Il s’agit d’Apollodore, natif de Pergame (dans l’actuelle Turquie), excellent rhéteur grec, précepteur de l’Empereur Auguste (Ier siècle av. J.-C.). Il vécut quatre-vingt-deux ans et laissa à sa mort un « Art rhétorique » (« Technê rhêtorikê » 1) aujourd’hui perdu, et que Tacite qualifiait de « livre très aride » (« aridissimus liber »). En quoi consistait sa doctrine et en quoi elle différait de celle de son grand rival, Théodore de Gadara, c’est ce qu’il est assez difficile de déterminer. Mais si on laisse de côté les détails techniques, que Strabon avouait déjà ne plus saisir (« les différencier dépasse ma compétence » 2), on peut indiquer les grandes lignes des deux doctrines. Apollodore s’occupa principalement de l’éloquence judiciaire ; Théodore eut plutôt en vue l’éloquence politique. Les préceptes posés par Apollodore étaient plus concrets et plus pratiques, car il disait que le propre d’un discours judiciaire était, d’abord et avant tout, de persuader le juge, et de conduire le verdict là où il le voulait. Ainsi donc, il soumettait l’orateur à la réussite. Enfin, pour mieux préparer l’esprit du juge, Apollodore prescrivait de faire une « narration » (en latin « narratio »), c’est-à-dire un exposé des faits réels ou supposés, ne négligeant pas les détails, et remontant aussi haut qu’il le fallait. On cite à ce propos l’anecdote suivante : Dans une certaine plaidoirie, Bruttédius Niger, disciple d’Apollodore, reprocha à Vallius Syriacus de n’avoir pas raconté les faits et insista longuement sur ce qu’on ne voyait pas comment l’esclave avait été provoqué à l’adultère, comment il avait été conduit dans la chambre à coucher, etc. Vallius Syriacus lui répondit en disant : « D’abord, nous n’avons pas étudié chez le même maître : toi, tu as suivi Apollodore, qui veut toujours des narrations ; moi, Théodore, qui n’en veut pas toujours. Et puisque tu me demandes, Niger, pourquoi je n’ai pas raconté les faits, c’est tout simplement pour te laisser ce soin ! »
Apollodore de Pergame
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