Mot-cleflittérature épistolaire

Graffigny, «Correspondance. Tome IV. Lettres 491-635 (30 novembre 1742-2 janvier 1744)»

éd. Voltaire Foundation-Taylor Institution, Oxford

éd. Vol­taire Foun­da­tion-Tay­lor Ins­ti­tu­tion, Ox­ford

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Fran­çoise de Graf­fi­gny 1, femme de lettres fran­çaise (XVIIIe siècle), dont le bel es­prit et l’élégance du style firent dirent à un cri­tique 2 «qu’elle fai­sait in­fi­dé­lité à son sexe, en usur­pant les ta­lents du nôtre». Née Fran­çoise d’Happoncourt, elle fut ma­riée — ou pour mieux dire — sa­cri­fiée à Fran­çois Hu­guet de Graf­fi­gny, homme em­porté, ja­loux et ex­trê­me­ment violent. Dès les pre­mières an­nées de vie conju­gale, elle se vit ex­po­sée aux mé­pris et aux in­sultes; des in­jures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant par­ve­nue à la po­lice, il y eut ordre d’emprisonner cet homme bru­tal qui, si­tôt re­lâ­ché, fit suivre ses pre­miers ex­cès par quan­tité d’autres. Il lui ar­riva plu­sieurs fois de ter­ras­ser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme per­dit tous ses en­fants en bas âge et eut beau­coup à souf­frir; la lettre sui­vante le montre as­sez : «Mon cher père», y dit Graf­fi­gny 3, «je suis obli­gée dans l’extrémité où je me trouve de vous sup­plier de ne me point aban­don­ner et de m’envoyer au plus vite cher­cher par M. de Ra­ré­court, car je suis en grand dan­ger et suis toute bri­sée de coups. Je me jette à votre mi­sé­ri­corde et vous prie que ce soit bien vite». Après avoir pen­dant de longues an­nées donné des preuves d’une pa­tience hé­roïque, elle par­vint à ob­te­nir une sé­pa­ra­tion ju­ri­dique. Li­bé­rée des hor­ribles chaînes qu’elle avait trop long­temps por­tées, elle vint à Pa­ris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de mal­heurs et de désa­gré­ments, et ce fut dans ces mal­heurs qu’elle puisa le sen­ti­ment d’une im­mense tris­tesse, d’une mé­lan­co­lie de tous les ins­tants qui ca­rac­té­risa son ro­man «Lettres d’une Pé­ru­vienne» : «Il ne me reste», y dit-elle 4, «que la triste conso­la­tion de [vous] peindre mes dou­leurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur don­ner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir! Je vou­drais les tra­cer sur le plus dur mé­tal, sur les murs de ma chambre, sur mes ha­bits, sur tout ce qui m’environne, et les ex­pri­mer dans toutes les langues». Mais ce ro­man et un ou deux autres qu’elle écri­vit n’égalèrent ja­mais tout à fait ce­lui de sa vie; et plus en­core que dans les «Lettres d’une Pé­ru­vienne», les lec­teurs trou­ve­ront de l’intérêt dans les mil­liers de lettres qui consti­tuent sa vé­ri­table «Cor­res­pon­dance».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Gra­fi­gny, Gra­fi­gni et Graf­fi­gni. Haut
  2. Étienne-Guillaume Co­lombe. Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 1. Haut
  2. «Lettres d’une Pé­ru­vienne», p. 155. Haut

Graffigny, «Correspondance. Tome III. Lettres 309-490 (1er octobre 1740-27 novembre 1742)»

