Mot-clefPerse

pays, gen­tilé ou langue

Nezâmî, «Layla et Majnûn»

éd. Fayard, Paris

éd. Fayard, Pa­ris

Il s’agit d’une ver­sion per­sane du «Ma­j­nûn et Laylâ» 1, lé­gende de l’amour im­pos­sible et par­fait, ou par­fait parce qu’impossible, et qui ne s’accomplit que dans la mort. Ré­pan­due en Orient par les poètes, cette lé­gende y conserve une cé­lé­brité égale à celle dont jouissent chez nous les amours de Ro­méo et Ju­liette, avec les­quelles elle pré­sente plus d’un trait de res­sem­blance. «Il n’est pas si in­dif­fé­rent, pour­tant, de pen­ser que l’amour, bien avant de trou­ver le che­min de notre Oc­ci­dent, avait chanté si loin de nous, là-bas, sous le ciel de l’Arabie, en son dé­sert, avec ses mots», ex­plique M. An­dré Mi­quel. Ma­j­nûn et Laylâ vi­vaient un peu après Ma­ho­met. La vie no­made des Arabes de ce temps-là, si propre à ali­men­ter l’amour, ainsi que la proxi­mité des camps, ag­glu­ti­nés dans les lieux de halte et au­tour des puits, de­vaient don­ner na­tu­rel­le­ment aux jeunes hommes et aux jeunes filles de tri­bus dif­fé­rentes l’occasion de se voir et faire naître les pas­sions les plus vives. Mais, en même temps, la né­ces­sité de chan­ger fré­quem­ment de place, pour al­ler cher­cher au loin d’abondants pâ­tu­rages, de­vait contra­rier non moins sou­vent les amours nais­santes : «Déjà deux jeunes cœurs lan­guis­saient l’un pour l’autre; déjà leurs sou­pirs, aussi brû­lants que l’air en­flammé du dé­sert, al­laient se confondre, lorsqu’un chef donne l’ordre de le­ver les tentes; la jeune fille, ti­mide, s’éloigne len­te­ment en dé­vo­rant ses larmes, et son amant, resté seul en proie à sa dou­leur, vient gé­mir sur les traces de l’habitation de sa bien-ai­mée; ou c’est l’orgueil des chefs qui s’oppose à leur al­liance, en les li­vrant au plus sombre déses­poir» 2. Tel fut le sort qu’éprouvèrent en Ara­bie Ma­j­nûn et Laylâ, mais aussi Ja­mîl et Bu­thayna, Ku­thayyir et ‘Azza, etc.

  1. Par­fois tra­duit «Mec­nun et Leylâ», «Me­gnoun et Leï­leh», «Ma­gnoun et Leïla», «Med­j­noun et Leïlé», «Med­jnūn et Leylā», «Mad­j­noûn et Leylî», «Mad­j­noune et Leily», «Mad­sch­nun et Leila», «Med­sch­nun et Leila», «Med­sch­noun et Leila», «Ma­j­noon et Leili», «Med­gnoun et Lei­leh», «Me­j­noûn et Laïla», «Mad­j­non et Lalé», «Ma­j­noune et Leyla», «Maǧnūn et Laylā», «Ma­j­noun et Laili», «Mu­j­noon et Laili» ou «May­nun et Layla». Haut
  1. An­toine-Léo­nard de Chézy, «Pré­face au “Med­j­noun et Leïlâ” de Djâmî». Haut

