Mot-clefproverbe

genre lit­té­raire

«“Refranes o Proverbios castellanos”, Proverbes espagnols»

XVIIᵉ siècle

XVIIe siècle

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes es­pa­gnols. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut

«Contes et Légendes annamites»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’une an­tho­lo­gie de la lit­té­ra­ture po­pu­laire du Viêt-nam. Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort ano­nyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers sa­vants les hommes et les choses de la Chine, il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’âme po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers chi­nois qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la langue et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de pro­verbes, de sen­tences, de dis­tiques, de phrases, lo­cu­tions et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de chan­sons, de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’espace jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme in­fini, d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de riz du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le so­leil et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable mé­lan­co­lie la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de poé­sie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels sen­ti­ments», dit très bien Phạm Quỳnh

«Proverbes et Similitudes des Malais, avec leurs correspondants en diverses langues d’Europe et d’Asie»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes ma­lais. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut

«Cent Proverbes japonais»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes ja­po­nais. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut

«L’Histoire d’Aḥiqar en éthiopien»

dans « Annales d’Éthiopie », vol. 11, p. 141-152

dans «An­nales d’Éthiopie», vol. 11, p. 141-152

Il s’agit de la ver­sion éthio­pienne de l’«His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar l’Assyrien», un conte qui existe dans presque toutes les langues du Proche-Orient an­tique (VIIe av. J.-C.). Voici le ré­sumé de ce conte : Aḥiqar 1 était un homme ver­tueux et un conseiller des rois d’Assyrie. N’ayant pas de fils, il adopta le fils de sa sœur, Na­dan. Il l’éleva et lui adressa une pre­mière sé­rie de le­çons, sous forme de maximes et de pro­verbes. Plus tard, em­pê­ché par les in­fir­mi­tés de la vieillesse de rem­plir ses fonc­tions, Aḥiqar pré­senta Na­dan comme son suc­ces­seur. Com­blé d’honneurs, Na­dan ne tarda pas à faire preuve de la plus noire in­gra­ti­tude. Il tra­hit in­di­gne­ment son père adop­tif et bien­fai­teur : il le ca­lom­nia au­près du roi As­sa­rhad­don (de l’an 680 à l’an 669 av. J.-C.), le­quel or­donna sa mort. Ce­pen­dant, le bour­reau était un obligé d’Aḥiqar et ne rem­plit pas l’ordre donné. Il exé­cuta un autre cri­mi­nel, dont il ap­porta la tête au roi, et tint Aḥiqar ca­ché. En­hardi par la nou­velle de la mort du conseiller royal, le pha­raon d’Égypte lança au roi le défi de ré­soudre plu­sieurs énigmes per­fides, sous peine d’avoir à lui payer un tri­but. Sorti de sa ca­chette, Aḥiqar alla en Égypte, ré­pon­dit aux énigmes du pha­raon et, à son re­tour, de­manda que Na­dan lui fût li­vré. Il le frappa de mille coups, pour faire en­trer la sa­gesse «par der­rière son dos» 2 puisqu’elle n’avait pu en­trer par les oreilles, et lui adressa une deuxième sé­rie de le­çons, sous forme de fables, et des­ti­nées à prou­ver qu’il va­lait mieux vivre dans une hutte en homme juste que dans un pa­lais en cri­mi­nel.

  1. En ara­méen אחיקר, en sy­riaque ܐܚܝܩܪ. Par­fois trans­crit Achi­char, Achi­qar, Achi­kar, Aḥicar ou Aḥikar. On ren­contre aussi la gra­phie Ḥiqar (ܚܝܩܪ). Par­fois trans­crit Hai­qâr, Haï­kar, Hey­car, Hi­car, Khi­kar ou Ḥikar. Haut
  1. «His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar l’Assyrien; tra­duc­tion des ver­sions sy­riaques par Fran­çois Nau», p. 236. Haut

«Histoire et Sagesse d’Aḥikar l’Assyrien»

