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Bâbâ Tâhir, « Les Quatrains »

dans « Journal asiatique », sér. 8, vol. 6, p. 502-545

dans «Jour­nal asia­tique», sér. 8, vol. 6, p. 502-545

Il s’agit de  1, poète , dont la sim­pli­cité des et du vo­ca­bu­laire fait le charme de ses qua­trains. On sait peu de choses sur lui; on ignore même le où il vé­cut (entre le Xe et XIIe siècle apr. J.-C. pro­ba­ble­ment). Il était un de ces er­rants, ces fous de qui passent pour en , et que pour cela, tout le ré­vère et res­pecte. Le sur­nom de ‘Uryân 2le Nu») sous le­quel il est dé­si­gné lui vient, disent cer­tains, de ce qu’il se pro­me­nait sans dans les ba­zars et dans les rues; mais il est tout aussi vrai­sem­blable qu’il vi­vait dans le dé­nue­ment ou le re­non­ce­ment, plu­tôt que dans la com­plète nu­dité : «Je suis le bo­hème qu’on ap­pelle “qa­len­der”; je n’ai ni ni lieu, nul point d’attache», dit-il. «Le jour, j’erre au­tour du monde, et la , je m’endors une brique sous la tête… Il n’y a point dans l’univers de pa­pillon aussi étourdi, de fou aussi étrange que . Les ser­pents et les four­mis ont tous une re­traite, mais moi je n’ai pas même — in­for­tuné! — le mur d’une mai­son en ruines» 3. En tout cas, l’on constate que son mys­ti­cisme ne lui épar­gna ni les tour­ments de l’ ni les an­goisses cau­sées par la de la . Il est, d’ailleurs, un des pre­miers der­viches à avoir dé­crit ses trans­ports amou­reux dans la per­sane : «Le col­chique des ne dure qu’une se­maine, ainsi que la vio­lette des bords de la ri­vière; je veux crier, de ville en ville, que la fi­dé­lité des belles aux joues ro­sées ne dure qu’une se­maine… Mon cœur est plein de feu, mes yeux pleins de larmes; ma n’est qu’un vase rem­pli de tris­tesses et d’ennuis. Eh bien! si, après ma mort, tu viens à pas­ser près de ma tombe, ton par­fum me ren­dra la vie»

  1. En per­san باباطاهر. Par­fois trans­crit Bâbâ Tâ­her. Icône Haut
  2. En per­san عریان. Par­fois trans­crit Uriyan, ‘Oriyān ou Oryân. Icône Haut
  1. p. 516 & 528. Icône Haut

« Anthologie persane (XIᵉ-XIXᵉ siècle) »

éd. Payot, coll. Bibliothèque historique, Paris

éd. Payot, coll. Bi­blio­thèque his­to­rique, Pa­ris

Il s’agit d’une per­sane (XIe-XIXe siècle). La est le ta­lent propre et par­ti­cu­lier des Per­sans, et la par­tie de leur lit­té­ra­ture où ils ex­cellent : la vi­va­cité de leur , la po­li­tesse de leurs mœurs, la dou­ceur de leur , telles sont peut-être les de leur fé­con­dité . Un qui ne sait pas un mot de ne lais­sera pas, en en­ten­dant ré­ci­ter des vers per­sans, d’être épris du son et de la ca­dence qui y est très sen­sible. Al­lez en , par­lez aux gens dans la rue, aux bou­chers, aux mar­chands; ils fe­ront en­trer dans leur ré­ponse des tour­nures qui suf­fi­ront à vous plon­ger dans une rê­ve­rie pro­fonde. Comme dit Hâ­fez :

«Le se­cret de que le gnos­tique pè­le­rin ne dit à per­sonne,
Je suis stu­pé­fait, ne sa­chant d’où le mar­chand de l’a en­tendu
» 1.

Si les belles-lettres de l’ comptent parmi les plus re­mar­quables du , c’est avant tout grâce au . Les pre­miers maîtres dans l’art de la étaient d’origine per­sane, même s’ils avaient passé leur dans la pra­tique de la langue . Tous les qui ont des prin­cipes fon­da­men­taux de la science, tous ceux qui se sont dis­tin­gués dans la , et la plu­part de ceux qui ont cultivé l’exégèse co­ra­nique, ap­par­te­naient à la race per­sane ou s’étaient as­si­mi­lés aux Per­sans par les ma­nières et par l’. Cela suf­fit pour dé­mon­trer la de la at­tri­buée au pro­phète Ma­ho­met : «Si la science était sus­pen­due au haut du , il y au­rait des gens parmi les Per­sans pour s’en em­pa­rer» 2. Comme dit Jan Rypka : «Les Ira­niens sont les de l’. Chez les uns comme chez les autres, la pro­duc­tion lit­té­raire et ar­tis­tique pré­sente une éten­due et une va­leur in­ap­pré­ciables…

  1. «Le Di­van : œuvre ly­rique d’un spi­ri­tuel en Perse au XIVe siècle», p. 639. Icône Haut
  1. Dans Ibn Khal­doun, «Pro­lé­go­mènes». Icône Haut