Buzurg ibn Šahrîyâr, «Livre des merveilles de l’Inde»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des mer­veilles de l’Inde» («Ki­tâb ‘aǧâ’ib al-Hind» 1) at­tri­bué à Bu­zurg ibn Šah­riyâr al-Râm-Hur­muzî 2. L’auteur — un Per­san de Râm-Hur­muz 3 — a sillonné les côtes de l’Inde et de l’Insulinde en tant que ca­pi­taine de na­vire («nâḫudât»); mais la plu­part des faits qu’il nous rap­porte ont pour ga­rants d’autres ca­pi­taines de na­vire, maîtres de na­vi­ga­tion («mu‘allim») et pi­lotes de sa connais­sance. «On y trouve de la géo­gra­phie, de l’histoire na­tu­relle, de la fan­tai­sie…, des ré­cits de tem­pêtes et de nau­frages, des scènes d’anthropophagie, et — di­sons-le tout de suite comme aver­tis­se­ment aux per­sonnes fa­ciles à ef­fa­rou­cher — plu­sieurs traits de mœurs orien­tales, contés avec une fran­chise un peu crue» 4. De ce très riche fouillis, il se dé­gage en tout cent trente-quatre his­to­riettes que l’auteur dit avoir re­cueillies de la bouche même des na­vi­ga­teurs per­sans et arabes qui y ont joué le pre­mier rôle. Quelques-unes d’entre elles sont da­tées, et leurs dates s’échelonnent de 900 à 953 apr. J.-C. Il est per­mis d’en dé­duire que le re­cueil a été achevé en cette der­nière an­née ou peu après. Comme le titre de «Livre des mer­veilles de l’Inde» l’indique, et comme c’est presque tou­jours tou­jours le cas s’agissant d’anecdotes nées na­tu­relles dans la bouche de ma­rins, l’extraordinaire, le ter­rible, le mer­veilleux tient ici une place cen­trale. Les his­toires fa­bu­leuses de ser­pents géants et de peuples man­geurs d’hommes ne font donc pas dé­faut, et l’auteur fi­nit par­fois par lâ­cher : «À mon sens, c’est une rê­ve­rie sans fon­de­ment. Dieu seul connaît la vé­rité» 5. Mais il s’en trouve d’autres qui frappent par leur sim­pli­cité et leur ac­cent vé­ri­dique; car, à l’opposé des «Mille et une Nuits», elles peuvent se conclure par des re­vers de for­tune et des faillites : «Un bâ­ti­ment coule à fond en pleine mer, un autre est sub­mergé en vue du port; tel échoue et se brise sur les écueils, tel autre est frappé par la corne d’un nar­val. Ici, de tout un nom­breux équi­page nau­fragé, six ou sept hommes seule­ment se sauvent, par des moyens mi­ra­cu­leux, après avoir souf­fert mille morts. Là, un seul échappe aux flots pour tom­ber entre les mains d’un monstre à face hu­maine, d’un Po­ly­phème qui l’engraisse pour le dé­vo­rer» 6.

  1. En arabe «كتاب عجائب الهند». Au­tre­fois trans­crit «Kitāb ‘adjā’ib al-Hind» ou «Ki­tab al-ajaib al-Hind». Haut
  2. En per­san بزرگ بن شهریار رامهرمزی. Au­tre­fois trans­crit Bo­zorg fils de Chah­riyâr ou Bu­zurg b. Shah­riyār. Haut
  3. En per­san رامهرمز. Au­tre­fois trans­crit Râm­hor­moz, Ram-Hor­muz ou Ram­hor­mouz. Haut
  1. Mar­cel De­vic. Haut
  2. p. 173. Haut
  3. Mar­cel De­vic. Haut

Bâbâ Tâhir, «“Le Génie du millénaire” : cent quatrains lyriques»

éd. L’Harmattan, coll. Poètes des cinq continents, Paris

éd. L’Harmattan, coll. Poètes des cinq conti­nents, Pa­ris

Il s’agit de Bâbâ Tâ­hir 1, poète per­san, dont la sim­pli­cité des sen­ti­ments et du vo­ca­bu­laire fait le charme de ses qua­trains. On sait peu de choses sur lui; on ignore même le temps où il vé­cut (entre le Xe et XIIe siècle apr. J.-C. pro­ba­ble­ment). Il était un de ces der­viches er­rants, ces fous de Dieu qui passent pour saints en Orient, et que pour cela, tout le monde ré­vère et res­pecte. Le sur­nom de ‘Uryân 2le Nu») sous le­quel il est dé­si­gné lui vient, disent cer­tains, de ce qu’il se pro­me­nait sans vê­te­ments dans les ba­zars et dans les rues; mais il est tout aussi vrai­sem­blable qu’il vi­vait dans le dé­nue­ment ou le re­non­ce­ment, plu­tôt que dans la com­plète nu­dité : «Je suis le bo­hème mys­tique qu’on ap­pelle “qa­len­der”; je n’ai ni feu ni lieu, nul point d’attache», dit-il. «Le jour, j’erre au­tour du monde, et la nuit, je m’endors une brique sous la tête… Il n’y a point dans l’univers de pa­pillon aussi étourdi, de fou aussi étrange que moi. Les ser­pents et les four­mis ont tous une re­traite, mais moi je n’ai pas même — in­for­tuné! — le mur d’une mai­son en ruines» 3. En tout cas, l’on constate que son mys­ti­cisme ne lui épar­gna ni les tour­ments de l’amour ni les an­goisses cau­sées par la pen­sée de la mort. Il est, d’ailleurs, un des pre­miers der­viches à avoir dé­crit ses trans­ports amou­reux dans la langue per­sane : «Le col­chique des mon­tagnes ne dure qu’une se­maine, ainsi que la vio­lette des bords de la ri­vière; je veux crier, de ville en ville, que la fi­dé­lité des belles aux joues ro­sées ne dure qu’une se­maine… Mon cœur est plein de feu, mes yeux pleins de larmes; ma vie n’est qu’un vase rem­pli de tris­tesses et d’ennuis. Eh bien! si, après ma mort, tu viens à pas­ser près de ma tombe, ton par­fum me ren­dra la vie»

