Mot-clefvie intellectuelle

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) • Éclaircissement sur les sacrifices»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome IV. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (les six premiers entretiens)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome III. De l’Église gallicane • Lettres sur l’Inquisition espagnole»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Lettres sur l’Inquisition es­pa­gnole» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome II. Du pape»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Du pape» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome I. Considérations sur la France • Fragments sur la France • etc.»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Consi­dé­ra­tions sur la France» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

Ôgai, «Vengeance sur la plaine du temple Goji-in et Autres Récits historiques»

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon-Sé­rie Fic­tion, Pa­ris

Il s’agit des «Der­niers Mots» («Saigo no ikku» 1), «Ven­geance sur la plaine du temple Goji-in» («Go­jiin­ga­hara no ka­ta­kiu­chi» 2) et autres nou­velles de Mori Ôgai 3, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 4. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 5, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 6) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En ja­po­nais «最後の一句». Haut
  2. En ja­po­nais «護持院原の敵討». Haut
  3. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  1. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  2. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  3. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «Le Testament d’Okitsu Yagoemon, “Okitsu Yagoemon no isho”»

dans « [Nouvelles japonaises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Citron (1910-1926) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 155-175

dans «[Nou­velles ja­po­naises]. Tome I. Les Noix, la Mouche, le Ci­tron (1910-1926)» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 155-175

Il s’agit du «Tes­ta­ment d’Okitsu Ya­goe­mon» («Okitsu Ya­goe­mon no isho» 1) de Mori Ôgai 2, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 3. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 4, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 5) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En ja­po­nais «興津弥五右衛門の遺書». Haut
  2. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  3. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  1. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  2. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «La Danseuse»

éd. du Rocher, coll. Nouvelle, Monaco

éd. du Ro­cher, coll. Nou­velle, Mo­naco

Il s’agit de «La Dan­seuse» 1Mai­hime» 2) de Mori Ôgai 3, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 4. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 5, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 6) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. Par­fois tra­duit «La Bal­le­rine». Haut
  2. En ja­po­nais «舞姫». Haut
  3. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  1. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  2. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  3. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «L’Intendant Sanshô : récits»

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit du «Clan Abe» 1Abe ichi­zoku» 2) et de «L’Intendant San­shô» 3San­shô dayû» 4) de Mori Ôgai 5, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 6. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 7, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 8) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. Par­fois tra­duit «La Fa­mille Abe» ou «La Fa­mille des Abe». Haut
  2. En ja­po­nais «阿部一族». Haut
  3. Par­fois tra­duit «Le Com­man­dant San­shô». Haut
  4. En ja­po­nais «山椒大夫». Haut
  1. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  2. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  3. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  4. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «Le Jeune Homme : roman»

éd. du Rocher, coll. Série japonaise, Monaco

éd. du Ro­cher, coll. Sé­rie ja­po­naise, Mo­naco

Il s’agit du «Jeune Homme» («Sei­nen» 1) de Mori Ôgai 2, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 3. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 4, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 5) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En ja­po­nais «青年». Haut
  2. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  3. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  1. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  2. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «Chimères»

éd. Payot & Rivages, coll. Rivages poche-Petite Bibliothèque, Paris

éd. Payot & Ri­vages, coll. Ri­vages poche-Pe­tite Bi­blio­thèque, Pa­ris

Il s’agit du «Ser­pent» («Hebi» 1), «Chi­mères» 2Môsô» 3) et autres nou­velles de Mori Ôgai 4, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 5. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 6, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 7) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En ja­po­nais «». Haut
  2. Par­fois tra­duit «Rê­ve­ries». Haut
  3. En ja­po­nais «妄想». Par­fois trans­crit «Môzô». Haut
  4. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  1. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  2. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  3. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «Vita sexualis, ou l’Apprentissage amoureux du professeur Kanai Shizuka»

éd. Gallimard-UNESCO, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit de «Vita sexua­lis» 1 de Mori Ôgai 2, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 3. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 4, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 5) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En ja­po­nais «ヰタ・セクスアリス». Haut
  2. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  3. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  1. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  2. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut

Ôgai, «L’Oie sauvage»