Bosḥâq, « Recueil de poésies gastronomiques »

dans « Journal asiatique », sér. 8, vol. 8, p. 166-182

dans «Jour­nal asia­tique», sér. 8, vol. 8, p. 166-182

Il s’agit des poé­sies gas­tro­no­miques d’Abû Esḥâq 1, plus connu sous la forme contrac­tée de Bosḥâq 2. Ce que l’on sait de la de cet se ré­duit à peu de chose. Né à Chi­raz, en , il exer­çait la pro­fes­sion de car­deur de co­ton, même s’il est connu grâce à ses poé­sies re­la­tives à l’art cu­li­naire. La date de sa est in­cer­taine : elle flotte de 1423 à 1427 apr. J.-C. Sui­vant les bio­graphes, c’était un joyeux com­père, rem­pli de verve caus­tique, et ne s’épargnant pas lui-même dans ses plai­san­te­ries. L’anecdote sui­vante le prouve. Son pro­tec­teur, le prince Es­kan­dar Mîrzâ 3, s’étonnait de ne pas l’avoir aperçu à ses au­diences de­puis quelque ; Bosḥâq alla s’excuser : «Al­tesse», dit-il, «il me faut un jour pour car­der le co­ton, et trois jours pour trier les fils de ma barbe». Il por­tait, en ef­fet, une barbe dé­me­su­ré­ment longue. Son œuvre tient tout en­tière dans le pe­tit vo­lume qu’il in­ti­tula «Le Di­van de la gas­tro­no­mie» («Dî­vân-e aṭ‘ema» 4). Voici com­ment il fut amené à ce su­jet. Il cher­chait de­puis quelque temps un moyen d’honorer sa pa­trie, d’étonner son siècle et de sé­duire ses contem­po­rains, lorsqu’un ma­tin, «à l’heure où la fu­mée d’un ap­pé­tit au­then­tique s’échappe de la cui­sine de l’estomac», comme il dit lui-même, sa maî­tresse en­tra chez lui et lui dit : «Je n’ai plus d’appétit; je suis dé­goû­tée de tout. Que faire?» Il lui ré­pon­dit : «Suis l’exemple de cet im­puis­sant qui alla consul­ter un mé­de­cin. Ce der­nier com­posa à l’usage de son client un livre ana­créon­tique. À peine notre in­firme en eut-il ter­miné la lec­ture qu’il triom­pha d’une jeune vierge. aussi, je vais com­po­ser à ton in­ten­tion un opus­cule cu­li­naire. Par­cours-le une bonne fois, et ton ap­pé­tit re­naî­tra». Et Bosḥâq s’attela aus­si­tôt à l’œuvre et fit «bouillir au du tra­vail la cas­se­role de l’invention», comme il dit lui-même. N’osant pré­tendre aux lau­riers des Fir­dousi et des Hâ­fez, son am­bi­tion plus mo­deste le can­tonna dans un genre in­connu en Perse avant lui : ce­lui de la ba­di­ne­rie gas­tro­no­mique. «En fine bouche qu’il était», dit  5, «il choi­sit l’art cu­li­naire pour trem­plin de son es­prit gouailleur. L’ trouve en lui son Ber­choux ou son Brillat-Sa­va­rin. On ne sau­rait tou­te­fois com­pa­rer, à la lettre, son Di­van à la “Gas­tro­no­mie” ou à la “Phy­sio­lo­gie du goût”, ces deux pe­tits -d’œuvre de spi­ri­tuel ba­di­nage et de me­sure toute fran­çaise. La du gas­tro­nome sem­ble­rait trop sou­vent à nos lec­teurs lourde et pé­dante.»

  1. En per­san ابواسحاق. Par­fois trans­crit Abou Ishaq, Abō Isḥāq, Abu Ishaq ou Abû Isḥâḳ. Icône Haut
  2. En per­san بسحق. Par­fois trans­crit Bou­shâq, Bu­shaq ou Bu­shak. Icône Haut
  3. En İsk­ender Mirza. Par­fois trans­crit Mīrzā Is­kan­dar. Ce prince, un des pe­tits-fils de Ta­mer­lan, avait réussi, à la mort de son grand-père, à se faire at­tri­buer la Perse. En 1411 apr. J.-C. son oncle mar­cha contre lui et alla le for­cer dans la ville d’Ispahan. Es­kan­dar Mîrzâ prit la fuite; mais des , qui le pour­sui­virent, l’arrêtèrent et l’amenèrent à son oncle, qui le re­mit entre les mains de son frère, en lui re­com­man­dant d’en prendre soin. «Mais [son frère] lui fit cre­ver les yeux, afin de lui ôter par là l’envie de re­muer et d’entreprendre de ré­gner une autre fois» («Les Pa­roles re­mar­quables, les Bons Mots et les Maximes des Orien­taux»). Icône Haut
  1. En per­san «دیوان اطعمه». Icône Haut
  2. «Re­cueil de poé­sies gas­tro­no­miques», p. 167. Icône Haut

Ibn al-Moqaffa, « Le Livre de “Kalila et Dimna” »

