« La Ballade de Mulan »

éd. HongFei, Amboise

éd. Hong­Fei, Am­boise

Il s’agit de « La Bal­lade de Mu­lan » (« Mu­lan Ci »1) ou « Poème de Mu­lan » (« Mu­lan Shi »2), une chan­son po­pu­laire cé­lé­brant les mé­rites de l’héroïne Mu­lan, la Jeanne d’Arc chi­noise. On trouve la pre­mière co­pie de cette chan­son dans le « Re­cueil de mu­sique an­cienne et mo­derne » (« Gu Jin Yue Lu »3), com­pilé sous la dy­nas­tie Chen (557-589 apr. J.-C.). De­puis, l’héroïne conti­nue de jouir d’une im­mense po­pu­la­rité, per­pé­tuée dans les ro­mans et sur la scène. Ce­pen­dant, on ne sait ni son lieu d’origine ni son nom de fa­mille. Mu­lan si­gni­fiant « ma­gno­lia », quelqu’un a sup­posé qu’elle s’appelait Hua Mu­lan4 (« fleur de ma­gno­lia »). Le contexte de son aven­ture sem­blant être ce­lui de la dy­nas­tie des Wei du Nord (386-534 apr. J.-C.), un autre a sup­posé qu’elle s’appelait Wei Mu­lan5. Le voilà bien l’esprit de dé­duc­tion chi­nois ! Te­nons-nous-en à l’histoire. Une fille part pour le ser­vice mi­li­taire dé­gui­sée en homme, parce que son père ma­lade est hors d’état de por­ter les armes et n’a pas de fils adulte qui pour­rait le rem­pla­cer : « Père n’a pas de fils adulte, et je n’ai pas de frère aîné. Qu’on m’équipe avec che­val et selle : je par­ti­rai en cam­pagne à la place de père ! » Elle achète, au mar­ché de l’Est, un beau che­val ; au mar­ché de l’Ouest, une selle feu­trée. Quand tous les pré­pa­ra­tifs de dé­part sont ter­mi­nés, elle fait ses adieux à sa fa­mille et se rend au front. Elle y passe douze ans, sans que per­sonne ait pu se dou­ter de son sexe. Elle est fé­li­ci­tée per­son­nel­le­ment par l’Empereur. Elle lui de­mande pour seule ré­com­pense le droit de ren­trer chez elle. Elle est ac­cueillie par sa fa­mille qui lui ôte son man­teau du temps de guerre et lui re­met ses vê­te­ments du temps ja­dis. De­vant son mi­roir, elle ajuste sa brillante coif­fure et y colle une fleur d’or. Le der­nier cou­plet, trop rus­tique pour ne pas être au­then­tique, dit qu’il y a moyen de dis­tin­guer un la­pin d’une la­pine, mais que « lorsque les deux la­pins courent à ras de terre, bien fin qui re­con­naît le mâle et la fe­melle » ! « L’œuvre an­tique touche [ainsi] à une double thé­ma­tique à la­quelle notre époque est sen­sible », ex­plique M. Chun-Liang Yeh, « celle de l’identité et du genre. » La sé­duc­tion qu’exerce Mu­lan dans l’imaginaire chi­nois n’est donc pas ré­duc­tible à un mes­sage de piété fi­liale ou de dé­vo­tion pa­trio­tique, au­quel les confu­céens ré­duisent trop sou­vent le texte ; elle est liée au défi so­cial qu’elle adresse à la dif­fé­ren­cia­tion des sexes et à l’attrait éro­tique de sa fi­gure de tra­vesti.

Il n’existe pas moins de onze tra­duc­tions fran­çaises de « La Bal­lade de Mu­lan », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. Chun-Liang Yeh.

「旦辭爺孃去
暮宿黃河邊
不聞爺孃喚女聲
但聞黃河流水聲濺濺
旦辭黃河去
暮宿黑山頭 (var. 水頭)
不聞爺孃喚女聲
但聞燕山胡騎聲啾啾」

— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Au ma­tin, elle prend congé du père et de la mère ; le soir, elle campe déjà au bord du fleuve Jaune.

