Diop, « Coups de pilon : poèmes »

éd. Présence africaine, Paris

éd. Pré­sence afri­caine, Pa­ris

Il s’agit des œuvres com­plètes de M. Da­vid Man­dessi Diop, poète de la né­gri­tude, fa­rouche dé­fen­seur de la cause afri­caine (XXe siècle). Né en France, d’un père sé­né­ga­lais et d’une mère ca­me­rou­naise, M. Diop fai­sait de ses poèmes de vraies armes de com­bat dans une pé­riode de lutte contre le co­lo­nia­lisme eu­ro­péen. En 1956, il pu­bliait dans la re­vue « Pré­sence afri­caine » un pam­phlet in­ti­tulé « Au­tour des condi­tions d’une poé­sie na­tio­nale chez les peuples noirs », le­quel de­vait ser­vir plus tard de pré­face à son re­cueil de poèmes « Coups de pi­lon ». Dans ce pam­phlet, M. Diop dé­cri­vait la fran­co­pho­nie avec un pes­si­misme tra­gique, car tout suc­cès des lit­té­ra­tures d’expression fran­çaise lui sem­blait être un suc­cès de « la co­lo­ni­sa­tion qui, lorsqu’elle ne par­vient plus à main­te­nir ses su­jets en es­cla­vage, en fait des in­tel­lec­tuels do­ciles aux modes lit­té­raires oc­ci­den­tales »1. On sai­sit alors le dé­chi­re­ment de M. Diop qui, privé de l’usage des langues afri­caines et coupé de ses terres an­ces­trales, était convaincu qu’en écri­vant dans une langue qui n’était pas celle de ses aïeux, il ne pou­vait réel­le­ment tra­duire le chant pro­fond du conti­nent afri­cain :

« Afrique, mon Afrique…
Je ne t’ai ja­mais connue
Mais mon re­gard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à tra­vers les champs ré­pandu
Le sang de ta sueur
La sueur de ton tra­vail
Le tra­vail de l’esclavage
L’esclavage de tes en­fants…
 »2

le plus cour­roucé de tous les poètes de la né­gri­tude

En de­hors des fa­meux vers que je viens de ci­ter, de­ve­nus un hymne dé­clamé dans les classes afri­caines, la poé­sie de M. Diop pro­duit une im­pres­sion in­égale sur ceux qui la lisent. Sa langue est tan­tôt pleine de jus­tesse, tan­tôt sau­vage, in­cor­recte, sans construc­tion ; sa phi­lo­so­phie en­ga­gée est nour­rie de haine et de ven­geance. C’est non sans rai­son que M. Léo­pold Sé­dar Sen­ghor lui re­pro­cha son ac­cent âpre et rêche, son ton bru­tal et dur, avant d’ajouter : « Nous ne dou­tons pas qu’avec le temps Da­vid Diop n’aille s’humanisant »3. Hé­las ! ce temps man­qua à M. Diop qui resta, au­tant par ses convic­tions in­té­rieures et ses an­goisses pa­trio­tiques que par sa mort pré­ma­tu­rée, le plus cour­roucé de tous les poètes de la né­gri­tude. « En choi­sis­sant d’intituler son re­cueil “Coups de pi­lon”, Da­vid Diop lais­sait de­vi­ner ses in­ten­tions d’engager une po­lé­mique achar­née contre la ci­vi­li­sa­tion oc­ci­den­tale », ex­plique M. Sana Ca­mara4. « Adop­tant la pos­ture d’un po­lé­miste, il dé­verse tout son mé­pris du monde blanc à l’aide d’un lan­gage acéré… Le choix ri­gou­reux et l’expressivité [des] mé­ta­phores no­mi­nales — “vau­tours”, “hyènes”, “bêtes”, “monstres”, etc. — per­mettent de sou­li­gner la per­ti­nence des ac­cu­sa­tions por­tées par Da­vid Diop [et] nous rap­pellent ses in­ten­tions : “Que nous im­porte alors que son chant (ce­lui du poète), ample et dur, éclate en alexan­drins ou en vers libres : pourvu qu’il crève les tym­pans de ceux qui ne veulent pas l’entendre, et claque comme des coups de verge sur les égoïsmes et les confor­mismes de l’ordre”. »

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • « An­tho­lo­gie de la nou­velle poé­sie nègre et mal­gache de langue fran­çaise ; par Léo­pold Sé­dar Sen­ghor » (éd. Presses uni­ver­si­taires de France, coll. Co­lo­nies et Em­pires, Pa­ris)
  • Sana Ca­mara, « La Poé­sie sé­né­ga­laise d’expression fran­çaise (1945-1982) » (éd. L’Harmattan, coll. Études afri­caines, Pa­ris)
  • Ebe­rhard Mül­ler-Bo­chat, « La Po­lé­mique en langue fran­çaise contre la langue fran­çaise : un as­pect de la fran­co­pho­nie » dans « Le Dis­cours po­lé­mique ; édité par Georges Roel­len­bleck » (éd. G. Narr-J.-M. Place, Tü­bin­gen-Pa­ris), p. 85-99.
  1. p. 71. Haut
  2. p. 23. Haut
  1. « An­tho­lo­gie de la nou­velle poé­sie nègre », p. 173. Haut
  2. « La Poé­sie sé­né­ga­laise », p. 123 & 138-139. Haut