éd. Klincksieck, Paris

éd. Klinck­sieck, Pa­ris

Il s’agit du «Ka­lila et Dimna» («Ka­lîla wa Dimna» 1), en­semble de qui font l’admiration de l’, et dont les sont les prin­ci­paux . Tous les élé­ments as­surent à l’Inde l’ d’avoir donné nais­sance à ces contes : l’ d’un re­cueil plus an­cien, le «Pañ­ca­tan­tra», ne laisse au­cun sur l’origine in­dienne; et Fir­dousi confirme cette même ori­gine dans son «Livre des rois», où il dit : «Il y a dans le tré­sor du radja un livre que les hommes de bien ap­pellent “Pañ­ca­tan­tra”, et quand les hommes sont en­gour­dis par l’ignorance, le “Pañ­ca­tan­tra” est comme l’herbe de leur … car il est le guide vers la []» 2. Ce fut au VIe siècle apr. J.-C. que Noû­chi­ré­vân le Juste 3, roi de , en­ga­gea un mé­de­cin cé­lèbre, Bar­zoui ou Bar­zouyèh 4, à rap­por­ter de l’Inde, outre le «Pañ­ca­tan­tra», di­vers autres ou­vrages du même genre. Après un long sé­jour dans l’Inde, Bar­zouyèh par­vint à force de ruses et d’adresse à s’en pro­cu­rer des exem­plaires. Son pre­mier soin fut aus­si­tôt d’en com­po­ser un re­cueil en pehlvi, au­quel il donna le nom de «Ka­lila et Dimna», parce que le ré­cit des de ces deux cha­cals en for­mait la prin­ci­pale par­tie. Cette ver­sion du «Ka­lila et Dimna» eut le sort de tout ce qui consti­tuait la au des Sas­sa­nides : elle fut dé­truite lors de la conquête de la Perse par les Arabes et sa­cri­fiée au zèle aveugle des pre­miers . Au VIIIe siècle apr. J.-C., le peu qui échappa à la des­truc­tion fut tra­duit en par un autre , Ibn al-Mo­qaffa 5, avec tant de mé­rite et tant d’élégance, que ces mêmes mu­sul­mans l’accusèrent d’avoir tra­vaillé, mais vai­ne­ment, à imi­ter et même à sur­pas­ser le du . «Alors, arabe vrai­ment, le “Ka­lila”, ou , in­dien même, en ses plus loin­tains re­fuges? La ré­ponse est à cher­cher dans l’ du livre. Et que nous dit-elle? Qu’il est de­venu, très vite, l’une des pièces es­sen­tielles d’un pa­tri­moine, un livre-clef», dit M. 

  1. En arabe «كليلة ودمنة». Par­fois trans­crit «Ko­laïla ou Dimna» ou «Kalī­lah wa Dim­nah». Icône Haut
  2. «Le Livre des rois; tra­duit et com­menté par Jules Mohl. Tome VI», p. 361. Icône Haut
  3. Sur­nom de Khos­row Ier, dit Chos­roès le Grand, qui ré­gna sur la Perse au VIe siècle apr. J.-C. Icône Haut
  1. En per­san برزوی ou برزویه. Par­fois trans­crit Burzōy, Bur­zoyé, Burzōē, Borzūya, Bur­zuyah, Bor­zoueh, Bor­zouyeh, Bor­ziyeh ou Ber­zouyèh. Icône Haut
  2. En arabe بن المقفع. Au­tre­fois trans­crit Ibn al-Mu­qaffa‘, Ibn Mu­qa­faa, Ibn Mo­qa­faa’, Ebn-al­mou­kaffa, Ibn al-Mu­kaffâ, Ibn al-Moḳaffa‘, Ibn al-Mou­qaffa’, Ibn al Mou­qa­faa, Aben Mo­chafa, Ebn-al­mo­caffa ou Ebn-al­mo­kaffa. Par suite d’une faute, بن المقنع, trans­crit Ebn-al­mo­canna, Ebn Mo­can­naa, Ben Mo­cannâ ou Ben Mo­can­naah. Icône Haut

Hâfez, « Le Divan : œuvre lyrique d’un spirituel en Perse au XIVᵉ siècle »

