Rypka, «Dans l’intimité d’un mystique iranien»

dans « L’Âme de l’Iran » (coll. Spiritualités vivantes, éd. A. Michel, Paris), p. 105-131

dans «L’Âme de l’Iran» (coll. Spi­ri­tua­li­tés vi­vantes, éd. A. Mi­chel, Pa­ris), p. 105-131

Il s’agit du ré­cit «Dans l’intimité d’un mys­tique ira­nien» du doc­teur Jan Rypka, pro­fes­seur ti­tu­laire de phi­lo­lo­gie turque et ira­nienne à l’Université de Prague, doyen de la Fa­culté des lettres, membre fon­da­teur de l’Institut orien­tal tché­co­slo­vaque, of­fi­cier de la Lé­gion d’honneur (Pa­ris), lau­réat de la mé­daille Fir­dousi (Té­hé­ran), etc. C’est un fait constant à toutes les époques que les gens d’esprit, dé­si­reux de se faire com­prendre, in­ventent dans ce des­sein toutes sortes d’artifices et cherchent à mettre en œuvre toutes les res­sources dont ils dis­posent. Pa­reil souci a poussé le doc­teur Rypka à com­po­ser ce ré­cit où il offre, par la bouche d’un mys­tique ira­nien, une étude élo­quente et par­faite de l’âme hu­maine. Deux rai­sons conju­guées ont in­cité ce sa­vant à faire par­ler un mys­tique ira­nien : il trou­vait là, en même temps qu’un moyen de s’exprimer en toute li­berté, un do­maine fa­mi­lier à ses re­cherches; quant au ré­cit lui-même, il joi­gnait l’agrément à la sa­gesse, celle-ci le fai­sant choi­sir par les phi­lo­sophes, ce­lui-là — par les es­prits lé­gers. Le mys­tique en ques­tion est un vieillard frêle et mince, d’âge in­cer­tain. Sa de­meure, mi­nus­cule comme une cage d’oiseau, est tout à fait per­due dans le la­by­rinthe des pe­tites ruelles qui en­toure l’angle Nord-Est du ba­zar de Té­hé­ran. Il n’a ni of­fice ni pré­bende et il vit dans une pau­vreté ab­so­lue, presque au jour le jour, les dons de ses fi­dèles consti­tuant sa seule res­source ma­té­rielle. Et il donne en­core aux autres! Dans sa cham­brette bai­gnée de lu­mière, les hôtes s’installent gé­né­ra­le­ment au­tour d’une longue table, sur de larges di­vans lon­geant les murs, as­sis, et le dos ap­puyé sur des cous­sins. Dans un coin se trouve une autre table, plus pe­tite, cou­verte de livres et de ma­nus­crits per­sans et arabes. C’est là le vrai centre au­tour du­quel tourne la vie dans la mai­son­nette du maître. Lui-même aime à feuille­ter ces livres toutes les fois qu’il a un mo­ment de li­berté ou se les fait ré­ci­ter par d’excellents chan­teurs. Son poète fa­vori est Magh­ribi :

«Si je te sa­lue, c’est que toi-même, tu es le sa­lut. Si je te bé­nis, c’est que tu es toi-même la bé­né­dic­tion.
Com­ment quelqu’un peut-il te don­ner à toi-même? Car tu es à la fois ton propre bien­fait et ton propre bien­fai­teur
» 1.

il offre, par la bouche d’un mys­tique, une étude élo­quente et par­faite de l’âme hu­maine

L’âme, son ori­gine et sa na­ture sont le su­jet fa­vori du maître. Lui qui a étu­dié tant de livres, a la convic­tion in­ébran­lable que l’âme est une par­celle de Dieu dans l’homme. Tout être tâche, consciem­ment ou in­cons­ciem­ment, de re­joindre le prin­cipe au­quel il doit sa nais­sance, non seule­ment pour ache­ver cet ef­fort et ce com­bat, mais en­core pour les cou­ron­ner par l’union fi­nale. Ce qui a Dieu pour ori­gine veut re­ve­nir à Dieu. «Toutes les choses re­viennent à Dieu… La pa­role ex­cel­lente monte vers lui, et il élève l’œuvre bonne.» En ré­ci­tant ces ver­sets du Co­ran 2, les yeux du vieillard rayonnent de bon­heur der­rière ses lu­nettes, car le souffle de la beauté éter­nelle ca­resse son âme. En­fin, après avoir sou­levé le voile des éter­nels mys­tères de Dieu et de l’âme, il conclut son dis­cours en di­sant : «As­sez de dis­cours, car on n’en fi­ni­rait ja­mais avec ce su­jet, alors que sa langue à lui n’a pas be­soin d’interprète» 3.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • An­dré Ay­mard, «Éloge de M. Jan Rypka, pro­fes­seur ho­no­raire de phi­lo­lo­gie turque et néo-ira­nienne à l’Université de Prague» dans «An­nales de l’Université de Pa­ris», vol. 32, nº 4, p. 445-447
  • Mi­loš Bo­re­cký, «Le Soixan­tième An­ni­ver­saire du pro­fes­seur Jan Rypka» dans «Ar­chiv orientální», vol. 16, p. 1-16
  • Fe­lix Tauer, «La Vie et l’Œuvre de Jan Rypka» dans «Cha­ris­te­ria orien­ta­lia, præ­ci­pue ad Per­siam per­ti­nen­tia», Prague, p. 7-16.
  1. p. 115. Haut
  2. XXXV, 4 & 10. Haut
  1. p. 124. Haut