Mot-clefpensée politique et sociale

su­jet

Doubnov, «Histoire moderne du peuple juif (1789-1938)»

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Judaïsme, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-Ju­daïsme, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de l’«His­toire uni­ver­selle du peuple juif» 1Vsé­mir­naïa is­to­ria ié­vreïs­kogo na­roda» 2) de Si­mon Doub­nov 3, l’un des plus émi­nents his­to­riens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet his­to­rio­graphe, né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie, est celle de toute une gé­né­ra­tion de Juifs de l’Europe orien­tale. Qu’au mi­lieu du car­nage et «du fond du gouffre», comme il dit lui-même 4, cet homme ait songé à des tra­vaux his­to­riques de si grande en­ver­gure, cela peut pa­raître étrange. Mais cela té­moigne sim­ple­ment de la pé­ren­nité du ju­daïsme, de sa vi­va­cité dans la mort. Doub­nov avait une hau­teur de vues, une élé­va­tion de pen­sées, une piété qui l’obligeaient à cher­cher l’indestructible au mi­lieu des des­truc­tions; il di­sait comme Ar­chi­mède au sol­dat ro­main : «Ne dé­range pas mes cercles!» «Que de fois», dit Doub­nov 5, «la dou­leur cau­sée par les brû­lants sou­cis quo­ti­diens a été apai­sée par mes rêves ar­dents du mo­ment où un gran­diose édi­fice 6 s’élèverait, et où ces mil­liers de faits et de com­bi­nai­sons se mê­le­raient en un vif ta­bleau dé­pei­gnant huit cents ans de la vie de notre peuple en Eu­rope orien­tale!» Des té­moins rap­portent que même après son ar­res­ta­tion par les agents de la Ges­tapo, ma­lade et gre­lot­tant de fièvre, Doub­nov n’arrêta pas son tra­vail : avec le stylo qui lui avait servi pen­dant tant d’années, il rem­plit un car­net de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de re­vol­ver, on le vit mar­chant et ré­pé­tant : «Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, ra­con­tez, bonnes gens, écri­vez!» 7 De ceux à qui s’adressaient ces pa­roles, presque au­cun ne sur­vé­cut. «Les pen­sées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et gran­dit de la terre. Elles ont be­soin de temps et d’un lieu pour être se­mées, elles ont be­soin d’un hi­ver pour prendre des forces et d’un prin­temps pour sor­tir et s’épanouir. Il y a les his­to­riens de l’hiver et les his­to­riens du prin­temps… Doub­nov est un his­to­rien de l’hiver», dit M. Marc-Alain Ouak­nin

  1. Par­fois tra­duit «L’Histoire mon­diale du peuple juif». Haut
  2. En russe «Всемирная история еврейского народа». Par­fois trans­crit «Vse­mir­naia is­to­riia evreis­kogo na­roda», «Vse­mir­naja is­to­rija evre­js­kogo na­roda», «Vse­mir­naja is­to­rija je­vre­js­kogo na­roda» ou «Vse­mir­naya is­to­riya evreys­kogo na­roda». Haut
  3. En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Par­fois trans­crit Se­myon Dub­now, Si­meon Dub­now, Shi­meon Dub­now, Shi­mon Dub­nov ou Semën Dub­nov. Le nom de Doub­nov, confor­mé­ment à une pra­tique bien éta­blie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses an­cêtres étaient ori­gi­naires : Doubno (Дубно), en Ukraine. Haut
  4. «Le Livre de ma vie : sou­ve­nirs et ré­flexions, ma­té­riaux pour l’histoire de mon temps», p. 737. Haut
  1. id. p. 359. Haut
  2. La gran­diose somme en dix vo­lumes, «His­toire uni­ver­selle du peuple juif», sur la­quelle Doub­nov ne cessa de tra­vailler de 1901 jusqu’à son as­sas­si­nat. Haut
  3. Dans So­phie Er­lich-Doub­nov, «La Vie de Si­mon Dub­nov», p. 25. Haut

Doubnov, «Lettres sur le judaïsme ancien et nouveau»

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Judaïsme, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-Ju­daïsme, Pa­ris

