Il s’agit du roman « Adieu, mon livre ! » (« Sayônara, watashi no hon yo ! » 1) de M. Kenzaburô Ôé 2, un des derniers représentants de la littérature d’après-guerre. Il naquit dans une périphérie du monde appelée Japon, et qui plus est, dans un village périphérique de ce pays. C’était un beau village perdu au cœur des grandes forêts de l’île de Shikoku, où sa famille habitait depuis des centaines d’années sans que personne ne s’en fût jamais éloigné ; son père venait d’y mourir. « L’angoisse de la mort et de la folie m’avait saisi pour ne plus me lâcher, depuis la mort soudaine de mon père », dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ouvrage d’un professeur de Tôkyô intitulé « Furansu runesansu danshô » 4 (« Fragments de la Renaissance française »), M. Ôé découvrait, avec un enthousiasme débordant, les humanistes et le combat qu’ils avaient mené pour répandre leurs idées. Et c’est pour étudier ces idées-là — capables, pensait-il, de le protéger des tentations nihilistes d’un Mishima — qu’il quitta les forêts natales et qu’il se rendit en ville pour prendre un train de nuit pour Tôkyô. L’idée de devenir le disciple de M. Kazuo Watanabé 5, ce professeur de littérature française dont il faisait d’ores et déjà son maître à penser pour la vie, était là pour le soutenir dans l’épreuve que représentait ce voyage. Dans l’immense métropole, M. Ôé se montra un étudiant brillant, mais renfermé, solitaire, et bégayant à cause de son accent provincial dont il avait honte. La nuit, l’ennui le déprimait, et tout en prenant des tranquillisants avec du whisky, il faisait des esquisses de romans. « Quand j’ai commencé à écrire des romans, je me suis dit qu’un jour ils seraient publiés en français par les éditions Gallimard et que j’offrirais celui qui me semblerait le mieux traduit à mon professeur. Tout en gardant cette idée à l’esprit, j’ai tenté diverses expériences d’écriture romanesque… C’est ce que j’ai toujours tenté de faire, et je ne le regrette pas, mais j’ai aussi toujours eu le sentiment en parallèle de ne jamais [avoir écrit] un roman libéré de cette obsession, équilibré, bien construit », dit-il
roman japonais
Ôé, « Le Jeu du siècle »
Il s’agit du roman « Le Jeu du siècle » (« Man’en gannen no futtobôru » 1, littéralement « Football en l’an 1 de l’ère Man’en ») de M. Kenzaburô Ôé 2, un des derniers représentants de la littérature d’après-guerre. Il naquit dans une périphérie du monde appelée Japon, et qui plus est, dans un village périphérique de ce pays. C’était un beau village perdu au cœur des grandes forêts de l’île de Shikoku, où sa famille habitait depuis des centaines d’années sans que personne ne s’en fût jamais éloigné ; son père venait d’y mourir. « L’angoisse de la mort et de la folie m’avait saisi pour ne plus me lâcher, depuis la mort soudaine de mon père », dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ouvrage d’un professeur de Tôkyô intitulé « Furansu runesansu danshô » 4 (« Fragments de la Renaissance française »), M. Ôé découvrait, avec un enthousiasme débordant, les humanistes et le combat qu’ils avaient mené pour répandre leurs idées. Et c’est pour étudier ces idées-là — capables, pensait-il, de le protéger des tentations nihilistes d’un Mishima — qu’il quitta les forêts natales et qu’il se rendit en ville pour prendre un train de nuit pour Tôkyô. L’idée de devenir le disciple de M. Kazuo Watanabé 5, ce professeur de littérature française dont il faisait d’ores et déjà son maître à penser pour la vie, était là pour le soutenir dans l’épreuve que représentait ce voyage. Dans l’immense métropole, M. Ôé se montra un étudiant brillant, mais renfermé, solitaire, et bégayant à cause de son accent provincial dont il avait honte. La nuit, l’ennui le déprimait, et tout en prenant des tranquillisants avec du whisky, il faisait des esquisses de romans. « Quand j’ai commencé à écrire des romans, je me suis dit qu’un jour ils seraient publiés en français par les éditions Gallimard et que j’offrirais celui qui me semblerait le mieux traduit à mon professeur. Tout en gardant cette idée à l’esprit, j’ai tenté diverses expériences d’écriture romanesque… C’est ce que j’ai toujours tenté de faire, et je ne le regrette pas, mais j’ai aussi toujours eu le sentiment en parallèle de ne jamais [avoir écrit] un roman libéré de cette obsession, équilibré, bien construit », dit-il
