Il s’agit du « Discours sur la permutation » (« Peri tês antidoseôs » 1) et autres discours d’apparat d’Isocrate, célèbre professeur d’éloquence grecque (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Son père, qui possédait une fabrique de flûtes, s’était suffisamment enrichi pour se procurer de quoi vivre dans l’abondance et se mettre en état de donner à ses enfants la meilleure éducation possible. Chez les Athéniens, la principale partie de l’éducation était alors l’étude de l’éloquence. C’était le don par lequel l’homme montrait sa supériorité et son mérite : « Grâce à [ce] don qui nous est accordé de nous persuader mutuellement et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos volontés », dit Isocrate 2, « non seulement nous avons pu nous affranchir de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des villes, établi des lois, inventé des arts ; et c’est ainsi que nous devons à la parole le bienfait de presque toutes les créations de notre esprit… Et s’il faut tout dire en un mot sur cette grande faculté de l’homme, rien n’est fait avec intelligence sans le secours de la parole ; elle est le guide de nos actions comme de nos pensées, et les hommes d’un esprit supérieur sont ceux qui s’en servent avec le plus d’avantages. » Ces réflexions et d’autres semblables déterminèrent Isocrate à consacrer sa carrière à l’éloquence. Mais sa timidité insurmontable et la faiblesse de sa voix ne lui permirent jamais de parler en public, du moins devant les grandes foules. Les assemblées publiques, composées quelquefois de six mille citoyens, exigeaient de l’orateur qui s’y présentait, non seulement de la hardiesse, mais une voix forte et sonore. Isocrate manquait de ces deux qualités. Ne pouvant parler lui-même, il décida de l’apprendre aux autres et ouvrit une école à Athènes. Sur la fin de sa vie, et dans le temps où sa réputation ne laissait plus rien à désirer, il disait avec un véritable regret : « Je prends dix mines pour mes leçons, mais j’en payerais volontiers dix mille à celui qui pourrait me donner de l’assurance et une bonne voix ». Et quand on lui demandait comment, n’étant pas capable de parler, il en rendait les autres capables : « Je suis », disait-il 3, « comme la pierre à rasoir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la facilité de couper ».
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Isocrate, « Œuvres complètes. Tome II »
Il s’agit de l’« Éloge d’Hélène » (« Helenês Enkômion » 1) et autres discours d’apparat d’Isocrate, célèbre professeur d’éloquence grecque (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Son père, qui possédait une fabrique de flûtes, s’était suffisamment enrichi pour se procurer de quoi vivre dans l’abondance et se mettre en état de donner à ses enfants la meilleure éducation possible. Chez les Athéniens, la principale partie de l’éducation était alors l’étude de l’éloquence. C’était le don par lequel l’homme montrait sa supériorité et son mérite : « Grâce à [ce] don qui nous est accordé de nous persuader mutuellement et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos volontés », dit Isocrate 2, « non seulement nous avons pu nous affranchir de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des villes, établi des lois, inventé des arts ; et c’est ainsi que nous devons à la parole le bienfait de presque toutes les créations de notre esprit… Et s’il faut tout dire en un mot sur cette grande faculté de l’homme, rien n’est fait avec intelligence sans le secours de la parole ; elle est le guide de nos actions comme de nos pensées, et les hommes d’un esprit supérieur sont ceux qui s’en servent avec le plus d’avantages. » Ces réflexions et d’autres semblables déterminèrent Isocrate à consacrer sa carrière à l’éloquence. Mais sa timidité insurmontable et la faiblesse de sa voix ne lui permirent jamais de parler en public, du moins devant les grandes foules. Les assemblées publiques, composées quelquefois de six mille citoyens, exigeaient de l’orateur qui s’y présentait, non seulement de la hardiesse, mais une voix forte et sonore. Isocrate manquait de ces deux qualités. Ne pouvant parler lui-même, il décida de l’apprendre aux autres et ouvrit une école à Athènes. Sur la fin de sa vie, et dans le temps où sa réputation ne laissait plus rien à désirer, il disait avec un véritable regret : « Je prends dix mines pour mes leçons, mais j’en payerais volontiers dix mille à celui qui pourrait me donner de l’assurance et une bonne voix ». Et quand on lui demandait comment, n’étant pas capable de parler, il en rendait les autres capables : « Je suis », disait-il 3, « comme la pierre à rasoir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la facilité de couper ».