Il s’agit de «Lettres sur le ju­daïsme an­cien et nou­veau» 1Pisma o sta­rom i no­vom ié­vreïstvé» 2) de Si­mon Doub­nov 3, l’un des plus émi­nents his­to­riens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet his­to­rio­graphe, né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie, est celle de toute une gé­né­ra­tion de Juifs de l’Europe orien­tale. Qu’au mi­lieu du car­nage et «du fond du gouffre», comme il dit lui-même 4, cet homme ait songé à des tra­vaux his­to­riques de si grande en­ver­gure, cela peut pa­raître étrange. Mais cela té­moigne sim­ple­ment de la pé­ren­nité du ju­daïsme, de sa vi­va­cité dans la mort. Doub­nov avait une hau­teur de vues, une élé­va­tion de pen­sées, une piété qui l’obligeaient à cher­cher l’indestructible au mi­lieu des des­truc­tions; il di­sait comme Ar­chi­mède au sol­dat ro­main : «Ne dé­range pas mes cercles!» «Que de fois», dit Doub­nov 5, «la dou­leur cau­sée par les brû­lants sou­cis quo­ti­diens a été apai­sée par mes rêves ar­dents du mo­ment où un gran­diose édi­fice 6 s’élèverait, et où ces mil­liers de faits et de com­bi­nai­sons se mê­le­raient en un vif ta­bleau dé­pei­gnant huit cents ans de la vie de notre peuple en Eu­rope orien­tale!» Des té­moins rap­portent que même après son ar­res­ta­tion par les agents de la Ges­tapo, ma­lade et gre­lot­tant de fièvre, Doub­nov n’arrêta pas son tra­vail : avec le stylo qui lui avait servi pen­dant tant d’années, il rem­plit un car­net de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de re­vol­ver, on le vit mar­chant et ré­pé­tant : «Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, ra­con­tez, bonnes gens, écri­vez!» 7 De ceux à qui s’adressaient ces pa­roles, presque au­cun ne sur­vé­cut. «Les pen­sées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et gran­dit de la terre. Elles ont be­soin de temps et d’un lieu pour être se­mées, elles ont be­soin d’un hi­ver pour prendre des forces et d’un prin­temps pour sor­tir et s’épanouir. Il y a les his­to­riens de l’hiver et les his­to­riens du prin­temps… Doub­nov est un his­to­rien de l’hiver», dit M. Marc-Alain Ouak­nin

  1. Par­fois tra­duit «Lettres sur le vieux et sur le nou­veau ju­daïsme», «Lettres sur le ju­daïsme an­cien et mo­derne» ou «Lettres sur l’ancien et le nou­veau ju­daïsme». Haut
  2. En russe «Письма о старом и новом еврействе». Par­fois trans­crit «Pis’ma o sta­rom i no­vom evreist­vie», «Pis’ma o sta­rom i no­vom evre­jstve», «Pisma o sta­rom i no­vom evreiistve», «Pisma o sta­rom i no­vom ye­vreyst­vie», «Pisma o sta­rom i no­vom je­vreistve», «Pisma o sta­rom i no­vom ye­vreist­vye», «Pis’ma o sta­rom i no­vom evreistve», «Pisma o sta­rom i no­vom evreystve» ou «Pisma o sta­rom i no­vom ye­vreistve». Haut
  3. En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Par­fois trans­crit Se­myon Dub­now, Si­meon Dub­now, Shi­meon Dub­now, Shi­mon Dub­nov ou Semën Dub­nov. Le nom de Doub­nov, confor­mé­ment à une pra­tique bien éta­blie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses an­cêtres étaient ori­gi­naires : Doubno (Дубно), en Ukraine. Haut
  4. «Le Livre de ma vie : sou­ve­nirs et ré­flexions, ma­té­riaux pour l’histoire de mon temps», p. 737. Haut
  1. id. p. 359. Haut
  2. La gran­diose somme en dix vo­lumes, «His­toire uni­ver­selle du peuple juif», sur la­quelle Doub­nov ne cessa de tra­vailler de 1901 jusqu’à son as­sas­si­nat. Haut
  3. Dans So­phie Er­lich-Doub­nov, «La Vie de Si­mon Dub­nov», p. 25. Haut

