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su­jet

Rosny, «Romans préhistoriques»

éd. R. Laffont, coll. Bouquins, Paris

éd. R. Laf­font, coll. Bou­quins, Pa­ris

Il s’agit de «La Guerre du feu» et autres ré­cits pré­his­to­riques de Jo­seph-Henri Rosny. Sous le pseu­do­nyme de Rosny se masque la col­la­bo­ra­tion lit­té­raire entre deux frères : Jo­seph-Henri-Ho­noré Boëx et Sé­ra­phin-Jus­tin-Fran­çois Boëx. Ils na­quirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une fa­mille fran­çaise, hol­lan­daise et es­pa­gnole ins­tal­lée en Bel­gique. Ces ori­gines di­verses, leur ins­tinct de cu­rio­sité, un âpre amour de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vi­gueur mus­cu­laire —, leur han­tise de la pré­his­toire, et jusque la fas­ci­na­tion qu’exerçaient sur eux les terres in­hos­pi­ta­lières et sau­vages, firent naître chez eux le rêve de re­joindre les tri­bus in­diennes qui han­taient en­core les éten­dues loin­taines du Ca­nada. Londres d’abord et Pa­ris en­suite n’étaient dans leur tête qu’une es­cale; mais le des­tin les y fixa pour la vie et fit d’eux des pri­son­niers de ces villes ten­ta­cu­laires que les Rosny al­laient fouiller en pro­fon­deur, avec toute la pas­sion que sus­citent des contrées in­con­nues, des contrées hu­maines et bru­tales. Ils pé­né­trèrent dans les fau­bourgs sor­dides; ils connurent les four­naises, les usines, les fa­briques fa­rouches et re­pous­santes, cra­chant leurs noires fu­mées dans le ciel, les dé­po­toirs à perte de vue, au­tour des­quels grouillaient des hommes de fer et de feu. Cette vi­sion exal­tait les Rosny jusqu’aux larmes : «Le front contre sa vitre, il contem­plait le fau­bourg si­nistre, les hautes che­mi­nées d’usine, avec l’impression d’une tue­rie lente et in­vin­cible. Au­rait-on le temps de sau­ver les hommes?… De vastes es­pé­rances ba­layaient cette crainte» 1. À ja­mais éga­rés des ho­ri­zons ca­na­diens, les Rosny se conso­lèrent en créant une poé­tique des ban­lieues, à la­quelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une fo­rêt vierge, d’une sa­vane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ra­mures et de fauves, ils la ti­rèrent, aussi vierge, de l’étrange re­mous de la ci­vi­li­sa­tion in­dus­trielle. Le sif­fle­ment des si­rènes, le re­ten­tis­se­ment des en­clumes, la ru­meur des foules de­vint pour eux un bruit aussi re­li­gieux que l’appel des cloches. L’aspect fé­roce, puis­sant des tra­vailleurs, à la sor­tie des ate­liers, leur évo­qua les temps pri­mi­tifs où les pre­miers hommes se dé­bat­taient dans des com­bats vio­lents contre les forces élé­men­taires de la na­ture. Dans leurs ro­mans aux dé­cors sub­ur­bains, qui re­joignent d’ailleurs leurs ré­cits pré­his­to­riques et scien­ti­fiques, puisqu’ils se penchent sur «tout l’antique mys­tère» 2 des de­ve­nirs de la vie — dans leurs ro­mans, dis-je, les Rosny font voir que «la fo­rêt vierge et les grandes in­dus­tries ne sont pas des choses op­po­sées, ce sont des choses ana­logues»; qu’un «mor­ceau de Pa­ris, où s’entasse la gran­deur de nos sem­blables, doit faire pal­pi­ter les ar­tistes au­tant que la chute du Rhin à Schaff­house» 3; que l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture — ou plu­tôt, il est im­pos­sible de sé­pa­rer l’une de l’autre.