Isocrate, « Œuvres complètes. Tome I »
Il s’agit d’« À Démonicus » (« Pros Dêmonikon » 1) et autres discours d’apparat d’Isocrate, célèbre professeur d’éloquence grecque (Ve-IVe siècle av. J.-C.). Son père, qui possédait une fabrique de flûtes, s’était suffisamment enrichi pour se procurer de quoi vivre dans l’abondance et se mettre en état de donner à ses enfants la meilleure éducation possible. Chez les Athéniens, la principale partie de l’éducation était alors l’étude de l’éloquence. C’était le don par lequel l’homme montrait sa supériorité et son mérite : « Grâce à [ce] don qui nous est accordé de nous persuader mutuellement et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos volontés », dit Isocrate 2, « non seulement nous avons pu nous affranchir de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des villes, établi des lois, inventé des arts ; et c’est ainsi que nous devons à la parole le bienfait de presque toutes les créations de notre esprit… Et s’il faut tout dire en un mot sur cette grande faculté de l’homme, rien n’est fait avec intelligence sans le secours de la parole ; elle est le guide de nos actions comme de nos pensées, et les hommes d’un esprit supérieur sont ceux qui s’en servent avec le plus d’avantages. » Ces réflexions et d’autres semblables déterminèrent Isocrate à consacrer sa carrière à l’éloquence. Mais sa timidité insurmontable et la faiblesse de sa voix ne lui permirent jamais de parler en public, du moins devant les grandes foules. Les assemblées publiques, composées quelquefois de six mille citoyens, exigeaient de l’orateur qui s’y présentait, non seulement de la hardiesse, mais une voix forte et sonore. Isocrate manquait de ces deux qualités. Ne pouvant parler lui-même, il décida de l’apprendre aux autres et ouvrit une école à Athènes. Sur la fin de sa vie, et dans le temps où sa réputation ne laissait plus rien à désirer, il disait avec un véritable regret : « Je prends dix mines pour mes leçons, mais j’en payerais volontiers dix mille à celui qui pourrait me donner de l’assurance et une bonne voix ». Et quand on lui demandait comment, n’étant pas capable de parler, il en rendait les autres capables : « Je suis », disait-il 3, « comme la pierre à rasoir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la facilité de couper ».
Aristote, « Grande Morale »
Il s’agit de la « Grande Morale » (« Êthika megala » 1) d’Aristote. Il se trouve dans le corpus aristotélicien, tel qu’il nous est parvenu, trois traités d’éthique ou de morale, intitulés respectivement l’« Éthique à Nicomaque », l’« Éthique à Eudème » et la « Grande Morale ». Ces traités exposent les mêmes matières, avec des développements analogues, dans le même ordre ; ce sont trois rédactions d’une seule pensée. Qu’est-ce donc que ces trois rédactions ? Quels rapports exacts ont-elles entre elles ? Sont-elles des leçons recueillies par des disciples ? Est-ce Aristote lui-même qui s’est repris jusqu’à trois fois pour exposer son système ? Ce sont là des questions délicates et très malaisées à résoudre. Les conjectures qu’ont suscitées les titres mêmes de ces traités montrent, peut-être mieux que tout, l’incertitude où nous sommes sur leur statut. L’« Éthique à Eudème » par exemple, est-elle une « Éthique pour Eudème », c’est-à-dire un traité qu’Aristote aurait dédié à un de ses disciples, nommé Eudème ? Est-elle, au contraire, une « Éthique d’Eudème », c’est-à-dire un traité dont ce disciple aurait été l’éditeur, voire l’auteur ? Rien de sûr. Pour l’« Éthique à Nicomaque », le plus soigné des trois traités, le