éd. Letouzey et Ané, coll. Documents pour l’étude de la Bible, Paris

éd. Le­tou­zey et Ané, coll. Do­cu­ments pour l’étude de la Bible, Pa­ris

Il s’agit des ver­sions sy­riaques de l’«His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar l’Assyrien», un conte qui existe dans presque toutes les langues du Proche-Orient an­tique (VIIe av. J.-C.). Voici le ré­sumé de ce conte : Aḥiqar 1 était un homme ver­tueux et un conseiller des rois d’Assyrie. N’ayant pas de fils, il adopta le fils de sa sœur, Na­dan. Il l’éleva et lui adressa une pre­mière sé­rie de le­çons, sous forme de maximes et de pro­verbes. Plus tard, em­pê­ché par les in­fir­mi­tés de la vieillesse de rem­plir ses fonc­tions, Aḥiqar pré­senta Na­dan comme son suc­ces­seur. Com­blé d’honneurs, Na­dan ne tarda pas à faire preuve de la plus noire in­gra­ti­tude. Il tra­hit in­di­gne­ment son père adop­tif et bien­fai­teur : il le ca­lom­nia au­près du roi As­sa­rhad­don (de l’an 680 à l’an 669 av. J.-C.), le­quel or­donna sa mort. Ce­pen­dant, le bour­reau était un obligé d’Aḥiqar et ne rem­plit pas l’ordre donné. Il exé­cuta un autre cri­mi­nel, dont il ap­porta la tête au roi, et tint Aḥiqar ca­ché. En­hardi par la nou­velle de la mort du conseiller royal, le pha­raon d’Égypte lança au roi le défi de ré­soudre plu­sieurs énigmes per­fides, sous peine d’avoir à lui payer un tri­but. Sorti de sa ca­chette, Aḥiqar alla en Égypte, ré­pon­dit aux énigmes du pha­raon et, à son re­tour, de­manda que Na­dan lui fût li­vré. Il le frappa de mille coups, pour faire en­trer la sa­gesse «par der­rière son dos» 2 puisqu’elle n’avait pu en­trer par les oreilles, et lui adressa une deuxième sé­rie de le­çons, sous forme de fables, et des­ti­nées à prou­ver qu’il va­lait mieux vivre dans une hutte en homme juste que dans un pa­lais en cri­mi­nel.

  1. En ara­méen אחיקר, en sy­riaque ܐܚܝܩܪ. Par­fois trans­crit Achi­char, Achi­qar, Achi­kar, Aḥicar ou Aḥikar. On ren­contre aussi la gra­phie Ḥiqar (ܚܝܩܪ). Par­fois trans­crit Hai­qâr, Haï­kar, Hey­car, Hi­car, Khi­kar ou Ḥikar. Haut
  1. «His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar l’Assyrien; tra­duc­tion des ver­sions sy­riaques par Fran­çois Nau», p. 236. Haut

«Mille et un Proverbes turcs»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes turcs. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut

«Sentences de Publius Syrus»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Sen­tences du mime Pu­bli­lius Sy­rus» («Pu­bli­lii Syri mimi Sen­ten­tiæ»). J’imagine que beau­coup de lec­teurs, même parmi les ama­teurs des lettres la­tines, n’ont ja­mais en­tendu par­ler de Pu­bli­lius Sy­rus 1. Et pour­tant, le nom de cet au­teur de co­mé­dies bouf­fonnes nous est venu es­corté des éloges de la pos­té­rité; car quatre siècles après sa mort, on le fai­sait lire en­core dans les écoles pu­bliques, pour ini­tier la jeu­nesse aux beau­tés de la langue la­tine. Au dire de saint Jé­rôme, Pu­bli­lius «ré­gna sur la scène de Rome» («Romæ sce­nam te­net») de Cé­sar à Au­guste, et sa re­nom­mée fut loin de pé­rir avec lui. Sé­nèque lui fait plu­sieurs em­prunts et re­vient sou­vent sur ses qua­li­tés : c’est, dit-il 2, «un poète plus vi­gou­reux que les tra­giques et les co­miques, quand il re­nonce aux plates bouf­fon­ne­ries du mime et aux mots faits pour le pu­blic des [der­niers] gra­dins». «Com­bien de vers», écrit-il ailleurs 3, «d’une frappe ad­mi­rable, en­fouis dans la col­lec­tion de nos mimes! Que de pen­sées de Pu­bli­lius qui de­vraient avoir pour in­ter­prètes non des pitres dé­chaus­sés, mais des tra­gé­diens en co­thurnes!» (Les ac­teurs de co­mé­dies bouf­fonnes jouaient pieds nus.) Ma­crobe et Aulu-Gelle, qui ont le plus contri­bué, avec Sé­nèque, à nous conser­ver ces «Sen­tences», ne les vantent pas moins que lui. Pé­trone, qui en ad­mire l’auteur jusqu’à le mettre en pa­ral­lèle avec Ci­cé­ron, n’accorde à ce der­nier que la su­pé­rio­rité de l’éloquence : «Je crois», dit-il, «que Pu­bli­lius était plus hon­nête» («ho­nes­tio­rem fuisse»). En­fin, La Bruyère a semé dans ses «Ca­rac­tères», qui sont sans contre­dit l’un des plus beaux ou­vrages que nous ayons en langue fran­çaise, la meilleure par­tie de ces «Sen­tences» : il en a tra­duit quelques-unes, il a donné aux autres un peu plus d’étendue, en les pré­sen­tant sous plu­sieurs angles dif­fé­rents. Je n’en rap­por­te­rai ici que deux exemples. 1º Pu­bli­lius : «La crainte de la mort est plus cruelle que la mort elle-même» («Mor­tem ti­mere cru­de­lius est quam mori»). La Bruyère : «Il est plus dur d’appréhender la mort que de la souf­frir». 2º Pu­bli­lius : «La vie, par elle-même, est courte, mais les mal­heurs la rendent bien longue» («Bre­vis ipsa vita est, sed ma­lis fit lon­gior»). La Bruyère : «La vie est courte, si elle ne mé­rite ce nom que lorsqu’elle est agréable».

