Il s’agit des « Considérations sur la guerre actuelle des Turcs » de Constantin-François de Chassebœuf, voyageur et littérateur français, plus connu sous le surnom de Volney (XVIIIe-XIXe siècle). Il perdit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille parente, qui l’abandonna dans un petit collège d’Ancenis. Le régime de ce collège était fort mauvais, et la santé des enfants y était à peine soignée ; le directeur était un homme brutal, qui ne parlait qu’en grondant et ne grondait qu’en frappant. Volney souffrait d’autant plus que son père ne venait jamais le voir et ne paraissait jamais avoir pour lui cette sollicitude que témoigne un père envers son fils. L’enfant avançait pourtant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par nature, soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plaisait dans la méditation solitaire et taciturne, et son génie n’attendait que d’être libéré pour se développer et pour prendre un essor rapide. L’occasion ne tarda pas à se présenter : une modique somme d’argent lui échut. Il résolut de l’employer à acquérir, dans un grand voyage, un fonds de connaissances nouvelles. La Syrie et l’Égypte lui parurent les pays les plus propres aux observations historiques et morales dont il voulait s’occuper. « Je me séparerai », se promit-il1, « des sociétés corrompues ; je m’éloignerai des palais où l’âme se déprave par la satiété, et des cabanes où elle s’avilit par la misère ; j’irai dans la solitude vivre parmi les ruines ; j’interrogerai les monuments anciens… par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les Empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Mais pour visiter ces pays avec fruit, il fallait en connaître la langue : « Sans la langue, l’on ne saurait apprécier le génie et le caractère d’une nation : la traduction des interprètes n’a jamais l’effet d’un entretien direct », pensait-il2. Cette difficulté ne rebuta point Volney. Au lieu d’apprendre l’arabe en Europe, il alla s’enfermer durant huit mois dans un couvent du Liban, jusqu’à ce qu’il fût en état de parler cette langue commune à tant d’Orientaux.
savants
sujet
Volney, « Leçons d’histoire, prononcées à l’École normale en l’an III de la République française »
Il s’agit des « Leçons d’histoire » de Constantin-François de Chassebœuf, voyageur et littérateur français, plus connu sous le surnom de Volney (XVIIIe-XIXe siècle). Il perdit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille parente, qui l’abandonna dans un petit collège d’Ancenis. Le régime de ce collège était fort mauvais, et la santé des enfants y était à peine soignée ; le directeur était un homme brutal, qui ne parlait qu’en grondant et ne grondait qu’en frappant. Volney souffrait d’autant plus que son père ne venait jamais le voir et ne paraissait jamais avoir pour lui cette sollicitude que témoigne un père envers son fils. L’enfant avançait pourtant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par nature, soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plaisait dans la méditation solitaire et taciturne, et son génie n’attendait que d’être libéré pour se développer et pour prendre un essor rapide. L’occasion ne tarda pas à se présenter : une modique somme d’argent lui échut. Il résolut de l’employer à acquérir, dans un grand voyage, un fonds de connaissances nouvelles. La Syrie et l’Égypte lui parurent les pays les plus propres aux observations historiques et morales dont il voulait s’occuper. « Je me séparerai », se promit-il1, « des sociétés corrompues ; je m’éloignerai des palais où l’âme se déprave par la satiété, et des cabanes où elle s’avilit par la misère ; j’irai dans la solitude vivre parmi les ruines ; j’interrogerai les monuments anciens… par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les Empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Mais pour visiter ces pays avec fruit, il fallait en connaître la langue : « Sans la langue, l’on ne saurait apprécier le génie et le caractère d’une nation : la traduction des interprètes n’a jamais l’effet d’un entretien direct », pensait-il2. Cette difficulté ne rebuta point Volney. Au lieu d’apprendre l’arabe en Europe, il alla s’enfermer durant huit mois dans un couvent du Liban, jusqu’à ce qu’il fût en état de parler cette langue commune à tant d’Orientaux.
