Il s’agit du « Dit de Gunnarr meurtrier de Þiðrandi » (« Gunnars þáttr Þiðrandabana ») et autres sagas islandaises. Durant le siècle et demi de leur rédaction, entre les années 1200 et 1350 apr. J.-C., les sagas s’imposent par leur intensité dramatique, par leur style ramassé et presque bourru, par leur réalisme dur, tempéré d’héroïsme et d’exemples de vertu, comme la lecture favorite des hommes du Nord et comme le fleuron de l’art narratif européen. Le mot « saga » vient du verbe « segja » (« dire », « raconter »), qu’on retrouve dans toutes les langues du Nord : danois, « sige » ; suédois, « säga » ; allemand, « sagen » ; néerlandais, « zeggen » ; anglais, « say ». On aurait tort cependant d’attribuer à la Scandinavie entière la paternité de ce genre qui, à une ou deux exceptions près, est typiquement et exclusivement islandais. Il faut avouer que l’Islande est peu connue, en dehors de quelques spécialistes. Il n’est donc pas étonnant que le vulgaire regarde les habitants de cette île lointaine presque avec dédain. Il les considère comme des demi-barbares habillés de peaux de bêtes. Et puis, lorsqu’on vient lui dire que ces misérables sauvages nous ont donné l’ensemble des sagas et tout ce que nous lisons de plus ancien sur les civilisations nordiques, à telle enseigne que la vieille langue de ces civilisations est surnommée « le vieil islandais », cela lui paraît un paradoxe. Mais essayons de rétablir la vérité ! En 874 apr. J.-C. les Norvégiens prirent pied en Islande, où ils ne tardèrent pas à établir une république aristocratique. Quel était le nombre des premiers colons ? C’est ce que rien n’indique. On sait seulement que, parmi ceux qui y construisirent leur demeure, on comptait une majorité de familles nobles fuyant le despote Harald Ier1, trop lasses de sa domination ou trop fières pour l’accepter : « Vers la fin de la vie de Ketill », dit une saga2, « s’éleva la puissance du roi Harald à la Belle Chevelure, si bien qu’aucun [seigneur], non plus qu’aucun autre homme d’importance, ne prospérait dans le pays si le roi ne disposait à lui seul de [toutes les] prérogatives… Lorsque Ketill apprit que le roi Harald lui destinait le même lot qu’aux autres puissants hommes, [il dit à ses proches] : “J’ai des informations véridiques sur la haine que nous voue le roi Harald… ; j’ai l’impression que l’on nous donne à choisir entre deux choses : fuir le pays ou être tués chacun chez soi” ». Tous ceux qui ne voulaient pas courber la tête sous le sceptre du roi, s’en allaient à travers les flots chercher une heureuse « terre de glace » où il n’y avait encore ni autorité ni monarque ; où chaque chef de famille pouvait régner en liberté dans sa demeure, sans avoir peur du roi : « Il y avait là de bonnes terres, et il n’y avait pas besoin d’argent pour les acheter… ; on y prenait du saumon et d’autres poissons à longueur d’année », ajoute la même saga. Les émigrations devinrent en peu de temps si fréquentes et si nombreuses, que Harald Ier, craignant de voir la Norvège se dépeupler, imposa un tribut à tous ceux qui la quitteraient et parfois s’empara de leurs biens.