éd. Verdier, coll. Verdier poche, Lagrasse

éd. Ver­dier, coll. Ver­dier poche, La­grasse

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) de Shams ad-din Mo­ham­mad 1 de Chi­raz, plus connu sous le sur­nom de Hâ­fez 2sa­chant de le »). La ville de Chi­raz, l’Athènes de la , a pro­duit, à un siècle de dis­tance, deux des plus grands de l’; car il n’y avait pas un demi-siècle que Saadi n’était plus, lorsque Hâ­fez a paru sur la scène du et a illus­tré sa pa­trie. L’ardeur de son ly­rique, qui cé­lèbre sous les sym­boles ap­pa­rem­ment ir­ré­li­gieux de l’ivresse du , de l’échanson, de l’ et des roses, déses­père in­ter­prètes et tra­duc­teurs, et fait de son œuvre un exemple par­fait de pure : «Hâ­fez, ainsi, ton noble chant, ton saint exemple nous conduisent, au bruit des verres, dans le de notre Créa­teur» 3. Cette su­per­po­si­tion de sens op­po­sés, cette « scep­tique» («scep­tische Be­we­gli­ch­keit»), comme dit Gœthe, per­met toute la gamme des in­ter­pré­ta­tions et laisse le lec­teur libre de choi­sir, parmi les si­gni­fi­ca­tions pos­sibles, celle le mieux en rap­port avec son état d’ du mo­ment. Aussi, de tous les poètes per­sans, Hâ­fez est-il le plus agile. Long­temps in­connu en , il a été ré­vélé dans le «Di­van orien­tal-oc­ci­den­tal» de Gœthe, grâce à ce com­pli­ment, peut-être le plus beau que l’on puisse adres­ser à un poète, à sa­voir que sa poé­sie nous console et nous donne dans les vi­cis­si­tudes de l’ : «À la mon­tée et à la des­cente, tes chants, Hâ­fez, charment le pé­nible che­min de ro­chers, quand le guide, avec ra­vis­se­ment, sur la haute croupe du mu­let, chante pour éveiller les étoiles et pour ef­frayer les bri­gands» 4. Oui, cha­cun croit trou­ver chez Hâ­fez ce qu’il cherche : les âmes af­fli­gées — un conso­la­teur, les — un mo­dèle de raf­fi­ne­ment, les — un es­prit voi­sin de Dieu, les amants — un guide. Sou­vent la seule des vers suf­fit pour sé­duire les illet­trés et leur faire sen­tir tout un ordre de beau­tés, qu’ils n’avaient peut-être ja­mais si bien sai­sies au­pa­ra­vant :

«“Sa­man-buyân gho­bâr-e gham čo benši­nand benšâ­nand.” Quand s’assoient ceux qui fleurent le jas­min, ils font tom­ber la pous­sière du .»

  1. En شمس الدین محمد. Au­tre­fois trans­crit Chams-od-dîn Mo­ham­mad, Chams al-din Mo­ham­mad, Chams-ad-din Mo­ha­med, Mo­ham­med Scham­sed­din, Mo­ham­med-Chems-ed­dyn, Mu­ham­mad Schams ad-din, Schams ed-Dîn Moḥam­mad ou Shams ud-dîn Mu­ham­mad. Icône Haut
  2. En per­san حافظ. Au­tre­fois trans­crit Ha­phyz, Hâ­fiz, Hhâ­fiz, Ha­fis, Hafes, Afez ou Ha­fedh. Icône Haut
  1. Gœthe, «Œuvres; trad. par Jacques Por­chat. Tome I. Poé­sies di­verses • Pen­sées • Di­van orien­tal-oc­ci­den­tal», p. 535. Icône Haut
  2. id. p. 532. Icône Haut

Attar, « Le Mémorial des saints »

éd. du Seuil, coll. Points-Sagesses, Paris

éd. du Seuil, coll. Points-Sa­gesses, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion in­di­recte du «Mé­mo­rial des » («Tez­ki­ra­ta­lav­lia» 1) de  2 (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Je consi­dère At­tar comme le meilleur poète de la . Certes, le nombre des Per­sans qui se sont dis­tin­gués dans le genre est si consi­dé­rable, et plu­sieurs d’entre eux ont ac­quis tant de gloire, que cette opi­nion peut pa­raître ha­sar­dée. Sous le rap­port du choix des pen­sées et de la grâce de l’expression, Djé­lâl-ed-dîn Roûmî ne lui est en rien in­fé­rieur; mais de toutes les idées de ce cé­lèbre dis­ciple, je dé­fie­rais d’en trou­ver une qui n’appartienne pas à At­tar. Et Roûmî lui-même confesse cette lourde dette quand il dit : «At­tar a par­couru les sept ci­tés de l’, tan­dis que j’en suis tou­jours au tour­nant d’une ruelle» 3; et en­core : «At­tar fut l’ du mys­ti­cisme, et Sa­naï fut ses yeux; je ne fais que suivre leurs traces» 4. Fé­rid-ed­din exerça d’abord la pro­fes­sion de par­fu­meur, ainsi que l’indique son sur­nom d’Attar («qui fa­brique ou qui vend des par­fums»). Il avait une bou­tique très élé­gante, qui at­ti­rait les re­gards du pu­blic et qui flat­tait aussi bien les yeux que l’odorat. Un jour qu’il était as­sis sur le de­vant de sa bou­tique avec l’apparence d’un im­por­tant, un fou, ou pour mieux dire, un re­li­gieux très avancé dans la  5, vint à sa porte, jeta un sur les mar­chan­dises qui étaient éta­lées, puis poussa un pro­fond sou­pir. At­tar, étonné, le pria de pas­ser son che­min. «Tu as », lui ré­pon­dit l’inconnu, «le voyage de l’éternité est fa­cile pour . Je ne suis pas em­bar­rassé dans ma marche, car je n’ai au que mon froc. Il n’en est mal­heu­reu­se­ment pas ainsi de toi, qui pos­sèdes tant de pré­cieuses mar­chan­dises. Songe donc à te pré­pa­rer à ce voyage.»