Doubnov, «Précis d’histoire juive : des origines à nos jours [complété par Marc Jarblum]»

éd. Service technique pour l’éducation, Paris

éd. Ser­vice tech­nique pour l’éducation, Pa­ris

Il s’agit du «Pré­cis d’histoire juive», ou lit­té­ra­le­ment «L’Histoire juive ra­con­tée aux en­fants» («Yi­dishe Ge­shi­khte dert­seylt far Kin­der» 1) de Si­mon Doub­nov 2, l’un des plus émi­nents his­to­riens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet his­to­rio­graphe, né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie, est celle de toute une gé­né­ra­tion de Juifs de l’Europe orien­tale. Qu’au mi­lieu du car­nage et «du fond du gouffre», comme il dit lui-même 3, cet homme ait songé à des tra­vaux his­to­riques de si grande en­ver­gure, cela peut pa­raître étrange. Mais cela té­moigne sim­ple­ment de la pé­ren­nité du ju­daïsme, de sa vi­va­cité dans la mort. Doub­nov avait une hau­teur de vues, une élé­va­tion de pen­sées, une piété qui l’obligeaient à cher­cher l’indestructible au mi­lieu des des­truc­tions; il di­sait comme Ar­chi­mède au sol­dat ro­main : «Ne dé­range pas mes cercles!» «Que de fois», dit Doub­nov 4, «la dou­leur cau­sée par les brû­lants sou­cis quo­ti­diens a été apai­sée par mes rêves ar­dents du mo­ment où un gran­diose édi­fice 5 s’élèverait, et où ces mil­liers de faits et de com­bi­nai­sons se mê­le­raient en un vif ta­bleau dé­pei­gnant huit cents ans de la vie de notre peuple en Eu­rope orien­tale!» Des té­moins rap­portent que même après son ar­res­ta­tion par les agents de la Ges­tapo, ma­lade et gre­lot­tant de fièvre, Doub­nov n’arrêta pas son tra­vail : avec le stylo qui lui avait servi pen­dant tant d’années, il rem­plit un car­net de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de re­vol­ver, on le vit mar­chant et ré­pé­tant : «Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, ra­con­tez, bonnes gens, écri­vez!» 6 De ceux à qui s’adressaient ces pa­roles, presque au­cun ne sur­vé­cut. «Les pen­sées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et gran­dit de la terre. Elles ont be­soin de temps et d’un lieu pour être se­mées, elles ont be­soin d’un hi­ver pour prendre des forces et d’un prin­temps pour sor­tir et s’épanouir. Il y a les his­to­riens de l’hiver et les his­to­riens du prin­temps… Doub­nov est un his­to­rien de l’hiver», dit M. Marc-Alain Ouak­nin

  1. On ren­contre aussi les gra­phies «Idishe Ge­shi­khte dert­seylt far Kin­der», «Ji­dische Ges­chichte der­zeilt far Kin­der», «Idische Ges­chichte der­ze­jlt far Kin­der» et «Yid­dische Ges­chichte der­zeilt far Kin­der». Haut
  2. En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Par­fois trans­crit Se­myon Dub­now, Si­meon Dub­now, Shi­meon Dub­now, Shi­mon Dub­nov ou Semën Dub­nov. Le nom de Doub­nov, confor­mé­ment à une pra­tique bien éta­blie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses an­cêtres étaient ori­gi­naires : Doubno (Дубно), en Ukraine. Haut
  3. «Le Livre de ma vie : sou­ve­nirs et ré­flexions, ma­té­riaux pour l’histoire de mon temps», p. 737. Haut
  1. id. p. 359. Haut
  2. La gran­diose somme en dix vo­lumes, «His­toire uni­ver­selle du peuple juif», sur la­quelle Doub­nov ne cessa de tra­vailler de 1901 jusqu’à son as­sas­si­nat. Haut
  3. Dans So­phie Er­lich-Doub­nov, «La Vie de Si­mon Dub­nov», p. 25. Haut

Doubnov, «Histoire du hassidisme : une étude fondée sur des sources directes, des documents imprimés et des manuscrits»