amour
Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome III.] Art et Utopie : les derniers “Fragments” (1799-1800) »
Il s’agit d’une traduction partielle des « Fragments » (« Fragmente ») de Novalis, romantique allemand, ancêtre lointain du symbolisme (XVIIIe siècle). Le comte de Platen écrit dans ses « Journaux »1 : « On est pour les romantiques allemands, [mais] moi, j’aime les Anciens. On m’a lu un jour une poésie de Novalis, dont je n’ai pas compris une seule syllabe ». Il est vrai que l’œuvre de Novalis est l’une des plus énigmatiques, l’une des moins compréhensibles de la poésie allemande ; elle est, d’un bout à l’autre, un code secret, un chiffre dont la clef s’appelle Sophie von Kühn, dite Sophie de Kühn. C’est au cours d’une tournée administrative, en 1795, que Novalis rencontra, au château de Grüningen2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui devait s’incarner son idéal ; elle n’avait pas encore treize printemps. Il tomba aussitôt sous son charme et bientôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune homme rêveur et cette « fleur bleue » (« blaue Blume ») qui s’ouvrait à la vie, suivant le mot de Novalis, naquit une idylle aussi insolite que brève. Sophie mourait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souffrances causées par une tumeur. Sa fragile et angélique figure, sur laquelle la douleur et surtout l’ombre solennelle de la mort avaient répandu une précoce maturité, laissa à Novalis un souvenir impérissable et funèbre. « Le soir s’est fait autour de moi », dit-il trois jours plus tard3, « pendant que je regardais se lever l’aurore de ma vie. » Si ensuite son étude favorite devint la philosophie, c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-aimée : Sophie. Si ensuite il se déclara fervemment chrétien, c’est que, dans le déchaînement des malheurs de Sophie, il crut reconnaître ceux de Jésus. Elle était, pour lui, l’être céleste qui était venu réaliser un idéal jusque-là vaguement pressenti et rêvé, et maintenant contemplé dans sa réalité :
« Descendons », dit-il4, « vers la tendre Fiancée,
Vers notre Bien-Aimé Jésus !
Venez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le deuil abattus… »
Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome II.] Semences »
Il s’agit d’une traduction partielle des « Fragments » (« Fragmente ») de Novalis, romantique allemand, ancêtre lointain du symbolisme (XVIIIe siècle). Le comte de Platen écrit dans ses « Journaux »1 : « On est pour les romantiques allemands, [mais] moi, j’aime les Anciens. On m’a lu un jour une poésie de Novalis, dont je n’ai pas compris une seule syllabe ». Il est vrai que l’œuvre de Novalis est l’une des plus énigmatiques, l’une des moins compréhensibles de la poésie allemande ; elle est, d’un bout à l’autre, un code secret, un chiffre dont la clef s’appelle Sophie von Kühn, dite Sophie de Kühn. C’est au cours d’une tournée administrative, en 1795, que Novalis rencontra, au château de Grüningen2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui devait s’incarner son idéal ; elle n’avait pas encore treize printemps. Il tomba aussitôt sous son charme et bientôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune homme rêveur et cette « fleur bleue » (« blaue Blume ») qui s’ouvrait à la vie, suivant le mot de Novalis, naquit une idylle aussi insolite que brève. Sophie mourait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souffrances causées par une tumeur. Sa fragile et angélique figure, sur laquelle la douleur et surtout l’ombre solennelle de la mort avaient répandu une précoce maturité, laissa à Novalis un souvenir impérissable et funèbre. « Le soir s’est fait autour de moi », dit-il trois jours plus tard3, « pendant que je regardais se lever l’aurore de ma vie. » Si ensuite son étude favorite devint la philosophie, c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-aimée : Sophie. Si ensuite il se déclara fervemment chrétien, c’est que, dans le déchaînement des malheurs de Sophie, il crut reconnaître ceux de Jésus. Elle était, pour lui, l’être céleste qui était venu réaliser un idéal jusque-là vaguement pressenti et rêvé, et maintenant contemplé dans sa réalité :
« Descendons », dit-il4, « vers la tendre Fiancée,
Vers notre Bien-Aimé Jésus !