éd. Voltaire Foundation-Taylor Institution, Oxford

éd. Vol­taire Foun­da­tion-Tay­lor Ins­ti­tu­tion, Ox­ford

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Fran­çoise de Graf­fi­gny 1, femme de lettres fran­çaise (XVIIIe siècle), dont le bel es­prit et l’élégance du style firent dirent à un cri­tique 2 «qu’elle fai­sait in­fi­dé­lité à son sexe, en usur­pant les ta­lents du nôtre». Née Fran­çoise d’Happoncourt, elle fut ma­riée — ou pour mieux dire — sa­cri­fiée à Fran­çois Hu­guet de Graf­fi­gny, homme em­porté, ja­loux et ex­trê­me­ment violent. Dès les pre­mières an­nées de vie conju­gale, elle se vit ex­po­sée aux mé­pris et aux in­sultes; des in­jures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant par­ve­nue à la po­lice, il y eut ordre d’emprisonner cet homme bru­tal qui, si­tôt re­lâ­ché, fit suivre ses pre­miers ex­cès par quan­tité d’autres. Il lui ar­riva plu­sieurs fois de ter­ras­ser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme per­dit tous ses en­fants en bas âge et eut beau­coup à souf­frir; la lettre sui­vante le montre as­sez : «Mon cher père», y dit Graf­fi­gny 3, «je suis obli­gée dans l’extrémité où je me trouve de vous sup­plier de ne me point aban­don­ner et de m’envoyer au plus vite cher­cher par M. de Ra­ré­court, car je suis en grand dan­ger et suis toute bri­sée de coups. Je me jette à votre mi­sé­ri­corde et vous prie que ce soit bien vite». Après avoir pen­dant de longues an­nées donné des preuves d’une pa­tience hé­roïque, elle par­vint à ob­te­nir une sé­pa­ra­tion ju­ri­dique. Li­bé­rée des hor­ribles chaînes qu’elle avait trop long­temps por­tées, elle vint à Pa­ris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de mal­heurs et de désa­gré­ments, et ce fut dans ces mal­heurs qu’elle puisa le sen­ti­ment d’une im­mense tris­tesse, d’une mé­lan­co­lie de tous les ins­tants qui ca­rac­té­risa son ro­man «Lettres d’une Pé­ru­vienne» : «Il ne me reste», y dit-elle 4, «que la triste conso­la­tion de [vous] peindre mes dou­leurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur don­ner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir! Je vou­drais les tra­cer sur le plus dur mé­tal, sur les murs de ma chambre, sur mes ha­bits, sur tout ce qui m’environne, et les ex­pri­mer dans toutes les langues». Mais ce ro­man et un ou deux autres qu’elle écri­vit n’égalèrent ja­mais tout à fait ce­lui de sa vie; et plus en­core que dans les «Lettres d’une Pé­ru­vienne», les lec­teurs trou­ve­ront de l’intérêt dans les mil­liers de lettres qui consti­tuent sa vé­ri­table «Cor­res­pon­dance».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Gra­fi­gny, Gra­fi­gni et Graf­fi­gni. Haut
  2. Étienne-Guillaume Co­lombe. Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 1. Haut
  2. «Lettres d’une Pé­ru­vienne», p. 155. Haut

Graffigny, «Correspondance. Tome II. Lettres 145-308 (19 juin 1739-24 septembre 1740)»