  1. En per­san باباطاهر. Par­fois trans­crit Bâbâ Tâ­her. Haut
  2. En per­san عریان. Par­fois trans­crit Uriyan, ‘Oriyān ou Oryân. Haut
  1. Tra­duc­tion de Clé­ment Huart, p. 516 & 528. Haut

«Sainte Golindouch»

dans « Échos d’Orient », vol. 4, nº 1, p. 18-20

dans «Échos d’Orient», vol. 4, nº 1, p. 18-20

Il s’agit de sainte Go­lin­douch 1, sur­nom­mée la «mar­tyre vi­vante» («mar­tys zôsa» 2), une Per­sane qui se conver­tit au chris­tia­nisme et qui fit des mi­racles et des pro­diges après avoir subi de grands tour­ments de la part des siens (VIe siècle apr. J.-C.). La lé­gende de sa pas­sion a été ex­ploi­tée par le clergé chré­tien, qui rê­vait de la conquête re­li­gieuse de la Perse, mais le fond de son his­toire n’en est pas moins vrai. Go­lin­douch ap­par­te­nait à une noble fa­mille per­sane et des­cen­dait même de sang royal. Éle­vée dans la re­li­gion an­ces­trale, elle pra­ti­qua d’abord le culte du feu et les su­per­sti­tions des mages. On la ma­ria à l’un des membres du sé­nat, dont elle eut deux fils. Au bout de trois an­nées de ma­riage, cette jeune femme tomba dans une ex­tase (cer­tains di­raient une at­taque d’hystérie). Quand elle en fut sor­tie, elle ra­conta que son âme avait été té­moin des sup­plices ter­ri­fiants ré­ser­vés aux cou­pables et des béa­ti­tudes qui at­tendent ceux qui adorent le Dieu des chré­tiens. Son mari traita d’abord cette vi­sion de fable ri­di­cule, et il ne s’en pré­oc­cupa pas au­tre­ment; mais quand il la vit fer­me­ment ré­so­lue à se faire chré­tienne, il em­ploya tous les moyens pour la faire re­non­cer à cette apos­ta­sie. Ce fut en vain. Elle eut une autre vi­sion. Un ange lui ap­pa­rut, vêtu de lu­mière, qui lui mon­tra le spec­tacle qu’elle avait vu la pre­mière fois, et lui pré­dit la mort pro­chaine de son mari. La pré­dic­tion ne tarda pas à s’accomplir. Aus­si­tôt, Go­lin­douch se ren­dit à Ni­sibe et em­brassa le chris­tia­nisme. Les mages, fu­rieux, lui or­don­nèrent de re­ve­nir au culte na­tio­nal, et sur son re­fus, ils la sou­mirent aux cruau­tés et aux tor­tures dont est cou­tu­mière, entre toutes, la per­sé­cu­tion asia­tique : «D’abord la fla­gel­la­tion : un des seins de la pa­tiente [est] am­puté à demi par le fouet… Puis le sup­plice de la cendre brû­lante : on en rem­plit un sac dans le­quel on lui main­tient la tête en­fer­mée pour l’étouffer. C’est en­suite un sé­jour de trois mois, sans nour­ri­ture, dans une basse-fosse, avec un énorme ser­pent… [En­fin] les souillures du lu­pa­nar» 3. Elle se­rait morte si l’ange qui avait cou­tume de lui ap­pa­raître ne ve­nait pas à chaque fois pour la sau­ver. Tant de ré­sis­tance fit croire à ses bour­reaux que Go­lin­douch se ser­vait de sor­ti­lèges. On fi­nit par la condam­ner à l’exil. Conduite par son ange, elle se di­ri­gea vers Jé­ru­sa­lem. Là, elle fit voir à tous les fi­dèles ses stig­mates.

  1. En grec Γολινδούχ. Par­fois trans­crit Go­lin­duh, Go­lin­duch, Go­lin­douche ou Go­lin­douque. On ren­contre aussi les gra­phies Γολανδούχ (Go­lan­douch) et Γολιανδούχ (Go­lian­douch). Au­tre­fois trans­crit Go­lan­douche. «Le der­nier élé­ment de ce mot doit être le per­san “do­kht” (دخت), “fille”, qui entre dans la com­po­si­tion des noms de prin­cesses sas­sa­nides Azer­mi­do­kht, Pou­ran­do­kht. Le pre­mier est plus dif­fi­cile à ex­pli­quer», dit Er­nest Blo­chet. Haut
  2. En grec «μάρτυς ζῶσα». Haut
  1. … Bar­dou. Haut