Venez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le deuil abattus… »
Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome I.] Le Brouillon général : matériaux pour une encyclopédistique (1798-1799) »
Il s’agit d’une traduction partielle des « Fragments » (« Fragmente ») de Novalis, romantique allemand, ancêtre lointain du symbolisme (XVIIIe siècle). Le comte de Platen écrit dans ses « Journaux »1 : « On est pour les romantiques allemands, [mais] moi, j’aime les Anciens. On m’a lu un jour une poésie de Novalis, dont je n’ai pas compris une seule syllabe ». Il est vrai que l’œuvre de Novalis est l’une des plus énigmatiques, l’une des moins compréhensibles de la poésie allemande ; elle est, d’un bout à l’autre, un code secret, un chiffre dont la clef s’appelle Sophie von Kühn, dite Sophie de Kühn. C’est au cours d’une tournée administrative, en 1795, que Novalis rencontra, au château de Grüningen2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui devait s’incarner son idéal ; elle n’avait pas encore treize printemps. Il tomba aussitôt sous son charme et bientôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune homme rêveur et cette « fleur bleue » (« blaue Blume ») qui s’ouvrait à la vie, suivant le mot de Novalis, naquit une idylle aussi insolite que brève. Sophie mourait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souffrances causées par une tumeur. Sa fragile et angélique figure, sur laquelle la douleur et surtout l’ombre solennelle de la mort avaient répandu une précoce maturité, laissa à Novalis un souvenir impérissable et funèbre. « Le soir s’est fait autour de moi », dit-il trois jours plus tard3, « pendant que je regardais se lever l’aurore de ma vie. » Si ensuite son étude favorite devint la philosophie, c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-aimée : Sophie. Si ensuite il se déclara fervemment chrétien, c’est que, dans le déchaînement des malheurs de Sophie, il crut reconnaître ceux de Jésus. Elle était, pour lui, l’être céleste qui était venu réaliser un idéal jusque-là vaguement pressenti et rêvé, et maintenant contemplé dans sa réalité :
« Descendons », dit-il4, « vers la tendre Fiancée,
Vers notre Bien-Aimé Jésus !
Venez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le deuil abattus… »
Novalis, « Henri d’Ofterdingen, “Heinrich von Ofterdingen” »
Il s’agit d’« Henri d’Ofterdingen » (« Heinrich von Ofterdingen ») de Novalis, romantique allemand, ancêtre lointain du symbolisme (XVIIIe siècle). Le comte de Platen écrit dans ses « Journaux »1 : « On est pour les romantiques allemands, [mais] moi, j’aime les Anciens. On m’a lu un jour une poésie de Novalis, dont je n’ai pas compris une seule syllabe ». Il est vrai que l’œuvre de Novalis est l’une des plus énigmatiques, l’une des moins compréhensibles de la poésie allemande ; elle est, d’un bout à l’autre, un code secret, un chiffre dont la clef s’appelle Sophie von Kühn, dite Sophie de Kühn. C’est au cours d’une tournée administrative, en 1795, que Novalis rencontra, au château de Grüningen2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui devait s’incarner son idéal ; elle n’avait pas encore treize printemps. Il tomba aussitôt sous son charme et bientôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune homme rêveur et cette « fleur bleue » (« blaue Blume ») qui s’ouvrait à la vie, suivant le mot de Novalis, naquit une idylle aussi insolite que brève. Sophie mourait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souffrances causées par une tumeur. Sa fragile et angélique figure, sur laquelle la douleur et surtout l’ombre solennelle de la mort avaient répandu une précoce maturité, laissa à Novalis un souvenir impérissable et funèbre. « Le soir s’est fait autour de moi », dit-il trois jours plus tard3, « pendant que je regardais se lever l’aurore de ma vie. » Si ensuite son étude favorite devint la philosophie, c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-aimée : Sophie. Si ensuite il se déclara fervemment chrétien, c’est que, dans le déchaînement des malheurs de Sophie, il crut reconnaître ceux de Jésus. Elle était, pour lui, l’être céleste qui était venu réaliser un idéal jusque-là vaguement pressenti et rêvé, et maintenant contemplé dans sa réalité :
« Descendons », dit-il4, « vers la tendre Fiancée,
Vers notre Bien-Aimé Jésus !