De l’appel de ses pa­rents, la fille n’entend rien ; elle n’entend que les eaux du fleuve qui roulent et ru­gissent.

À l’aube, elle quitte le fleuve Jaune ; le soir, elle par­vient au pied de la mon­tagne Noire.

De l’appel de ses pa­rents, la fille n’entend rien ; elle n’entend que le cri des es­ca­drons bar­bares sur les monts Yan. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Yeh

« Au ma­tin prend congé du père et de la mère ;
Le soir s’en va cam­per au bord du fleuve Jaune.
La fille n’entend plus l’appel de ses pa­rents ;
Elle n’entend qu’un bruit : les eaux du fleuve Jaune qui roulent et mu­gissent.
Au ma­tin prend congé des eaux du fleuve Jaune ;
Le soir par­vient au pied de la mon­tagne Noire.
La fille n’entend plus l’appel de ses pa­rents ;
Elle n’entend qu’un bruit : le cri sur les monts Yen des es­ca­drons bar­bares. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Wong T’ong-wen (« La Bal­lade de Mou-lan » dans « An­tho­lo­gie de la poé­sie chi­noise clas­sique », éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris)

« Le ma­tin, elle dit adieu à son père et à sa mère ;
Le soir, elle passe la nuit sur le bord du fleuve Jaune.
Elle n’entend plus le père et la mère qui ap­pellent leur fille :
Elle en­tend seule­ment le sourd mur­mure des eaux du fleuve Jaune.
Le ma­tin, elle part et dit adieu au fleuve Jaune.
Le soir, elle ar­rive à la source de la ri­vière Noire.
Elle n’entend plus le père et la mère qui ap­pellent leur fille :
Elle en­tend seule­ment les sau­vages ca­va­liers de Yen-chan. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Sta­nis­las Ju­lien (« Ro­mance de Mou-lân, ou la Fille sol­dat » dans « L’Orphelin de la mai­son de Tchao : tra­gé­die chi­noise », XIXe siècle, p. 325-331)

« Au ma­tin, elle a dit adieu à ses pa­rents,
Au soir, elle a campé au bord du fleuve Jaune.
Elle n’entendait plus l’adieu de ses pa­rents
Elle n’entendait plus que les flots du grand fleuve,
Rou­lant à grand fra­cas.
À l’aube, elle a quitté les rives du grand fleuve
Au soir est ar­ri­vée sur la mon­tagne Noire.
Elle n’entendait plus l’adieu de ses pa­rents ;
Elle n’entendait plus que les che­vaux tar­tares,
Hen­nis­sant et piaf­fant. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Fran­çois Mar­tin (« La Bal­lade de Mu­lan » dans « An­tho­lo­gie de la poé­sie chi­noise », éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris)

« À l’aube, elle prend congé de ses pa­rents,
Le soir, elle couche au bord du fleuve Jaune.
Elle n’entend plus les ap­pels de ses pa­rents,
Mais seule­ment les eaux du fleuve qui coulent.
À l’aube, elle prend congé du fleuve Jaune,
Le soir, elle ar­rive au pied de la mon­tagne Noire.
Elle n’entend plus les ap­pels de ses pa­rents,
Mais seule­ment le bruit des ca­va­liers bar­bares. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Jacques Pim­pa­neau (« La Bal­lade de Mu­lan » dans « An­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture chi­noise clas­sique », éd. Ph. Pic­quier, Arles)

« Au ma­tin sa­lue père et mère, part.
Au soir couche aux rives du Huang He.
N’entend plus son père, sa mère leur fille ap­pe­ler,
Mais en­tend du Huang He les flots en tor­rents ru­gir sur­gis­sant.
À l’aube sa­lue le Huang He, part.
Au cou­chant passe en haut du mont Hei.
N’entend plus son père, sa mère leur fille ap­pe­ler,
Mais en­tend au mont Yan des Bar­bares les mon­tures hen­nir mu­gis­sant. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Ber­trand Gou­jard (« La Bal­lade de Mu­lan : chan­son de geste de Ma­gno­lia », éd. élec­tro­nique)