plus connu et le seul que saint Thomas d’Aquin ait commenté, l’incertitude est presque identique, à ceci près que Nicomaque serait, d’après Cicéron, le fils d’Aristote. Quant à la « Grande Morale », qui ne mérite ce nom ni par sa longueur ni par la difficulté de ses idées, elle semblerait, d’après Porphyre et David l’Arménien, avoir été appelée autrefois la « Petite Morale à Nicomaque » ; ce nom lui convient mieux. Mais laissons de côté ces questions. Il n’est pas un seul traité d’Aristote qui ne soit en désordre : soit par la faute de l’auteur qui, surpris par la mort, n’y aurait pas mis la dernière main, soit par la faute de quelque copiste peu avisé qui aurait tout bouleversé. « C’est fort regrettable », explique un traducteur 2, « mais si l’on devait condamner tout ouvrage d’Aristote par cela seul qu’il est irrégulier, il faut reconnaître qu’il ne nous en resterait plus un seul : depuis la “Métaphysique” jusqu’à la “Poétique” ! »
Aristote, « Éthique à Eudème »
éd. J. Vrin-Presses de l’Université de Montréal, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, Paris-Montréal
Il s’agit de l’« Éthique à Eudème » (« Êthika Eudêmia » 1) d’Aristote. Il se trouve dans le corpus aristotélicien, tel qu’il nous est parvenu, trois traités d’éthique ou de morale, intitulés respectivement l’« Éthique à Nicomaque », l’« Éthique à Eudème » et la « Grande Morale ». Ces traités exposent les mêmes matières, avec des développements analogues, dans le même ordre ; ce sont trois rédactions d’une seule pensée. Qu’est-ce donc que ces trois rédactions ? Quels rapports exacts ont-elles entre elles ? Sont-elles des leçons recueillies par des disciples ? Est-ce Aristote lui-même qui s’est repris jusqu’à trois fois pour exposer son système ? Ce sont là des questions délicates et très malaisées à résoudre. Les conjectures qu’ont suscitées les titres mêmes de ces traités montrent, peut-être mieux que tout, l’incertitude où nous sommes sur leur statut. L’« Éthique à Eudème » par exemple, est-elle une « Éthique pour Eudème », c’est-à-dire un traité qu’Aristote aurait dédié à un de ses disciples, nommé Eudème ? Est-elle, au contraire, une « Éthique d’Eudème », c’est-à-dire un traité dont ce disciple aurait été l’éditeur, voire l’auteur ? Rien de sûr. Pour l’« Éthique à Nicomaque », le plus soigné des trois traités, le plus connu et le seul que saint Thomas d’Aquin ait commenté, l’incertitude est presque identique, à ceci près que Nicomaque serait, d’après Cicéron, le fils d’Aristote. Quant à la « Grande Morale », qui ne mérite ce nom ni par sa longueur ni par la difficulté de ses idées, elle semblerait, d’après Porphyre et David l’Arménien, avoir été appelée autrefois la « Petite Morale à Nicomaque » ; ce nom lui convient mieux. Mais laissons de côté ces questions. Il n’est pas un seul traité d’Aristote qui ne soit en désordre : soit par la faute de l’auteur qui, surpris par la mort, n’y aurait pas mis la dernière main, soit par la faute de quelque copiste peu avisé qui aurait tout bouleversé. « C’est fort regrettable », explique un traducteur 2, « mais si l’on devait condamner tout ouvrage d’Aristote par cela seul qu’il est irrégulier, il faut reconnaître qu’il ne nous en resterait plus un seul : depuis la “Métaphysique” jusqu’à la “Poétique” ! »
Aristote, « Éthique de Nicomaque »
