Il s’agit de « La Guerre du feu » et autres récits préhistoriques de Joseph-Henri Rosny. Sous le pseudonyme de Rosny se masque la collaboration littéraire entre deux frères : Joseph-Henri-Honoré Boëx et Séraphin-Justin-François Boëx. Ils naquirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une famille française, hollandaise et espagnole installée en Belgique. Ces origines diverses, leur instinct de curiosité, un âpre amour de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vigueur musculaire —, leur hantise de la préhistoire, et jusque la fascination qu’exerçaient sur eux les terres inhospitalières et sauvages, firent naître chez eux le rêve de rejoindre les tribus indiennes qui hantaient encore les étendues lointaines du Canada. Londres d’abord et Paris ensuite n’étaient dans leur tête qu’une escale ; mais le destin les y fixa pour la vie et fit d’eux des prisonniers de ces villes tentaculaires que les Rosny allaient fouiller en profondeur, avec toute la passion que suscitent des contrées inconnues, des contrées humaines et brutales. Ils pénétrèrent dans les faubourgs sordides ; ils connurent les fournaises, les usines, les fabriques farouches et repoussantes, crachant leurs noires fumées dans le ciel, les dépotoirs à perte de vue, autour desquels grouillaient des hommes de fer et de feu. Cette vision exaltait les Rosny jusqu’aux larmes : « Le front contre sa vitre, il contemplait le faubourg sinistre, les hautes cheminées d’usine, avec l’impression d’une tuerie lente et invincible. Aurait-on le temps de sauver les hommes ?… De vastes espérances balayaient cette crainte » 1. À jamais égarés des horizons canadiens, les Rosny se consolèrent en créant une poétique des banlieues, à laquelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une forêt vierge, d’une savane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ramures et de fauves, ils la tirèrent, aussi vierge, de l’étrange remous de la civilisation industrielle. Le sifflement des sirènes, le retentissement des enclumes, la rumeur des foules devint pour eux un bruit aussi religieux que l’appel des cloches. L’aspect féroce, puissant des travailleurs, à la sortie des ateliers, leur évoqua les temps primitifs où les premiers hommes se débattaient dans des combats violents contre les forces élémentaires de la nature. Dans leurs romans aux décors suburbains, qui rejoignent d’ailleurs leurs récits préhistoriques et scientifiques, puisqu’ils se penchent sur « tout l’antique mystère » 2 des devenirs de la vie — dans leurs romans, dis-je, les Rosny font voir que « la forêt vierge et les grandes industries ne sont pas des choses opposées, ce sont des choses analogues » ; qu’un « morceau de Paris, où s’entasse la grandeur de nos semblables, doit faire palpiter les artistes autant que la chute du Rhin à Schaffhouse » 3 ; que l’œuvre des hommes est non moins belle et monstrueuse que celle de la nature — ou plutôt, il est impossible de séparer l’une de l’autre.
sciences
sujet
Rosny, « La Vague rouge : roman de mœurs révolutionnaires »
Il s’agit de « La Vague rouge » de Joseph-Henri Rosny. Sous le pseudonyme de Rosny se masque la collaboration littéraire entre deux frères : Joseph-Henri-Honoré Boëx et Séraphin-Justin-François Boëx. Ils naquirent, l’aîné en 1856, le jeune en 1859, d’une famille française, hollandaise et espagnole installée en Belgique. Ces origines diverses, leur instinct de curiosité, un âpre amour de la lutte — les Rosny étaient d’une rare vigueur musculaire —, leur hantise de la préhistoire, et jusque la fascination qu’exerçaient sur eux les terres inhospitalières et sauvages, firent naître chez eux le rêve de rejoindre les tribus indiennes qui hantaient encore les étendues lointaines du Canada. Londres d’abord et Paris ensuite n’étaient dans leur tête qu’une escale ; mais le destin les y fixa pour la vie et fit d’eux des prisonniers de ces villes tentaculaires que les Rosny allaient fouiller en profondeur, avec toute la passion que suscitent des contrées inconnues, des contrées humaines et brutales. Ils pénétrèrent dans les faubourgs sordides ; ils connurent les fournaises, les usines, les fabriques farouches et repoussantes, crachant leurs noires fumées dans le ciel, les dépotoirs à perte de vue, autour desquels grouillaient des hommes de fer et de feu. Cette vision exaltait les Rosny jusqu’aux larmes : « Le front contre sa vitre, il contemplait le faubourg sinistre, les hautes cheminées d’usine, avec l’impression d’une tuerie lente et invincible. Aurait-on le temps de sauver les hommes ?