«Mas’oud : poète persan et hindoui»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Mas’oud-i Saad-i Sel­mân 1, illustre poète per­san, qui su­bit dans son âge mûr près de vingt ans d’emprisonnement sous les règnes suc­ces­sifs de trois rois (XIe-XIIe siècle). Les souf­frances en­du­rées pen­dant son in­car­cé­ra­tion prêtent à ses vers des ac­cents d’une force, d’une in­ten­sité, d’une sin­cé­rité telles, qu’il nous ar­rive par­fois, en les li­sant, de sen­tir nos che­veux se dres­ser sur notre tête, et les larmes nous ve­nir aux yeux. «Tout cri­tique im­par­tial re­con­naît quel haut de­gré d’éloquence et d’inspiration Mas’oud at­teint en ses poèmes de cap­ti­vité», dit Nezâmî ‘Arûzî 2. La fa­mille de Mas’oud était ori­gi­naire d’Hamadan (Iran); mais son père, Khâja Saad ben Sel­mân, alla ré­si­der à La­hore (Pa­kis­tan), où il jouit long­temps de la fa­veur des rois ghaz­né­vides et rem­plit quelques postes éle­vés sous leur gou­ver­ne­ment. Mas’oud hé­rita des hon­neurs de son père; mais, par suite d’intrigues de Cour et à cause, dit-on, de son at­ta­che­ment au prince Saïf ud­daula Mah­moud, qui fut ac­cusé de tra­hi­son, il fut ar­rêté et en­chaîné par le roi en 1079 ou 1080 apr. J.-C. dans la ci­ta­delle de Nâï 3. Ce nom de Nâï, qui si­gni­fie «ro­seau» ou «flûte de ro­seau» en per­san, donna nais­sance à des jeux de mots tout à fait fas­ci­nants dans les vers de notre poète : «Mon cœur gé­mit, comme gé­mit le ro­seau de la flûte, pri­son­nier que je suis dans cette ci­ta­delle de Nâï… Quoi d’autre que plaintes peut ap­por­ter l’air de Nâï? Le des­tin m’eût déjà tué à force de dou­leurs et de souf­frances, si ma vie n’avait pour lien la poé­sie vi­vi­fiante. Non, non, ma gran­deur s’est ac­crue de toute la hau­teur de la ci­ta­delle de Nâï!» 4 En vain, ce ros­si­gnol chanta dans sa cage de fer; en vain, ses vers furent lus au roi. Ce der­nier les écouta, mais n’en fut point ému; il quitta le monde en lais­sant en cap­ti­vité notre poète, qui ne fut li­béré que la soixan­taine pas­sée. Dé­goûté d’une Cour dont il n’avait reçu que des in­jus­tices et des mor­ti­fi­ca­tions, Mas’oud passa le reste de ses jours dans les pai­sibles fonc­tions de bi­blio­thé­caire. «Com­bien de poèmes, brillants comme des joyaux et pré­cieux comme des perles, na­quirent de cette na­ture ar­dente et ne furent ja­mais agréés!», dit Nezâmî ‘Arûzî. «Le déshon­neur en res­tera sur la grande mai­son [ghaz­né­vide]… Le mal­heur de Mas’oud vint à son terme, tan­dis que le déshon­neur res­tera sur cette dy­nas­tie jusqu’au jour de la ré­sur­rec­tion.»

  1. En per­san مسعود سعد سلمان. Par­fois trans­crit Mas’ûd-i Sa’d Sal­mân, Maç’ûd-i Sa’ad Sal­mân, Mas‘ud-e Sa‘d-e Salmān, Ma­sood Said Sal­man, Ma­soud Sa’ad Sal­man ou Maç’oud-i Sa’ad-i Sel­man. À ne pas confondre avec Saadi, l’auteur du «Gu­lis­tan» et du «Bous­tan», qui vé­cut un siècle plus tard. Haut
  2. «Les Quatre Dis­cours; tra­duit du per­san par Isa­belle de Gas­tines», p. 92. Haut
  1. Cette ci­ta­delle se trou­vait quelque part au Wa­zi­ris­tan, d’après Nezâmî ‘Arûzî. Haut
  2. En per­san

    «نالم ز دل چو نای من اندر حصار نای…
    جز ناله های زار چه آرد هوای نای
    گردون به درد و رنج مرا کشته بود اگر
    پیوند عمر من نشدی نظم جانفزای
    نه نه ز حصن نای بیفزود جاه من
    ».

    Haut

Nezâmî ‘Arûzî, «Les Quatre Discours»

éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Bibliothèque des œuvres classiques persanes, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Bi­blio­thèque des œuvres clas­siques per­sanes, Pa­ris

