Josèphe, « Antiquités judaïques. Tome II. Livres VI à X »

éd. E. Leroux, coll. Publications de la Société des études juives, Paris

éd. E. Le­roux, coll. Pu­bli­ca­tions de la So­ciété des études juives, Pa­ris

Il s’agit des « An­ti­qui­tés ju­daïques » (« Iou­daïkê ar­chaio­lo­gia »1) de Jo­sèphe ben Mat­thias, his­to­rien juif, plus connu sous le sur­nom de Fla­vius Jo­sèphe2 (Ier siècle apr. J.-C.). Jo­sèphe était né pour de­ve­nir grand rab­bin ou roi ; les cir­cons­tances en firent un his­to­rien. Et telle fut la des­ti­née sin­gu­lière de sa vie qu’il se trans­forma en ad­mi­ra­teur et en flat­teur d’une dy­nas­tie d’Empereurs ro­mains dont l’exploit fon­da­men­tal fut l’anéantissement de Jé­ru­sa­lem, et sur les mon­naies des­quels fi­gu­rait une femme as­sise, pleu­rant sous un pal­mier, avec la lé­gende « Judæa capta, Judæa de­victa » (« la Ju­dée cap­tive, la Ju­dée vain­cue »). « Au lieu de la re­nom­mée qu’il am­bi­tion­nait… et que sem­blaient lui pro­mettre de pré­coces suc­cès, il ne s’attira guère que la haine et le mé­pris de la plu­part des siens, tan­dis que les Ro­mains, d’abord ses en­ne­mis, le com­blèrent fi­na­le­ment de biens et d’honneurs », dit le père Louis-Hugues Vincent3. C’est que ce des­cen­dant de fa­mille illustre, ce pro­dige des écoles de Jé­ru­sa­lem, ce chef « des deux Ga­li­lées… et de Ga­mala »4, ra­cheta sa vie en pac­ti­sant avec l’ennemi ; aban­donna ses de­voirs de chef, d’homme d’honneur et de pa­triote ; et fi­nit ses jours dans la dou­ceur d’une re­traite do­rée, après être de­venu ci­toyen de Rome et client de Ves­pa­sien. Il fei­gnit de voir dans ce gé­né­ral étran­ger, des­truc­teur de la Ville sainte et tueur d’un mil­lion de Juifs, le li­bé­ra­teur pro­mis à ses aïeux ; il lui pré­dit, en se pros­ter­nant de­vant lui : « Tu se­ras maître, Cé­sar, non seule­ment de moi, mais de la terre, de la mer et de tout le genre hu­main »5 ; et cette basse flat­te­rie, cette hon­teuse du­pli­cité, est une tache in­dé­lé­bile sur la vie d’un homme par ailleurs es­ti­mable. Ayant pris le sur­nom de Fla­vius pour mieux mon­trer sa sou­mis­sion, il consa­cra l’abondance de ses loi­sirs, la sou­plesse de son ta­lent et l’étendue de son éru­di­tion à re­le­ver les suc­cès des sol­dats qui dé­trui­sirent sa pa­trie et la rayèrent de la carte. « Il a dé­crit [cette des­truc­tion] tout en­tière ; il en a re­cueilli les moindres dé­tails, et son exac­ti­tude scru­pu­leuse étonne en­core le lec­teur… L’israélite, ébloui de ces mer­veilles, ne se sou­vient pas que ce sont les dé­pouilles de ses conci­toyens ; qu’il s’agit de la Ju­dée anéan­tie ; que ce Dieu ou­tragé est son Dieu, et qu’il as­siste aux fu­né­railles de son pays », dit Phi­la­rète Chasles6.

Il n’existe pas moins de neuf tra­duc­tions fran­çaises des « An­ti­qui­tés ju­daïques », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de Ju­lien Weill et Jo­seph Cha­mo­nard.