Nguyễn Trãi, « Proclamation sur la pacification des Ngô, “Bình Ngô đại cáo” »

dans « Nguyễn Trãi, l’une des plus belles figures de l’histoire et de la littérature vietnamiennes » (éd. en Langues étrangères, Hanoï)
Il s’agit de la « Grande Proclamation de la pacification des Chinois »1 (« Bình Ngô đại cáo ») de Nguyễn Trãi, lettré vietnamien (XIVe-XVe siècle) qui marqua de son génie politique et militaire la guerre d’indépendance menée contre les Chinois. Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand mandarin à la Cour. Quand les armées chinoises des Ming envahirent le pays, il fut arrêté avec plusieurs autres dignitaires et envoyé en exil à Nankin. Nguyễn Trãi suivit le cortège des prisonniers jusqu’à la frontière. Bravant le joug, les entraves et les coups de ses geôliers, le grand mandarin ordonna à son fils : « Tu ne dois pas pleurer la séparation d’un père et de son fils. Pleure surtout l’humiliation de ton peuple. Quand tu seras en âge, venge-moi ! »2 Nguyễn Trãi grandit. Il tint la promesse solennelle faite à son père, en rassemblant le peuple entier autour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de devenir Empereur du Viêt-nam. Hélas ! la dynastie des Lê ainsi fondée prit vite ombrage des conseils et de la notoriété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il venait de conduire à la victoire, notre patriote se fit ermite et poète : « Je ne cours point après les honneurs ni ne recherche les prébendes ; [je] ne suis ni joyeux de gagner ni triste de perdre. Les eaux horizonnent ma fenêtre, les montagnes — ma porte. Les poèmes emplissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition talonnait sans répit ? Des tombes à l’abandon sous l’herbe épaisse »3. Toute sa vie, Nguyễn Trãi eut cette seule préoccupation : l’amour de la patrie qui, dans son cœur, était inséparable de l’amour du peuple. Restant assis, serrant une froide couverture sur lui, il passait des nuits sans sommeil, songeant comment relever le pays et procurer au peuple une paix durable après ces longues guerres : « Dans mon cœur, une seule préoccupation subsiste : les affaires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux premiers tintements de cloche »4. On tient généralement la « Grande Proclamation de la pacification des Chinois » pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans lequel, aujourd’hui encore, chaque Vietnamien reconnaît avec émotion l’une des sources les plus rafraîchissantes de son identité nationale : « Notre patrie, le Grand Viêt, depuis toujours, était terre de vieille culture. Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses montagnes, ses mœurs et ses coutumes distincts de ceux du Nord… » Mais son « Recueil de poèmes en langue nationale » qui décrit, avec parfois une teinte d’amertume, les charmes de la vie vertueuse et solitaire, et qui change en tableaux enchanteurs les scènes de la nature sauvage et négligée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un public étranger.
Volney, « La Loi naturelle, ou Principes physiques de la morale »
Il s’agit de « La Loi naturelle, ou Principes physiques de la morale »1 de Constantin-François de Chassebœuf, voyageur et littérateur français, plus connu sous le surnom de Volney (XVIIIe-XIXe siècle). Il perdit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille parente, qui l’abandonna dans un petit collège d’Ancenis. Le régime de ce collège était fort mauvais, et la santé des enfants y était à peine soignée ; le directeur était un homme brutal, qui ne parlait qu’en grondant et ne grondait qu’en frappant. Volney souffrait d’autant plus que son père ne venait jamais le voir et ne paraissait jamais avoir pour lui cette sollicitude que témoigne un père envers son fils. L’enfant avançait pourtant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par nature, soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plaisait dans la méditation solitaire et taciturne, et son génie n’attendait que d’être libéré pour se développer et pour prendre un essor rapide. L’occasion ne tarda pas à se présenter : une modique somme d’argent lui échut. Il résolut de l’employer à acquérir, dans un grand voyage, un fonds de connaissances nouvelles. La Syrie et l’Égypte lui parurent les pays les plus propres aux observations historiques et morales dont il voulait s’occuper. « Je me séparerai », se promit-il2, « des sociétés corrompues ; je m’éloignerai des palais où l’âme se déprave par la satiété, et des cabanes où elle s’avilit par la misère ; j’irai dans la solitude vivre parmi les ruines ; j’interrogerai les monuments anciens… par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les Empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Mais pour visiter ces pays avec fruit, il fallait en connaître la langue : « Sans la langue, l’on ne saurait apprécier le génie et le caractère d’une nation : la traduction des interprètes n’a jamais l’effet d’un entretien direct », pensait-il3. Cette difficulté ne rebuta point Volney. Au lieu d’apprendre l’arabe en Europe, il alla s’enfermer durant huit mois dans un couvent du Liban, jusqu’à ce qu’il fût en état de parler cette langue commune à tant d’Orientaux.
