Il s’agit du « Varqe et Golšâh » (« Varqe va Golšâh » 1), le premier roman d’amour persan (XIe siècle apr. J.-C.). Jusqu’à récemment, les orientalistes se demandaient si le « Varqe et Golšâh » avait jamais été mis par écrit, ou s’il avait uniquement existé à l’état de tradition orale ; de l’auteur, ils ignoraient même le nom. Mais la découverte récente d’un manuscrit de l’ouvrage au Palais de Topkapı, à Istanbul, mit fin aux incertitudes et aux doutes. Il s’ouvre par le panégyrique d’un certain sultan Mahmûd, auquel il est dédié :
« Ô Ayyûqî, si tu as quelque intelligence et quelque entendement
Mets-les au service de l’art du panégyrique
Recherche de tout cœur la bienveillance [du] sultan [conquérant]
Chante de toute ton âme la louange de sultan Mahmûd » 2.
Le poète, dont le nom ou le surnom est Ayyûqî 3, ainsi que le montre cet extrait, a mis en vers un récit pour le présenter au souverain. C’est celui de deux jeunes gens nés le même jour et élevés ensemble, qui s’éprennent l’un de l’autre, puis qui sont séparés par des différences de rang et de situation, et réunis après de terribles épreuves. Le poète dit lui-même que « cette histoire étonnante [est] prise des histoires en langue arabe et des livres arabes » ; et en effet, une histoire analogue, mais beaucoup moins développée, est rapportée dans le « Livre des chants » d’Abû al-Faraj. Le style du roman persan est coulant, marqué par les répétitions, émaillé d’expressions d’allure populaire ; c’est probablement la raison de son succès dans les pays turcophones, auquel il doit sa survie. « Une analyse rapide montre qu’Ayyûqî l’a… tissé de thèmes que l’on retrouve ailleurs, par exemple dans le… roman courtois le plus ancien, “Wîs et Râmîn”, composé par Gorgâni vers le milieu du XIe siècle. Les deux romans relatent l’aventure d’adolescents qui s’éprennent d’amour pour avoir été élevés ensemble. Chaque fois, la jeune fille est donnée en mariage à un prince qu’elle n’aime point, pour des raisons de convenance, et se soustrait à l’acte nuptial. On retrouve l’anecdote du souverain à qui on l’a refusée, et qui l’enlève. Celle du jeune amant qui part en quête de l’aimée et parvient au château où elle est retenue », dit M. Assadullah Souren Melikian-Chirvani 4.
Voici un passage qui donnera une idée de la manière d’Ayyûqî :
« Il n’y avait point et jamais le ciel ne fit naître
D’êtres tels que Golšâh et Varqe, l’ardent amant…
Par l’accomplissement du Décret et par la volonté du ciel
L’amour les lia dès l’enfance l’un à l’autre…
Les cœurs de ces deux palmiers s’éprirent tant
Qu’ils ne souffrirent plus d’être séparés un instant
Le cœur de celui-ci n’était point comblé sans celle-là
Celle-là ne trouvait point un moment de paix sans celui-ci
Le cœur de l’un et l’autre dès leur enfance fut atteint
Ni remède ni ruse ne purent les guérir » 5.
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- Traduction de M. Assadullah Souren Melikian-Chirvani (1970) [Source : Persée].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Ahmed Ateş, « Un Vieux Poème romanesque persan : récit de “Warqah et Gulshāh” » dans « Ars orientalis », vol. 4, p. 143-152 [Source : Revue « Ars orientalis »]
- Assadullah Souren Melikian-Chirvani, « “Varqe et Golshâh”, illustré de miniatures persanes du 13e siècle : un roman millénaire d’amour courtois » dans « Le Courrier de l’UNESCO », vol. 24, nº 10, p. 26-29 [Source : UNESCO].