… De vastes espérances balayaient cette crainte » 1. À jamais égarés des horizons canadiens, les Rosny se consolèrent en créant une poétique des banlieues, à laquelle on doit leurs meilleures pages. L’impression qu’un autre tire d’une forêt vierge, d’une savane, d’une jungle, d’un abîme d’herbes, de ramures et de fauves, ils la tirèrent, aussi vierge, de l’étrange remous de la civilisation industrielle. Le sifflement des sirènes, le retentissement des enclumes, la rumeur des foules devint pour eux un bruit aussi religieux que l’appel des cloches. L’aspect féroce, puissant des travailleurs, à la sortie des ateliers, leur évoqua les temps primitifs où les premiers hommes se débattaient dans des combats violents contre les forces élémentaires de la nature. Dans leurs romans aux décors suburbains, qui rejoignent d’ailleurs leurs récits préhistoriques et scientifiques, puisqu’ils se penchent sur « tout l’antique mystère » 2 des devenirs de la vie — dans leurs romans, dis-je, les Rosny font voir que « la forêt vierge et les grandes industries ne sont pas des choses opposées, ce sont des choses analogues » ; qu’un « morceau de Paris, où s’entasse la grandeur de nos semblables, doit faire palpiter les artistes autant que la chute du Rhin à Schaffhouse » 3 ; que l’œuvre des hommes est non moins belle et monstrueuse que celle de la nature — ou plutôt, il est impossible de séparer l’une de l’autre.
Ibn Rushd (Averroès), « La Doctrine de l’intellect matériel dans le “Commentaire moyen au ‘De anima’ d’Aristote” »

dans « Langages et Philosophie : hommage à Jean Jolivet » (éd. J. Vrin, coll. Études de philosophie médiévale, Paris), p. 281-307
Il s’agit d’une traduction partielle du « Commentaire moyen sur le traité “De l’âme” » (« Talkhîs kitâb al-nafs » 1) d’Ibn Rushd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les philosophes que l’islam donna à l’Espagne, celui qui laissa le plus de traces dans la mémoire des peuples, grâce à ses remarquables commentaires sur les écrits d’Aristote, fut Ibn Rushd, également connu sous les noms corrompus d’Aben-Rost, Averroïs, Averrhoës ou Averroès 3. Dans son Andalousie natale, ce coin privilégié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait établi au Xe siècle une tolérance dont notre époque moderne peut à peine offrir un exemple. « Chrétiens, juifs, musulmans parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études littéraires et scientifiques. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à l’œuvre de la civilisation commune », dit Renan. Abû Ya‘ḳûb Yûsuf 4, calife de l’Andalousie et contemporain d’Ibn Rushd, fut le prince le plus lettré de son temps. L’illustre philosophe Ibn Thofaïl obtint à sa Cour une grande influence et en profita pour y attirer les savants de renom. Ce fut d’après le vœu exprimé par Yûsuf et sur les instances d’Ibn Thofaïl qu’Ibn Rushd entreprit de commenter Aristote. Jamais ce dernier n’avait reçu de soins aussi étendus, aussi sincères et dévoués que ceux que lui prodiguera Ibn Rushd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fatale qui a étouffé chez les musulmans les plus beaux germes de développement intellectuel, le fanatisme religieux, préparait déjà la ruine [de la philosophie] », dit Renan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études rationnelles se déchaîne sur toute la surface du monde musulman. Bientôt il suffira de dire d’un homme : « Un tel travaille à la philosophie ou donne des leçons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui appliquent immédiatement le nom d’« impie », de « mécréant », etc. ; et que, si par malheur il persévère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa maison.