Yi Hwang, « Étude de la sagesse en dix diagrammes »
Il s’agit de Yi Hwang1, un des néo-confucianistes les plus connus de la Corée ; celui, en tout cas, qui contribua le plus à implanter dans ce pays, d’une manière parfois doctrinaire et intransigeante, l’école chinoise de Zhu Xi2. Pendant la première moitié de sa vie, Yi Hwang fit carrière de fonctionnaire lettré, et après plusieurs promotions, il acquit une réputation d’intégrité et de courage. Mais son intérêt était ailleurs que dans la vie active, et comme en 1543 apr. J.-C. il était tombé malade, il acheta les « Œuvres complètes » de Zhu Xi, dont il ne connaissait pas encore le contenu, et il décida de se construire à T’oegye3 un petit ermitage et de se consacrer à leur lecture. « Jour après jour je fermais ma porte, m’asseyais calmement et lisais les livres. Je réalisai peu à peu combien le contenu en était savoureux et combien leur sens n’avait pas de limites. Par ailleurs, j’éprouvais beaucoup d’émotions à la lecture des lettres », raconte-t-il4. Et ailleurs : « Ah ! si seulement, dans ma jeunesse, je m’étais fermement décidé à vivre dans les endroits reculés, en construisant une hutte et en me consacrant à étudier et à remédier aux déficiences de ma culture spirituelle, j’aurais gagné trois décennies, ma santé se serait améliorée, mon étude aurait porté des fruits et aujourd’hui toutes les créatures terrestres me rempliraient de joie ! Comment n’ai-je pas pu comprendre cela… ? »5 Cette seconde partie de sa vie, dévouée à l’étude, fut ponctuée de nombreuses publications, où Yi Hwang suivit, jusque dans les plus minutieux détails, les enseignements de Zhu Xi. Il faut avouer qu’il n’y offrait pas toujours la largeur d’esprit et l’accent propre et autochtone qui caractérisaient son grand contemporain Yulgok. Sa logique était claire et pénétrante, mais en ce qui concernait les enseignements de Zhu Xi, il ne faisait aucun compromis, les érigeant en stricte orthodoxie. « Les résultats furent dévastateurs. La version de Yi Hwang du néo-confucianisme de Zhu Xi — idéologie dominante de la Corée Chosŏn, à la fin du XVIe siècle — était par essence une doctrine intolérante. Ses adeptes furent particulièrement rapides à rejeter et à supprimer les autres enseignements… Cela aboutit, à la fin, à la réduction du monde à un “concept unique” et à la préoccupation croissante de l’idéologie correcte, récompensant la scolastique la plus aride ou bien l’orthodoxie. »
- En coréen 이황.
- En chinois 朱熹. Autrefois transcrit Tchou Hi, Tchu Hi, Chu-hi ou Chu Hsi. Également connu sous le titre honorifique de Zhu Wen Gong (朱文公), c’est-à-dire « Zhu, prince de la littérature ». Autrefois transcrit Chu Ven Kum, Chu Wen-kung, Tchou-wen-koung ou Tchou Wen Kong.
- En coréen 퇴계.