éd. Voltaire Foundation-Taylor Institution, Oxford

éd. Vol­taire Foun­da­tion-Tay­lor Ins­ti­tu­tion, Ox­ford

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Fran­çoise de Graf­fi­gny 1, femme de lettres fran­çaise (XVIIIe siècle), dont le bel es­prit et l’élégance du style firent dirent à un cri­tique 2 «qu’elle fai­sait in­fi­dé­lité à son sexe, en usur­pant les ta­lents du nôtre». Née Fran­çoise d’Happoncourt, elle fut ma­riée — ou pour mieux dire — sa­cri­fiée à Fran­çois Hu­guet de Graf­fi­gny, homme em­porté, ja­loux et ex­trê­me­ment violent. Dès les pre­mières an­nées de vie conju­gale, elle se vit ex­po­sée aux mé­pris et aux in­sultes; des in­jures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant par­ve­nue à la po­lice, il y eut ordre d’emprisonner cet homme bru­tal qui, si­tôt re­lâ­ché, fit suivre ses pre­miers ex­cès par quan­tité d’autres. Il lui ar­riva plu­sieurs fois de ter­ras­ser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme per­dit tous ses en­fants en bas âge et eut beau­coup à souf­frir; la lettre sui­vante le montre as­sez : «Mon cher père», y dit Graf­fi­gny 3, «je suis obli­gée dans l’extrémité où je me trouve de vous sup­plier de ne me point aban­don­ner et de m’envoyer au plus vite cher­cher par M. de Ra­ré­court, car je suis en grand dan­ger et suis toute bri­sée de coups. Je me jette à votre mi­sé­ri­corde et vous prie que ce soit bien vite». Après avoir pen­dant de longues an­nées donné des preuves d’une pa­tience hé­roïque, elle par­vint à ob­te­nir une sé­pa­ra­tion ju­ri­dique. Li­bé­rée des hor­ribles chaînes qu’elle avait trop long­temps por­tées, elle vint à Pa­ris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de mal­heurs et de désa­gré­ments, et ce fut dans ces mal­heurs qu’elle puisa le sen­ti­ment d’une im­mense tris­tesse, d’une mé­lan­co­lie de tous les ins­tants qui ca­rac­té­risa son ro­man «Lettres d’une Pé­ru­vienne» : «Il ne me reste», y dit-elle 4, «que la triste conso­la­tion de [vous] peindre mes dou­leurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur don­ner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir! Je vou­drais les tra­cer sur le plus dur mé­tal, sur les murs de ma chambre, sur mes ha­bits, sur tout ce qui m’environne, et les ex­pri­mer dans toutes les langues». Mais ce ro­man et un ou deux autres qu’elle écri­vit n’égalèrent ja­mais tout à fait ce­lui de sa vie; et plus en­core que dans les «Lettres d’une Pé­ru­vienne», les lec­teurs trou­ve­ront de l’intérêt dans les mil­liers de lettres qui consti­tuent sa vé­ri­table «Cor­res­pon­dance».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Gra­fi­gny, Gra­fi­gni et Graf­fi­gni. Haut
  2. Étienne-Guillaume Co­lombe. Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 1. Haut
  2. «Lettres d’une Pé­ru­vienne», p. 155. Haut

Graffigny, «Correspondance. Tome I. Lettres 1-144 (1716-17 juin 1739)»