Ôé, « Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants : récit »
Il s’agit du roman « Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants » (« Memushiri ko.uchi » 1) de M. Kenzaburô Ôé 2, un des derniers représentants de la littérature d’après-guerre. Il naquit dans une périphérie du monde appelée Japon, et qui plus est, dans un village périphérique de ce pays. C’était un beau village perdu au cœur des grandes forêts de l’île de Shikoku, où sa famille habitait depuis des centaines d’années sans que personne ne s’en fût jamais éloigné ; son père venait d’y mourir. « L’angoisse de la mort et de la folie m’avait saisi pour ne plus me lâcher, depuis la mort soudaine de mon père », dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ouvrage d’un professeur de Tôkyô intitulé « Furansu runesansu danshô » 4 (« Fragments de la Renaissance française »), M. Ôé découvrait, avec un enthousiasme débordant, les humanistes et le combat qu’ils avaient mené pour répandre leurs idées. Et c’est pour étudier ces idées-là — capables, pensait-il, de le protéger des tentations nihilistes d’un Mishima — qu’il quitta les forêts natales et qu’il se rendit en ville pour prendre un train de nuit pour Tôkyô. L’idée de devenir le disciple de M. Kazuo Watanabé 5, ce professeur de littérature française dont il faisait d’ores et déjà son maître à penser pour la vie, était là pour le soutenir dans l’épreuve que représentait ce voyage. Dans l’immense métropole, M. Ôé se montra un étudiant brillant, mais renfermé, solitaire, et bégayant à cause de son accent provincial dont il avait honte. La nuit, l’ennui le déprimait, et tout en prenant des tranquillisants avec du whisky, il faisait des esquisses de romans. « Quand j’ai commencé à écrire des romans, je me suis dit qu’un jour ils seraient publiés en français par les éditions Gallimard et que j’offrirais celui qui me semblerait le mieux traduit à mon professeur. Tout en gardant cette idée à l’esprit, j’ai tenté diverses expériences d’écriture romanesque… C’est ce que j’ai toujours tenté de faire, et je ne le regrette pas, mais j’ai aussi toujours eu le sentiment en parallèle de ne jamais [avoir écrit] un roman libéré de cette obsession, équilibré, bien construit », dit-il
Ôé, « Dites-nous comment survivre à notre folie »
Il s’agit de « Dites-nous comment survivre à notre folie » (« Warera no kyôki wo ikinobiru michi wo oshie yo » 1) et autres nouvelles de M. Kenzaburô Ôé 2, un des derniers représentants de la littérature d’après-guerre. Il naquit dans une périphérie du monde appelée Japon, et qui plus est, dans un village périphérique de ce pays. C’était un beau village perdu au cœur des grandes forêts de l’île de Shikoku, où sa famille habitait depuis des centaines d’années sans que personne ne s’en fût jamais éloigné ; son père venait d’y mourir. « L’angoisse de la mort et de la folie m’avait saisi pour ne plus me lâcher, depuis la mort soudaine de mon père », dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ouvrage d’un professeur de Tôkyô intitulé « Furansu runesansu danshô » 4 (« Fragments de la Renaissance française »), M. Ôé découvrait, avec un enthousiasme débordant, les humanistes et le combat qu’ils avaient mené pour répandre leurs idées. Et c’est pour étudier ces idées-là — capables, pensait-il, de le protéger des tentations nihilistes d’un Mishima — qu’il quitta les forêts natales et qu’il se rendit en ville pour prendre un train de nuit pour Tôkyô. L’idée de devenir le disciple de M. Kazuo Watanabé 5, ce professeur de littérature française dont il faisait d’ores et déjà son