Rosny, « Daniel Valgraive »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «Da­niel Val­graive» de . Sous le pseu­do­nyme de Rosny se masque la col­la­bo­ra­tion lit­té­raire entre deux  : Jo­seph-Henri-Ho­noré Boëx et Sé­ra­phin-Jus­tin-Fran­çois Boëx. Ils na­quirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une fran­çaise, hol­lan­daise et es­pa­gnole ins­tal­lée en . Ces di­verses, leur ins­tinct de , un âpre de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vi­gueur mus­cu­laire —, leur han­tise de la pré, et jusque la fas­ci­na­tion qu’exerçaient sur eux les terres in­hos­pi­ta­lières et sau­vages, firent naître chez eux le rêve de re­joindre les tri­bus in­diennes qui han­taient en­core les éten­dues loin­taines du . Londres d’abord et Pa­ris en­suite n’étaient dans leur tête qu’une es­cale; mais le des­tin les y fixa pour la et fit d’eux des pri­son­niers de ces ten­ta­cu­laires que les Rosny al­laient fouiller en pro­fon­deur, avec toute la pas­sion que sus­citent des contrées in­con­nues, des contrées hu­maines et bru­tales. Ils pé­né­trèrent dans les fau­bourgs sor­dides; ils connurent les four­naises, les usines, les fa­briques fa­rouches et re­pous­santes, cra­chant leurs noires fu­mées dans le , les dé­po­toirs à perte de vue, au­tour des­quels grouillaient des hommes de fer et de . Cette vi­sion exal­tait les Rosny jusqu’aux larmes : «Le front contre sa vitre, il contem­plait le fau­bourg si­nistre, les hautes che­mi­nées d’usine, avec l’impression d’une tue­rie lente et in­vin­cible. Au­rait-on le de sau­ver les hommes?… De vastes es­pé­rances ba­layaient cette crainte» 1. À ja­mais éga­rés des ho­ri­zons ca­na­diens, les Rosny se conso­lèrent en créant une des ban­lieues, à la­quelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une fo­rêt vierge, d’une sa­vane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ra­mures et de fauves, ils la ti­rèrent, aussi vierge, de l’étrange re­mous de la in­dus­trielle. Le sif­fle­ment des , le re­ten­tis­se­ment des en­clumes, la des foules de­vint pour eux un bruit aussi re­li­gieux que l’appel des cloches. L’aspect fé­roce, puis­sant des tra­vailleurs, à la sor­tie des ate­liers, leur évo­qua les temps pri­mi­tifs où les pre­miers hommes se dé­bat­taient dans des com­bats vio­lents contre les forces élé­men­taires de la . Dans leurs ro­mans aux dé­cors sub­ur­bains, qui re­joignent d’ailleurs leurs ré­cits pré­his­to­riques et , puisqu’ils se penchent sur «tout l’antique mys­tère» 2 des de­ve­nirs de la vie — dans leurs ro­mans, dis-je, les Rosny font voir que «la fo­rêt vierge et les grandes in­dus­tries ne sont pas des choses op­po­sées, ce sont des choses ana­logues»; qu’un «mor­ceau de Pa­ris, où s’entasse la gran­deur de nos sem­blables, doit faire pal­pi­ter les au­tant que la chute du Rhin à Schaff­house» 3; que l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture — ou plu­tôt, il est im­pos­sible de sé­pa­rer l’une de l’autre.

l’œuvre des hommes est non moins belle et mons­trueuse que celle de la na­ture

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du de «Da­niel Val­graive» : «Il va dans ces pen­sées, au bras d’Hugues. Le grand soir ar­rive à tra­vers la fo­rêt. La va­ria­tion des der­nières lueurs est fine et dou­lou­reuse sur les ra­mures mi-nues. Le soir est grand et ci­selé — grand par l’assoupissement sourd des sous-bois, ci­selé par la téé des ra­mus­cules et des ra­meaux. Il se tait, il goûte mé­lan­co­li­que­ment la de son être avec ceux qui souf­frirent pour les hommes. L’accord est entre l’ de Da­niel et ces mi­nutes. Son état psy­chique est sans , quoique mul­tiple et lu­cide à l’extrême. Il sent la bien proche, il en a l’amère épou­vante, et pour­tant il ne trouve pas sans dou­ceur d’être là, ad­miré par le com­pa­gnon de sa . Et il mur­mure, tan­dis que la voi­ture les em­porte dans le mi-étoilé :

 “J’ai vu pour la der­nière fois les champs, les bois et le ciel.” 4» 5

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  1. «La Vague rouge». Icône Haut
  2. «L’Aube du fu­tur». Icône Haut
  3. «La Vague rouge». Icône Haut
  1. Gœthe, «Œuvres; trad. par Jacques Por­chat. Tome V. Poèmes et Ro­mans», p. 330. Icône Haut
  2. p. 200-201. Icône Haut