Nguyễn Trãi, « Instructions aux enfants pour qu’ils se conduisent vertueusement, “Dạy con ở cho có đức” »

dans Maurice Durand, « Introduction à la littérature vietnamienne » (éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. UNESCO-Introduction aux littératures orientales, Paris), p. 66-69
Il s’agit d’une traduction partielle des « Instructions familiales mises en vers »1 (« Gia huấn ca ») de Nguyễn Trãi, lettré vietnamien (XIVe-XVe siècle) qui marqua de son génie politique et militaire la guerre d’indépendance menée contre les Chinois. Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand mandarin à la Cour. Quand les armées chinoises des Ming envahirent le pays, il fut arrêté avec plusieurs autres dignitaires et envoyé en exil à Nankin. Nguyễn Trãi suivit le cortège des prisonniers jusqu’à la frontière. Bravant le joug, les entraves et les coups de ses geôliers, le grand mandarin ordonna à son fils : « Tu ne dois pas pleurer la séparation d’un père et de son fils. Pleure surtout l’humiliation de ton peuple. Quand tu seras en âge, venge-moi ! »2 Nguyễn Trãi grandit. Il tint la promesse solennelle faite à son père, en rassemblant le peuple entier autour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de devenir Empereur du Viêt-nam. Hélas ! la dynastie des Lê ainsi fondée prit vite ombrage des conseils et de la notoriété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il venait de conduire à la victoire, notre patriote se fit ermite et poète : « Je ne cours point après les honneurs ni ne recherche les prébendes ; [je] ne suis ni joyeux de gagner ni triste de perdre. Les eaux horizonnent ma fenêtre, les montagnes — ma porte. Les poèmes emplissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition talonnait sans répit ? Des tombes à l’abandon sous l’herbe épaisse »3. Toute sa vie, Nguyễn Trãi eut cette seule préoccupation : l’amour de la patrie qui, dans son cœur, était inséparable de l’amour du peuple. Restant assis, serrant une froide couverture sur lui, il passait des nuits sans sommeil, songeant comment relever le pays et procurer au peuple une paix durable après ces longues guerres : « Dans mon cœur, une seule préoccupation subsiste : les affaires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux premiers tintements de cloche »4. On tient généralement la « Grande Proclamation de la pacification des Chinois » pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans lequel, aujourd’hui encore, chaque Vietnamien reconnaît avec émotion l’une des sources les plus rafraîchissantes de son identité nationale : « Notre patrie, le Grand Viêt, depuis toujours, était terre de vieille culture. Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses montagnes, ses mœurs et ses coutumes distincts de ceux du Nord… » Mais son « Recueil de poèmes en langue nationale » qui décrit, avec parfois une teinte d’amertume, les charmes de la vie vertueuse et solitaire, et qui change en tableaux enchanteurs les scènes de la nature sauvage et négligée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un public étranger.
Volney, « Les Ruines, ou Méditation sur les révolutions des Empires »
Il s’agit des « Ruines, ou Méditation sur les révolutions des Empires » de Constantin-François de Chassebœuf, voyageur et littérateur français, plus connu sous le surnom de Volney (XVIIIe-XIXe siècle). Il perdit sa mère à deux ans et fut laissé entre les mains d’une vieille parente, qui l’abandonna dans un petit collège d’Ancenis. Le régime de ce collège était fort mauvais, et la santé des enfants y était à peine soignée ; le directeur était un homme brutal, qui ne parlait qu’en grondant et ne grondait qu’en frappant. Volney souffrait d’autant plus que son père ne venait jamais le voir et ne paraissait jamais avoir pour lui cette sollicitude que témoigne un père envers son fils. L’enfant avançait pourtant dans ses études et était à la tête de ses classes. Soit par nature, soit par suite de l’abandon de son père, soit les deux, il se plaisait dans la méditation solitaire et taciturne, et son génie n’attendait que d’être libéré pour se développer et pour prendre un essor rapide. L’occasion ne tarda pas à se présenter : une modique somme d’argent lui échut. Il résolut de l’employer à acquérir, dans un grand voyage, un fonds de connaissances nouvelles. La Syrie et l’Égypte lui parurent les pays les plus propres aux observations historiques et morales dont il voulait s’occuper. « Je me séparerai », se promit-il1, « des sociétés corrompues ; je m’éloignerai des palais où l’âme se déprave par la satiété, et des cabanes où elle s’avilit par la misère ; j’irai dans la solitude vivre parmi les ruines ; j’interrogerai les monuments anciens… par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les Empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Mais pour visiter ces pays avec fruit, il fallait en connaître la langue : « Sans la langue, l’on ne saurait apprécier le génie et le caractère d’une nation : la traduction des interprètes n’a jamais l’effet d’un entretien direct », pensait-il2. Cette difficulté ne rebuta point Volney. Au lieu d’apprendre l’arabe en Europe, il alla s’enfermer durant huit mois dans un couvent du Liban, jusqu’à ce qu’il fût en état de parler cette langue commune à tant d’Orientaux.
