Rim Kin, «Sophat, ou les Surprises du destin»

éd. L’Harmattan, coll. Lettres asiatiques, Paris

éd. L’Harmattan, coll. Lettres asia­tiques, Pa­ris

Il s’agit du «Sù­phàt» 1 de M. Rim Kin 2, an­cêtre des lettres mo­dernes du Cam­bodge, ro­man­cier d’expression khmère et fran­çaise, pré­sident de l’Association des écri­vains khmers. M. Rim Kin na­quit en 1911 dans une fa­mille «khmère krom», c’est-à-dire ori­gi­naire du Viêt-nam. Son nom vé­ri­table était Kim Kin, mais suite à une faute d’écriture du chef de la com­mune, Kim se trans­forma en Rim. M. Rim Kin, donc, com­mença à écrire au col­lège Si­so­wath qui, des­tiné à toute l’Indochine, re­ce­vait beau­coup de jeunes Viet­na­miens. Il joi­gnit très tôt à ses ta­lents d’écrivain une grande ex­pé­rience du théâtre. En tant que co­mé­dien, il ob­tint du suc­cès dans les «Four­be­ries de Sca­pin» et le «Mé­de­cin vo­lant», joués en fran­çais, et le «Mé­de­cin mal­gré lui», joué en khmer. Il tra­dui­sit par ailleurs dans cette langue «Le Cid» de Cor­neille et «Sans fa­mille» d’Hector Ma­lot. Ce fut, sans doute, dans sa longue fré­quen­ta­tion du fran­çais que M. Rim Kin trouva le se­cret de ses phrases simples et élé­gantes, de sa langue claire et dé­pouillée. Dans sa di­zaine de ro­mans, il prê­cha l’effort, la té­na­cité, l’aide don­née à son pro­chain comme sources de vraie ri­chesse. Car il croyait au tra­vail et en fai­sait la base de sa foi : «Il est bien vrai que les di­vi­ni­tés se­courent les hu­mains», dit-il 3, «mais il faut aussi que les hu­mains sachent se se­cou­rir eux-mêmes : se se­cou­rir, c’est s’appliquer constam­ment au tra­vail, en­du­rer cou­ra­geu­se­ment l’adversité et la mi­sère». À cette époque, le Viêt-nam, riche en écri­vains, pu­bliait beau­coup, et les mar­chés de Phnom Penh étaient inon­dés de livres viet­na­miens. Ce fut pour que les Cam­bod­giens «n’aient plus honte de­vant les étran­gers», se­lon ses mots, que M. Rim Kin se mit à écrire en khmer. Son «Sù­phàt», pu­blié en 1938, marque la nais­sance du ro­man cam­bod­gien. Iro­nie du sort, le livre fut im­primé à Sai­gon, et il fal­lut at­tendre le dé­but de 1942 pour le voir en­fin ar­ri­ver à Phnom Penh.

il prê­cha l’effort, la té­na­cité, l’aide don­née à son pro­chain comme sources de vraie ri­chesse

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du «Sù­phàt» : «Le sort de Soya mé­ri­tait vrai­ment la pi­tié… De­puis dix mois que du­rait la ma­la­die de sa mère, elle avait vendu toutes leurs ri­zières pour la soi­gner. Ce­pen­dant, cette ma­la­die ne gué­ris­sait pas. Il y avait par­fois des amé­lio­ra­tions, puis l’état de la pa­tiente s’aggravait. Un jour, elle alla fort mal et Soya eut très peur, mais la crise fut sui­vie d’un mieux comme il n’y en avait ja­mais eu. Le cœur de Soya s’emplit d’une im­mense joie, mais elle ou­blia de com­pa­rer cette si­tua­tion avec celle de la lu­mière d’une lampe à pé­trole lorsqu’il n’y a presque plus de com­bus­tible et que la pe­tite flamme, avant de s’éteindre tout à fait, a un bref sur­saut de clarté qui pour­rait lais­ser croire qu’elle ne va pas mou­rir» 4.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Pierre Bi­tard, «La Lit­té­ra­ture cam­bod­gienne mo­derne» dans «France-Asie», vol. 12, nº 114-115, p. 467-479
  • Khing Hoc Dy, «Contri­bu­tion à l’histoire de la lit­té­ra­ture khmère. Tome II» (éd. L’Harmattan, coll. Re­cherches asia­tiques-Tra­vaux du Centre d’histoire et ci­vi­li­sa­tions de la pé­nin­sule in­do­chi­noise, Pa­ris).
  1. En khmer «សូផាត». Par­fois trans­crit «So­phat». Haut
  2. En khmer រឹម គីន. Par­fois trans­crit Rīm Gīn. Haut
  1. «ក្លាហាន» («Le Cou­ra­geux»), in­édit en fran­çais. Haut
  2. p. 20-21. Haut