  1. En «تذکرة الاولیا». Par­fois trans­crit «Tez­ke­ret ül-Ev­liyâ», «Tez­ki­ret el-Ev­liyâ», «Taz­ki­rat-ul-Aw­lià», «Taz­ka­rat al-Av­liya», «Taz­ke­rat ul-Aw­liyâ», «Taḏ­ke­rat al-Au­liā», «Tadh­ki­rat ‘l-Aw­liyâ» ou «Tadh­ke­rat al-Ow­liyâ». Icône Haut
  2. En per­san فریدالدین عطار. Par­fois trans­crit Farîdoddîn’Attâr, Fé­ryd-ed­dyn At­thar, Farīd al-Dīn ‘Aṭṭār, Fe­ri­dud­din At­tar, Fa­ri­dud­dine At­tar, Fa­ri­dad­din At­tar ou Fa­rîd-ud-Dîn ‘At­târ. Icône Haut
  3. En per­san

    «هفت شهر عشق راعطار گشت
    ماهنوز اندر خم یک کوچهایم
    ».

    Icône Haut

  1. En per­san

    «عطار روح بود و سنایی دو چشم او
    ما از پی سنایی و عطار آمدیم
    ».

    Icône Haut

  2. Les fous sont re­gar­dés comme des saints dans la Perse et dans l’Inde, et ran­gés parmi les . Icône Haut

Khayyam, « Les “Rubâ’iyât” : les quatrains du célèbre poète, mathématicien et astronome persan »

éd. Seghers, Paris

éd. Se­ghers, Pa­ris

Il s’agit des «Qua­trains» («Ru­bayat» 1) d’Omar Khayyam 2, ma­thé­ma­ti­cien et as­tro­nome (XIe-XIIe siècle). À force de son­der les étoiles, il me­sura com­bien la pa­rais­sait pe­tite et dé­ri­soire de­vant l’insondable in­dif­fé­rence de l’univers. Face à elle, Des­cartes se fera des sys­tèmes qui l’apaiseront, et Pas­cal se blot­tira contre . Khayyam, dont le éga­lait ce­lui de ces deux , consa­cra une bonne par­tie de son à la . Il chanta le sort des hommes, plon­gés dans l’Empire dé­sert du néant, et exalta les du — seul fi­dèle ami dans l’épreuve. Vé­ri­tables bré­viaires du , ses «Qua­trains» cir­cu­lèrent par­tout où la per­sane était com­prise et ad­mi­rée :

«Bois du vin. Déjà ton nom quitte ce
Quand le vin coule dans ton cœur, toute tris­tesse dis­pa­raît
Dé­noue plu­tôt, boucle après boucle, la che­ve­lure d’une idole
Et n’attends pas que, de tes os, les nœuds d’eux-mêmes se dé­nouent
» 3.

Soufi en ap­pa­rence, in­cré­dule en , ivrogne mê­lant le blas­phème à l’hymne di­vin, mas­quant d’un sou­rire les san­glots d’ qui l’étranglaient, Khayyam fut le plus scep­tique parmi les libres pen­seurs de la . Son es­prit étonne et sé­duit par son au­dace : «Des cri­tiques exer­cés ont tout de suite senti sous cette en­ve­loppe sin­gu­lière un frère de Gœthe ou de Henri Heine», dit Er­nest Re­nan 4. «Cer­tai­ne­ment, ni Mo­té­nabbi ni même au­cun de ces ad­mi­rables poètes arabes an­téis­la­miques, tra­duits avec le plus grand ta­lent, ne ré­pon­draient si bien à notre es­prit et à notre goût. Qu’un pa­reil livre [que les “Qua­trains”] puisse cir­cu­ler li­bre­ment dans un pays mu­sul­man, c’est là pour nous un su­jet de sur­prise; car, sû­re­ment, au­cune ne peut ci­ter un ou­vrage où, non seule­ment la po­si­tive, mais toute croyance soit niée avec une si fine et si amère»; té­moin ce qua­train que Khayyam im­pro­visa un soir qu’un coup de vent ren­versa à son pot de vin im­pru­dem­ment posé au bord de la ter­rasse :

«Tu as brisé ma cruche de vin, ô Sei­gneur!
Tu as cla­qué sur la porte de la , ô Sei­gneur!
Sur le sol, Tu as ré­pandu mon vin gre­nat par mal­adresse
(Que ma bouche s’emplisse de terre! 5) n’étais-Tu pas ivre, Sei­gneur?
»

  1. En per­san «رباعیات». Au­tre­fois trans­crit «Ro­baïat», «Ru­baiat», «Robāïates», «Roubâ’yât», «Ro­baiyat», «Roba’yat», «Rou­bayyat», «Robái­j­ját», «Rou­baïyat» ou «Rubâi’yât». Icône Haut
  2. En per­san عمر خیام. Par­fois trans­crit Khayam, Khaïyâm, Káyyám, Hrayyâm, Cha­j­jám, Ha­j­jam, Haiām, Kheyyâm, Khèyam ou Kéyam. Icône Haut
  3. p. 76. Icône Haut
  1. «Rap­port sur les tra­vaux du Conseil», p. 56-57. Icône Haut
  2. Ex­pres­sion que les Per­sans em­ploient sou­vent pour ex­pri­mer le re­gret d’avoir pro­féré ou de de­voir pro­fé­rer un blas­phème. Icône Haut

Nezâmî, « Le Roman de “Chosroès et Chîrîn” »

éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. Bibliothèque des œuvres classiques persanes, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Bi­blio­thèque des œuvres clas­siques per­sanes, Pa­ris

Il s’agit de «Chos­roès et Chî­rîn» («Khos­row va Chî­rîn» 1) de  2, le maître du en vers, l’un des plus grands (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 3Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 4Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 5 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