éd. du Cerf, coll. Histoires-Judaïsmes, Paris

éd. du Cerf, coll. His­toires-Ju­daïsmes, Pa­ris

Il s’agit de l’«His­toire du has­si­disme : une étude fon­dée sur des sources di­rectes, des do­cu­ments im­pri­més et des ma­nus­crits» («Tol­dot ha’chasidut : al ye­sod me­ko­rot ri­sho­nim, nid­pa­sim ve’kitvei-yad» 1) de Si­mon Doub­nov 2, l’un des plus émi­nents his­to­riens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet his­to­rio­graphe, né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie, est celle de toute une gé­né­ra­tion de Juifs de l’Europe orien­tale. Qu’au mi­lieu du car­nage et «du fond du gouffre», comme il dit lui-même 3, cet homme ait songé à des tra­vaux his­to­riques de si grande en­ver­gure, cela peut pa­raître étrange. Mais cela té­moigne sim­ple­ment de la pé­ren­nité du ju­daïsme, de sa vi­va­cité dans la mort. Doub­nov avait une hau­teur de vues, une élé­va­tion de pen­sées, une piété qui l’obligeaient à cher­cher l’indestructible au mi­lieu des des­truc­tions; il di­sait comme Ar­chi­mède au sol­dat ro­main : «Ne dé­range pas mes cercles!» «Que de fois», dit Doub­nov 4, «la dou­leur cau­sée par les brû­lants sou­cis quo­ti­diens a été apai­sée par mes rêves ar­dents du mo­ment où un gran­diose édi­fice 5 s’élèverait, et où ces mil­liers de faits et de com­bi­nai­sons se mê­le­raient en un vif ta­bleau dé­pei­gnant huit cents ans de la vie de notre peuple en Eu­rope orien­tale!» Des té­moins rap­portent que même après son ar­res­ta­tion par les agents de la Ges­tapo, ma­lade et gre­lot­tant de fièvre, Doub­nov n’arrêta pas son tra­vail : avec le stylo qui lui avait servi pen­dant tant d’années, il rem­plit un car­net de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de re­vol­ver, on le vit mar­chant et ré­pé­tant : «Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, ra­con­tez, bonnes gens, écri­vez!» 6 De ceux à qui s’adressaient ces pa­roles, presque au­cun ne sur­vé­cut. «Les pen­sées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et gran­dit de la terre. Elles ont be­soin de temps et d’un lieu pour être se­mées, elles ont be­soin d’un hi­ver pour prendre des forces et d’un prin­temps pour sor­tir et s’épanouir. Il y a les his­to­riens de l’hiver et les his­to­riens du prin­temps… Doub­nov est un his­to­rien de l’hiver», dit M. Marc-Alain Ouak­nin

  1. En hé­breu «תולדות החסידות : על יסוד מקורות ראשונים, נדפסים וכתבי-יד». Par­fois trans­crit «To­le­dot ha ha­si­dut : al je­sod me­ko­rot ris­zo­nim, nid­pa­sim we­kitwe-jad» ou «Tol­dot ha’hassidut : al ye­sod me­ko­rot ri­sho­nim, nid­pa­sim u’ktav yad». Haut
  2. En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Par­fois trans­crit Se­myon Dub­now, Si­meon Dub­now, Shi­meon Dub­now, Shi­mon Dub­nov ou Semën Dub­nov. Le nom de Doub­nov, confor­mé­ment à une pra­tique bien éta­blie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses an­cêtres étaient ori­gi­naires : Doubno (Дубно), en Ukraine. Haut
  3. «Le Livre de ma vie : sou­ve­nirs et ré­flexions, ma­té­riaux pour l’histoire de mon temps», p. 737. Haut
  1. id. p. 359. Haut
  2. La gran­diose somme en dix vo­lumes, «His­toire uni­ver­selle du peuple juif», sur la­quelle Doub­nov ne cessa de tra­vailler de 1901 jusqu’à son as­sas­si­nat. Haut
  3. Dans So­phie Er­lich-Doub­nov, «La Vie de Si­mon Dub­nov», p. 25. Haut