maître à penser pour la vie, était là pour le soutenir dans l’épreuve que représentait ce voyage. Dans l’immense métropole, M. Ôé se montra un étudiant brillant, mais renfermé, solitaire, et bégayant à cause de son accent provincial dont il avait honte. La nuit, l’ennui le déprimait, et tout en prenant des tranquillisants avec du whisky, il faisait des esquisses de romans. « Quand j’ai commencé à écrire des romans, je me suis dit qu’un jour ils seraient publiés en français par les éditions Gallimard et que j’offrirais celui qui me semblerait le mieux traduit à mon professeur. Tout en gardant cette idée à l’esprit, j’ai tenté diverses expériences d’écriture romanesque… C’est ce que j’ai toujours tenté de faire, et je ne le regrette pas, mais j’ai aussi toujours eu le sentiment en parallèle de ne jamais [avoir écrit] un roman libéré de cette obsession, équilibré, bien construit », dit-il
Ôé, « Le Faste des morts : nouvelles »
Il s’agit du « Faste des morts » (« Shisha no ogori » 1) et autres nouvelles de M. Kenzaburô Ôé 2, un des derniers représentants de la littérature d’après-guerre. Il naquit dans une périphérie du monde appelée Japon, et qui plus est, dans un village périphérique de ce pays. C’était un beau village perdu au cœur des grandes forêts de l’île de Shikoku, où sa famille habitait depuis des centaines d’années sans que personne ne s’en fût jamais éloigné ; son père venait d’y mourir. « L’angoisse de la mort et de la folie m’avait saisi pour ne plus me lâcher, depuis la mort soudaine de mon père », dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ouvrage d’un professeur de Tôkyô intitulé « Furansu runesansu danshô » 4 (« Fragments de la Renaissance française »), M. Ôé découvrait, avec un enthousiasme débordant, les humanistes et le combat qu’ils avaient mené pour répandre leurs idées. Et c’est pour étudier ces idées-là — capables, pensait-il, de le protéger des tentations nihilistes d’un Mishima — qu’il quitta les forêts natales et qu’il se rendit en ville pour prendre un train de nuit pour Tôkyô. L’idée de devenir le disciple de M. Kazuo Watanabé 5, ce professeur de littérature française dont il faisait d’ores et déjà son maître à penser pour la vie, était là pour le soutenir dans l’épreuve que représentait ce voyage. Dans l’immense métropole, M. Ôé se montra un étudiant brillant, mais renfermé, solitaire, et bégayant à cause de son accent provincial dont il avait honte. La nuit, l’ennui le déprimait, et tout en prenant des tranquillisants avec du whisky, il faisait des esquisses de romans. « Quand j’ai commencé à écrire des romans, je me suis dit qu’un jour ils seraient publiés en français par les éditions Gallimard et que j’offrirais celui qui me semblerait le mieux traduit à mon professeur. Tout en gardant cette idée à l’esprit, j’ai tenté diverses expériences d’écriture romanesque… C’est ce que j’ai toujours tenté de faire, et je ne le regrette pas, mais j’ai aussi toujours eu le sentiment en parallèle de ne jamais [avoir écrit] un roman libéré de cette obsession, équilibré, bien construit », dit-il
Ôé, « Une Existence tranquille »
Il s’agit d’« Une Existence tranquille » (« Shizukana seikatsu » 1) et autres nouvelles de M. Kenzaburô Ôé 2, un des derniers représentants de la littérature d’après-guerre. Il naquit dans une périphérie du monde appelée Japon, et qui plus est, dans un village périphérique de ce pays. C’était un beau village perdu au cœur des grandes forêts de l’île de Shikoku, où sa famille habitait depuis des centaines d’années sans que personne ne s’en fût jamais éloigné ; son père venait d’y mourir. « L’angoisse de la mort et de la folie m’avait saisi pour ne plus me lâcher, depuis la mort soudaine de mon père », dit-il 3. À dix-sept ans, dans un ouvrage d’un professeur de Tôkyô intitulé « Furansu runesansu danshô » 4 (« Fragments de la Renaissance française »), M. Ôé découvrait, avec un enthousiasme débordant, les humanistes et le combat qu’ils avaient mené pour répandre