Nguyễn Trãi, « Recueil de poèmes en langue nationale »
Il s’agit du « Recueil de poèmes en langue nationale »1 (« Quốc âm thi tập ») de Nguyễn Trãi, lettré vietnamien (XIVe-XVe siècle) qui marqua de son génie politique et militaire la guerre d’indépendance menée contre les Chinois. Son père, Nguyễn Phi Khanh, était grand mandarin à la Cour. Quand les armées chinoises des Ming envahirent le pays, il fut arrêté avec plusieurs autres dignitaires et envoyé en exil à Nankin. Nguyễn Trãi suivit le cortège des prisonniers jusqu’à la frontière. Bravant le joug, les entraves et les coups de ses geôliers, le grand mandarin ordonna à son fils : « Tu ne dois pas pleurer la séparation d’un père et de son fils. Pleure surtout l’humiliation de ton peuple. Quand tu seras en âge, venge-moi ! »2 Nguyễn Trãi grandit. Il tint la promesse solennelle faite à son père, en rassemblant le peuple entier autour de Lê Lợi, qui chassa les Ming avant de devenir Empereur du Viêt-nam. Hélas ! la dynastie des Lê ainsi fondée prit vite ombrage des conseils et de la notoriété de Nguyễn Trãi. Écarté d’une Cour qu’il venait de conduire à la victoire, notre patriote se fit ermite et poète : « Je ne cours point après les honneurs ni ne recherche les prébendes ; [je] ne suis ni joyeux de gagner ni triste de perdre. Les eaux horizonnent ma fenêtre, les montagnes — ma porte. Les poèmes emplissent mon sac, l’alcool — ma gourde… Que reste-t-il de ceux que l’ambition talonnait sans répit ? Des tombes à l’abandon sous l’herbe épaisse »3. Toute sa vie, Nguyễn Trãi eut cette seule préoccupation : l’amour de la patrie qui, dans son cœur, était inséparable de l’amour du peuple. Restant assis, serrant une froide couverture sur lui, il passait des nuits sans sommeil, songeant comment relever le pays et procurer au peuple une paix durable après ces longues guerres : « Dans mon cœur, une seule préoccupation subsiste : les affaires du pays. Toutes les nuits, je veille jusqu’aux premiers tintements de cloche »4. On tient généralement la « Grande Proclamation de la pacification des Chinois » pour le chef-d’œuvre de Nguyễn Trãi, dans lequel, aujourd’hui encore, chaque Vietnamien reconnaît avec émotion l’une des sources les plus rafraîchissantes de son identité nationale : « Notre patrie, le Grand Viêt, depuis toujours, était terre de vieille culture. Terre du Sud, elle a ses fleuves, ses montagnes, ses mœurs et ses coutumes distincts de ceux du Nord… » Mais son « Recueil de poèmes en langue nationale » qui décrit, avec parfois une teinte d’amertume, les charmes de la vie vertueuse et solitaire, et qui change en tableaux enchanteurs les scènes de la nature sauvage et négligée, m’apparaît comme étant le plus réussi et le plus propre à être goûté d’un public étranger.