Il s’agit des «Quatre Dis­cours» («Tcha­hâr Ma­qâ­leh» 1) de Nezâmî de Sa­mar­cande 2, cri­tique lit­té­raire per­san. On le sur­nomme com­mu­né­ment Nezâmî ‘Arûzî 3Nezâmî le Pro­sa­teur») afin de le dis­tin­guer de son ho­mo­nyme, le grand poète de Gand­jeh. On ne sait de sa vie que le peu qu’il en a dit lui-même dans ses «Quatre Dis­cours». En 1110-1111 apr. J.-C., il était dans sa ville na­tale de Sa­mar­cande (Ouz­bé­kis­tan), re­cueillant des tra­di­tions re­la­tives au poète Rû­daki; en 1112-1113 apr. J.-C., il ren­con­tra à Balkh (Af­gha­nis­tan) Omar Khayyam dont il de­vint un proche, un élève même; trois ans plus tard, il sé­journa à Hé­rat (Af­gha­nis­tan); l’année sui­vante, se trou­vant dans le be­soin, il se ren­dit à Ṭoûs (Iran) avec l’espoir de ga­gner la fa­veur du sul­tan Ah­mad San­jar; là-bas, il vi­sita la tombe de Fir­dousi et re­cueillit à son su­jet plu­sieurs dé­tails in­sé­rés dans son livre; la même an­née, il se ren­dit à Ni­sha­pur (Iran), où il fit vi­site au poète Moezzi. Ses «Quatre Dis­cours» ont été pro­ba­ble­ment com­po­sés peu avant la mort du sul­tan Ah­mad San­jar en 1157 apr. J.-C. Ils se di­visent en quatre cha­pitres, trai­tant des quatre classes d’hommes — se­cré­taires, poètes, as­tro­logues et mé­de­cins — qui sont né­ces­saires au ser­vice des rois. Pour chaque classe, Nezâmî ‘Arûzî ra­conte une di­zaine d’anecdotes : «Vien­dront [ci-après] dix au­then­tiques et plai­santes anec­dotes», dit-il dans sa pré­face 4, «choi­sies parmi les plus ori­gi­nales et les plus ap­pro­priées à [chaque] cha­pitre, afin d’éclairer le roi et de le convaincre que l’office de se­cré­taire n’est pas une pe­tite charge; que ce­lui de poète n’est pas une fu­tile oc­cu­pa­tion; que l’astrologie est une science né­ces­saire; que la mé­de­cine est un art in­dis­pen­sable». Outre leur charme, leur style ad­mi­rable d’élégance et de na­tu­rel, ces anec­dotes ont le mé­rite de don­ner de pré­cieux ren­sei­gne­ments, qu’on ne trouve nulle part ailleurs, sur l’histoire in­tel­lec­tuelle de cette époque; elles four­nissent le seul té­moi­gnage contem­po­rain sur Khayyam et le plus an­cien dé­tail bio­gra­phique sur Fir­dousi. En somme, comme dit un orien­ta­liste 5, leur au­teur est «un de ceux qui jettent le plus de lu­mière sur la vie de Cour en Perse et en Asie cen­trale au XIIe siècle de notre ère».

  1. En per­san «چهارمقاله». Par­fois trans­crit «Čahār Maḳāla», «Chahár Ma­qála», «Chahār Ma­qāle», «Tschar-Mag­hâ­leh» ou «Ca­hâr Ma­ka­leh». Haut
  2. En per­san نظامی سمرقندی. Par­fois trans­crit Ni­zami Sa­mar­candi, Ni­zami de Sa­mar­qand, Niẓāmī Sa­marḳandī ou Niẓāmī-i Sa­mar­qandī. Haut
  3. En per­san نظامی عروضی. Par­fois trans­crit Nid­hami-i Arudi, Niẓāmī ‘Arūḍī ou Nizâmi-è-Arouzi. Haut
  1. p. 34. Haut
  2. Ed­ward Gran­ville Browne. Haut

Firdousi, «Le Livre des rois. Tome VII»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des rois» («Schah-na­meh» 1) d’Aboulkasim Fir­dousi 2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec «quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France», comme le dit Étienne Qua­tre­mère 3. Avec «Le Livre des rois», la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. «L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste», ex­plique Er­nest Re­nan 4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. «Ô monde!», dit l’une d’elles 5, «n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure.» «Ko­bad», dit une autre 6, «n’avait plus que sept mois à vivre; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité].»

  1. En per­san «شاهنامه». Par­fois trans­crit «Shah Namu», «Çah­name», «Chah­namè», «Scheh­name», «Schah-namé», «Schah­nama», «Schah-na­mah», «Shah-na­meh», «Shah Name», «Shah­na­mah», «Shah­nama», «Šāh-nāma», «Šāhnā­mah», «Şeh­name», «Şāh-nāme» ou «Šah-na­meh». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. «Compte rendu sur “Le Livre des rois”», 1841, p. 398-399. Haut
  1. «Le Schah­na­meh», p. 139. Haut
  2. «Tome I», p. 32. Haut
  3. «Tome VII», p. 287-288. Haut

Firdousi, «Le Livre des rois. Tome VI»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des rois» («Schah-na­meh» 1) d’Aboulkasim Fir­dousi 2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec «quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France», comme le dit Étienne Qua­tre­mère 3. Avec «Le Livre des rois», la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. «L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste», ex­plique Er­nest Re­nan 4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. «Ô monde!», dit l’une d’elles 5, «n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure.» «Ko­bad», dit une autre 6, «n’avait plus que sept mois à vivre; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité].»