« Καὶ πᾶς ὁ λαὸς ἐπ’ εὐωχίαν εὐθὺς ἐτράπη καὶ ἑορτὴν χορεύων καὶ αὐλοῖς τερπόμενος, ὡς ὑπὸ τοῦ πλήθους τῶν ὀργάνων ἅπασαν περιηχεῖσθαι τὴν γῆν καὶ τὸν ἀέρα. Ὡς δ’ ᾔσθοντο τῆς βοῆς Ἀδωνίας τε καὶ οἱ παρόντες ἐπὶ τὸ δεῖπνον ἐταράχθησαν, ὅ τε στρατηγὸς Ἰώαϐος ἔλεγεν οὐκ ἀρέσκεσθαι τοῖς ἤχοις οὐδὲ τῇ σάλπιγγι. Παρακειμένου δὲ τοῦ δείπνου καὶ μηδενὸς γευομένου πάντων δ’ ἐπ’ ἐννοίας ὑπαρχόντων, εἰστρέχει πρὸς αὐτοὺς ὁ τοῦ ἀρχιερέως Ἀϐιαθάρου παῖς Ἰωνάθης. »
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Et tout le peuple se li­vra aus­si­tôt à des ban­quets et des fêtes, dan­sant et se ré­jouis­sant au son des flûtes, et la mul­ti­tude des ins­tru­ments fai­sait ré­son­ner alen­tour tout le sol et l’atmosphère. Quand Ado­nias et les convives du fes­tin per­çurent cette cla­meur, ils furent bou­le­ver­sés, et le gé­né­ral Joab s’écria que ces sons et cette trom­pette ne lui di­saient rien qui vaille. Le re­pas est sus­pendu, per­sonne ne touche à rien, tout le monde est plongé dans ses ré­flexions, quand ac­court à eux Jo­na­thès, fils du grand prêtre Abia­thar. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Weill et Cha­mo­nard

« Tout le peuple se li­vra aus­si­tôt à des ban­quets et à des fes­ti­vi­tés, dan­sant et se ré­jouis­sant au son des flûtes, et la mul­ti­tude des ins­tru­ments fai­sait ré­son­ner alen­tour le sol et l’atmosphère. Quand Ado­nias et les convives du ban­quet per­çurent cette cla­meur, ils furent bou­le­ver­sés. Le gé­né­ral Joab dé­clara que ces échos et ces trom­pettes le met­taient mal à l’aise. Le re­pas fut in­ter­rompu, et per­sonne ne goûta à rien, car cha­cun était plongé dans ses pen­sées. Alors ar­riva Jo­na­than, fils du grand prêtre Ébya­tar. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Étienne No­det (« An­ti­qui­tés juives », éd. du Cerf, Pa­ris)

« La joie du peuple fut si ex­tra­or­di­naire qu’on ne vit aus­si­tôt dans toute la ville que fes­tins et que ré­jouis­sances : et le bruit des flûtes, des harpes et d’autres ins­tru­ments de mu­sique était si grand que non seule­ment tout l’air en re­ten­tis­sait, mais il sem­blait que la terre en fût émue. Ado­nias et ceux qu’il avait conviés en furent trou­blés, et Joab dit que ce bruit de tant d’instruments ne lui plai­sait point. Ainsi, comme tous étaient pen­sifs et ne son­geaient plus à man­ger, on vit ve­nir en grande hâte Jo­na­thas, fils d’Abiathar. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Ro­bert Ar­nauld d’Andilly (« His­toire an­cienne des Juifs », XVIIe siècle)

« Et à l’instant tout le peuple se prit à cé­lé­brer ban­quets et fes­tins, en se ré­jouis­sant par danses et ins­tru­ments de mu­sique, de sorte qu’[à cause de] la mul­ti­tude des ins­tru­ments, toute la terre et l’air re­ten­tis­sait ; tel­le­ment qu’Adonias et ceux qui ban­que­taient avec lui, en­ten­dant ce bruit, en furent tous trou­blés ; et Joab dit ce mot que tels sons et trom­pet­te­ments ne lui plai­saient point. Ainsi donc qu’ils étaient as­sis au ban­quet, sans que per­sonne goû­tât à la viande [à cause des] di­verses pen­sées où ils étaient, Jo­na­than, fils d’Abiathar, ac­cou­rut vers eux. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion d’Antoine de La Faye (« His­toire an­cienne des Juifs », XVIe siècle)