  1. En per­san «خسرو و شیرین». Par­fois trans­crit «Khos­reu ve Chi­rin», «Khus­rau va Shīrīn», «Khosrô wa Shî­rîn», «Khusro-wa-Shi­reen», «Khas­raw wa Shy­ryn», «Khos­rou ve Schi­rin», «Khos­row-o Shi­rin», «Khos­raw-o Shi­rin», «Khus­raw u-Shīrīn» ou «Khos­rau o Chî­rîn». Icône Haut
  2. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  3. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  1. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  2. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut

Nezâmî, « Le Trésor des secrets »

éd. D. de Brouwer, Paris

éd. D. de Brou­wer, Pa­ris

Il s’agit du «Tré­sor des se­crets» 1Ma­kh­zan al-As­râr» 2) de  3, le maître du en vers, l’un des plus grands de per­sane (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 4Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 5Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 6 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

  1. Par­fois tra­duit «Le Ma­ga­sin des se­crets», «Le Ma­ga­sin des mys­tères» ou «Le Tré­sor des mys­tères». Icône Haut
  2. En per­san «مخزن الاسرار». Par­fois trans­crit «Ma­kh­zan-ul-As­râr», «Ma­kh­zan ol-As­râr», «Maḫzan al-Asrār», «Mahrzan­nol-As­râr», «Ma­kh­sen-oul Er­râr», «Ma­kh­zen ul-Es­râr» ou «Ma­kh­zen el-As­râr». Icône Haut
  3. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  1. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  2. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  3. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut

« Menoutchehri : poète persan du XIᵉ siècle de notre ère »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) d’Abou-n-Nedjm Ah­med 1, plus connu sous le sur­nom de Me­nout­chehri 2. La de son sur­nom est qu’au dé­but de sa il com­po­sait des louanges en l’ de l’émir Me­nout­chehr. Cet émir mou­rut en l’an 1029 apr. J.-C. et Me­nout­chehri ajouta la lettre «i» pour in­di­quer le rap­port gram­ma­ti­cal entre sa per­sonne et celle de l’objet de ses louanges. Plus tard, il fut re­mar­qué par le sul­tan Mah­moud de Ghaznî et de­vint le poète fa­vori de son fils et suc­ces­seur Mas’oud. Ses poé­sies, qui ap­par­tiennent à l’aube de la , n’offrent au­cune trace de ce mys­ti­cisme des qui va bien­tôt en­va­hir tout l’. Il est même à re­mar­quer que Me­nout­chehri est exempt de toute teinte re­li­gieuse ou sec­taire, et qu’il n’a été l’imitateur de per­sonne : «En plu­sieurs points, il est ori­gi­nal et n’a suivi… la trace de ses pré­dé­ces­seurs en , mais on trouve chez lui des re­flets d’Abou-Nowâs. Bien que ré­pé­tée plus d’une fois, l’ sur la nais­sance du ne manque pas d’originalité. Une autre [poé­sie] sur la cam­pagne du [Prin­temps] contre l’Hiver doit être si­gna­lée comme conçue avec un cer­tain art, et la fin de cette pièce comme pleine d’élan et de brio», ex­plique Al­bert de Bi­ber­stein Ka­zi­mirski 3. Mais le plus beau mé­rite de Me­nout­chehri, la plus belle conquête qu’on lui doit, c’est d’avoir ins­piré à Omar Khayyam les vers fa­meux qui suivent :

«Quand je mour­rai, la­vez mon avec du vin
Pour , louez pour les coupes pleines
Au jour de la , si vous dé­si­rez me re­voir
Ta­mi­sez la pous­sière du seuil de la ta­verne
» 4

et qui font écho aux siens :

«Ô mes nobles amis, lorsque je mour­rai, la­vez mon corps du plus rouge vin.
Com­po­sez-en les aro­mates des pé­pins de rai­sin et faites mon suaire des feuilles de la vigne.
Creu­sez pour moi une tombe à l’ombre de la vigne, afin que la meilleure des places soit ma de­meure.
Le jour où me por­tera au pa­ra­dis, je de­man­de­rai à mon bien­fai­teur un ruis­seau plein de vin
»

  1. En ابوالنجم احمد. Par­fois trans­crit Ab’onnajm Ah­mad, Aboul Nedjm Ah­med, Abu al-Naim Ah­mad, Abou’n-Nadjm Ah­mad, Abun­najm Ah­mad ou Abu-Najm Ah­mad. Icône Haut
  2. En per­san منوچهری. Par­fois trans­crit Me­nout­chehry, Ma­nut­schehri, Me­nu­chehri, Me­nu­çehrî, Ma­nut­chehri, Ma­noo­chehri, Ma­nu­cheri, Ma­nu­chehri, Ma­nučehri, Ma­nou­chehri, Ma­nout­cheri, Ma­nout­chehri, Mi­nout­chehri, Mi­nu­cheri, Minút­chehri, Manūčihrī, Ma­nu­chihri ou Minū­chihrī. Icône Haut
  1. p. 147. Icône Haut
  2. «Les “Rubâ’iyât”; ver­sion fran­çaise par Pierre Se­ghers», p. 42. Icône Haut