  1. En per­san «شاهنامه». Par­fois trans­crit «Shah Namu», «Çah­name», «Chah­namè», «Scheh­name», «Schah-namé», «Schah­nama», «Schah-na­mah», «Shah-na­meh», «Shah Name», «Shah­na­mah», «Shah­nama», «Šāh-nāma», «Šāhnā­mah», «Şeh­name», «Şāh-nāme» ou «Šah-na­meh». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. «Compte rendu sur “Le Livre des rois”», 1841, p. 398-399. Haut
  1. «Le Schah­na­meh», p. 139. Haut
  2. «Tome I», p. 32. Haut
  3. «Tome VII», p. 287-288. Haut

Firdousi, «Le Livre des rois. Tome V»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des rois» («Schah-na­meh» 1) d’Aboulkasim Fir­dousi 2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec «quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France», comme le dit Étienne Qua­tre­mère 3. Avec «Le Livre des rois», la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. «L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste», ex­plique Er­nest Re­nan 4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. «Ô monde!», dit l’une d’elles 5, «n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure.» «Ko­bad», dit une autre 6, «n’avait plus que sept mois à vivre; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité].»

  1. En per­san «شاهنامه». Par­fois trans­crit «Shah Namu», «Çah­name», «Chah­namè», «Scheh­name», «Schah-namé», «Schah­nama», «Schah-na­mah», «Shah-na­meh», «Shah Name», «Shah­na­mah», «Shah­nama», «Šāh-nāma», «Šāhnā­mah», «Şeh­name», «Şāh-nāme» ou «Šah-na­meh». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. «Compte rendu sur “Le Livre des rois”», 1841, p. 398-399. Haut
  1. «Le Schah­na­meh», p. 139. Haut
  2. «Tome I», p. 32. Haut
  3. «Tome VII», p. 287-288. Haut

Firdousi, «Le Livre des rois. Tome IV»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des rois» («Schah-na­meh» 1) d’Aboulkasim Fir­dousi 2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec «quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France», comme le dit Étienne Qua­tre­mère 3. Avec «Le Livre des rois», la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. «L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste», ex­plique Er­nest Re­nan 4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. «Ô monde!», dit l’une d’elles 5, «n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure.» «Ko­bad», dit une autre 6, «n’avait plus que sept mois à vivre; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité].»

  1. En per­san «شاهنامه». Par­fois trans­crit «Shah Namu», «Çah­name», «Chah­namè», «Scheh­name», «Schah-namé», «Schah­nama», «Schah-na­mah», «Shah-na­meh», «Shah Name», «Shah­na­mah», «Shah­nama», «Šāh-nāma», «Šāhnā­mah», «Şeh­name», «Şāh-nāme» ou «Šah-na­meh». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. «Compte rendu sur “Le Livre des rois”», 1841, p. 398-399. Haut
  1. «Le Schah­na­meh», p. 139. Haut
  2. «Tome I», p. 32. Haut
  3. «Tome VII», p. 287-288. Haut

Roûmî, «“Mathnawî” : la quête de l’absolu»

éd. du Rocher, Monaco

éd. du Ro­cher, Mo­naco

Il s’agit du «Math­nawî» 1 de Djé­lâl-ed-dîn Roûmî 2, poète mys­tique d’expression per­sane, qui n’est pas seule­ment l’inspirateur d’une confré­rie, celle des «der­viches tour­neurs», mais le di­rec­teur spi­ri­tuel de tout le XIIIe siècle. «Un si grand poète, ai­mable, har­mo­nieux, étin­ce­lant, exalté; un es­prit d’où émanent des par­fums, des lu­mières, des mu­siques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la ma­nière dont sa strophe prend le dé­part et s’élève au ciel, a déjà trans­porté son lec­teur», dit M. Mau­rice Bar­rès 3. Ré­fu­gié à Ko­nya 4 en Ana­to­lie (Roûm), Djé­lâl-ed-dîn trouva dans cette ville ha­bi­tée de Grecs, de Turcs, d’Arméniens, de Juifs et de Francs un peuple adonné à la poé­sie, à la mu­sique, aux danses, et il em­ploya cette poé­sie, cette mu­sique, ces danses pour lui faire connaître Dieu. Son ac­tion im­mense en Orient jeta, pour ainsi dire, des ra­cines si pro­fondes dans toutes les âmes que, même jusqu’aujourd’hui, les fruits et les fleurs de ses en­sei­gne­ments n’ont rien perdu de leur fraî­cheur ni de leur par­fum; il se sur­vit dans ses dis­ciples et ses suc­ces­seurs qui, de­puis plus de sept siècles, ré­pètent ses plus beaux dé­lires au­tour de son tom­beau en l’appelant «notre Maître» (Maw­lânâ 5). La beauté et l’esprit to­lé­rant de ses œuvres ont sur­pris les orien­ta­listes oc­ci­den­taux, et tourné la tête aux plus sobres parmi eux. «Tous les cœurs sur les­quels souffle ma brise s’épanouissent comme un jar­din plein de lu­mière», dit-il avec rai­son