Venez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le deuil abattus… »
Novalis, « Les Disciples à Saïs • Hymnes à la nuit • Journal intime »
Il s’agit des « Disciples à Saïs » (« Die Lehrlinge zu Sais ») et autres œuvres de Novalis, romantique allemand, ancêtre lointain du symbolisme (XVIIIe siècle). Le comte de Platen écrit dans ses « Journaux »1 : « On est pour les romantiques allemands, [mais] moi, j’aime les Anciens. On m’a lu un jour une poésie de Novalis, dont je n’ai pas compris une seule syllabe ». Il est vrai que l’œuvre de Novalis est l’une des plus énigmatiques, l’une des moins compréhensibles de la poésie allemande ; elle est, d’un bout à l’autre, un code secret, un chiffre dont la clef s’appelle Sophie von Kühn, dite Sophie de Kühn. C’est au cours d’une tournée administrative, en 1795, que Novalis rencontra, au château de Grüningen2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui devait s’incarner son idéal ; elle n’avait pas encore treize printemps. Il tomba aussitôt sous son charme et bientôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune homme rêveur et cette « fleur bleue » (« blaue Blume ») qui s’ouvrait à la vie, suivant le mot de Novalis, naquit une idylle aussi insolite que brève. Sophie mourait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souffrances causées par une tumeur. Sa fragile et angélique figure, sur laquelle la douleur et surtout l’ombre solennelle de la mort avaient répandu une précoce maturité, laissa à Novalis un souvenir impérissable et funèbre. « Le soir s’est fait autour de moi », dit-il trois jours plus tard3, « pendant que je regardais se lever l’aurore de ma vie. » Si ensuite son étude favorite devint la philosophie, c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-aimée : Sophie. Si ensuite il se déclara fervemment chrétien, c’est que, dans le déchaînement des malheurs de Sophie, il crut reconnaître ceux de Jésus. Elle était, pour lui, l’être céleste qui était venu réaliser un idéal jusque-là vaguement pressenti et rêvé, et maintenant contemplé dans sa réalité :
« Descendons », dit-il4, « vers la tendre Fiancée,
Vers notre Bien-Aimé Jésus !
Venez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le deuil abattus… »
Hugo, « Les Chants du crépuscule • Les Voix intérieures • Les Rayons et les Ombres »
Il s’agit des « Rayons et les Ombres » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Cet homme laissa l’empreinte de ses pas sur tous les chemins de l’esprit, servit de commandant dans toutes les luttes de l’art ; de sorte qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Avec sa mort, c’est tout un monde cyclopéen d’idées, d’impressions qui s’en va ; un continent de granit qui se détache avec fracas. « Si j’ouvre un livre de Victor Hugo au hasard, car on ne saurait choisir », écrit Jules Renard1, « il est… une montagne, une mer, ce qu’on voudra, excepté quelque chose à quoi puissent se comparer les autres hommes. » « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », demande Édouard Drumont2. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Les Orientales • Les Feuilles d’automne »
Il s’agit des « Feuilles d’automne » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Cet homme laissa l’empreinte de ses pas sur tous les chemins de l’esprit, servit de commandant dans toutes les luttes de l’art ; de sorte qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Avec sa mort, c’est tout un monde cyclopéen d’idées, d’impressions qui s’en va ; un continent de granit qui se détache avec fracas. « Si j’ouvre un livre de Victor Hugo au hasard, car on ne saurait choisir », écrit Jules Renard1, « il est… une montagne, une mer, ce qu’on voudra, excepté quelque chose à quoi puissent se comparer les autres hommes. » « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », demande Édouard Drumont2. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Hugo, « Odes et Ballades »