éd. Cambourakis, Paris

éd. Cam­bou­ra­kis, Pa­ris

Il s’agit de «L’Oie sau­vage» («Gan» 1) de Mori Ôgai 2, mé­de­cin mi­li­taire, haut fonc­tion­naire, ro­man­cier. Au­cun in­tel­lec­tuel de l’ère Meiji ne ré­sume peut-être mieux qu’Ôgai les chan­ge­ments in­ces­sants d’intensité qui bou­le­ver­sèrent la so­ciété ja­po­naise en l’espace de quelques dé­cen­nies, entre la fin du XIXe siècle et le dé­but du sui­vant. L’œuvre d’Ôgai et les évé­ne­ments mêmes de sa vie peuvent être lus comme un té­moi­gnage du pro­ces­sus dou­lou­reux qui trans­forma le pays d’un ré­gime semi-féo­dal, tel qu’il était en­core à la chute du shô­gu­nat, en une na­tion ca­pable de ri­va­li­ser de plain-pied avec les puis­sances mon­diales. Se re­trouvent chez lui tous les traits ty­piques de «l’homme nou­veau» de Meiji par­tagé entre ser­vice scru­pu­leux de l’État, hé­ri­tage de la mo­rale du passé et en­goue­ment pour les mo­dèles de pen­sée im­por­tés d’Europe. Son sé­jour d’étude en Al­le­magne, ainsi que les ar­rêts qu’il fit en France, coïn­ci­dèrent avec sa dé­cou­verte d’une autre concep­tion des connais­sances hu­maines : «Tout ce qui est hu­main [trouve] comme un écho en nous; de sorte que, si des idées nou­velles, des théo­ries nou­velles sur­gissent sur la scène du monde et y de­viennent ac­tives, dans la me­sure où la plus no­va­trice même de ces théo­ries est le pro­duit des connais­sances hu­maines… aussi ex­tra­va­gante soit-[elle], nous en nous en por­tons, peu ou prou, les germes au cœur de nos [propres] pen­sées» 3. De re­tour au Ja­pon, l’engagement constant d’Ôgai à dif­fu­ser lit­té­ra­tures, sciences et phi­lo­so­phies étran­gères montre quelle em­preinte in­ef­fa­çable l’universalisme eu­ro­péen avait lais­sée en ce des­cen­dant d’une li­gnée de sa­mou­raïs. Ses lourdes obli­ga­tions pro­fes­sion­nelles (il cu­mula les fonc­tions d’inspecteur gé­né­ral des Ser­vices de santé et de di­rec­teur du Bu­reau mé­di­cal du mi­nis­tère de l’Armée de terre) ne l’empêchèrent pas de se dé­vouer, avec le plus noble es­prit d’altruisme et une éner­gie in­fa­ti­gable, à la tra­duc­tion d’innombrables nou­velles, poé­sies, pièces de théâtre : Dau­det, Gœthe, Schnitz­ler, Schmidt­bonn, Heine, Le­nau, By­ron, Poe, Ib­sen, Strind­berg, Kouz­mine, Tour­gué­niev, Ler­mon­tov, An­dreïev, Dos­toïevski, Tol­stoï… «À pré­sent», se fé­li­cita-t-il 4, «la lit­té­ra­ture raf­fi­née de l’Ouest est en­trée dans nos terres en même temps que ses prin­cipes phi­lo­so­phiques ul­times». Bien que fi­dèle au ré­gime im­pé­rial, Ôgai en sou­hai­tait l’évolution. Il par­ta­geait l’inquiétude et dé­fen­dait l’audace des in­tel­lec­tuels, comme en té­moignent son pam­phlet «La Tour du si­lence» («Chim­moku no tô» 5) et les conseils qu’il osa don­ner à Hi­raide Shû, l’avocat des ac­cu­sés de l’affaire Kô­toku qui, comme l’affaire Drey­fus en France, sus­cita la ré­pro­ba­tion gé­né­rale. Il fut, en­fin, le pre­mier grand au­teur du Ja­pon mo­derne.

  1. En ja­po­nais «». Haut
  2. En ja­po­nais 森鷗外. De son vrai nom Mori Rin­tarô (森林太郎). Haut
  3. «Chaos; trad. Em­ma­nuel Lo­ze­rand». Haut
  1. «“Shi­ga­rami zô­shi” no koro»(«「柵草紙」のころ»), c’est-à-dire «Le Ter­ri­toire propre de “Notes à contre-cou­rant”», in­édit en fran­çais. Haut
  2. En ja­po­nais «沈黙の塔». Par­fois trans­crit «Chin­moku no tô». Haut