Rim Kin, « Samapheavi »

dans « Péninsule », vol. 43, p. 25-102

dans « Pé­nin­sule », vol. 43, p. 25-102

Il s’agit du « Sa­ma­pheavi » de M. Rim Kin1, an­cêtre des lettres mo­dernes du Cam­bodge, ro­man­cier d’expression khmère et fran­çaise, pré­sident de l’Association des écri­vains khmers. M. Rim Kin na­quit en 1911 dans une fa­mille « khmère krom », c’est-à-dire ori­gi­naire du Viêt-nam. Son nom vé­ri­table était Kim Kin, mais suite à une faute d’écriture du chef de la com­mune, Kim se trans­forma en Rim. M. Rim Kin, donc, com­mença à écrire au col­lège Si­so­wath qui, des­tiné à toute l’Indochine, re­ce­vait beau­coup de jeunes Viet­na­miens. Il joi­gnit très tôt à ses ta­lents d’écrivain une grande ex­pé­rience du théâtre. En tant que co­mé­dien, il ob­tint du suc­cès dans les « Four­be­ries de Sca­pin » et le « Mé­de­cin vo­lant », joués en fran­çais, et le « Mé­de­cin mal­gré lui », joué en khmer. Il tra­dui­sit par ailleurs dans cette langue « Le Cid » de Cor­neille et « Sans fa­mille » d’Hector Ma­lot. Ce fut, sans doute, dans sa longue fré­quen­ta­tion du fran­çais que M. Rim Kin trouva le se­cret de ses phrases simples et élé­gantes, de sa langue claire et dé­pouillée. Dans sa di­zaine de ro­mans, il prê­cha l’effort, la té­na­cité, l’aide don­née à son pro­chain comme sources de vraie ri­chesse. Car il croyait au tra­vail et en fai­sait la base de sa foi : « Il est bien vrai que les di­vi­ni­tés se­courent les hu­mains », dit-il2, « mais il faut aussi que les hu­mains sachent se se­cou­rir eux-mêmes : se se­cou­rir, c’est s’appliquer constam­ment au tra­vail, en­du­rer cou­ra­geu­se­ment l’adversité et la mi­sère ». À cette époque, le Viêt-nam, riche en écri­vains, pu­bliait beau­coup, et les mar­chés de Phnom Penh étaient inon­dés de livres viet­na­miens. Ce fut pour que les Cam­bod­giens « n’aient plus honte de­vant les étran­gers », se­lon ses mots, que M. Rim Kin se mit à écrire en khmer. Son « Sù­phàt », pu­blié en 1938, marque la nais­sance du ro­man cam­bod­gien. Iro­nie du sort, le livre fut im­primé à Sai­gon, et il fal­lut at­tendre le dé­but de 1942 pour le voir en­fin ar­ri­ver à Phnom Penh.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du « Sa­ma­pheavi » : « “Si tu veux”, ajouta la veuve, “de­main tu n’auras qu’à ve­nir t’installer chez moi.” De nou­veau, l’homme em­brassa la femme. Joyeu­se­ment il fit en­tendre cette vieille chan­son :

L’amante qui m’offre son corps,
Certes j’ai eu de la pi­tié pour elle,
Mais j’aimerai de plus belle,
L’amante qui m’offre son cœur.

Ma­dame Nâm-Nam trou­vait cette vieille chan­son aussi har­mo­nieuse à ses oreilles que si elle ne da­tait que de cet ins­tant, et avait été seule­ment com­po­sée pour elle seule »3.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Pierre Bi­tard, « La Lit­té­ra­ture cam­bod­gienne mo­derne » dans « France-Asie », vol. 12, no 114-115, p. 467-479
  • Khing Hoc Dy, « Contri­bu­tion à l’histoire de la lit­té­ra­ture khmère. Tome II » (éd. L’Harmattan, coll. Re­cherches asia­tiques-Tra­vaux du Centre d’histoire et ci­vi­li­sa­tions de la pé­nin­sule in­do­chi­noise, Pa­ris).
  1. En khmer រឹម គីន. Par­fois trans­crit Rīm Gīn. Haut
  2. « ក្លាហាន » (« Le Cou­ra­geux »), in­édit en fran­çais. Haut
  1. p. 40. Haut