  1. «La Vague rouge». Haut
  2. «L’Aube du fu­tur». Haut
  1. «La Vague rouge». Haut

Rosny, «La Vague rouge : roman de mœurs révolutionnaires»

éd. d’Albret, Narrosse

éd. d’Albret, Nar­rosse

Il s’agit de «La Vague rouge» de Jo­seph-Henri Rosny. Sous le pseu­do­nyme de Rosny se masque la col­la­bo­ra­tion lit­té­raire entre deux frères : Jo­seph-Henri-Ho­noré Boëx et Sé­ra­phin-Jus­tin-Fran­çois Boëx. Ils na­quirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une fa­mille fran­çaise, hol­lan­daise et es­pa­gnole ins­tal­lée en Bel­gique. Ces ori­gines di­verses, leur ins­tinct de cu­rio­sité, un âpre amour de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vi­gueur mus­cu­laire —, leur han­tise de la pré­his­toire, et jusque la fas­ci­na­tion qu’exerçaient sur eux les terres in­hos­pi­ta­lières et sau­vages, firent naître chez eux le rêve de re­joindre les tri­bus in­diennes qui han­taient en­core les éten­dues loin­taines du Ca­nada. Londres d’abord et Pa­ris en­suite n’étaient dans leur tête qu’une es­cale; mais le des­tin les y fixa pour la vie et fit d’eux des pri­son­niers de ces villes ten­ta­cu­laires que les Rosny al­laient fouiller en pro­fon­deur, avec toute la pas­sion que sus­citent des contrées in­con­nues, des contrées hu­maines et bru­tales. Ils pé­né­trèrent dans les fau­bourgs sor­dides; ils connurent les four­naises, les usines, les fa­briques fa­rouches et re­pous­santes, cra­chant leurs noires fu­mées dans le ciel, les dé­po­toirs à perte de vue, au­tour des­quels grouillaient des hommes de fer et de feu. Cette vi­sion exal­tait les Rosny jusqu’aux larmes : «Le front contre sa vitre, il contem­plait le fau­bourg si­nistre, les hautes che­mi­nées d’usine, avec l’impression d’une tue­rie lente et in­vin­cible. Au­rait-on le temps de sau­ver les hommes?… De vastes es­pé­rances ba­layaient cette crainte» 1. À ja­mais éga­rés des ho­ri­zons ca­na­diens, les Rosny se conso­lèrent en créant une poé­tique des ban­lieues, à la­quelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une fo­rêt vierge, d’une sa­vane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ra­mures et de fauves, ils la ti­rèrent, aussi vierge, de l’étrange re­mous de la ci­vi­li­sa­tion in­dus­trielle. Le sif­fle­ment des si­rènes, le re­ten­tis­se­ment des en­clumes, la ru­meur des foules de­vint pour eux un bruit aussi re­li­gieux que l’appel des cloches. L’aspect fé­roce, puis­sant des tra­vailleurs, à la sor­tie des ate­liers, leur évo­qua les temps pri­mi­tifs où les pre­miers hommes se dé­bat­taient dans des com­bats vio­lents contre les forces élé­men­taires de la na­ture. Dans leurs ro­mans aux dé­cors sub­ur­bains, qui re­joignent d’ailleurs leurs ré­cits pré­his­to­riques et scien­ti­fiques, puisqu’ils se penchent sur «tout l’antique mys­tère» 2 des de­ve­nirs de la vie — dans leurs ro­mans, dis-je, les Rosny font voir que «la fo­rêt vierge et les grandes in­dus­tries ne sont pas des choses op­po­sées, ce sont des choses ana­logues»; qu’un «mor­ceau de Pa­ris, où s’entasse la gran­deur de nos sem­blables, doit faire pal­pi­ter les ar­tistes au­tant que la chute du Rhin à Schaff­house» 3; que l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture — ou plu­tôt, il est im­pos­sible de sé­pa­rer l’une de l’autre.

  1. «La Vague rouge». Haut
  2. «L’Aube du fu­tur». Haut
  1. «La Vague rouge». Haut

le comte de Maistre, «Mémoires politiques et Correspondance diplomatique»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome XIV. Correspondance, part. 6 (1817-1821)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome XIII. Correspondance, part. 5 (1815-1816)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome XII. Correspondance, part. 4 (1811-1814)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome XI. Correspondance, part. 3 (1808-1810)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome X. Correspondance, part. 2 (1806-1807)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome IX. Correspondance, part. 1 (20 février 1786-30 décembre 1805)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la «Cor­res­pon­dance» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome VIII. Observations critiques sur une édition des lettres de Mme de Sévigné • Réflexions sur le protestantisme • etc.»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’«Ob­ser­va­tions cri­tiques sur une édi­tion des lettres de Mme de Sé­vi­gné» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome VII. Le Caractère extérieur du magistrat • Lettres d’un royaliste savoisien • etc.»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Ca­rac­tère ex­té­rieur du ma­gis­trat» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome VI. Examen de la philosophie de Bacon (ouvrage posthume)»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’«Exa­men de la phi­lo­so­phie de Ba­con» du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut

le comte de Maistre, «Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) • Éclaircissement sur les sacrifices»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Soi­rées de Saint-Pé­ters­bourg» et autres œuvres du comte Jo­seph de Maistre. Maistre est tou­jours resté en de­hors des grands hé­ri­tiers du XVIIIe siècle dont on re­com­mande l’étude aux gens culti­vés. On a parlé de lui ou pour le com­battre ou pour l’encenser. Et on a bien fait en un sens. Il mé­rite d’être com­battu en tant que pen­seur du ca­tho­li­cisme le plus obs­cu­ran­tiste, mais en­censé en tant que brillant cau­seur et gé­nie de la pro­vo­ca­tion. Le sys­tème de pen­sée de Maistre, comme la plu­part des faux sys­tèmes, peut se ré­su­mer en un mot : l’unité ab­so­lue. Cette unité ne peut être at­teinte par les hommes que si un pou­voir tout aussi ab­solu les réunit. Le re­pré­sen­tant de ce pou­voir, d’après Maistre, est le pape dans le do­maine spi­ri­tuel, le roi dans le do­maine tem­po­rel, qui lui donnent son ca­rac­tère su­prême, in­dé­fec­tible et sa­cré : «L’un et l’autre», dit-il 1, «ex­priment cette haute puis­sance qui les do­mine toutes… qui gou­verne et n’est pas gou­ver­née, qui juge et n’est pas ju­gée». Voilà l’autorité consti­tuée : au­to­rité re­li­gieuse d’une part, au­to­rité ci­vile de l’autre. Rien de tout cela ne doit être confié aux aca­dé­mi­ciens et aux sa­vants; et à plus forte rai­son au bas peuple. L’anarchie me­nace dès que l’insolente cri­tique du pou­voir est pos­sible : «Il fau­drait avoir perdu l’esprit», s’exclame Maistre 2, «pour croire que Dieu ait chargé les aca­dé­mies de nous ap­prendre ce qu’Il est, et ce que nous Lui de­vons. Il ap­par­tient aux pré­lats, aux nobles… d’être les dé­po­si­taires et les gar­diens des vé­ri­tés conser­va­trices; d’apprendre aux na­tions… ce qui est vrai et ce qui est faux dans l’ordre mo­ral et spi­ri­tuel. Les autres n’ont pas droit de rai­son­ner sur ces sortes de ma­tières!» Ce n’est pas à la masse po­pu­laire qu’il ap­par­tient de ré­flé­chir sur les prin­cipes obs­curs et in­faillibles aux­quels elle est sou­mise, car «il y a des choses qu’on dé­truit en les mon­trant» 3. L’autorité peut se pas­ser de science et d’obéissance éclai­rée. Maistre va beau­coup plus loin. Dans ses «Lettres sur l’Inquisition», il fait l’éloge d’une ins­ti­tu­tion ca­tho­lique qui a fait cou­ler des flots de sang. C’est à elle qu’il at­tri­bue le main­tien en Es­pagne de la foi et de la mo­nar­chie contre les­quelles est ve­nue s’user la puis­sance de Na­po­léon. Si la France avait eu le bon­heur de jouir de l’Inquisition, les dé­sastres de la Ré­vo­lu­tion fran­çaise au­raient pu être évi­tés. De là à croire que «les abus [du pou­voir] valent in­fi­ni­ment mieux que les ré­vo­lu­tions» 4 il n’y a qu’un pas. Maistre le fran­chit! Il est si dé­rai­son­nable, si ré­ac­tion­naire qu’il semble avoir été in­venté pour nous aga­cer : «Il brave, il dé­fie, il in­vec­tive, il ir­rite… Il va jusqu’à l’absurde et jusqu’au sup­plice… Que se­rait un au­tel en­touré de po­tences? Est-ce là de la théo­lo­gie?… N’est-ce pas, plu­tôt, une pro­vo­ca­tion à toute âme in­dé­pen­dante qui veut ado­rer et non trem­bler?», pro­tes­tera La­mar­tine dans son «Cours fa­mi­lier de lit­té­ra­ture».

  1. «Tome II», p. 2. Haut
  2. «Tome V», p. 108. Haut
  1. «Tome VII», p. 38. Haut
  2. «Mé­moires po­li­tiques et Cor­res­pon­dance di­plo­ma­tique». Haut