leurs idées. Et c’est pour étudier ces idées-là — capables, pensait-il, de le protéger des tentations nihilistes d’un Mishima — qu’il quitta les forêts natales et qu’il se rendit en ville pour prendre un train de nuit pour Tôkyô. L’idée de devenir le disciple de M. Kazuo Watanabé 5, ce professeur de littérature française dont il faisait d’ores et déjà son maître à penser pour la vie, était là pour le soutenir dans l’épreuve que représentait ce voyage. Dans l’immense métropole, M. Ôé se montra un étudiant brillant, mais renfermé, solitaire, et bégayant à cause de son accent provincial dont il avait honte. La nuit, l’ennui le déprimait, et tout en prenant des tranquillisants avec du whisky, il faisait des esquisses de romans. « Quand j’ai commencé à écrire des romans, je me suis dit qu’un jour ils seraient publiés en français par les éditions Gallimard et que j’offrirais celui qui me semblerait le mieux traduit à mon professeur. Tout en gardant cette idée à l’esprit, j’ai tenté diverses expériences d’écriture romanesque… C’est ce que j’ai toujours tenté de faire, et je ne le regrette pas, mais j’ai aussi toujours eu le sentiment en parallèle de ne jamais [avoir écrit] un roman libéré de cette obsession, équilibré, bien construit », dit-il
Kyôka, « La Ronde nocturne de l’agent de police, “Yakô junsa” »
dans « Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines. Tome II » (éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris)
Il s’agit de « La Ronde nocturne de l’agent de police » (« Yakô junsa » 1) et autres œuvres d’Izumi Kyôka 2, écrivain japonais (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses contes fantastiques que dans ses nouvelles proches du poème en prose, un monde fait d’êtres surnaturels, de fantômes inquiétants et de femmes sensuelles, un monde sans doute en partie inspiré de sa mère artiste, qu’il perdit à l’âge de neuf ans. Fantasque, capricieux, Kyôka vivait entouré de ses peurs et superstitions ; il craignait les chiens et les éclairs et enlevait les lunettes quand il passait devant un temple, pour que rien ne brouillât son contact avec le divin. Il idéalisa le monde des geishas, au point d’en prendre une pour femme, en ajournant son mariage jusqu’au décès de son maître Ozaki Kôyô qui désapprouvait cette union. De l’Occident, il révérait les desseins étranges et décadents d’Aubrey Beardsley ; du Japon — les vieilles estampes et scènes de nô. Hélas ! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka restent pour l’heure inédites en français. Tel est le cas de « Nihonbashi » 3, l’histoire d’un jeune homme à la recherche de sa sœur qui lui avait payé ses études en devenant geisha ; ou bien « L’Ermite du mont Kôya » (« Kôya hijiri » 4), les confessions d’un moine soumis à la tentation par une magicienne voluptueuse, une sorte de Circé, qui avait le pouvoir de métamorphoser les hommes en bêtes. Même au Japon, malgré la popularité de ses œuvres, adaptées très tôt au théâtre et au cinéma, Kyôka s’éteignit dans une relative indifférence, laissé de côté par ses contemporains. Sa prédilection pour le fantastique, ses étranges types féminins qui rappelaient souvent, par leur beauté ténébreuse et troublante, les « belles dames sans merci » du romantisme occidental, ne correspondaient plus aux goûts du temps : « Quand je songe à Izumi Kyôka », dit un critique 5, « ce qui ne cesse de me surprendre, c’est cet enthousiasme et cette inflexible [obstination] à vouloir préserver un tel univers fantastique et plein de poésie, dans un Japon où, depuis [l’ère] Meiji, le courant principal était le réalisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de respect, reste, me semble-t-il, en dernier lieu, un auteur réaliste. En France par exemple, même au XIXe siècle où le réalisme était le courant littéraire principal, [il] existait un certain nombre de romanciers fantastiques — Nerval, parmi d’autres… Dans la littérature japonaise contemporaine, Kyôka fait figure de cas unique et isolé ».