« Le ma­tin, elle quitte ses pa­rents ;
Le soir, elle s’arrête au bord du fleuve Jaune ;
Là, elle n’entend plus les ap­pels de son père et de sa mère,
Seuls les flots bruissent.
Le len­de­main ma­tin, elle re­part,
Au cou­chant du so­leil, elle at­teint le mont Noir ;
Là aussi, la voix de ses pa­rents ne peut par­ve­nir ;
Seuls les che­vaux des Huns aux pieds du mont Yen hen­nissent mé­lan­co­li­que­ment. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Sung-nien Hsu (« Poème de Mou-lan » dans « An­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture chi­noise : des ori­gines à nos jours », éd. élec­tro­nique)

« De bon ma­tin, elle fait ses adieux à ses vieux pa­rents et part.
Le soir, elle re­pose sur les bords du fleuve Jaune.
Elle n’entend plus les ap­pels de son père et de sa mère,
Mais seule­ment le bruit des ra­pides.
À l’aube, elle s’éloigne des rives du fleuve ;
Et le soir, elle ar­rive aux sources de la ri­vière Noire.
Elle n’entend plus les ap­pels de son père et de sa mère,
Mais le cri plain­tif des mon­tures mon­goles sur la mon­tagne. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion d’Henri Im­bert (« La Chan­son de Mou-lan » dans « Re­vue in­do­chi­noise », vol. 30, no 7, p. 177-182)

« Ayant dit adieu à son père et à sa mère, à l’aube,
Elle ar­riva au can­ton­ne­ment, le soir, au bord du fleuve Jaune :
Sourde aux ap­pels de ses pa­rents, qui pleu­raient leur fille,
Elle n’entendait que les san­glots des eaux qui rou­laient.
Le len­de­main ma­tin, elle sa­lua le fleuve Jaune
Pour ar­ri­ver le soir à la mon­tagne Noire :
Elle n’entendait plus les ap­pels fa­mi­liers de ses pa­rents,
Seuls les ca­va­liers huns fai­saient vi­brer les monts Yan­shen… »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Yan Han­sheng (dans « Hua Mu­lan, femme gé­né­ral de la Chine an­tique : ro­man », éd. You Feng, Pa­ris, p. 233-237)

« À l’aube, elle quitte père et mère
Le soir, elle campe au bord du fleuve Jaune
Sourde aux ap­pels de ses pa­rents
Elle n’entend que les flots fu­rieux du fleuve Jaune
Au ma­tin, elle dit adieu au fleuve
Le soir par­vient au som­met des monts Noirs
Sourde aux ap­pels de ses pa­rents
Elle en­tend seule­ment, au mont des Hi­ron­delles, les hen­nis­se­ments des ca­va­liers tar­tares »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Guil­hem Fabre (« La Bal­lade de Ma­gno­lia (Mu­lan) » dans « Ins­tants éter­nels : cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine », éd. La Dif­fé­rence, Pa­ris)

« Le ma­tin, elle fait ses adieux aux pa­rents,
Le soir, elle est au bord du fleuve Jaune.
Elle n’entend plus la voix de ses pa­rents qui ap­pellent leur fille,
(la­cune)
Elle en­tend par­tout les chants des ca­va­liers bar­bares dans les mon­tagnes. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Georges Mar­gou­liès (« Mou-lan » dans « An­tho­lo­gie rai­son­née de la lit­té­ra­ture chi­noise », éd. Payot, coll. Bi­blio­thèque scien­ti­fique, Pa­ris)

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En chi­nois « 木蘭辭 ». Haut
  2. En chi­nois « 木蘭詩 ». Haut
  3. En chi­nois « 古今樂錄 », in­édit en fran­çais. Haut
  1. En chi­nois 花木蘭. Au­tre­fois trans­crit Houa Mou-lan ou Fa Mu­lan. Haut
  2. En chi­nois 魏木蘭. Haut