Il s’agit de l’« Éthique à Nicomaque » (« Êthika Nikomacheia » 1) d’Aristote. Il se trouve dans le corpus aristotélicien, tel qu’il nous est parvenu, trois traités d’éthique ou de morale, intitulés respectivement l’« Éthique à Nicomaque », l’« Éthique à Eudème » et la « Grande Morale ». Ces traités exposent les mêmes matières, avec des développements analogues, dans le même ordre ; ce sont trois rédactions d’une seule pensée. Qu’est-ce donc que ces trois rédactions ? Quels rapports exacts ont-elles entre elles ? Sont-elles des leçons recueillies par des disciples ? Est-ce Aristote lui-même qui s’est repris jusqu’à trois fois pour exposer son système ? Ce sont là des questions délicates et très malaisées à résoudre. Les conjectures qu’ont suscitées les titres mêmes de ces traités montrent, peut-être mieux que tout, l’incertitude où nous sommes sur leur statut. L’« Éthique à Eudème » par exemple, est-elle une « Éthique pour Eudème », c’est-à-dire un traité qu’Aristote aurait dédié à un de ses disciples, nommé Eudème ? Est-elle, au contraire, une « Éthique d’Eudème », c’est-à-dire un traité dont ce disciple aurait été l’éditeur, voire l’auteur ? Rien de sûr. Pour l’« Éthique à Nicomaque », le plus soigné des trois traités, le plus connu et le seul que saint Thomas d’Aquin ait commenté, l’incertitude est presque identique, à ceci près que Nicomaque serait, d’après Cicéron, le fils d’Aristote. Quant à la « Grande Morale », qui ne mérite ce nom ni par sa longueur ni par la difficulté de ses idées, elle semblerait, d’après Porphyre et David l’Arménien, avoir été appelée autrefois la « Petite Morale à Nicomaque » ; ce nom lui convient mieux. Mais laissons de côté ces questions. Il n’est pas un seul traité d’Aristote qui ne soit en désordre : soit par la faute de l’auteur qui, surpris par la mort, n’y aurait pas mis la dernière main, soit par la faute de quelque copiste peu avisé qui aurait tout bouleversé. « C’est fort regrettable », explique un traducteur 2, « mais si l’on devait condamner tout ouvrage d’Aristote par cela seul qu’il est irrégulier, il faut reconnaître qu’il ne nous en resterait plus un seul : depuis la “Métaphysique” jusqu’à la “Poétique” ! »
Rimbaud, « Œuvres : des Ardennes au désert »
Il s’agit d’Arthur Rimbaud, poète français (XIXe siècle). Les bêtises se sont accumulées sur le compte de Rimbaud, mais peut-être qu’il est coupable de les avoir permises, et de ne pas avoir rendu impossibles certaines interprétations extravagantes, en se plaisant, dans la seconde partie de son œuvre, à faire des phrases sans suite, des phrases d’un esprit fou, détraqué, déréglé, des phrases dont il se réservait la traduction, et dont il disait : « Ça dit ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens » 1 ; « Je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges » 2 ; « J’ai seul la clef de cette parade sauvage » 3 ; etc. Mais nous n’avons pas envie de nous décourager d’avance. Nous avons envie, au contraire, de savoir, très décidément, à quoi nous en tenir sur cette seconde partie si controversée. La bonne méthode est d’aller pas à pas, commençant par le viol de Rimbaud. Et d’abord, qu’est-ce qui permet de parler de viol ? Un de ses poèmes le permet, qui porte le titre du « Cœur v[i]olé », et qui reproduit, avec des mots qui ne s’inventent pas, les scènes abominables auxquelles Rimbaud a été obligé de se soumettre sous la violence des ignobles individus au milieu desquels il s’est trouvé en pleine Commune de Paris (mai 1871), lui si jeune :
« Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal :
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe :
Sous les quolibets de la troupe
Qui pousse un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal !
Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs quolibets l’ont dépravé ! », etc.