  1. En per­san «مثنوی». Par­fois trans­crit «Mes­névi», «Mes­newi», «Meth­névi», «Mes­navi», «Mas­navi», «Mas­nawi», «Maṯnawī» ou «Math­navi». Haut
  2. En per­san جلال‌الدین رومی. Par­fois trans­crit Jelālu-’d-Dīn er-Rūmī, Jel­la­lud­din Rumi, Je­la­lud­din Rumi, Ja­lal-ud-Din Rumi, Jal­la­lud­din Rumi, Dja­lâl-ud-Dîn Rûmî, Dže­la­lud­din Rumi, Dscha­lal ad-din Rumi, Ca­la­laddīn Rūmī, Ja­lâl ad dîn Roûmî, Ya­lal ad-din Rumí, Ga­lal al-din Rumi, Dja­lâl-od-dîn Rûmî, Ja­lâ­lod­dîn Rûmî, Djé­la­lid­din-Roumi, Ja­lel Id­dine Roumi, Dsche­lâl-ed-dîn Rumi, Ce­la­le­din Rumi, Ce­la­led­din-i Rumi, Je­la­led­din Rumi, Dje­la­let­tine Roumî, Djé­lal­le­din-i-Roumi ou Djel­lal-ed-Dine Roumi. Haut
  3. «Une En­quête aux pays du Le­vant. Tome II», p. 74. Haut
  1. On ren­contre aussi les gra­phies Co­gni, Cogne, Co­nia, Ko­nia et Ko­nié. C’est l’ancienne Ico­nium. Haut
  2. En per­san مولانا. Par­fois trans­crit Mau­lana, Mow­lânâ, Mev­lana ou Mew­lânâ. Haut

Attar, «Les Sept Cités de l’amour»

éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris

éd. A. Mi­chel, coll. Spi­ri­tua­li­tés vi­vantes, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du Di­van (Re­cueil de poé­sies) de Fé­rid-ed­din At­tar 1 (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Je consi­dère At­tar comme le meilleur poète mys­tique de la Perse. Certes, le nombre des Per­sans qui se sont dis­tin­gués dans le genre est si consi­dé­rable, et plu­sieurs d’entre eux ont ac­quis tant de gloire, que cette opi­nion peut pa­raître ha­sar­dée. Sous le rap­port du choix des pen­sées et de la grâce de l’expression, Djé­lâl-ed-dîn Roûmî ne lui est en rien in­fé­rieur; mais de toutes les idées de ce cé­lèbre dis­ciple, je dé­fie­rais d’en trou­ver une qui n’appartienne pas à At­tar. Et Roûmî lui-même confesse cette lourde dette quand il dit : «At­tar a par­couru les sept ci­tés de l’Amour, tan­dis que j’en suis tou­jours au tour­nant d’une ruelle» 2; et en­core : «At­tar fut l’âme du mys­ti­cisme, et Sa­naï fut ses yeux; je ne fais que suivre leurs traces» 3. Fé­rid-ed­din exerça d’abord la pro­fes­sion de par­fu­meur, ainsi que l’indique son sur­nom d’Attar («qui fa­brique ou qui vend des par­fums»). Il avait une bou­tique très élé­gante, qui at­ti­rait les re­gards du pu­blic et qui flat­tait aussi bien les yeux que l’odorat. Un jour qu’il était as­sis sur le de­vant de sa bou­tique avec l’apparence d’un homme im­por­tant, un fou, ou pour mieux dire, un re­li­gieux très avancé dans la vie spi­ri­tuelle 4, vint à sa porte, jeta un re­gard sur les mar­chan­dises qui étaient éta­lées, puis poussa un pro­fond sou­pir. At­tar, étonné, le pria de pas­ser son che­min. «Tu as rai­son», lui ré­pon­dit l’inconnu, «le voyage de l’éternité est fa­cile pour moi. Je ne suis pas em­bar­rassé dans ma marche, car je n’ai au monde que mon froc. Il n’en est mal­heu­reu­se­ment pas ainsi de toi, qui pos­sèdes tant de pré­cieuses mar­chan­dises. Songe donc à te pré­pa­rer à ce voyage.»

  1. En per­san فریدالدین عطار. Par­fois trans­crit Fa­rî­dod­dîn ’At­târ, Fé­ryd-ed­dyn At­thar, Farīd al-Dīn ‘Aṭṭār, Fe­ri­dud­din At­tar, Fa­ri­dud­dine At­tar, Fa­ri­dad­din At­tar ou Fa­rîd-ud-Dîn ‘At­târ. Haut
  2. En per­san

    «هفت شهر عشق راعطار گشت
    ماهنوز اندر خم یک کوچهایم
    ».

