«Les Paroles remarquables, les Bons Mots et les Maximes des Orientaux»

éd. Maisonneuve et Larose, coll. Dédale, Paris

éd. Mai­son­neuve et La­rose, coll. Dé­dale, Pa­ris

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes arabes, per­sans et turcs. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules» 4.

les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité

Voici un échan­tillon qui don­nera une idée du style des pro­verbes arabes, per­sans et turcs :
«L’avis du sage tient lieu de pré­dic­tion.
La mort est une coupe que tous les hommes doivent boire, et le tom­beau est une porte par où ils doivent tous pas­ser.
Qui vous fait des rap­ports de la conduite des autres, fait de même aux autres des rap­ports de votre conduite.
Le sage qui se tait dit plus que l’insensé qui parle.
Dans une mé­chante an­née, il ne faut pas de­man­der au pauvre en quel état sont ses af­faires, à moins qu’on ne veuille le sou­la­ger.
Une femme sans pu­deur res­semble à des viandes qui ne sont pas as­sai­son­nées.
Le mé­chant doit être ré­puté pour mort lors même qu’il est vi­vant; mais l’honnête homme vit même parmi les morts.
La que­relle entre les amis re­dresse l’amitié.
Le dé­sir de vivre dé­tourne des grandes et belles en­tre­prises, et fait prendre l’habitude de l’oisiveté et de la pa­resse.
Ja­mais on n’aura d’amis si l’on en veut avoir sans dé­faut.
Il y a six choses sur les­quelles il ne faut pas fon­der son es­pé­rance : l’ombre d’un simple nuage, parce qu’il ne fait que pas­ser; l’amitié des mal­in­ten­tion­nés, parce qu’elle passe comme un éclair; l’amour des femmes, parce qu’il s’éteint pour le moindre su­jet; la beauté, parce qu’à la fin elle se ter­nit quelque ac­com­plie qu’elle soit; les fausses louanges, parce qu’elles n’aboutissent à rien; et en­fin, les ri­chesses et les biens de ce monde, parce qu’ils se dis­sipent et qu’ils se consument.
Un homme de lettres fait plus d’état d’une ligne des com­po­si­tions d’un sa­vant que d’un tré­sor.
Mé­na­gez-vous entre deux en­ne­mis de ma­nière qu’ils n’aient pas su­jet de se plaindre de vous, s’il ar­rive qu’ils de­viennent amis.
Pour­quoi s’imagine-t-on que l’on vit, lorsqu’on ne vit pas in­dé­pen­dam­ment de per­sonne?
Je crains Dieu, et après Dieu, je ne crains que ce­lui qui ne le craint pas
».

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  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut
  2. An­toine de Ri­va­rol, «Dis­cours sur l’universalité de la langue fran­çaise». Haut