éd. Voltaire Foundation-Taylor Institution, Oxford

éd. Vol­taire Foun­da­tion-Tay­lor Ins­ti­tu­tion, Ox­ford

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Fran­çoise de Graf­fi­gny 1, femme de lettres fran­çaise (XVIIIe siècle), dont le bel es­prit et l’élégance du style firent dirent à un cri­tique 2 «qu’elle fai­sait in­fi­dé­lité à son sexe, en usur­pant les ta­lents du nôtre». Née Fran­çoise d’Happoncourt, elle fut ma­riée — ou pour mieux dire — sa­cri­fiée à Fran­çois Hu­guet de Graf­fi­gny, homme em­porté, ja­loux et ex­trê­me­ment violent. Dès les pre­mières an­nées de vie conju­gale, elle se vit ex­po­sée aux mé­pris et aux in­sultes; des in­jures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant par­ve­nue à la po­lice, il y eut ordre d’emprisonner cet homme bru­tal qui, si­tôt re­lâ­ché, fit suivre ses pre­miers ex­cès par quan­tité d’autres. Il lui ar­riva plu­sieurs fois de ter­ras­ser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme per­dit tous ses en­fants en bas âge et eut beau­coup à souf­frir; la lettre sui­vante le montre as­sez : «Mon cher père», y dit Graf­fi­gny 3, «je suis obli­gée dans l’extrémité où je me trouve de vous sup­plier de ne me point aban­don­ner et de m’envoyer au plus vite cher­cher par M. de Ra­ré­court, car je suis en grand dan­ger et suis toute bri­sée de coups. Je me jette à votre mi­sé­ri­corde et vous prie que ce soit bien vite». Après avoir pen­dant de longues an­nées donné des preuves d’une pa­tience hé­roïque, elle par­vint à ob­te­nir une sé­pa­ra­tion ju­ri­dique. Li­bé­rée des hor­ribles chaînes qu’elle avait trop long­temps por­tées, elle vint à Pa­ris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de mal­heurs et de désa­gré­ments, et ce fut dans ces mal­heurs qu’elle puisa le sen­ti­ment d’une im­mense tris­tesse, d’une mé­lan­co­lie de tous les ins­tants qui ca­rac­té­risa son ro­man «Lettres d’une Pé­ru­vienne» : «Il ne me reste», y dit-elle 4, «que la triste conso­la­tion de [vous] peindre mes dou­leurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur don­ner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir! Je vou­drais les tra­cer sur le plus dur mé­tal, sur les murs de ma chambre, sur mes ha­bits, sur tout ce qui m’environne, et les ex­pri­mer dans toutes les langues». Mais ce ro­man et un ou deux autres qu’elle écri­vit n’égalèrent ja­mais tout à fait ce­lui de sa vie; et plus en­core que dans les «Lettres d’une Pé­ru­vienne», les lec­teurs trou­ve­ront de l’intérêt dans les mil­liers de lettres qui consti­tuent sa vé­ri­table «Cor­res­pon­dance».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Gra­fi­gny, Gra­fi­gni et Graf­fi­gni. Haut
  2. Étienne-Guillaume Co­lombe. Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 1. Haut
  2. «Lettres d’une Pé­ru­vienne», p. 155. Haut

Voltaire, «Correspondance. Tome II. 1739-1748»

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Vol­taire, la meilleure, la plus dé­li­cieuse de toutes les cor­res­pon­dances; celle qui fut à elle seule l’esprit de l’Europe (XVIIIe siècle). «En re­com­man­dant la lec­ture de Vol­taire», dit un cri­tique 1, «j’avoue mes pré­fé­rences. S’il fal­lait sa­cri­fier quelque chose de lui, je don­ne­rais les tra­gé­dies et les co­mé­dies pour gar­der les pe­tits vers; s’il fal­lait sa­cri­fier en­core quelque chose, je don­ne­rais plu­tôt les his­toires, toutes char­mantes qu’elles sont, que les ro­mans; …mais en­fin il y a une chose que je ne me dé­ci­de­rais ja­mais à li­vrer, c’est la “Cor­res­pon­dance”». En ef­fet, de tous les genres lit­té­raires dont s’occupa Vol­taire, ce­lui où il fut le plus ori­gi­nal; ce­lui où il eut un ton que per­sonne ne lui avait donné, et que tout le monde vou­lut imi­ter; ce­lui, en­fin, où il do­mina, de l’aveu même des ja­loux qui consentent quel­que­fois à re­con­naître un mé­rite una­ni­me­ment re­connu, c’est le genre épis­to­laire. On y trouve l’ensemble et la per­fec­tion de tous les styles; on y trouve la fa­ci­lité brillante d’un es­prit aussi su­pé­rieur aux su­jets qu’il traite, qu’aux gens à qui il s’adresse : «Quel gé­nie se joue dans ses poé­sies et ses plai­san­te­ries et ses lettres im­mor­telles! Or, tout ce qu’on ad­mire dans les deux pre­mières se re­trouve dans les lettres avec une in­épui­sable abon­dance : vers fa­ciles, raille­ries char­mantes à pro­pos de tous les per­son­nages et de tous les évé­ne­ments qui ont passé, dans ce siècle agité, de­vant cet es­prit cu­rieux… Ce qu’il peut se suc­cé­der, pen­dant plus de soixante ans, d’amours, de haines, de plai­sirs, de dou­leurs, de co­lères, dans une âme sin­gu­liè­re­ment im­pres­sion­nable et mo­bile, est ex­primé là au vif… chaque sen­ti­ment en­tier oc­cu­pant toute l’âme, comme s’il de­vait du­rer éter­nel­le­ment, puis ef­facé tout à coup par un autre…; va­riété in­épui­sable des su­jets qui passent sous cette plume lé­gère; sé­duc­tions d’un es­prit en­chan­teur qui veut plaire et in­vente pour plaire les tours les plus dé­li­cats, tou­jours ai­mable, tou­jours nou­veau. Tout cela forme un des spec­tacles les plus at­trayants qu’on puisse avoir en ce monde», dit le même cri­tique. De tous les hommes cé­lèbres dont on a im­primé les lettres après leur mort, Vol­taire est le pre­mier qui ait écrit à la fois en écri­vain et en homme du monde, et qui ait mon­tré qu’il est aussi na­tu­rel­le­ment l’un que l’autre. Son ta­lent, qui peut être in­égal dans ses grands ou­vrages, est tou­jours par­fait dans ses jeux, quand sa plume court avec une ra­pi­dité, une né­gli­gence, qui n’appartiennent qu’à lui.