Il s’agit des « Odes et Ballades » et autres œuvres de Victor Hugo (XIXe siècle). Il faut reconnaître que Hugo est non seulement le premier en rang des écrivains de langue française, depuis que cette langue a été fixée ; mais le seul qui ait un droit vraiment absolu à ce titre d’écrivain dans sa pleine acception. Toutes les catégories de l’histoire littéraire se trouvent en lui déjouées. La critique qui voudrait démêler cette figure titanique, stupéfiante, tenant quelque chose de la divinité, est en présence du problème le plus insoluble. Fut-il poète, romancier ou penseur ? Fut-il spiritualiste ou réaliste ? Il fut tout cela et plus encore. Cet homme laissa l’empreinte de ses pas sur tous les chemins de l’esprit, servit de commandant dans toutes les luttes de l’art ; de sorte qu’aucune des familles qui se partagent l’espèce humaine au physique et au moral ne peut se l’attribuer entièrement. Avec sa mort, c’est tout un monde cyclopéen d’idées, d’impressions qui s’en va ; un continent de granit qui se détache avec fracas. « Si j’ouvre un livre de Victor Hugo au hasard, car on ne saurait choisir », écrit Jules Renard1, « il est… une montagne, une mer, ce qu’on voudra, excepté quelque chose à quoi puissent se comparer les autres hommes. » « Qui pourrait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo” ? », demande Édouard Drumont2. « Comme l’océan, comme la montagne, comme la forêt, ce génie éveille l’idée de l’infini. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues incessamment renouvelées ; ce qu’on aime dans la forêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces milliers d’arbres et ces milliers de feuilles qui confondent leur verdure et leur bruit. »
Nezâmî, « Layla et Majnûn »
Il s’agit d’une version persane du « Majnûn et Laylâ »1, légende de l’amour impossible et parfait, ou parfait parce qu’impossible, et qui ne s’accomplit que dans la mort. Répandue en Orient par les poètes, cette légende y conserve une célébrité égale à celle dont jouissent chez nous les amours de Roméo et Juliette, avec lesquelles elle présente plus d’un trait de ressemblance. « Il n’est pas si indifférent, pourtant, de penser que l’amour, bien avant de trouver le chemin de notre Occident, avait chanté si loin de nous, là-bas, sous le ciel de l’Arabie, en son désert, avec ses mots », explique M. André Miquel. Majnûn et Laylâ vivaient un peu après Mahomet. La vie nomade des Arabes de ce temps-là, si propre à alimenter l’amour, ainsi que la proximité des camps, agglutinés dans les lieux de halte et autour des puits, devaient donner naturellement aux jeunes hommes et aux jeunes filles de tribus différentes l’occasion de se voir et faire naître les passions les plus vives. Mais, en même temps, la nécessité de changer fréquemment de place, pour aller chercher au loin d’abondants pâturages, devait contrarier non moins souvent les amours naissantes : « Déjà deux jeunes cœurs languissaient l’un pour l’autre ; déjà leurs soupirs, aussi brûlants que l’air enflammé du désert, allaient se confondre, lorsqu’un chef donne l’ordre de lever les tentes ; la jeune fille, timide, s’éloigne lentement en dévorant ses larmes, et son amant, resté seul en proie à sa douleur, vient gémir sur les traces de l’habitation de sa bien-aimée ; ou c’est l’orgueil des chefs qui s’oppose à leur alliance, en les livrant au plus sombre désespoir »2. Tel fut le sort qu’éprouvèrent en Arabie Majnûn et Laylâ, mais aussi Jamîl et Buthayna, Kuthayyir et ‘Azza, etc.