Kyôka, « Les Noix glacées, “Kurumi” »
dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 15-22
Il s’agit des « Noix glacées » (« Kurumi » 1) et autres œuvres d’Izumi Kyôka 2, écrivain japonais (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses contes fantastiques que dans ses nouvelles proches du poème en prose, un monde fait d’êtres surnaturels, de fantômes inquiétants et de femmes sensuelles, un monde sans doute en partie inspiré de sa mère artiste, qu’il perdit à l’âge de neuf ans. Fantasque, capricieux, Kyôka vivait entouré de ses peurs et superstitions ; il craignait les chiens et les éclairs et enlevait les lunettes quand il passait devant un temple, pour que rien ne brouillât son contact avec le divin. Il idéalisa le monde des geishas, au point d’en prendre une pour femme, en ajournant son mariage jusqu’au décès de son maître Ozaki Kôyô qui désapprouvait cette union. De l’Occident, il révérait les desseins étranges et décadents d’Aubrey Beardsley ; du Japon — les vieilles estampes et scènes de nô. Hélas ! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka restent pour l’heure inédites en français. Tel est le cas de « Nihonbashi » 3, l’histoire d’un jeune homme à la recherche de sa sœur qui lui avait payé ses études en devenant geisha ; ou bien « L’Ermite du mont Kôya » (« Kôya hijiri » 4), les confessions d’un moine soumis à la tentation par une magicienne voluptueuse, une sorte de Circé, qui avait le pouvoir de métamorphoser les hommes en bêtes. Même au Japon, malgré la popularité de ses œuvres, adaptées très tôt au théâtre et au cinéma, Kyôka s’éteignit dans une relative indifférence, laissé de côté par ses contemporains. Sa prédilection pour le fantastique, ses étranges types féminins qui rappelaient souvent, par leur beauté ténébreuse et troublante, les « belles dames sans merci » du romantisme occidental, ne correspondaient plus aux goûts du temps : « Quand je songe à Izumi Kyôka », dit un critique 5, « ce qui ne cesse de me surprendre, c’est cet enthousiasme et cette inflexible [obstination] à vouloir préserver un tel univers fantastique et plein de poésie, dans un Japon où, depuis [l’ère] Meiji, le courant principal était le réalisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de respect, reste, me semble-t-il, en dernier lieu, un auteur réaliste. En France par exemple, même au XIXe siècle où le réalisme était le courant littéraire principal, [il] existait un certain nombre de romanciers fantastiques — Nerval, parmi d’autres… Dans la littérature japonaise contemporaine, Kyôka fait figure de cas unique et isolé ».
Kyôka, « Une Femme fidèle : récits »
Il s’agit d’« Une Femme fidèle » (« Bake ichô » 1) et autres œuvres d’Izumi Kyôka 2, écrivain japonais (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses contes fantastiques que dans ses nouvelles proches du poème en prose, un monde fait d’êtres surnaturels, de fantômes inquiétants et de femmes sensuelles, un monde sans doute en partie inspiré de sa mère artiste, qu’il perdit à l’âge de neuf ans. Fantasque, capricieux, Kyôka vivait entouré de ses peurs et superstitions ; il craignait les chiens et les éclairs et enlevait les lunettes quand il passait devant un temple, pour que rien ne brouillât son contact avec le divin. Il idéalisa le monde des geishas, au point d’en prendre une pour femme, en ajournant son mariage jusqu’au décès de son maître Ozaki Kôyô qui désapprouvait cette union. De l’Occident, il révérait les desseins étranges et décadents d’Aubrey Beardsley ; du Japon — les vieilles estampes et scènes de nô. Hélas ! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka restent pour l’heure inédites en français. Tel est le cas de « Nihonbashi » 3, l’histoire d’un jeune homme à la recherche de sa sœur qui lui avait payé ses études en devenant geisha ; ou bien « L’Ermite du mont Kôya » (« Kôya hijiri » 4), les confessions d’un moine soumis à la tentation par une magicienne voluptueuse, une sorte de Circé, qui avait le pouvoir de métamorphoser les hommes en bêtes. Même au Japon, malgré la popularité de ses œuvres, adaptées très tôt au théâtre et au cinéma, Kyôka s’éteignit dans une relative indifférence, laissé de côté par ses contemporains. Sa prédilection pour le fantastique, ses étranges types féminins qui rappelaient souvent, par leur beauté ténébreuse et troublante, les « belles dames sans merci » du romantisme occidental, ne correspondaient plus aux goûts du temps : « Quand je songe à Izumi Kyôka », dit un critique 5, « ce qui ne cesse de me surprendre, c’est cet enthousiasme et cette inflexible [obstination] à vouloir préserver un tel univers fantastique et plein de poésie, dans un Japon où, depuis [l’ère] Meiji, le courant principal était le réalisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de respect, reste, me semble-t-il, en dernier lieu, un auteur réaliste. En France par exemple, même au XIXe siècle où le réalisme était le courant littéraire principal, [il] existait un certain nombre de romanciers fantastiques — Nerval, parmi d’autres… Dans la littérature japonaise contemporaine, Kyôka fait figure de cas unique et isolé ».