  1. Er­nest Ber­sot. Haut

Graffigny, «Lettres d’une Péruvienne»

éd. Voltaire Foundation, coll. Vif, Oxford

éd. Vol­taire Foun­da­tion, coll. Vif, Ox­ford

Il s’agit des «Lettres d’une Pé­ru­vienne» de Fran­çoise de Graf­fi­gny 1, femme de lettres fran­çaise (XVIIIe siècle), dont le bel es­prit et l’élégance du style firent dirent à un cri­tique 2 «qu’elle fai­sait in­fi­dé­lité à son sexe, en usur­pant les ta­lents du nôtre». Née Fran­çoise d’Happoncourt, elle fut ma­riée — ou pour mieux dire — sa­cri­fiée à Fran­çois Hu­guet de Graf­fi­gny, homme em­porté, ja­loux et ex­trê­me­ment violent. Dès les pre­mières an­nées de vie conju­gale, elle se vit ex­po­sée aux mé­pris et aux in­sultes; des in­jures, son mari en vint aux coups, et la chose fit tant d’éclat qu’étant par­ve­nue à la po­lice, il y eut ordre d’emprisonner cet homme bru­tal qui, si­tôt re­lâ­ché, fit suivre ses pre­miers ex­cès par quan­tité d’autres. Il lui ar­riva plu­sieurs fois de ter­ras­ser son épouse à coups de pied et de poing, et après une fausse couche qu’elle eut, de lui mettre l’épée nue sur l’estomac. La pauvre femme per­dit tous ses en­fants en bas âge et eut beau­coup à souf­frir; la lettre sui­vante le montre as­sez : «Mon cher père», y dit Graf­fi­gny 3, «je suis obli­gée dans l’extrémité où je me trouve de vous sup­plier de ne me point aban­don­ner et de m’envoyer au plus vite cher­cher par M. de Ra­ré­court, car je suis en grand dan­ger et suis toute bri­sée de coups. Je me jette à votre mi­sé­ri­corde et vous prie que ce soit bien vite». Après avoir pen­dant de longues an­nées donné des preuves d’une pa­tience hé­roïque, elle par­vint à ob­te­nir une sé­pa­ra­tion ju­ri­dique. Li­bé­rée des hor­ribles chaînes qu’elle avait trop long­temps por­tées, elle vint à Pa­ris. Sa vie n’avait été qu’un tissu de mal­heurs et de désa­gré­ments, et ce fut dans ces mal­heurs qu’elle puisa le sen­ti­ment d’une im­mense tris­tesse, d’une mé­lan­co­lie de tous les ins­tants qui ca­rac­té­risa son ro­man «Lettres d’une Pé­ru­vienne» : «Il ne me reste», y dit-elle 4, «que la triste conso­la­tion de [vous] peindre mes dou­leurs… Que j’ai de joie à [vous les] dire, à leur don­ner toutes les sortes d’existences qu’elles peuvent avoir! Je vou­drais les tra­cer sur le plus dur mé­tal, sur les murs de ma chambre, sur mes ha­bits, sur tout ce qui m’environne, et les ex­pri­mer dans toutes les langues». Mais ce ro­man et un ou deux autres qu’elle écri­vit n’égalèrent ja­mais tout à fait ce­lui de sa vie; et plus en­core que dans les «Lettres d’une Pé­ru­vienne», les lec­teurs trou­ve­ront de l’intérêt dans les mil­liers de lettres qui consti­tuent sa vé­ri­table «Cor­res­pon­dance».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Gra­fi­gny, Gra­fi­gni et Graf­fi­gni. Haut
  2. Étienne-Guillaume Co­lombe. Haut
  1. «Cor­res­pon­dance. Tome I», p. 1. Haut
  2. «Lettres d’une Pé­ru­vienne», p. 155. Haut