Ibn Rushd (Averroès), « L’Intelligence et la Pensée, [ou] Grand Commentaire du “De anima”, livre III »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Grand Commentaire sur le traité “De l’âme” » (« Sharḥ kitâb al-nafs » 1) d’Ibn Rushd 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). De tous les philosophes que l’islam donna à l’Espagne, celui qui laissa le plus de traces dans la mémoire des peuples, grâce à ses remarquables commentaires sur les écrits d’Aristote, fut Ibn Rushd, également connu sous les noms corrompus d’Aben-Rost, Averroïs, Averrhoës ou Averroès 3. Dans son Andalousie natale, ce coin privilégié du monde, le goût des sciences et des belles choses avait établi au Xe siècle une tolérance dont notre époque moderne peut à peine offrir un exemple. « Chrétiens, juifs, musulmans parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études littéraires et scientifiques. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à l’œuvre de la civilisation commune », dit Renan. Abû Ya‘ḳûb Yûsuf 4, calife de l’Andalousie et contemporain d’Ibn Rushd, fut le prince le plus lettré de son temps. L’illustre philosophe Ibn Thofaïl obtint à sa Cour une grande influence et en profita pour y attirer les savants de renom. Ce fut d’après le vœu exprimé par Yûsuf et sur les instances d’Ibn Thofaïl qu’Ibn Rushd entreprit de commenter Aristote. Jamais ce dernier n’avait reçu de soins aussi étendus, aussi sincères et dévoués que ceux que lui prodiguera Ibn Rushd. L’aristotélisme ne sera plus grec ; il sera arabe. « Mais la cause fatale qui a étouffé chez les musulmans les plus beaux germes de développement intellectuel, le fanatisme religieux, préparait déjà la ruine [de la philosophie] », dit Renan. Vers la fin du XIIe siècle, l’antipathie des imams et du peuple contre les études rationnelles se déchaîne sur toute la surface du monde musulman. Bientôt il suffira de dire d’un homme : « Un tel travaille à la philosophie ou donne des leçons d’astronomie », pour que les gens du peuple lui appliquent immédiatement le nom d’« impie », de « mécréant », etc. ; et que, si par malheur il persévère, ils le frappent dans la rue ou lui brûlent sa maison.
Sénèque le philosophe, « Tragédies. Tome II. [Thyeste • Agamemnon • Hercule sur l’Œta • Les Phéniciennes • Octavie] »
Il s’agit d’« Hercule sur l’Œta » 1 (« Hercules Œtæus ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « Hercule sur le mont Oéta ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Tragédies. Tome I. [Hercule furieux • Les Troyennes • Médée • Hippolyte • Œdipe] »
Il s’agit de « Médée » (« Medea ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 1, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 2. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 3. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 4. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « L’Apocoloquintose du divin Claude »
Il s’agit de « L’Apocoloquintose du divin Claude » 1 (« Divi Claudii Apocolocyntosis » 2) de Sénèque le philosophe 3, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 4. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 5. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 6. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « Facétie satirique sur la mort du César Claude, vulgairement appelée Apokolokyntose », « Apolochintose, ou Incucurbitation, c’est-à-dire Métamorphose de l’Empereur Claude en citrouille », « Apocolocyntose, ou Discours plein de moquerie sur la mort de Claudius » ou « L’Apocolokintosis sur la mort de l’Empereur Claude ».
- Également connu sous les titres de « Divi Claudii Apotheosis per saturam » (« L’Apothéose burlesque du divin Claude ») et de « Ludus de morte Claudii Cæsaris » (« Fantaisie sur la mort du César Claude »), le mot forgé « apocoloquintose » ayant désorienté les copistes qui lui ont substitué le mot propre « apothéose burlesque ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
- Waltz, « Vie de Sénèque » (éd. Perrin, Paris), p. 160.
- « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2.
