Il s’agit du récit « Dans l’intimité d’un mystique iranien » du docteur Jan Rypka, professeur titulaire de philologie turque et iranienne à l’Université de Prague, doyen de la Faculté des lettres, membre fondateur de l’Institut oriental tchécoslovaque, officier de la Légion d’honneur (Paris), lauréat de la médaille Firdousi (Téhéran), etc. C’est un fait constant à toutes les époques que les gens d’esprit, désireux de se faire comprendre, inventent dans ce dessein toutes sortes d’artifices et cherchent à mettre en œuvre toutes les ressources dont ils disposent. Pareil souci a poussé le docteur Rypka à composer ce récit où il offre, par la bouche d’un mystique iranien, une étude éloquente et parfaite de l’âme humaine. Deux raisons conjuguées ont incité ce savant à faire parler un mystique iranien : il trouvait là, en même temps qu’un moyen de s’exprimer en toute liberté, un domaine familier à ses recherches ; quant au récit lui-même, il joignait l’agrément à la sagesse, celle-ci le faisant choisir par les philosophes, celui-là — par les esprits légers. Le mystique en question est un vieillard frêle et mince, d’âge incertain. Sa demeure, minuscule comme une cage d’oiseau, est tout à fait perdue dans le labyrinthe des petites ruelles qui entoure l’angle Nord-Est du bazar de Téhéran. Il n’a ni office ni prébende et il vit dans une pauvreté absolue, presque au jour le jour, les dons de ses fidèles constituant sa seule ressource matérielle. Et il donne encore aux autres ! Dans sa chambrette baignée de lumière, les hôtes s’installent généralement autour d’une longue table, sur de larges divans longeant les murs, assis, et le dos appuyé sur des coussins. Dans un coin se trouve une autre table, plus petite, couverte de livres et de manuscrits persans et arabes. C’est là le vrai centre autour duquel tourne la vie dans la maisonnette du maître. Lui-même aime à feuilleter ces livres toutes les fois qu’il a un moment de liberté ou se les fait réciter par d’excellents chanteurs. Son poète favori est Maghribi :
« Si je te salue, c’est que toi-même, tu es le salut. Si je te bénis, c’est que tu es toi-même la bénédiction.
Comment quelqu’un peut-il te donner à toi-même ? Car tu es à la fois ton propre bienfait et ton propre bienfaiteur » 1.
il offre, par la bouche d’un mystique, une étude éloquente et parfaite de l’âme humaine
L’âme, son origine et sa nature sont le sujet favori du maître. Lui qui a étudié tant de livres, a la conviction inébranlable que l’âme est une parcelle de Dieu dans l’homme. Tout être tâche, consciemment ou inconsciemment, de rejoindre le principe auquel il doit sa naissance, non seulement pour achever cet effort et ce combat, mais encore pour les couronner par l’union finale. Ce qui a Dieu pour origine veut revenir à Dieu. « Toutes les choses reviennent à Dieu… La parole excellente monte vers lui, et il élève l’œuvre bonne. » En récitant ces versets du Coran 2, les yeux du vieillard rayonnent de bonheur derrière ses lunettes, car le souffle de la beauté éternelle caresse son âme. Enfin, après avoir soulevé le voile des éternels mystères de Dieu et de l’âme, il conclut son discours en disant : « Assez de discours, car on n’en finirait jamais avec ce sujet, alors que sa langue à lui n’a pas besoin d’interprète » 3.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- André Aymard, « Éloge de M. Jan Rypka, professeur honoraire de philologie turque et néo-iranienne à l’Université de Prague » dans « Annales de l’Université de Paris », vol. 32, nº 4, p. 445-447
- Miloš Borecký, « Le Soixantième Anniversaire du professeur Jan Rypka » dans « Archiv orientální », vol. 16, p. 1-16
- Felix Tauer, « La Vie et l’Œuvre de Jan Rypka » dans « Charisteria orientalia, præcipue ad Persiam pertinentia », Prague, p. 7-16.