Ibn Rushd (Averroès), «La Doctrine de l’intellect matériel dans le “Commentaire moyen au ‘De anima’ d’Aristote”»

dans « Langages et Philosophie : hommage à Jean Jolivet » (éd. J. Vrin, coll. Études de philosophie médiévale, Paris), p. 281-307

dans «Lan­gages et Phi­lo­so­phie : hom­mage à Jean Jo­li­vet» (éd. J. Vrin, coll. Études de phi­lo­so­phie mé­dié­vale, Pa­ris), p. 281-307

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Com­men­taire moyen sur le traité “De l’âme”» («Tal­khîs ki­tâb al-nafs» 1) d’Ibn Ru­shd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les phi­lo­sophes que l’islam donna à l’Espagne, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la mé­moire des peuples, grâce à ses re­mar­quables com­men­taires sur les écrits d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les noms cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès 3. Dans son An­da­lou­sie na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une to­lé­rance dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. «Chré­tiens, juifs, mu­sul­mans par­laient la même langue, chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et scien­ti­fiques. Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la ci­vi­li­sa­tion com­mune», dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf 4, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son temps. L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande in­fluence et en pro­fita pour y at­ti­rer les sa­vants de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter Aris­tote. Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’aristotélisme ne sera plus grec; il sera arabe. «Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la phi­lo­so­phie]», dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un homme : «Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’astronomie», pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’«im­pie», de «mé­créant», etc.; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. En arabe «تلخيص كتاب النفس». Par­fois trans­crit «Tal­khiç», «Talḫīṣ» ou «Tel­khis». Haut
  2. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Haut

Ibn Rushd (Averroès), «L’Intelligence et la Pensée, [ou] Grand Commentaire du “De anima”, livre III»

éd. Flammarion, coll. GF, Paris

éd. Flam­ma­rion, coll. GF, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Grand Com­men­taire sur le traité “De l’âme”» («Sharḥ ki­tâb al-nafs» 1) d’Ibn Ru­shd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les phi­lo­sophes que l’islam donna à l’Espagne, ce­lui qui laissa le plus de traces dans la mé­moire des peuples, grâce à ses re­mar­quables com­men­taires sur les écrits d’Aris­tote, fut Ibn Ru­shd, éga­le­ment connu sous les noms cor­rom­pus d’Aben-Rost, Aver­roïs, Aver­rhoës ou Aver­roès 3. Dans son An­da­lou­sie na­tale, ce coin pri­vi­lé­gié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait éta­bli au Xe siècle une to­lé­rance dont notre époque mo­derne peut à peine of­frir un exemple. «Chré­tiens, juifs, mu­sul­mans par­laient la même langue, chan­taient les mêmes poé­sies, par­ti­ci­paient aux mêmes études lit­té­raires et scien­ti­fiques. Toutes les bar­rières qui sé­parent les hommes étaient tom­bées; tous tra­vaillaient d’un même ac­cord à l’œuvre de la ci­vi­li­sa­tion com­mune», dit Re­nan. Abû Ya‘ḳûb Yû­suf 4, ca­life de l’Andalousie et contem­po­rain d’Ibn Ru­shd, fut le prince le plus let­tré de son temps. L’illustre phi­lo­sophe Ibn Tho­faïl ob­tint à sa Cour une grande in­fluence et en pro­fita pour y at­ti­rer les sa­vants de re­nom. Ce fut d’après le vœu ex­primé par Yû­suf et sur les ins­tances d’Ibn Tho­faïl qu’Ibn Ru­shd en­tre­prit de com­men­ter Aris­tote. Ja­mais ce der­nier n’avait reçu de soins aussi éten­dus, aussi sin­cères et dé­voués que ceux que lui pro­di­guera Ibn Ru­shd. L’aristotélisme ne sera plus grec; il sera arabe. «Mais la cause fa­tale qui a étouffé chez les mu­sul­mans les plus beaux germes de dé­ve­lop­pe­ment in­tel­lec­tuel, le fa­na­tisme re­li­gieux, pré­pa­rait déjà la ruine [de la phi­lo­so­phie]», dit Re­nan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études ra­tion­nelles se dé­chaîne sur toute la sur­face du monde mu­sul­man. Bien­tôt il suf­fira de dire d’un homme : «Un tel tra­vaille à la phi­lo­so­phie ou donne des le­çons d’astronomie», pour que les gens du peuple lui ap­pliquent im­mé­dia­te­ment le nom d’«im­pie», de «mé­créant», etc.; et que, si par mal­heur il per­sé­vère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa mai­son.