- Parfois traduit « Mecnun et Leylâ », « Megnoun et Leïleh », « Magnoun et Leïla », « Medjnoun et Leïlé », « Medjnūn et Leylā », « Madjnoûn et Leylî », « Madjnoune et Leily », « Madschnun et Leila », « Medschnun et Leila », « Medschnoun et Leila », « Majnoon et Leili », « Medgnoun et Leileh », « Mejnoûn et Laïla », « Madjnon et Lalé », « Majnoune et Leyla », « Maǧnūn et Laylā », « Majnoun et Laili », « Mujnoon et Laili » ou « Maynun et Layla ».
le père Porée, « Le Paresseux : comédie »
Il s’agit de la comédie « Le Paresseux » (« Otiosus ») du père Charles Porée, jésuite français d’expression latine, le professeur le plus admiré de son temps (XVIIIe siècle). Le professorat ne fut jamais pour le père Porée ce qu’il était pour la plupart de ses collègues — un passe-temps provisoire, destiné à occuper le religieux pendant ses premières années de sacerdoce. On trouve au contraire en sa personne un modèle de ces pédagogues perpétuels, ces « magistri perpetui », qui se vouent pour la vie à l’éducation de la jeunesse, sans chercher d’autre emploi pour les facultés de leur esprit. Sitôt sa formation religieuse terminée, le père Porée fut chargé d’une classe ; quarante-huit ans après, quand la mort vint le surprendre, elle le trouva encore à son poste au collège Louis-le-Grand. Durant toutes ces décennies, il ne sortit presque jamais du collège, tranchant ainsi avec les habitudes mondaines des Bouhours, des Rapin, des La Rue, dont il se montra pourtant le digne successeur. Non seulement il enseignait l’amour des belles-lettres à ses élèves, mais encore il vivait avec eux, il démêlait leurs dispositions, il parlait à leur cœur, il savait à l’avance leurs vertus, leurs vices, et quand enfin il les rendait à la société qui les lui avait confiés, il pouvait dire sur quels hommes elle pouvait compter. Ses élèves demeuraient ses amis, et tous se faisaient un devoir de le consulter dans les grandes occasions de la vie et de suivre son avis. Voltaire fut de leur nombre, et le père Porée, qui avait deviné et encouragé ses premiers succès, disait parfois, en entendant parler de son irréligion : « C’est ma gloire et ma honte ». Mais au fond de lui, il aimait trop les talents littéraires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contribué à ceux d’un tel élève. On cite souvent la lettre écrite par Voltaire après la mort du père Porée, et où le disciple fait de son maître cet éloge : « Rien n’effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est également chère à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit l’étude et la vertu plus aimable. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été établi1 dans Paris comme dans Athènes que l’on pût assister à tout âge à de telles leçons. Je serais revenu souvent les entendre… Enfin, pendant les sept années que j’ai vécu en [son collège], qu’ai-je vu chez [lui] ? La vie la plus laborieuse, la plus frugale, la plus réglée. Toutes ses heures partagées entre les soins qu’[il] nous donnait et les exercices de sa profession austère »
le père Porée, « Le Joueur : comédie »

dans « Théâtre européen, nouvelle collection. Théâtre latin moderne » (XIXe siècle), p. 43-76
Il s’agit de la comédie « Le Joueur » (« Aleator ») du père Charles Porée, jésuite français d’expression latine, le professeur le plus admiré de son temps (XVIIIe siècle). Le professorat ne fut jamais pour le père Porée ce qu’il était pour la plupart de ses collègues — un passe-temps provisoire, destiné à occuper le religieux pendant ses premières années de sacerdoce. On trouve au contraire en sa personne un modèle de ces pédagogues perpétuels, ces « magistri perpetui », qui se vouent pour la vie à l’éducation de la jeunesse, sans chercher d’autre emploi pour les facultés de leur esprit. Sitôt sa formation religieuse terminée, le père Porée fut chargé d’une classe ; quarante-huit ans après, quand la mort vint le surprendre, elle le trouva encore à son poste au collège Louis-le-Grand. Durant toutes ces décennies, il ne sortit presque jamais du collège, tranchant ainsi avec les habitudes mondaines des Bouhours, des Rapin, des La Rue, dont il se montra pourtant le digne successeur. Non seulement il