Voltaire, «Correspondance. Tome I. 1704-1738»

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» de Vol­taire, la meilleure, la plus dé­li­cieuse de toutes les cor­res­pon­dances; celle qui fut à elle seule l’esprit de l’Europe (XVIIIe siècle). «En re­com­man­dant la lec­ture de Vol­taire», dit un cri­tique 1, «j’avoue mes pré­fé­rences. S’il fal­lait sa­cri­fier quelque chose de lui, je don­ne­rais les tra­gé­dies et les co­mé­dies pour gar­der les pe­tits vers; s’il fal­lait sa­cri­fier en­core quelque chose, je don­ne­rais plu­tôt les his­toires, toutes char­mantes qu’elles sont, que les ro­mans; …mais en­fin il y a une chose que je ne me dé­ci­de­rais ja­mais à li­vrer, c’est la “Cor­res­pon­dance”». En ef­fet, de tous les genres lit­té­raires dont s’occupa Vol­taire, ce­lui où il fut le plus ori­gi­nal; ce­lui où il eut un ton que per­sonne ne lui avait donné, et que tout le monde vou­lut imi­ter; ce­lui, en­fin, où il do­mina, de l’aveu même des ja­loux qui consentent quel­que­fois à re­con­naître un mé­rite una­ni­me­ment re­connu, c’est le genre épis­to­laire. On y trouve l’ensemble et la per­fec­tion de tous les styles; on y trouve la fa­ci­lité brillante d’un es­prit aussi su­pé­rieur aux su­jets qu’il traite, qu’aux gens à qui il s’adresse : «Quel gé­nie se joue dans ses poé­sies et ses plai­san­te­ries et ses lettres im­mor­telles! Or, tout ce qu’on ad­mire dans les deux pre­mières se re­trouve dans les lettres avec une in­épui­sable abon­dance : vers fa­ciles, raille­ries char­mantes à pro­pos de tous les per­son­nages et de tous les évé­ne­ments qui ont passé, dans ce siècle agité, de­vant cet es­prit cu­rieux… Ce qu’il peut se suc­cé­der, pen­dant plus de soixante ans, d’amours, de haines, de plai­sirs, de dou­leurs, de co­lères, dans une âme sin­gu­liè­re­ment im­pres­sion­nable et mo­bile, est ex­primé là au vif… chaque sen­ti­ment en­tier oc­cu­pant toute l’âme, comme s’il de­vait du­rer éter­nel­le­ment, puis ef­facé tout à coup par un autre…; va­riété in­épui­sable des su­jets qui passent sous cette plume lé­gère; sé­duc­tions d’un es­prit en­chan­teur qui veut plaire et in­vente pour plaire les tours les plus dé­li­cats, tou­jours ai­mable, tou­jours nou­veau. Tout cela forme un des spec­tacles les plus at­trayants qu’on puisse avoir en ce monde», dit le même cri­tique. De tous les hommes cé­lèbres dont on a im­primé les lettres après leur mort, Vol­taire est le pre­mier qui ait écrit à la fois en écri­vain et en homme du monde, et qui ait mon­tré qu’il est aussi na­tu­rel­le­ment l’un que l’autre. Son ta­lent, qui peut être in­égal dans ses grands ou­vrages, est tou­jours par­fait dans ses jeux, quand sa plume court avec une ra­pi­dité, une né­gli­gence, qui n’appartiennent qu’à lui.

