­mer sa fi­gure et far­der son es­prit, chan­ger ses mé­tiers et va­rier ses prin­cipes se­lon la cir­cons­tance. « Aujourd’hui ver­tueux et dé­vot, il édi­fie par son hu­mi­lité ceux que la veille il scan­da­li­sait par son cy­nisme ef­fronté », dit Au­guste Cher­bon­neau5. « Tan­tôt re­vêtu de haillons, il vante la vie fru­gale et prêche la cha­rité ; tan­tôt paré des ha­bits de l’opulence, il chante la bonne chère et les joyeux plai­sirs. Vi­vant d’artifices… il raille les sots, dupe les âmes cré­dules, et par­vient tou­jours à mettre les rieurs de son côté. »

  1. En arabe « مقامات ». Par­fois trans­crit « Me­qâ­mât », « Mé­ka­mat », « Mé­ca­mat », « Mo­ca­mat », « Ma­qua­mates », « Ma­quâmes », « Ma­ca­mat » ou « Maḳāmāt ». Haut
  2. En per­san همدانی. Par­fois trans­crit Ha­ma­dâny ou Ha­madānī. Haut
  3. En per­san بدیع‌الزمان. Par­fois trans­crit Bédi-al­zé­man, Badi uz-Za­man, Bady-l-ze­mân, Badī‘ az-Zamān ou Badî al-Za­mâne. Haut
  1. « Pré­face au “Livre des ma­lins : séances d’un va­ga­bond de gé­nie” de Ha­rîrî », p. 10. Haut
  2. « Pré­face à “Ex­trait des Mé­ka­mat de Ha­riri. XXXe séance : la noce des men­diants” », p. IV. Haut

Bâyazîd, « Les Dits, “Shatahât” »

éd. Fayard, coll. L’Espace intérieur, Paris

éd. Fayard, coll. L’Espace in­té­rieur, Pa­ris

Il s’agit des « Dits ex­ta­tiques » (« Sha­ta­hât »1) de Bâyazîd Bis­tâmî2, l’un des pre­miers sou­fis de la Perse, et aussi l’un des plus cé­lèbres (IXe siècle apr. J.-C.). Cet homme so­li­taire at­tei­gnit le plus haut de­gré du sou­fisme, c’est-à-dire l’union mys­tique avec Dieu, au point qu’il di­sait être de­venu Dieu Lui-même : « Je me suis dé­pouillé de mon “moi” comme la vi­père de sa peau. Puis je me suis re­gardé : j’étais Lui »3. Et plus loin : « Louange à moi, louange à moi ! je suis [le] Sei­gneur Très-Haut »4 (« Sub­hânî, sub­hânî ! mâ a’zam sha’nî »5). Ces pa­roles au­da­cieuses, qu’il faut prendre au sens al­lé­go­rique, faillirent lui coû­ter la vie ; elles coû­te­ront celle de Hal­lâj. Un maître soufi et un contem­po­rain de Bâyazîd, Ju­nayd Bagh­dâdî, les tra­duira en arabe, langue dans la­quelle elles sont par­ve­nues jusqu’à nous. La re­cherche du dé­pouille­ment se ma­ni­fes­tait chez Bâyazîd par le re­non­ce­ment au monde et par la su­bli­ma­tion des actes spi­ri­tuels tels que la mé­di­ta­tion. Chaque fois qu’il sou­hai­tait mé­di­ter, Bâyazîd s’enfermait dans sa mai­son et en bou­chait tous les ori­fices, pour qu’aucun bruit n’y pé­né­trât. Si, mal­gré tout, quelque cu­rieux frap­pait à sa porte, il criait : « Qui cherches-tu ? — Bâyazîd Bis­tâmî. — Mon en­fant, Bâyazîd Bis­tâmî cherche Bâyazîd Bis­tâmî de­puis qua­rante ans »6. Comme on ne le voyait ja­mais aux cé­ré­mo­nies ni aux ré­cep­tions, on le lui re­pro­cha : « Ja­dis, les saints ren­daient vi­site aux ma­lades, as­sis­taient aux fu­né­railles et al­laient pré­sen­ter leurs condo­léances ». À quoi il ré­pon­dit : « Ils agis­saient ainsi gui­dés par leur rai­son ; ils ne sont pas comme moi qui suis dé­pos­sédé de ma rai­son »7. On lui de­manda d’où lui ve­nait l’état de bon­heur, dans le­quel il se trou­vait : « J’ai ras­sem­blé toutes les né­ces­si­tés de la vie, je les ai fa­go­tées avec la corde du conten­te­ment… et je les ai lan­cées dans l’océan du déses­poir. Alors, je fus sou­lagé »

  1. En arabe « شطحات ». Par­fois trans­crit « Šaṭaḥāt » ou « Cha­ta­hât ». Haut
  2. En per­san بایزید بسطامی. Au­tre­fois trans­crit Baei­zeed Bas­tamy, Baya­zid Bus­tami, Bayé­zid Bis­thâmî, Báya­zyd Bistámy, Baye­zid-Bes­tamy ou Bāyazīd Besṭāmī. En arabe Abû Yazîd Bis­tâmî (أبو يزيد البسطامي). Au­tre­fois trans­crit Abu Ie­zid al Bas­thami, Abu Ya­zid al Bas­tami, Abou-Ye­zid-al-Bos­tami ou Abû-Jezîd el-Bes­thâmî. Haut
  3. p. 59. Haut
  4. p. 44. Haut
  1. En arabe « سبحاني سبحاني ما أعظم شأني ». Haut
  2. p. 40. Haut
  3. p. 89. Haut

« Les Paroles remarquables, les Bons Mots et les Maximes des Orientaux »

éd. Maisonneuve et Larose, coll. Dédale, Paris

éd. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Dé­dale, Pa­ris

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes arabes, per­sans et turcs. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété ; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. « S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive », dit Pierre-Ma­rie Qui­tard1, « ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés ; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité. » La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : « Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes »2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc ; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : « C’est du ciel », dit Ju­vé­nal3, « que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours. » C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire ; les pro­verbes étant « le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules »

  1. « Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial », p. 2. Haut
  2. « Livre de l’Ecclésiastique », XXXIX, 1-3. Haut
  1. « Sa­tires », poème XI, v. 27-28. Haut

Hallâj, « Recueil du “Dîwân” • Hymnes et Prières • Sentences prophétiques et philosophiques »

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Islam, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-Is­lam, Pa­ris

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, mys­tique et poète per­san d’expression arabe, plus connu sous le sur­nom de Hal­lâj1 (« car­deur de co­ton »). « Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la vé­rité d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en sou­ve­nir du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre », ex­plique Louis Mas­si­gnon2. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec Dieu, et pour avoir dit de­vant tout le monde, sous l’empire de l’extase : « Je suis la sou­ve­raine Vé­rité » (« Anâ al-Haqq »3), c’est-à-dire « Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est moi »4, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : « illu­sion, illu­sion », jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la nuit fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : « vé­rité, vé­rité »5. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : « As-tu avec toi ton ta­pis de prière ? — Oui. — Étends-le-moi »6. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du Co­ran : « Toute âme goû­tera la mort… car qu’est-ce que la vie ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés ? »7 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

« Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
 »

  1. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Haut
  2. « La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I », p. 142. Haut
  3. En arabe « اناالحق ». Par­fois trans­crit « Ana al­hakk », « Ana’l Hagg » ou « En el-Hak ». Haut
  4. « Re­cueil du “Dîwân” », p. 129. Haut
  1. Dans Louis Mas­si­gnon, « La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I », p. 620. Haut
  2. Dans id. p. 649. Haut
  3. III, 185. Haut