    Haut

  1. En per­san

    «عطار روح بود و سنایی دو چشم او
    ما از پی سنایی و عطار آمدیم
    ».

    Haut

  2. Les fous sont re­gar­dés comme des saints dans la Perse et dans l’Inde, et ran­gés parmi les sou­fis. Haut

Firdousi, «Le Livre des rois. Tome III»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des rois» («Schah-na­meh» 1) d’Aboulkasim Fir­dousi 2 (X-XIe siècle apr. J.-C.). Cette vaste chan­son de geste de soixante mille dis­tiques re­late l’histoire de la Perse (l’Iran), de­puis ses ori­gines jusqu’à l’époque où la puis­sance de ses mo­narques croula sous les armes des Arabes mu­sul­mans. La pre­mière par­tie, lé­gen­daire et pleine de mer­veilleux, est la seule vé­ri­ta­ble­ment épique; la se­conde, re­la­tive à la Perse sas­sa­nide, est une suc­ces­sion de règnes his­to­riques, aux­quels pré­sident des rois, des hé­ros par­ti­cu­liers à cha­cun d’eux : plu­tôt qu’avec l’épopée, elle offre des ana­lo­gies avec «quelques grands ro­mans en vers du Moyen Âge, le “Ro­man de Brut”, ce­lui de “Rou” ou cer­taines his­toires de France», comme le dit Étienne Qua­tre­mère 3. Avec «Le Livre des rois», la vieille culture per­sane pa­raît au grand jour pour prendre sa re­vanche de la conquête arabe. Celle-ci avait re­foulé, pour quelque temps, cette culture dans les vil­lages, où elle s’était conser­vée avec tout un en­semble de tra­di­tions et de lé­gendes te­nant lieu de sou­ve­nirs na­tio­naux. «L’islamisme… fut un rude coup pour le vieil es­prit, mais ce ne fut pas un coup mor­tel. L’arabe ne réus­sit à être que la langue de la re­li­gion. Aus­si­tôt que le ca­li­fat s’affaiblit, une ré­ac­tion per­sane — d’abord sourde, bien­tôt ou­verte — se ma­ni­feste», ex­plique Er­nest Re­nan 4. Avec Fir­dousi, la Perse re­prend sa com­plète in­dé­pen­dance dans l’islam. Mais ce qui fait sur­tout le ca­rac­tère de cet au­teur et qui n’appartient qu’à lui, ce sont les consi­dé­ra­tions po­li­tiques et mo­rales par les­quelles il ter­mine chaque ca­tas­trophe, chaque choc des peuples, chaque ef­fon­dre­ment des royaumes. Il y a une belle mé­lan­co­lie et une sorte de sa­gesse ré­si­gnée dans ces ré­flexions par les­quelles il in­ter­rompt un mo­ment la course des évé­ne­ments. «Ô monde!», dit l’une d’elles 5, «n’élève per­sonne si tu veux le mois­son­ner après! Si tu l’enlèves, pour­quoi l’as-tu élevé? Tu hausses un homme au-des­sus du fir­ma­ment, mais tout à coup tu le pré­ci­pites sous la terre obs­cure.» «Ko­bad», dit une autre 6, «n’avait plus que sept mois à vivre; ap­pelle-le donc “roi” si tu veux, ou “rien” si tu aimes mieux. Telle est la cou­tume de ce monde op­pres­seur : il ne faut pas s’attendre à ce qu’il tienne ses pro­messes [de lon­gé­vité].»

  1. En per­san «شاهنامه». Par­fois trans­crit «Shah Namu», «Çah­name», «Chah­namè», «Scheh­name», «Schah-namé», «Schah­nama», «Schah-na­mah», «Shah-na­meh», «Shah Name», «Shah­na­mah», «Shah­nama», «Šāh-nāma», «Šāhnā­mah», «Şeh­name», «Şāh-nāme» ou «Šah-na­meh». Haut
  2. En per­san ابوالقاسم فردوسی. Par­fois trans­crit Fir­dawsi, Fir­dausī, Fir­davsi, Fir­dovsi, Fir­douçy, Fir­docy, Fir­doo­see, Fir­dou­see, Fer­dou­see, Fer­do­see, Fer­doucy, Fer­dowsī, Fir­dewsi, Fir­devsî, Fir­dusi, Fir­dussi, Fer­dusi, Fir­dôsî, Fer­dossi, Fir­doussi, Fer­doussi, Fir­doussy, Fir­dousy, Fer­dousy ou Fer­doussy. Haut
  3. «Compte rendu sur “Le Livre des rois”», 1841, p. 398-399. Haut
  1. «Le Schah­na­meh», p. 139. Haut
  2. «Tome I», p. 32. Haut
  3. «Tome VII», p. 287-288. Haut