enseignait l’amour des belles-lettres à ses élèves, mais encore il vivait avec eux, il démêlait leurs dispositions, il parlait à leur cœur, il savait à l’avance leurs vertus, leurs vices, et quand enfin il les rendait à la société qui les lui avait confiés, il pouvait dire sur quels hommes elle pouvait compter. Ses élèves demeuraient ses amis, et tous se faisaient un devoir de le consulter dans les grandes occasions de la vie et de suivre son avis. Voltaire fut de leur nombre, et le père Porée, qui avait deviné et encouragé ses premiers succès, disait parfois, en entendant parler de son irréligion : « C’est ma gloire et ma honte ». Mais au fond de lui, il aimait trop les talents littéraires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contribué à ceux d’un tel élève. On cite souvent la lettre écrite par Voltaire après la mort du père Porée, et où le disciple fait de son maître cet éloge : « Rien n’effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est également chère à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit l’étude et la vertu plus aimable. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été établi1 dans Paris comme dans Athènes que l’on pût assister à tout âge à de telles leçons. Je serais revenu souvent les entendre… Enfin, pendant les sept années que j’ai vécu en [son collège], qu’ai-je vu chez [lui] ? La vie la plus laborieuse, la plus frugale, la plus réglée. Toutes ses heures partagées entre les soins qu’[il] nous donnait et les exercices de sa profession austère »
« Théâtre jésuite néo-latin et Antiquité : sur le “Brutus” de Charles Porée (1708) »
Il s’agit de la tragédie « Brutus » du père Charles Porée, jésuite français d’expression latine, le professeur le plus admiré de son temps (XVIIIe siècle). Le professorat ne fut jamais pour le père Porée ce qu’il était pour la plupart de ses collègues — un passe-temps provisoire, destiné à occuper le religieux pendant ses premières années de sacerdoce. On trouve au contraire en sa personne un modèle de ces pédagogues perpétuels, ces « magistri perpetui », qui se vouent pour la vie à l’éducation de la jeunesse, sans chercher d’autre emploi pour les facultés de leur esprit. Sitôt sa formation religieuse terminée, le père Porée fut chargé d’une classe ; quarante-huit ans après, quand la mort vint le surprendre, elle le trouva encore à son poste au collège Louis-le-Grand. Durant toutes ces décennies, il ne sortit presque jamais du collège, tranchant ainsi avec les habitudes mondaines des Bouhours, des Rapin, des La Rue, dont il se montra pourtant le digne successeur. Non seulement il enseignait l’amour des belles-lettres à ses élèves, mais encore il vivait avec eux, il démêlait leurs dispositions, il parlait à leur cœur, il savait à l’avance leurs vertus, leurs vices, et quand enfin il les rendait à la société qui les lui avait confiés, il pouvait dire sur quels hommes elle pouvait compter. Ses élèves demeuraient ses amis, et tous se faisaient un devoir de le consulter dans les grandes occasions de la vie et de suivre son avis. Voltaire fut de leur nombre, et le père Porée, qui avait deviné et encouragé ses premiers succès, disait parfois, en entendant parler de son irréligion : « C’est ma gloire et ma honte ». Mais au fond de lui, il aimait trop les talents littéraires et il en était trop bon juge pour ne pas être flatté d’avoir contribué à ceux d’un tel élève. On cite souvent la lettre écrite par Voltaire après la mort du père Porée, et où le disciple fait de son maître cet éloge : « Rien n’effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est également chère à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit l’étude et la vertu plus aimable. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses, et j’aurais voulu qu’il eût été établi1 dans Paris comme dans Athènes que l’on pût assister à tout âge à de telles leçons. Je serais revenu souvent les entendre… Enfin, pendant les sept années que j’ai vécu en [son collège], qu’ai-je vu chez [lui] ? La vie la plus laborieuse, la plus frugale, la plus réglée. Toutes ses heures partagées entre les soins qu’[il] nous donnait et les exercices de sa profession austère »