« Ce­pen­dant, le peuple se li­vra à la joie, et ce fut une fête pour lui, qu’il cé­lé­bra par des re­pas et des danses, au son d’un si grand nombre d’instruments que l’air en re­ten­tis­sait de toutes parts, et que la terre elle-même en pa­rais­sait émue. Ce grand bruit ef­fraya Ado­nias et ses conviés. Joab dit qu’il n’augurait rien de bon de ce son de trom­pettes et des échos qu’ils en­ten­daient. Le re­pas fut in­ter­rompu, tout le monde cessa de man­ger, et on était dans une grande in­quié­tude, lorsque Jo­na­thas, fils du grand prêtre Abia­thar, en­tra avec pré­ci­pi­ta­tion. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion du père Louis-Joa­chim Gil­let (« An­ti­qui­tés juives, ou His­toire de cette na­tion », XVIIIe siècle)

« Quo facto, po­pu­lus to­tus ad convi­via fes­ti­vi­ta­temque ani­mum ad­ver­tit, cho­ris et ti­biis sese oblec­tans, ut præ concentu ins­tru­men­to­rum terra si­mul ac aer re­so­na­ret. Ut vero has voces Ado­nias et ejus convivæ au­di­vere, ve­he­men­ter sunt per­tur­bati ; et Joa­bus im­pe­ra­tor ne­ga­vit sibi pla­cere vel so­ni­tum illum vel tu­bam. Cumque nemo frue­re­tur ap­po­si­tis, sed omnes co­gi­ta­bundi ac­cum­berent, ac­cur­rit ad eos pon­ti­fi­cis Abia­thari fi­lius Jo­na­thas… »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine de Zik­mund Hrubý z Je­lení, dit Si­gis­mun­dus Ge­le­nius (« An­ti­qui­tates Ju­daicæ », XVIe siècle)

« Cela fait, tout le peuple s’adonna à faire ban­quets et me­ner ré­jouis­sance, pre­nant ses ébats en jeux de flûtes, harpes et psal­té­rions ; tel­le­ment que l’air et la terre re­ten­tis­saient du son des ins­tru­ments. Ado­nia et les siens ouïrent ces mé­lo­dies, et furent gran­de­ment trou­blés ; et Joab, le gou­ver­neur de l’armée, dit que le son de la trom­pette et des haut­bois ne lui plai­sait point. Et comme tous étaient pen­sifs, et nul ne prit plus de goût à la viande, voici ar­ri­ver le fils du sa­cri­fi­ca­teur Abia­thar, nommé Jo­na­thas. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion in­di­recte de Fran­çois Bour­going7 (« An­ti­qui­tés ju­daïques », XVIe siècle)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

« Cela fait, tout le peuple s’adonna à faire des fêtes et ban­quets, et à se ré­jouir, pre­nant ses ébats en jeux de flûtes, harpes et psal­té­rions ; tel­le­ment que l’air et la terre re­ten­tis­saient du son des ins­tru­ments. Ado­nia et les siens ouïrent ces mé­lo­dies, et furent gran­de­ment trou­blés ; et Joab, le gou­ver­neur de l’armée, dit que le son de cette trom­pette et des haut­bois ne lui plai­saient point. Et comme tous étaient pen­sifs, et ne pre­naient plus de goût à la viande, voici ar­ri­ver le fils du sa­cri­fi­ca­teur Abia­thar, nommé Jo­na­thas. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion in­di­recte de Fran­çois Bour­going, re­vue par Gil­bert Ge­ne­brard (« An­ti­qui­tés ju­daïques », XVIe siècle)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

« Cela fait, tout le peuple se met à faire fêtes et ban­quets, à dan­ser et son­ner force flûtes, harpes et psal­té­rions ; tel­le­ment que l’air et la terre re­ten­tis­saient du son des ins­tru­ments. Ado­nia et les siens, in­con­ti­nent qu’ils sen­tirent le bruit, furent trou­blés ; et Joab, le gou­ver­neur de l’armée, dit que le son de la trom­pette et des haut­bois ne lui plai­sait point. Et comme tous étaient pen­sifs, et nul ne prit plus de goût à la viande, voici ar­ri­ver le fils du sa­cri­fi­ca­teur Abia­thar, nommé Jo­na­thas. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion in­di­recte de Fran­çois Bour­going, re­vue par Jean Le Frère (« An­ti­qui­tés ju­daïques », XVIe siècle)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