Kyôka, « La Femme ailée : récits »
Il s’agit de « La Femme ailée » (« Kechô » 1) et autres œuvres d’Izumi Kyôka 2, écrivain japonais (XIXe-XXe siècle) qui créa, aussi bien dans ses contes fantastiques que dans ses nouvelles proches du poème en prose, un monde fait d’êtres surnaturels, de fantômes inquiétants et de femmes sensuelles, un monde sans doute en partie inspiré de sa mère artiste, qu’il perdit à l’âge de neuf ans. Fantasque, capricieux, Kyôka vivait entouré de ses peurs et superstitions ; il craignait les chiens et les éclairs et enlevait les lunettes quand il passait devant un temple, pour que rien ne brouillât son contact avec le divin. Il idéalisa le monde des geishas, au point d’en prendre une pour femme, en ajournant son mariage jusqu’au décès de son maître Ozaki Kôyô qui désapprouvait cette union. De l’Occident, il révérait les desseins étranges et décadents d’Aubrey Beardsley ; du Japon — les vieilles estampes et scènes de nô. Hélas ! les œuvres les plus fortes et les plus vraies de Kyôka restent pour l’heure inédites en français. Tel est le cas de « Nihonbashi » 3, l’histoire d’un jeune homme à la recherche de sa sœur qui lui avait payé ses études en devenant geisha ; ou bien « L’Ermite du mont Kôya » (« Kôya hijiri » 4), les confessions d’un moine soumis à la tentation par une magicienne voluptueuse, une sorte de Circé, qui avait le pouvoir de métamorphoser les hommes en bêtes. Même au Japon, malgré la popularité de ses œuvres, adaptées très tôt au théâtre et au cinéma, Kyôka s’éteignit dans une relative indifférence, laissé de côté par ses contemporains. Sa prédilection pour le fantastique, ses étranges types féminins qui rappelaient souvent, par leur beauté ténébreuse et troublante, les « belles dames sans merci » du romantisme occidental, ne correspondaient plus aux goûts du temps : « Quand je songe à Izumi Kyôka », dit un critique 5, « ce qui ne cesse de me surprendre, c’est cet enthousiasme et cette inflexible [obstination] à vouloir préserver un tel univers fantastique et plein de poésie, dans un Japon où, depuis [l’ère] Meiji, le courant principal était le réalisme… Ozaki Kôyô, ce maître pour qui Kyôka avait tant de respect, reste, me semble-t-il, en dernier lieu, un auteur réaliste. En France par exemple, même au XIXe siècle où le réalisme était le courant littéraire principal, [il] existait un certain nombre de romanciers fantastiques — Nerval, parmi d’autres… Dans la littérature japonaise contemporaine, Kyôka fait figure de cas unique et isolé ».