  1. Er­nest Ber­sot. Haut

Ovide, «Les Élégies d’Ovide, pendant son exil. Tome II»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Pon­tiques» 1 d’Ovide 2. En l’an 8 apr. J.-C., alors que sa car­rière pa­rais­sait plus as­su­rée et plus confor­table que ja­mais, Ovide fut exilé à Tomes 3, sur la mer Noire, à l’extrême li­mite de l’Empire. Quelle fut la cause de son exil, et quelle rai­son eut l’Empereur Au­guste de pri­ver Rome et sa Cour d’un si grand poète, pour le confi­ner dans les terres bar­bares? C’est ce que l’on ignore, et ce qu’apparemment on igno­rera tou­jours. «Sa faute ca­pi­tale fut d’avoir été té­moin de quelque ac­tion se­crète qui in­té­res­sait la ré­pu­ta­tion de l’Empereur, ou plu­tôt de quelque per­sonne qui lui était bien chère : c’est… sur quoi nos sa­vants… qui veulent à quelque prix que ce soit de­vi­ner une énigme de dix-sept siècles, se trouvent fort par­ta­gés», ex­plique le père Jean-Ma­rin de Ker­vil­lars 4. Mais lais­sons de côté les hy­po­thèses in­nom­brables et in­utiles. Il suf­fit de sa­voir que, dans ses mal­heurs, Ovide ne trouva pas d’autre res­source que sa poé­sie, et qu’il l’employa tout en­tière à flé­chir la co­lère de l’Empereur : «On ne peut man­quer d’avoir de l’indulgence pour mes écrits», écrit notre poète 5, «quand on saura que c’est pré­ci­sé­ment dans le temps de mon exil et au mi­lieu de la bar­ba­rie qu’ils ont été faits. L’on s’étonnera même que, parmi tant d’adversités, j’aie pu tra­cer un seul vers de ma main… Je n’ai point ici de livres qui puissent ra­ni­mer ma verve et me nour­rir au tra­vail : au lieu de livres, je ne vois que des arcs tou­jours ban­dés; et je n’entends que le bruit des armes qui re­ten­tit de toutes parts… Ô prince le plus doux et le plus hu­main qui soit au monde…! Sans le mal­heur qui m’est ar­rivé sur la fin de mes jours, l’honneur de votre es­time m’aurait mis à cou­vert de tous les mau­vais bruits. Oui, c’est la fin de ma vie qui m’a perdu; une seule bour­rasque a sub­mergé ma barque échap­pée tant de fois du nau­frage. Et ce n’est pas seule­ment quelques gouttes d’eau qui ont re­jailli sur moi; tous les flots de la mer et l’océan tout en­tier sont ve­nus fondre sur une seule tête et m’ont en­glouti». Il est éton­nant que les cri­tiques n’aient pas fait de ces pages poi­gnantes le cas qu’elles mé­ritent. Aux prières adres­sées à un pou­voir im­pla­cable, Ovide mêle la la­men­ta­tion d’un homme perdu loin des siens, loin d’une ci­vi­li­sa­tion dont il était na­guère le plus brillant re­pré­sen­tant. Iti­né­raire du sou­ve­nir, de la nos­tal­gie, des heures vides, son che­mi­ne­ment tou­chera tous ceux que l’effet de la for­tune ou les vi­cis­si­tudes de la guerre au­ront ar­ra­chés à leur pa­trie.

