Il s’agit du « Kùlàp Pailin »1 (« La Rose de Païlin ») de M. Nhok Thèm2, romancier cambodgien, traducteur de « jâtakas » (« récits de faits auxquels le Bouddha a été mêlé »), fondateur de l’Association des écrivains khmers. « Grand lettré traditionnel et grand romancier de son temps, ses travaux culturels et religieux et ses romans eurent une profonde influence sur la culture littéraire dans le Cambodge contemporain », dit un critique3. Né en 1903 au village de Svay Po, M. Nhok Thèm fit ses études religieuses et morales dans les écoles de pagode au Cambodge et en Thaïlande. À l’âge de quinze ans, il entra dans l’ordre bouddhique en tant que novice et il ne le quitta, vingt ans plus tard, que pour mieux participer aux publications de l’Institut bouddhique, qui venait d’ouvrir ses portes à Phnom Penh. Outre ces publications spéciales, M. Nhok Thèm laissa deux romans dont l’un, le « Pisàc snehà »4 (« L’Amour diabolique ») fut publié en 1942, et dont l’autre, le « Kùlàp Pailin », fut inscrit au programme de l’enseignement secondaire en 1958. Rompant avec le cadre traditionnel des récits en vers, ces romans se différenciaient par leur modernité : ils étaient écrits exclusivement en prose, dans un langage ordinaire et courant, accessible à tout le monde, et ils mettaient en scène — non plus de jeunes princes ou des êtres surnaturels, comme la littérature classique — mais des personnages bien contemporains, faisant partie des diverses couches de la société : paysans, mineurs, petits fonctionnaires, avec leurs aspirations, leurs préoccupations et leurs difficultés quotidiennes. « Ils se caractérisent par un canevas assez simple, dont le noyau principal est souvent axé sur les destinées de deux jeunes gens qui ont à faire face à des obstacles de différents ordres avant de voir se réaliser — ou sombrer — leur amour et leur mariage », dit un autre critique5.
« ses romans eurent une profonde influence sur la culture littéraire dans le Cambodge contemporain »
Voici un passage qui donnera une idée de la manière de M. Nhok Thèm : « À partir de ce jour, Chét devint mineur de gemmes dans l’entreprise du Loueung Ratana Sambât. Bien que ce fût un travail fatigant, il ne se montrait nullement rebuté… Il avait découvert avec étonnement l’air pur de Païlin et une nature, nouvelle pour lui, où se mêlaient forêts, jungles et montagnes désolées. Mais plus étonnante encore était sa jeune patronne : c’était une demoiselle prétentieuse et pleine de morgue, mais d’une très grande beauté et l’on eût dit une rose qui s’épanouit en exhalant sa fragrance à la saison des pluies »6.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Khing Hoc Dy, « Contribution à l’histoire de la littérature khmère. Tome II » (éd. L’Harmattan, coll. Recherches asiatiques-Travaux du Centre d’histoire et civilisations de la péninsule indochinoise, Paris)
- Mak Phoeun, « Le Cambodge » dans « Initiation à la péninsule indochinoise » (éd. L’Harmattan, coll. Recherches asiatiques, Paris-Montréal), p. 41-64.