Nezâmî, « Le Pavillon des sept princesses »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit du «Pa­villon des sept » 1Haft Pey­kar» 2) de  3, le maître du en vers, l’un des plus grands (XIIe siècle apr. J.-C.). Nezâmî fut le pre­mier qui re­ma­nia dans un sens ro­ma­nesque le vieux fonds des tra­di­tions per­sanes. Sans se sou­cier d’en pré­ser­ver la pu­reté et la , il les amal­gama li­bre­ment tan­tôt aux ré­cits plus ou moins lé­gen­daires des com­pi­la­teurs arabes, tan­tôt aux fic­tions des alexan­drins. Par sa so­phis­ti­ca­tion , il dé­passa les uns et les autres. Ses œuvres les plus im­por­tantes, au nombre de cinq, furent réunies, après sa , dans un re­cueil in­ti­tulé «Kham­seh» 4Les Cinq») en ou «Pandj Gandj» 5Les Cinq ») en . Maintes fois co­piées, elles étaient de celles que tout hon­nête de­vait connaître, au point d’en pou­voir ré­ci­ter des pas­sages en­tiers. Au sein de leur aire cultu­relle, à tra­vers cette im­men­sité qui s’étendait de la jusqu’au cœur de l’ et qui dé­bor­dait même sur l’Inde mu­sul­mane, elles oc­cu­paient une place équi­va­lente à celle qu’eut «L’Énéide» en oc­ci­den­tale. «Les mé­rites et per­fec­tions ma­ni­festes de Nezâmî — Al­lah lui soit mi­sé­ri­cor­dieux! — se passent de . Per­sonne ne pour­rait réunir au­tant d’élégances et de fi­nesses qu’il en a réuni dans son re­cueil “Les Cinq Tré­sors”; bien plus, cela échappe au pou­voir du genre hu­main», dira Djâmî 6 en choi­sis­sant de se faire peindre age­nouillé de­vant son illustre pré­dé­ces­seur.

  1. Par­fois tra­duit «Les Sept Beau­tés», «Les Sept Bel­vé­dères», «Les Sept Fi­gures» ou «Les Sept ». Icône Haut
  2. En per­san «هفت پیکر». Par­fois trans­crit «Haft Peï­gher», «Heft Peï­guer», «Haft Pai­ker», «Haft Pay­kar», «Haft Paï­kar» ou «Heft Peï­ker». Icône Haut
  3. En per­san نظامی گنجوی. Par­fois trans­crit Nadhami, Nid­hami, Niz­hâmî, Niz­hamy, Ni­zamy, Ni­zami, Ni­shâmi, Ni­samy, Ni­sami, Nezâmy ou Nez­hami. Icône Haut
  1. En arabe «خمسة». Par­fois trans­crit «Khamsè», «Kham­sah», «Khamsa», «Hamsa», «Ham­sah», «Hamse», «Cham­seh» ou «Ham­seh». Icône Haut
  2. En per­san «پنج گنج». Par­fois trans­crit «Pendsch Kendj», «Pendch Kendj», «Pandsch Gandsch», «Pendj Guendj», «Penj Ghenj», «Pentch-Ghandj» ou «Panj Ganj». Icône Haut
  3. «Le Bé­hâ­ris­tân», p. 185-186. Icône Haut

Saadi, « Le “Boustan”, ou Verger : poème persan »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Bous­tan» 1Le Ver­ger») de  2, le prince des per­sans, l’écrivain de l’ qui s’accorde le mieux, je crois, avec les goûts de la vieille par son in­al­té­rable bon sens, par la fi­nesse et la fa­ci­lité élé­gante qui ca­rac­té­risent toute son œuvre, par la in­dul­gente avec la­quelle il raille les tra­vers des hommes et blâme dou­ce­ment leurs fo­lies. Saadi na­quit à Chi­raz l’an 1184 apr. J.-C. Il per­dit ses pa­rents de bonne heure et les pleura di­gne­ment, à en ju­ger par ce qu’il dit sur les , qui lui ins­pi­rèrent quelques-uns de ses ac­cents les plus émus : «Étends ton ombre tu­té­laire sur la tête de l’orphelin… ar­rache l’épine qui le blesse. Ne connais-tu pas l’étendue de son mal­heur? L’arbrisseau ar­ra­ché de ses ra­cines peut-il en­core se cou­vrir de feuillage? Quand tu vois un or­phe­lin bais­ser tris­te­ment la tête… ne laisse pas cou­ler ses larmes; ce sont des larmes qui font trem­bler le trône de . Sèche avec ses yeux hu­mides, es­suie pieu­se­ment la pous­sière qui ter­nit son vi­sage. Il a perdu l’ombre qui pro­té­geait sa tête» 3. L’orphelin Saadi par­tit pour , où il sui­vit les cours de Soh­ra­verdi, cheikh non moins cé­lèbre par ses ten­dances que par son éru­di­tion : «Ce cheikh vé­néré, mon guide spi­ri­tuel… pas­sait la en orai­son et dès l’aube il ser­rait soi­gneu­se­ment son de prière (sans l’étaler aux re­gards)… Je me sou­viens que la ter­ri­fiante de l’enfer avait tenu éveillé ce saint pen­dant une nuit en­tière; le jour venu, je l’entendis qui mur­mu­rait ces mots : “Que ne m’est-il per­mis d’occuper à seul tout l’enfer, afin qu’il n’y ait plus de place pour d’autres dam­nés que moi!”» 4 Ce fut peu de après avoir ter­miné ses études que Saadi com­mença cette de qui était une sorte d’initiation im­po­sée aux dis­ciples spi­ri­tuels du . La fa­ci­lité avec la­quelle les adeptes de cette doc­trine al­laient d’un bout à l’autre du mu­sul­man, la na­tu­relle à son jeune âge, le peu de sû­reté de son pays na­tal, toutes ces dé­ter­mi­nèrent Saadi à s’éloigner de la pen­dant de longues an­nées. Il par­cou­rut l’ Mi­neure, l’ et l’Inde; il éprouva les nom­breux avan­tages des voyages qui «ré­jouissent l’esprit, pro­curent des pro­fits, font voir des mer­veilles, en­tendre des choses sin­gu­lières, par­cou­rir du pays, conver­ser avec des amis, ac­qué­rir des di­gni­tés et de bonnes ma­nières… C’est ainsi que les ont dit : “Tant que tu restes comme un otage dans ta bou­tique ou ta mai­son, ja­mais, ô homme vain, tu ne se­ras un homme. Pars et par­cours le monde avant le jour fa­tal où tu le quit­te­ras”» 5.

