Rákóczi, «L’Autobiographie d’un prince rebelle. Confession • Mémoires»

éd. Corvina, Budapest

éd. Cor­vina, Bu­da­pest

Il s’agit de la «Confes­sion d’un pé­cheur» («Confes­sio pec­ca­to­ris») et des «Mé­moires» de Fran­çois II Rákóczi 1, prince de Hon­grie, fervent ad­mi­ra­teur et ami de la France à tel point qu’en mou­rant il vou­lut que son cœur re­po­sât en terre fran­çaise (XVIIe-XVIIIe siècle). Rákóczi mé­rite le titre d’écrivain de langue fran­çaise; car c’est dans cette langue qu’il ex­prima les as­pi­ra­tions sé­cu­laires du peuple hon­grois : le grand amour de la li­berté et le dé­sir de voir la pa­trie dé­li­vrée du joug étran­ger. Lorsqu’en l’an 1707, la Hon­grie, me­na­cée d’une ger­ma­ni­sa­tion com­plète par l’Autriche, se ré­volta contre les Habs­bourg, Rákóczi fut poussé à la lutte à la fois par le fait d’une vo­lonté su­pé­rieure et par la sienne propre. Le peuple et, en même temps, le des­tin dont il avait hé­rité l’appelaient im­pé­rieu­se­ment à conduire ce com­bat qu’il sa­vait pour­tant in­égal. Il tourna ses re­gards vers Louis XIV qui lui en­voya, outre des se­cours en ar­gent, d’éminents stra­tèges et in­gé­nieurs qui don­nèrent à la Cour ma­gyare une al­lure ver­saillaise. La «Confes­sion» et les «Mé­moires» furent écrits en France, où ce prince mal­heu­reux vint se ré­fu­gier après l’échec de l’indépendance hon­groise. Il y sé­journa de l’an 1712 à 1717, d’abord comme hôte de Louis XIV, à Ver­sailles, puis comme ré­sident du couvent des ca­mal­dules, à Gros­bois. Il as­sista aux re­pré­sen­ta­tions des pièces de Ra­cine et Mo­lière, il vi­sita les ga­le­ries, il fit la connais­sance de Saint-Si­mon qui dit du couvent des ca­mal­dules «que Rákóczi n’y voyait presque per­sonne, vi­vait très fru­ga­le­ment dans une grande pé­ni­tence, au pain et à l’eau une ou deux fois la se­maine, et as­sidu à tous les of­fices du jour et de la nuit». Peu d’hommes pleu­rèrent la mort du Roi-So­leil avec plus de sin­cé­rité que Rákóczi. Cette mort mar­qua, d’ailleurs, la perte de son der­nier es­poir, et même si, sur l’invitation du Sul­tan turc, il se ren­dit à Constan­ti­nople pour or­ga­ni­ser une ar­mée ap­pe­lée à re­com­men­cer la guerre contre l’Autriche, les cir­cons­tances ne lui per­mirent pas de réa­li­ser son grand rêve, et il mou­rut dans l’émigration et dans l’obscurité.

prince de Hon­grie, fervent ad­mi­ra­teur et ami de la France

En de­hors des in­nom­brables lettres, dis­cours et textes ad­mi­nis­tra­tifs écrits dans sa re­traite à Gros­bois, les œuvres les plus im­por­tantes de Rákóczi sont d’abord les «Mé­moires» 2, ré­di­gés en fran­çais, où il re­late avec une ar­deur en­traî­nante les cir­cons­tances l’ayant amené à prendre la tête de la ré­volte hon­groise; puis, la «Confes­sion», ré­di­gée en la­tin, œuvre re­mar­quable ca­rac­té­ri­sée par l’opposition entre l’humilité chré­tienne et l’orgueil prin­cier. Ces œuvres au­to­bio­gra­phiques montrent un homme mul­ti­forme qu’il n’est pas in­digne de dé­cou­vrir : le hé­ros de la ré­bel­lion, l’aristocrate, l’exilé, l’auteur, le saint mé­di­tant dans la so­li­tude sur ses propres échecs, etc. «Ce prince ja­dis si bon vi­vant, ce chef de guerre et cet homme d’État dans l’âme du­quel le sang de ses aïeux… avait ré­veillé la conscience et l’ambition po­li­tiques, de­vint, à par­tir de 1715, un écri­vain phi­lo­sophe dont les œuvres sont em­preintes d’une sa­gesse stoïque… et d’une piété qui plane au-des­sus de tout for­ma­lisme», ex­plique M. István Ne­meskürty 3. «[S’étant] dé­li­bé­ré­ment dé­tourné des choses de ce monde, [il] se heurte à chaque pas à son an­cien “moi”, au per­son­nage mon­dain qu’il a été. Sa conver­sion n’était pas celle d’un saint Au­gus­tin, elle n’avait pas ba­layé son be­soin de do­mi­ner, aussi… la paix in­té­rieure si dif­fi­ci­le­ment conquise est sans cesse com­pro­mise par les tem­pêtes qui dé­chirent [son] âme.»

«Confun­dor, Do­mine, et eru­besco, dum na­ti­vi­ta­tem tuam et ejus cir­cum­stan­tias consi­dero, et ad meam me re­flecto. Tu Deus, Crea­tor meus et uni­versi, nas­ce­ris in sta­bulo, et ego in Pa­la­tio; tu in­ter bo­vem et asi­num pau­pe­ri­bus pas­to­ri­bus, ego — pul­vis et ver­mis in conspectu tuo — fre­quenti au­li­co­rum turba cir­cum­da­tus. Pa­rentes tui pau­peres, mei Prin­cipes; tu in pau­per­tate ve­nis in mun­dum, ego in opu­len­tia. Sed hu­mi­lia me, Do­mine, et in hac consi­de­ra­tione, et fac ut ado­rem in ve­ri­tate hu­mi­li­ta­tem tuam, et an­ni­hi­lem me in conspectu tuo.»
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

«Sei­gneur, lorsque je consi­dère votre nais­sance et ses cir­cons­tances, et que je ré­flé­chis sur la mienne, je rou­gis, et la confu­sion s’empare de moi. Vous êtes Dieu! Vous êtes mon créa­teur et ce­lui de l’univers! Ce­pen­dant, vous nais­sez dans une étable, et moi, je suis né dans un pa­lais. Un bœuf, un âne, de pauvres pas­teurs, voilà les té­moins de votre nais­sance, et moi, qui ne suis que pous­sière, qu’un ver, à peine pa­rais-je dans ce monde qu’une foule de cour­ti­sans m’environne. Vos pa­rents sont des pauvres, et les miens sont des princes. Vous ve­nez en ce monde dans la pau­vreté, j’y pa­rais dans l’opulence. Ô Sei­gneur, hu­mi­liez-moi du­rant cette consi­dé­ra­tion, faites que j’adore bien sin­cè­re­ment votre hu­mi­lité, et que je m’anéantisse en votre pré­sence.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion du père Chry­so­nome Jour­dain (XVIIIe siècle)

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  1. En hon­grois II Rákóczi Fe­renc. Au­tre­fois trans­crit Ra­gokzy, Ra­koczy, Ra­gotzi, Ra­gotsy, Ra­gotski ou Ra­gotsky. Haut
  2. Ces «Mé­moires» forment l’annexe d’une «His­toire des ré­vo­lu­tions de Hon­grie» pa­rue à La Haye en 1739. Haut
  1. «His­toire de la lit­té­ra­ture hon­groise», p. 99-100. Haut