  1. En arabe «شرح كتاب النفس». Par­fois trans­crit «Šarḥ» ou «Scharh». Ce com­men­taire, perdu en arabe, est conservé dans la tra­duc­tion la­tine de Mi­chel Scot. Haut
  2. En arabe ابن رشد. Au­tre­fois trans­crit Ibn-Ro­sched, Ebn-Roëch, Ebn Ro­schd, Ibn-Ro­shd, Ibn Ro­chd ou Ibn Rušd. Haut
  1. Par sub­sti­tu­tion d’Aven (Aben) à Ibn. Haut
  2. En arabe أبو يعقوب يوسف. Au­tre­fois trans­crit Abu Ya­qub Yu­suf, Abou Ya‘qoûb Yoû­çof ou Abou-Ya’coub You­souf. Haut

Sénèque le philosophe, «Tragédies. Tome II. [Thyeste • Agamemnon • Hercule sur l’Œta • Les Phéniciennes • Octavie]»

éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, Paris

éd. Gar­nier frères, coll. Clas­siques Gar­nier, Pa­ris

Il s’agit d’«Her­cule sur l’Œta» 1Her­cules Œtæus») et autres œuvres de Sé­nèque le phi­lo­sophe 2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit «Her­cule sur le mont Oéta». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  1. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, «Tragédies. Tome I. [Hercule furieux • Les Troyennes • Médée • Hippolyte • Œdipe]»

éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, Paris

éd. Gar­nier frères, coll. Clas­siques Gar­nier, Pa­ris

Il s’agit de «Mé­dée» («Me­dea») et autres œuvres de Sé­nèque le phi­lo­sophe 1, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 2. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 3. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 4. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  2. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  1. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut

Pamuk, «Les Nuits de la peste : roman»

éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Du monde en­tier, Pa­ris

Il s’agit du ro­man «Les Nuits de la peste» («Veba Ge­ce­leri») de M. Orhan Pa­muk, écri­vain turc pour le­quel le centre du monde est Is­tan­bul, non seule­ment parce qu’il y a passé toute sa vie, mais aussi parce que toute sa vie il en a ra­conté les re­coins les plus in­times. En 1850, Gus­tave Flau­bert, en ar­ri­vant à Is­tan­bul, frappé par la gi­gan­tesque bi­gar­rure de cette ville, par le cô­toie­ment de «tant d’individualités sé­pa­rées, dont l’addition for­mi­dable apla­tit la vôtre», avait écrit que Constan­ti­nople de­vien­drait «plus tard la ca­pi­tale de la Terre» 1. Cette naïve pré­dic­tion n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de dis­pa­raître, et la ca­pi­tale de perdre son nom de Constan­ti­nople, vi­dée de ses Grecs, ses Ar­mé­niens, ses Juifs. À la nais­sance de M. Pa­muk, tout juste un siècle après le sé­jour de Flau­bert, Is­tan­bul, en tant que ville mon­diale, n’était plus qu’une ombre cré­pus­cu­laire et vi­vait les jours les plus faibles, les moins glo­rieux de ses deux mille ans d’histoire. La douce tris­tesse de ses rues fa­nées et flé­tries, de son passé tombé en dis­grâce per­çait de toute part; elle avait une pré­sence vi­sible dans le pay­sage et chez les gens; elle re­cou­vrait tel un brouillard «les vieilles fon­taines bri­sées ici et là, ta­ries de­puis des an­nées, les bou­tiques de bric et de broc ap­pa­rues… aux abords im­mé­diats des vieilles mos­quées…, les trot­toirs sales, tout tor­dus et dé­fon­cés…, les vieux ci­me­tières égre­nés sur les hau­teurs…, les lam­pa­daires fa­lots», dit M. Pa­muk 2. Parce que cette tris­tesse était cau­sée par le fait d’être des re­je­tons d’un an­cien Em­pire, les Stam­bou­liotes pré­fé­raient faire table rase du passé. Ils ar­ra­chaient des pierres aux mu­railles et aux vé­né­rables édi­fices afin de s’en ser­vir pour leurs propres construc­tions. Dé­truire, brû­ler, éri­ger à la place un im­meuble oc­ci­den­tal et mo­derne était leur ma­nière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour ef­fa­cer le sou­ve­nir dou­lou­reux d’une an­cienne maî­tresse, se dé­bar­rasse en hâte des vê­te­ments, des bi­joux, des pho­to­gra­phies et des meubles. Au bout du compte, ce trai­te­ment de choc et ces des­truc­tions par le feu ne fai­saient qu’accroître le sen­ti­ment de tris­tesse, en lui ajou­tant le ton du déses­poir et de la mi­sère. «L’effort d’occidentalisation», dit M. Pa­muk 3, «ou­vrit la voie… à la trans­for­ma­tion des in­té­rieurs do­mes­tiques en mu­sées d’une culture ja­mais vé­cue. Des an­nées après, j’ai éprouvé toute cette in­con­gruité… Ce sen­ti­ment de tris­tesse, en­foui dé­fi­ni­ti­ve­ment dans les tré­fonds de la ville, me fit prendre conscience de la né­ces­sité de construire mon propre ima­gi­naire, si je ne vou­lais pas être pri­son­nier…» Un soir, après avoir poussé la porte de la mai­son fa­mi­liale, fran­chi le seuil et lon­gue­ment mar­ché dans ces rues qui lui ap­por­taient conso­la­tion et ré­con­fort, M. Pa­muk ren­tra au mi­lieu de la nuit et s’assit à sa table pour res­ti­tuer quelque chose de leur at­mo­sphère et de leur al­chi­mie. Le len­de­main, il an­nonça à sa fa­mille qu’il se­rait écri­vain.