Sénèque le philosophe, « Questions naturelles. Tome II. Livres IV-VII »
Il s’agit de « Questions naturelles » 1 (« Naturales Quæstiones ») de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « La Philosophie naturelle, ou Météorologie ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Questions naturelles. Tome I. Livres I-III »
Il s’agit de « Questions naturelles » 1 (« Naturales Quæstiones ») de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « La Philosophie naturelle, ou Météorologie ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome IV. De la Providence • De la constance du sage • De la tranquillité de l’âme • De l’oisiveté »
Il s’agit de « De la Providence » 1 (« De Providentia ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 2, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 3. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 4. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 5. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « Discours de la Providence de Dieu ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome III. Consolations »
Il s’agit de « Consolation à Marcia » (« Ad Marciam de consolatione ») et autres œuvres de Sénèque le philosophe 1, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 2. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 3. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 4. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome II. De la vie heureuse • De la brièveté de la vie »
Il s’agit de « De la brièveté de la vie » 1 (« De brevitate vitæ ») et « De la vie heureuse » 2 (« De vita beata ») de Sénèque le philosophe 3, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 4. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 5. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 6. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- Parfois traduit « De la brièveté de la vie humaine » ou « Discours de la brièveté de la vie ».
- Parfois traduit « Traité de la vie heureuse » ou « Le Bonheur ».
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».
- Waltz, « Vie de Sénèque » (éd. Perrin, Paris), p. 160.
- « De la constance du sage », ch. XV, sect. 2.
Sénèque le philosophe, « Dialogues. Tome I. “De ira” »
Il s’agit de « De la colère » (« De ira ») de Sénèque le philosophe 1, moraliste latin doublé d’un psychologue, dont les œuvres assez décousues, mais riches en remarques inestimables, sont « un trésor de morale et de bonne philosophie » 2. Il naquit à Cordoue vers 4 av. J.-C. Il entra, par le conseil de son père, dans la carrière du barreau, et ses débuts eurent tant d’éclat que le prince Caligula, qui avait des prétentions à l’éloquence, jaloux du bruit de sa renommée, parla de le faire mourir. Sénèque ne dut son salut qu’à sa santé chancelante, minée par les veilles studieuses à la lueur de la lampe. On rapporta à Caligula que ce jeune phtisique avait à peine le souffle, que ce serait tuer un mourant. Et Caligula se rendit à ces raisons et se contenta d’adresser à son rival des critiques quelquefois fondées, mais toujours malveillantes, appelant son style « du sable sans chaux » (« arena sine calce »), et ses discours oratoires — « de pures tirades théâtrales ». Dès lors, Sénèque ne pensa qu’à se faire oublier ; il s’adonna tout entier à la philosophie et n’eut d’autres fréquentations que des stoïciens. Cependant, son père, craignant qu’il ne se fermât l’accès aux honneurs, l’exhorta à revenir à la carrière publique et à ne pas bouder les compromissions. En 49 apr. J.-C., Sénèque se vit confier par Agrippine l’éducation de Néron. On sait ce que fut Néron. Sénèque ne pouvait pas raisonnablement espérer de faire un homme recommandable de ce sale garnement, de ce triste élève, « mal élevé, vaniteux, insolent, sensuel, hypocrite, paresseux » 3. Néron, en revanche, fit de notre auteur un « ami » forcé, un collaborateur malgré lui, le chargeant de rédiger ses allocutions au sénat, dont celle où il représentait le meurtre de sa mère Agrippine comme un bonheur inespéré pour Rome. Toutes les belles leçons, tous les bons offices de Sénèque en tant que ministre de Néron n’aboutirent qu’à retarder de quelques années l’éclosion des pires monstruosités. Alors, il chercha à échapper à ses hautes, mais déshonorantes fonctions. Il demanda de partir à la campagne, en renonçant à ses biens qui, dit-il, l’exposaient à l’envie générale. Malgré les refus de Néron, qui se rendait compte que la retraite de son ministre serait interprétée comme un désaveu de la politique impériale, Sénèque ne recula pas. « En réalité, sa vertu lui faisait habiter une autre région de l’univers ; il n’avait [plus] rien de commun avec vous » (« At illum in aliis mundi finibus sua virtus collocavit, nihil vobiscum commune habentem ») 4. Il se retira du monde et des affaires du monde avec sa femme, Pauline, et il prétexta quelque maladie pour ne point sortir de chez lui.
- En latin Lucius Annæus Seneca.
- le comte Joseph de Maistre, « Œuvres complètes. Tome V. Les Soirées de Saint-Pétersbourg (suite et fin) ».