« Tunc, om­nis po­pu­lus mox conver­sus ad epu­las et ma­gnam fes­ti­vi­ta­tem, læ­ta­tus in ca­la­mis aliisque mu­si­cis or­ga­nis, de­lec­ta­ba­tur exul­tans : ita ut, di­ver­si­tate or­ga­no­rum et me­lo­dia mu­sica, om­nis terra et aer re­so­na­ret. Cumque sen­sissent cla­mo­rem Ado­nias et qui cum eo erant in convi­viis, tur­bati sunt : di­ce­batque Joab, non sibi pla­cere so­num tubæ quam au­die­bat. Dumque cunc­tis in convi­vio consti­tu­tis, nul­lus gus­ta­ret ci­bum, sed omnes di­ver­sis co­gi­ta­tio­ni­bus inhæ­rerent, cu­cur­rit ad eos sa­cer­do­tis Abia­thar puer, no­mine Jo­na­thas. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine di­ri­gée par Cas­sio­dore (« An­ti­qui­tates Ju­daicæ », VIe siècle)

« Et ainsi, tan­tôt, tout le peuple se dis­posa à faire man­gers et grand-fête et so­len­nité et en moult de di­vers ins­tru­ments de mu­sique se dé­lec­taient : tant que, pour la mul­ti­tude des ins­tru­ments et la mé­lo­die de la mu­sique, toute la terre re­ten­tis­sait. Et quand Ado­nyas ouït le cri, lui et ceux qui étaient pré­sents à son man­ger furent fort trou­blés ; mais Joab di­sait que le son de la trom­pette qu’il oyait ne lui plai­sait point. Et ainsi comme tous ceux qui étaient en ce man­ger de grand éba­his­se­ment ne pre­naient ni ne man­geaient nulle viande, ains8 étaient tous oc­cu­pés en di­verses pen­sées, l’enfant d’Abiathar le prêtre, qui avait nom Jo­na­thas, s’en cou­rut à eux. »
— Pas­sage dans une tra­duc­tion in­di­recte et ano­nyme9 (« Livre de l’ancienneté des Juifs », XVe siècle)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

« Moxque to­tus po­pu­lus ad convi­via diemque fes­tum ce­le­bran­dum conver­te­ba­tur, cho­ris ti­biisque sese oblec­tantes, ut ex in­genti ins­tru­men­to­rum nu­mero terra si­mul om­nis et aer un­dique cir­cum­so­na­ret. Ut vero cla­mo­rem ac­ce­pe­runt Ado­nias ejusque convivæ, ani­mis conster­nati erant, et Joa­bus im­pe­ra­tor di­ce­bat, sibi non pla­cere so­ni­tum is­tum nec tu­bam. Dumque ap­po­si­tum es­set convi­vium et nemo de eo de­gus­ta­ret, sed omnes co­gi­ta­tione de­fixi te­ne­ren­tur, ac­cur­rit ad eos Jo­na­thas pon­ti­fi­cis Abia­thari fi­lius. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine de John Hud­son (« An­ti­qui­tates Ju­daicæ », XVIIIe siècle)

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  1. En grec « Ἰουδαϊκὴ ἀρχαιολογία ». Haut
  2. En la­tin Fla­vius Jo­se­phus. Au­tre­fois trans­crit Flave Jo­sèphe ou Fla­vien Jo­seph. Haut
  3. « Chro­no­lo­gie des œuvres de Jo­sèphe », p. 366. Haut
  4. En grec « τῆς Γαλιλαίας ἑκατέρας… καὶ Γάμαλα ». « Guerre des Juifs », liv. II, sect. 568. Haut
  5. En grec « Δεσπότης… οὐ μόνον ἐμοῦ σὺ Καῖσαρ, ἀλλὰ καὶ γῆς καὶ θαλάττης καὶ παντὸς ἀνθρώπων γένους ». « Guerre des Juifs », liv. III, sect. 402. Haut
  1. « De l’autorité his­to­rique de Fla­vius-Jo­sèphe », p. 5. Haut
  2. Cette tra­duc­tion a été faite sur la pré­cé­dente. Haut
  3. « Ains » si­gni­fie « mais plu­tôt, mais au contraire ». Haut
  4. Cette tra­duc­tion a été faite sur la pré­cé­dente. Haut