Akutagawa, « Jambes de cheval »
Il s’agit de « Jambes de cheval » (« Uma no ashi » 1) et autres nouvelles d’Akutagawa Ryûnosuke 2. L’œuvre de cet écrivain, discrètement intellectuelle, teintée d’une ironie insouciante, cache assez mal, sous une apparence légère et élégante, quelque chose de nerveux, d’obsédant, un sourd malaise, une « vague inquiétude » (« bonyari-shita fuan » 3), selon les mots mêmes par lesquels Akutagawa tiendra à définir le motif de son suicide. Pourtant, de tous les écrivains japonais, nul n’était mieux disposé qu’Akutagawa à trouver refuge dans l’art. Il se décrivait comme avide de lecture, juché sur l’échelle d’une librairie, toisant de là-haut les passants qui lui paraissaient étrangement petits et aussi tellement misérables : « La vie humaine ne vaut pas même une ligne de Baudelaire ! », disait-il 4. Très tôt, il avait compris que rien de séduisant ne se fait sans qu’y collabore une douleur. L’œuvre d’art, plutôt qu’à la pierre précieuse, se compare à la flamme qui a besoin d’un aliment vivant. Et Akutagawa mit son honneur à s’en faire la victime volontaire. Comme il écrira dans la « Lettre adressée à un vieil ami » (« Aru kyûyû e okuru shuki » 5) immédiatement avant sa mort : « Dans cet état extrême où je suis, la nature me semble plus émouvante que jamais. Peut-être riras-tu de la contradiction dans laquelle je me trouve, moi qui, tout en aimant la beauté de la nature, décide de me supprimer. Mais la nature est belle parce qu’elle se reflète dans mon ultime regard… » Et Yasunari Kawabata de commenter : « Le plus souvent maladif et affaibli, [l’artiste] s’enflamme au dernier moment avant de s’éteindre tout à fait. C’est quelque chose de tragique en soi » 6. Le moins qu’on puisse en dire, c’est que c’est justement ce « quelque chose de tragique » qui exerce sa puissante fascination sur l’âme et sur l’imaginaire des lecteurs d’Akutagawa. « Ces derniers sentent que leurs préoccupations profondes — ou plutôt… “existentielles” — se trouvent saisies et partagées par l’auteur qui, en les précisant et en les amplifiant jusqu’à une sorte de hantise, les projette sur un fond imprégné d’un “spleen” qui lui est particulier », dit M. Arimasa Mori
- En japonais « 馬の脚 ».
- En japonais 芥川龍之介. Autrefois transcrit Riunoské Akutagawa, Akoutagawa Ryunosouké, Akoutagaoua Ryounosouké ou Akoutagava Ryounosouke.
- En japonais « ぼんやりした不安 ».
- En japonais « 人生は一行のボオドレエルにも若かない ».
- En japonais « 或旧友へ送る手記 ».
- « Romans et Nouvelles », p. 26.
Ichiyô, « Le Trente et un Décembre, “Ôtsugomori” »
dans « Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines. [Tome I] » (éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris)
Il s’agit du « Trente et un Décembre » (« Ôtsugomori » 1) de Higuchi Ichiyô 2, écrivaine japonaise, tombée à vingt-quatre ans comme la feuille au vent d’automne (son surnom Ichiyô signifie « Simple feuille ») et qui, malgré la brièveté de sa vie, fut un des auteurs les plus intéressants de sa génération, annonçant avec éclat le retour des femmes sur la scène littéraire de l’Empire du Soleil levant. De son vrai nom Higuchi Natsu 3 ou Higuchi Natsuko 4, elle montra un goût précoce pour la littérature et donnait déjà mieux que des espérances, lorsqu’en 1889, la mort de son père, suivie de celle de son frère, mit sa famille dans une misère extrême. Devenue l’unique soutien de sa mère et de sa sœur cadette, Ichiyô s’essaya, pour gagner de quoi vivre, à écrire sous forme de feuilletons dans la presse quotidienne. Son initiateur à ce genre assez nouveau au Japon fut un rédacteur de l’« Asahi Shimbun » 5 (« Le Journal du Soleil levant »), Nakarai Tôsui, qui devint son amant ; mais, trahie et abandonnée par ce dernier, elle songea un moment à renoncer à tout. Entre-temps, pour donner aux siens un peu de pain, elle vendait des cahiers dans les ruelles des universités, des balais aux portes du quartier mal famé du Yoshiwara. Elle fût morte de faim si, en 1893, les romantiques du « Bungakukai » 6 (« Le Monde littéraire ») ne