Ayyûqî, «Le Roman de “Varqe et Golšâh”»

dans « Arts asiatiques », vol. 22, p. 1-264

dans «Arts asia­tiques», vol. 22, p. 1-264

Il s’agit du «Varqe et Golšâh» («Varqe va Golšâh» 1), le pre­mier ro­man d’amour per­san (XIe siècle apr. J.-C.). Jusqu’à ré­cem­ment, les orien­ta­listes se de­man­daient si le «Varqe et Golšâh» avait ja­mais été mis par écrit, ou s’il avait uni­que­ment existé à l’état de tra­di­tion orale; de l’auteur, ils igno­raient même le nom. Mais la dé­cou­verte ré­cente d’un ma­nus­crit de l’ouvrage au Pa­lais de Top­kapı, à Is­tan­bul, mit fin aux in­cer­ti­tudes et aux doutes. Il s’ouvre par le pa­né­gy­rique d’un cer­tain sul­tan Mah­mûd, au­quel il est dé­dié :

«Ô Ayyûqî, si tu as quelque in­tel­li­gence et quelque en­ten­de­ment
Mets-les au ser­vice de l’art du pa­né­gy­rique
Re­cherche de tout cœur la bien­veillance [du] sul­tan [conqué­rant]
Chante de toute ton âme la louange de sul­tan Mah­mûd
» 2.

Le poète, dont le nom ou le sur­nom est Ayyûqî 3, ainsi que le montre cet ex­trait, a mis en vers un ré­cit pour le pré­sen­ter au sou­ve­rain. C’est ce­lui de deux jeunes gens nés le même jour et éle­vés en­semble, qui s’éprennent l’un de l’autre, puis qui sont sé­pa­rés par des dif­fé­rences de rang et de si­tua­tion, et réunis après de ter­ribles épreuves. Le poète dit lui-même que «cette his­toire éton­nante [est] prise des his­toires en langue arabe et des livres arabes»; et en ef­fet, une his­toire ana­logue, mais beau­coup moins dé­ve­lop­pée, est rap­por­tée dans le «Livre des chants» d’Abû al-Fa­raj. Le style du ro­man per­san est cou­lant, mar­qué par les ré­pé­ti­tions, émaillé d’expressions d’allure po­pu­laire; c’est pro­ba­ble­ment la rai­son de son suc­cès dans les pays tur­co­phones, au­quel il doit sa sur­vie. «Une ana­lyse ra­pide montre qu’Ayyûqî l’a… tissé de thèmes que l’on re­trouve ailleurs, par exemple dans le… ro­man cour­tois le plus an­cien, “Wîs et Râ­mîn”, com­posé par Gor­gâni vers le mi­lieu du XIe siècle. Les deux ro­mans re­latent l’aventure d’adolescents qui s’éprennent d’amour pour avoir été éle­vés en­semble. Chaque fois, la jeune fille est don­née en ma­riage à un prince qu’elle n’aime point, pour des rai­sons de conve­nance, et se sous­trait à l’acte nup­tial. On re­trouve l’anecdote du sou­ve­rain à qui on l’a re­fu­sée, et qui l’enlève. Celle du jeune amant qui part en quête de l’aimée et par­vient au châ­teau où elle est re­te­nue», dit M. As­sa­dul­lah Sou­ren Me­li­kian-Chir­vani 4.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée de la ma­nière d’Ayyûqî :
«Il n’y avait point et ja­mais le ciel ne fit naître
D’êtres tels que Golšâh et Varqe, l’ardent amant…
Par l’accomplissement du Dé­cret et par la vo­lonté du ciel
L’amour les lia dès l’enfance l’un à l’autre…
Les cœurs de ces deux pal­miers s’éprirent tant
Qu’ils ne souf­frirent plus d’être sé­pa­rés un ins­tant
Le cœur de ce­lui-ci n’était point com­blé sans celle-là
Celle-là ne trou­vait point un mo­ment de paix sans ce­lui-ci
Le cœur de l’un et l’autre dès leur en­fance fut at­teint
Ni re­mède ni ruse ne purent les gué­rir
» 5.

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  1. En per­san «ورقه و گلشاه». Par­fois trans­crit «Varqa o Golšāh», «Varqa-u Gülşāh», «Varqé va Gol­chah», «Varqe va Gol­shah», «Warqa wa Gul­shah», «Warqā wa Kulšah» ou «Warqā wa Gülšāh». Haut
  2. p. 101. Haut
  3. En per­san عیوقی. Par­fois trans­crit Ayyuki ou ‘Aiyūqī. Haut
  1. «“Varqe et Gol­shâh”, illus­tré de mi­nia­tures per­sanes», p. 28. Haut
  2. p. 104. Haut