Nezâmî, « Le Pavillon des sept princesses »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit du «Pa­villon des sept » 1Haft Pey­kar» 2) de  3, le maître du en vers, l’un des plus grands de per­sane (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 4Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 5Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 6 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes

Or­phe­lin de bonne heure, Nezâmî fit ce­pen­dant de brillantes études, grâce à la sol­li­ci­tude d’un oncle qui le prit en charge. Le jeune pro­tégé ac­quit ainsi toutes les connais­sances hu­maines, avec un goût mar­qué pour le . Ses bio­graphes ne nous ap­prennent rien d’autre à son su­jet, et ses œuvres, en dé­tails per­son­nels, in­diquent seule­ment qu’il ne fut pas un homme de Cour, mais un ci­ta­din; car de même que Hâ­fez ne s’éloigna ja­mais de la ville de Chi­raz où il était né, de même, Nezâmî resta cla­que­muré dans sa Gand­jeh 7. «Ce fut un qui ja­mais ne cessa de com­prendre les hommes et de sen­tir comme eux; un pro­fond phi­lo­sophe; et [en tant que] fi­dèle ser­vi­teur d’Allah, un so­li­taire isolé du », dit Jan Rypka 8. Tan­dis que les poètes de son se bous­cu­laient aux por­tails des sei­gneurs, pour en chan­ter les louanges et en re­cueillir des pro­fits, Nezâmî, conscient de la haute va­leur de ses vers, se conten­tait d’envoyer de loin ses poèmes :

«Je suis ré­tri­bué se­lon mon seul la­beur;
Si je suis ma­gni­fique, c’est grâce à mon []…
En cette des mots j’excelle :
de l’invisible”, tel est mon sur­nom!
» 9

Une si grande fierté lui fit plu­sieurs en­vieux et ja­loux, ainsi que quelques pla­giaires bien in­ca­pables de se me­su­rer à lui, mais :

«L’océan, qui est vaste et pur,
Qu’a-t-il à craindre de la bave du chien?…
Le tré­sor des deux mondes est dans ma manche;
Que m’importe le lar­cin de quelque obs­cur in­di­gent?
» 10

Il n’existe pas moins de deux tra­duc­tions fran­çaises du «Pa­villon des sept prin­cesses», mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. Mi­chael Barry.

«چون فروزنده شد به عکس و عیار
نقد این گنجه خیز رومی کار
نام شاهنشهی برو بستم
کاب گیرد ز نقش او دستم
»
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

«Ci­se­lure by­zan­tine et frap­pée du plus beau
Du Tré­sor-Gand­jeh 11,
[De là] est is­sue, dans son d’étincelles,
La mé­daille de mon œuvre
De ma cité de Gand­jeh, ma Cité-Tré­sor.
Et sur ma mé­daille ai-je gravé le nom de mon Em­pe­reur,
Et ma main de ci­se­leur s’illustre du lustre
De pa­reille en­taille»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Barry

«Quand étin­cela, par le taux et par l’éclat,
La pièce d’, tra­vail de Rûm issu de Gandja,
J’y frap­pai le nom du roi des rois;
Puisse ma main, par ce tracé, être exal­tée!»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Mme Les Sept », éd. Fayard, Pa­ris)

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. Par­fois tra­duit «Les Sept Beau­tés», «Les Sept Bel­vé­dères», «Les Sept Fi­gures» ou «Les Sept Por­traits». Icône Haut
  2. En per­san «هفت پیکر». Par­fois trans­crit «Haft Peï­gher», «Heft Peï­guer», «Haft Pai­ker», «Haft Pay­kar», «Haft Paï­kar» ou «Heft Peï­ker». Icône Haut
  3. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  4. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  5. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  6. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut
  1. En per­san گنجه. Par­fois trans­crit Ghendjé, Guenjé, Guendjé, Guend­jeh, Gendsche, Cand­jeh, Candjé, Gandjè, Gandja, Gandzha, Ganja, Gandža, Gyandzha ou Gence. Aujourd’hui Gəncə, en . Icône Haut
  2. «Les “Sept Prin­cesses” de Niz­hami», p. 105. Icône Haut
  3. «Laylâ et Ma­j­nûn», p. 32. Icône Haut
  4. id. p. 33-34. Icône Haut
  5. Nezâmî joue sur le nom de sa ville na­tale, Gand­jeh, «tré­so­re­rie». Icône Haut