s’étaient aperçus de son génie et ne lui avaient ouvert les colonnes de leur revue. Elle y publia, en l’espace de quatre ans, une quinzaine de récits et de romans, avant d’être emportée par la tuberculose. Ces œuvres, qui avaient pour caractéristique commune de traiter de la grande souffrance d’être née femme et sensible, furent chaleureusement accueillies, en particulier par Mori Ôgai : « On se moquera peut-être de moi », dit-il 7, « en disant que je suis un adorateur d’Ichiyô, peu importe, je ne crains pas d’attribuer à celle-ci le titre de vrai poète ». On peut dire, en effet, qu’Ichiyô était un poète en prose. Ses œuvres renvoient abondamment aux grandes anthologies d’autrefois, et quand elle écrit par exemple : « Durant l’hiver de ma quinzième année, alors que j’ignorais tout encore des choses de l’amour, les vents froids apportèrent avec eux une rumeur. Bientôt… on racontait ici et là que j’étais amoureuse… Les rumeurs nous brisent comme les vagues d’une rivière… et nous éclaboussent » ; elle transpose, en y ajoutant le frémissement d’un cœur féminin, affiné par les épreuves de l’existence, le poème suivant du « Kokin-shû » : « À travers le Michinoku coule la Rivière des Rumeurs ; moi, j’ai acquis la réputation de séducteur sans même avoir rencontré l’être aimé ; voilà qui m’est pénible ! »
Ichiyô, « Qui est le plus grand ? : roman »
Il s’agit de « Qui est le plus grand ? » (« Takekurabe » 1) de Higuchi Ichiyô 2, écrivaine japonaise, tombée à vingt-quatre ans comme la feuille au vent d’automne (son surnom Ichiyô signifie « Simple feuille ») et qui, malgré la brièveté de sa vie, fut un des auteurs les plus intéressants de sa génération, annonçant avec éclat le retour des femmes sur la scène littéraire de l’Empire du Soleil levant. De son vrai nom Higuchi Natsu 3 ou Higuchi Natsuko 4, elle montra un goût précoce pour la littérature et donnait déjà mieux que des espérances, lorsqu’en 1889, la mort de son père, suivie de celle de son frère, mit sa famille dans une misère extrême. Devenue l’unique soutien de sa mère et de sa sœur cadette, Ichiyô s’essaya, pour gagner de quoi vivre, à écrire sous forme de feuilletons dans la presse quotidienne. Son initiateur à ce genre assez nouveau au Japon fut un rédacteur de l’« Asahi Shimbun » 5 (« Le Journal du Soleil levant »), Nakarai Tôsui, qui devint son amant ; mais, trahie et abandonnée par ce dernier, elle songea un moment à renoncer à tout. Entre-temps, pour donner aux siens un peu de pain, elle vendait des cahiers dans les ruelles des universités, des balais aux portes du quartier mal famé du Yoshiwara. Elle fût morte de faim si, en 1893, les romantiques du « Bungakukai » 6 (« Le Monde littéraire ») ne s’étaient aperçus de son génie et ne lui avaient ouvert les colonnes de leur revue. Elle y publia, en l’espace de quatre ans, une quinzaine de récits et de romans, avant d’être emportée par la tuberculose. Ces œuvres, qui avaient pour caractéristique commune de traiter de la grande souffrance d’être née femme et sensible, furent chaleureusement accueillies, en particulier par Mori Ôgai : « On se moquera peut-être de moi », dit-il 7, « en disant que je suis un adorateur d’Ichiyô, peu importe, je ne crains pas d’attribuer à celle-ci le titre de vrai poète ». On peut dire, en effet, qu’Ichiyô était un poète en prose. Ses œuvres renvoient abondamment aux grandes anthologies d’autrefois, et quand elle écrit par exemple : « Durant l’hiver de ma quinzième année, alors que j’ignorais tout encore des choses de l’amour, les vents froids apportèrent avec eux une rumeur. Bientôt… on racontait ici et là que j’étais amoureuse… Les rumeurs nous brisent comme les vagues d’une rivière… et nous éclaboussent » ; elle transpose, en y ajoutant le frémissement d’un cœur féminin, affiné par les épreuves de l’existence, le poème suivant du « Kokin-shû » : « À travers le Michinoku coule la Rivière des Rumeurs ; moi, j’ai acquis la réputation de séducteur sans même avoir rencontré l’être aimé ; voilà qui m’est pénible ! »