  1. «Lettre à Louis Bouil­het du 14.XI.1850». Haut
  2. «Is­tan­bul», p. 68-69. Haut
  1. id. p. 54-55. Haut

Sénèque le philosophe, «L’Apocoloquintose du divin Claude»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de «L’Apocoloquintose du di­vin Claude» 1Divi Clau­dii Apo­co­lo­cyn­to­sis» 2) de Sé­nèque le phi­lo­sophe 3, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 4. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 5. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 6. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit «Fa­cé­tie sa­ti­rique sur la mort du Cé­sar Claude, vul­gai­re­ment ap­pe­lée Apo­ko­lo­kyn­tose», «Apo­lo­chin­tose, ou In­cu­cur­bi­ta­tion, c’est-à-dire Mé­ta­mor­phose de l’Empereur Claude en ci­trouille», «Apo­co­lo­cyn­tose, ou Dis­cours plein de mo­que­rie sur la mort de Clau­dius» ou «L’Apocolokintosis sur la mort de l’Empereur Claude». Haut
  2. Éga­le­ment connu sous les titres de «Divi Clau­dii Apo­theo­sis per sa­tu­ram» («L’Apothéose bur­lesque du di­vin Claude») et de «Lu­dus de morte Clau­dii Cæ­sa­ris» («Fan­tai­sie sur la mort du Cé­sar Claude»), le mot forgé «apo­co­lo­quin­tose» ayant déso­rienté les co­pistes qui lui ont sub­sti­tué le mot propre «apo­théose bur­lesque». Haut
  3. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  1. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  2. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  3. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, «Questions naturelles. Tome II. Livres IV-VII»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de «Ques­tions na­tu­relles» 1Na­tu­rales Quæs­tiones») de Sé­nèque le phi­lo­sophe 2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit «La Phi­lo­so­phie na­tu­relle, ou Mé­téo­ro­lo­gie». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  1. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, «Questions naturelles. Tome I. Livres I-III»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de «Ques­tions na­tu­relles» 1Na­tu­rales Quæs­tiones») de Sé­nèque le phi­lo­sophe 2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit «La Phi­lo­so­phie na­tu­relle, ou Mé­téo­ro­lo­gie». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  1. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut

Sénèque le philosophe, «Dialogues. Tome IV. De la Providence • De la constance du sage • De la tranquillité de l’âme • De l’oisiveté»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de «De la Pro­vi­dence» 1De Pro­vi­den­tia») et autres œuvres de Sé­nèque le phi­lo­sophe 2, mo­ra­liste la­tin dou­blé d’un psy­cho­logue, dont les œuvres as­sez dé­cou­sues, mais riches en re­marques in­es­ti­mables, sont «un tré­sor de mo­rale et de bonne phi­lo­so­phie» 3. Il na­quit à Cor­doue vers 4 av. J.-C. Il en­tra, par le conseil de son père, dans la car­rière du bar­reau, et ses dé­buts eurent tant d’éclat que le prince Ca­li­gula, qui avait des pré­ten­tions à l’éloquence, ja­loux du bruit de sa re­nom­mée, parla de le faire mou­rir. Sé­nèque ne dut son sa­lut qu’à sa santé chan­ce­lante, mi­née par les veilles stu­dieuses à la lueur de la lampe. On rap­porta à Ca­li­gula que ce jeune phti­sique avait à peine le souffle, que ce se­rait tuer un mou­rant. Et Ca­li­gula se ren­dit à ces rai­sons et se contenta d’adresser à son ri­val des cri­tiques quel­que­fois fon­dées, mais tou­jours mal­veillantes, ap­pe­lant son style «du sable sans chaux» («arena sine calce»), et ses dis­cours ora­toires — «de pures ti­rades théâ­trales». Dès lors, Sé­nèque ne pensa qu’à se faire ou­blier; il s’adonna tout en­tier à la phi­lo­so­phie et n’eut d’autres fré­quen­ta­tions que des stoï­ciens. Ce­pen­dant, son père, crai­gnant qu’il ne se fer­mât l’accès aux hon­neurs, l’exhorta à re­ve­nir à la car­rière pu­blique et à ne pas bou­der les com­pro­mis­sions. En 49 apr. J.-C., Sé­nèque se vit confier par Agrip­pine l’éducation de Né­ron. On sait ce que fut Né­ron. Sé­nèque ne pou­vait pas rai­son­na­ble­ment es­pé­rer de faire un homme re­com­man­dable de ce sale gar­ne­ment, de ce triste élève, «mal élevé, va­ni­teux, in­so­lent, sen­suel, hy­po­crite, pa­res­seux» 4. Né­ron, en re­vanche, fit de notre au­teur un «ami» forcé, un col­la­bo­ra­teur mal­gré lui, le char­geant de ré­di­ger ses al­lo­cu­tions au sé­nat, dont celle où il re­pré­sen­tait le meurtre de sa mère Agrip­pine comme un bon­heur in­es­péré pour Rome. Toutes les belles le­çons, tous les bons of­fices de Sé­nèque en tant que mi­nistre de Né­ron n’aboutirent qu’à re­tar­der de quelques an­nées l’éclosion des pires mons­truo­si­tés. Alors, il cher­cha à échap­per à ses hautes, mais désho­no­rantes fonc­tions. Il de­manda de par­tir à la cam­pagne, en re­non­çant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie gé­né­rale. Mal­gré les re­fus de Né­ron, qui se ren­dait compte que la re­traite de son mi­nistre se­rait in­ter­pré­tée comme un désa­veu de la po­li­tique im­pé­riale, Sé­nèque ne re­cula pas. «En réa­lité, sa vertu lui fai­sait ha­bi­ter une autre ré­gion de l’univers; il n’avait [plus] rien de com­mun avec vous» («At illum in aliis mundi fi­ni­bus sua vir­tus col­lo­ca­vit, ni­hil vo­bis­cum com­mune ha­ben­tem») 5. Il se re­tira du monde et des af­faires du monde avec sa femme, Pau­line, et il pré­texta quelque ma­la­die pour ne point sor­tir de chez lui.

  1. Par­fois tra­duit «Dis­cours de la Pro­vi­dence de Dieu». Haut
  2. En la­tin Lu­cius Annæus Se­neca. Haut
  3. le comte Jo­seph de Maistre, «Œuvres com­plètes. Tome V. Les Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg (suite et fin)». Haut
  1. Waltz, «Vie de Sé­nèque» (éd. Per­rin, Pa­ris), p. 160. Haut
  2. «De la constance du sage», ch. XV, sect. 2. Haut