  1. En la­tin «Epis­tulæ ex Ponto» ou «Pon­ticæ Epis­tolæ». Haut
  2. En la­tin Pu­blius Ovi­dius Naso. Haut
  3. Aujourd’hui Constanța, en Rou­ma­nie. Haut
  1. «Tome I», p. X. Haut
  2. id. p. 273-275 & 107 & 115. Haut

Ovide, «Les Élégies d’Ovide, pendant son exil. Tome I»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Tristes» 1 d’Ovide 2. En l’an 8 apr. J.-C., alors que sa car­rière pa­rais­sait plus as­su­rée et plus confor­table que ja­mais, Ovide fut exilé à Tomes 3, sur la mer Noire, à l’extrême li­mite de l’Empire. Quelle fut la cause de son exil, et quelle rai­son eut l’Empereur Au­guste de pri­ver Rome et sa Cour d’un si grand poète, pour le confi­ner dans les terres bar­bares? C’est ce que l’on ignore, et ce qu’apparemment on igno­rera tou­jours. «Sa faute ca­pi­tale fut d’avoir été té­moin de quelque ac­tion se­crète qui in­té­res­sait la ré­pu­ta­tion de l’Empereur, ou plu­tôt de quelque per­sonne qui lui était bien chère : c’est… sur quoi nos sa­vants… qui veulent à quelque prix que ce soit de­vi­ner une énigme de dix-sept siècles, se trouvent fort par­ta­gés», ex­plique le père Jean-Ma­rin de Ker­vil­lars 4. Mais lais­sons de côté les hy­po­thèses in­nom­brables et in­utiles. Il suf­fit de sa­voir que, dans ses mal­heurs, Ovide ne trouva pas d’autre res­source que sa poé­sie, et qu’il l’employa tout en­tière à flé­chir la co­lère de l’Empereur : «On ne peut man­quer d’avoir de l’indulgence pour mes écrits», écrit notre poète 5, «quand on saura que c’est pré­ci­sé­ment dans le temps de mon exil et au mi­lieu de la bar­ba­rie qu’ils ont été faits. L’on s’étonnera même que, parmi tant d’adversités, j’aie pu tra­cer un seul vers de ma main… Je n’ai point ici de livres qui puissent ra­ni­mer ma verve et me nour­rir au tra­vail : au lieu de livres, je ne vois que des arcs tou­jours ban­dés; et je n’entends que le bruit des armes qui re­ten­tit de toutes parts… Ô prince le plus doux et le plus hu­main qui soit au monde…! Sans le mal­heur qui m’est ar­rivé sur la fin de mes jours, l’honneur de votre es­time m’aurait mis à cou­vert de tous les mau­vais bruits. Oui, c’est la fin de ma vie qui m’a perdu; une seule bour­rasque a sub­mergé ma barque échap­pée tant de fois du nau­frage. Et ce n’est pas seule­ment quelques gouttes d’eau qui ont re­jailli sur moi; tous les flots de la mer et l’océan tout en­tier sont ve­nus fondre sur une seule tête et m’ont en­glouti». Il est éton­nant que les cri­tiques n’aient pas fait de ces pages poi­gnantes le cas qu’elles mé­ritent. Aux prières adres­sées à un pou­voir im­pla­cable, Ovide mêle la la­men­ta­tion d’un homme perdu loin des siens, loin d’une ci­vi­li­sa­tion dont il était na­guère le plus brillant re­pré­sen­tant. Iti­né­raire du sou­ve­nir, de la nos­tal­gie, des heures vides, son che­mi­ne­ment tou­chera tous ceux que l’effet de la for­tune ou les vi­cis­si­tudes de la guerre au­ront ar­ra­chés à leur pa­trie.

  1. En la­tin «Tris­tia» ou «Tris­tium li­bri». Haut
  2. En la­tin Pu­blius Ovi­dius Naso. Haut
  3. Aujourd’hui Constanța, en Rou­ma­nie. Haut
  1. «Tome I», p. X. Haut
  2. id. p. 273-275 & 107 & 115. Haut