  1. En «بوستان». Par­fois trans­crit «Boos­tan», «Bus­tân» ou «Bos­tan». Icône Haut
  2. En per­san سعدی. Par­fois trans­crit Sa’dy, Sahdy, Sadi ou Sa‘di. Icône Haut
  3. «Le “Bous­tan”, ou Ver­ger», p. 100. Icône Haut
  1. id. p. 107. Icône Haut
  2. «“Gu­lis­tan”, le Jar­din des roses», p. 81. Icône Haut

Attar, « “Pend-namèh”, ou le Livre des conseils »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Livre des conseils» («Pend na­mèh» 1) at­tri­bué à  2 (XIIe-XIIIe siècle apr. J.-C.). Je consi­dère At­tar comme le meilleur poète de la . Certes, le nombre des Per­sans qui se sont dis­tin­gués dans le genre est si consi­dé­rable, et plu­sieurs d’entre eux ont ac­quis tant de gloire, que cette opi­nion peut pa­raître ha­sar­dée. Sous le rap­port du choix des pen­sées et de la grâce de l’expression, Djé­lâl-ed-dîn Roûmî ne lui est en rien in­fé­rieur; mais de toutes les idées de ce cé­lèbre dis­ciple, je dé­fie­rais d’en trou­ver une qui n’appartienne pas à At­tar. Et Roûmî lui-même confesse cette lourde dette quand il dit : «At­tar a par­couru les sept ci­tés de l’, tan­dis que j’en suis tou­jours au tour­nant d’une ruelle» 3; et en­core : «At­tar fut l’ du mys­ti­cisme, et Sa­naï fut ses yeux; je ne fais que suivre leurs traces» 4. Fé­rid-ed­din exerça d’abord la pro­fes­sion de par­fu­meur, ainsi que l’indique son sur­nom d’Attar («qui fa­brique ou qui vend des par­fums»). Il avait une bou­tique très élé­gante, qui at­ti­rait les re­gards du pu­blic et qui flat­tait aussi bien les yeux que l’odorat. Un jour qu’il était as­sis sur le de­vant de sa bou­tique avec l’apparence d’un im­por­tant, un fou, ou pour mieux dire, un re­li­gieux très avancé dans la  5, vint à sa porte, jeta un sur les mar­chan­dises qui étaient éta­lées, puis poussa un pro­fond sou­pir. At­tar, étonné, le pria de pas­ser son che­min. «Tu as », lui ré­pon­dit l’inconnu, «le voyage de l’éternité est fa­cile pour . Je ne suis pas em­bar­rassé dans ma marche, car je n’ai au que mon froc. Il n’en est mal­heu­reu­se­ment pas ainsi de toi, qui pos­sèdes tant de pré­cieuses mar­chan­dises. Songe donc à te pré­pa­rer à ce voyage.»

  1. En «پند‌نامه». Par­fois trans­crit «Pand-nā­meh», «Pand­nâme», «Pend­name», «Pand-nāma» ou «Pand-nā­mah». Icône Haut
  2. En per­san فریدالدین عطار. Par­fois trans­crit Farîdoddîn’Attâr, Fé­ryd-ed­dyn At­thar, Farīd al-Dīn ‘Aṭṭār, Fe­ri­dud­din At­tar, Fa­ri­dud­dine At­tar, Fa­ri­dad­din At­tar ou Fa­rîd-ud-Dîn ‘At­târ. Icône Haut
  3. En per­san

    «هفت شهر عشق راعطار گشت
    ماهنوز اندر خم یک کوچهایم
    ».

    Icône Haut

  1. En per­san

    «عطار روح بود و سنایی دو چشم او
    ما از پی سنایی و عطار آمدیم
    ».

    Icône Haut

  2. Les fous sont re­gar­dés comme des dans la Perse et dans l’Inde, et ran­gés parmi les . Icône Haut