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Pu­blius Sy­rus, Pu­bli­lius Lo­chius et Pu­blia­nus, dit Pu­blian. Haut
  2. «Dia­logues. Tome IV. De la Pro­vi­dence • De la constance du sage • De la tran­quillité de l’âme • De l’oisiveté», liv. IX, ch. XI, sect. 8. Haut
  1. «Lettres à Lu­ci­lius», lettre VIII, sect. 8. Haut

«La Conception de la vie des Coréens à travers des proverbes»

dans « Cahiers d’études coréennes », nº 7, p. 245-268

dans «Ca­hiers d’études co­réennes», nº 7, p. 245-268

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes co­réens. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut

«À l’ombre des grands fromagers : proverbes malinké»

éd. Conseil international de la langue française-Édicef, coll. Fleuve et Flamme, Paris

éd. Conseil in­ter­na­tio­nal de la langue fran­çaise-Édi­cef, coll. Fleuve et Flamme, Pa­ris

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes ma­linké. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules»

  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  1. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut

Rivarol, «Pensées diverses»

éd. Desjonquères, coll. Textes du XVIIIᵉ siècle, Paris

éd. Des­jon­quères, coll. Textes du XVIIIe siècle, Pa­ris

Il s’agit des «Pen­sées di­verses» 1 d’Antoine Ri­va­roli, dit de Ri­va­rol, im­pro­vi­sa­teur fran­çais, un des plus éblouis­sants es­prits de la fin du XVIIIe siècle. «Il y a parmi les gens du monde cer­taines per­sonnes qui doivent tout [leur] bon­heur à leur ré­pu­ta­tion de gens d’esprit, et toute leur ré­pu­ta­tion à leur pa­resse». En pla­çant ces mots en tête du «Pe­tit Al­ma­nach de nos grands hommes», Ri­va­rol pen­sait-il à lui-même? Pro­ba­ble­ment. Il était pa­res­seux et il le sa­vait; mais c’était le dieu de la conver­sa­tion en cette fin de siècle où la conver­sa­tion était le su­prême plai­sir et la su­prême gloire, et il était chaque jour tra­versé d’inspirations ful­gu­rantes. On rap­porte qu’il no­tait ses «Pen­sées di­verses» sur de pe­tites feuilles vo­lantes, sur des mor­ceaux de pa­pier, qu’il ran­geait en­suite dans des sacs po­sés sur sa table de nuit. Avec ces sacs, qu’il ren­ver­sait pé­rio­di­que­ment, tel un cher­cheur d’or comp­tant ses pé­pites, il vi­sait au pre­mier rang dans les lettres et il était bien ca­pable d’y at­teindre; mais il fré­quen­tait trop une so­ciété dis­si­pée, mon­daine, une so­ciété qui ne vou­lait qu’être amu­sée; et en quelques heures de conver­sa­tion, il gas­pillait avec éclat la ma­tière de dix livres. «On n’avait qu’à le tou­cher sur un point, qu’à lui don­ner la note, et le mer­veilleux cla­vier ré­pon­dait à l’instant par toute une so­nate», ex­plique un cri­tique 2. Ces suc­cès com­modes, qu’il rem­por­tait chaque soir en cau­sant sur n’importe quel su­jet, et qui n’avaient be­soin, pour être re­nou­ve­lés, que des im­pro­vi­sa­tions de son es­prit lé­gè­re­ment oc­cupé, lui ont ravi ses plus belles an­nées. «Sans cesse ar­ra­ché à lui-même, il a sa­cri­fié tan­tôt à la fri­vo­lité, tan­tôt à la fi­dé­lité, tan­tôt à la né­ces­sité, les heures sa­crées de l’inspiration. Il a per­pé­tuel­le­ment man­qué les oc­ca­sions de de­ve­nir un grand homme», ex­plique un autre cri­tique 3.

  1. Éga­le­ment connu sous les titres de «Maximes et Pen­sées», de «Maximes, Pen­sées et Pa­ra­doxes», d’«Es­prit» et de «Pen­sées, Traits et Bons Mots». Haut
  2. Sainte-Beuve. Haut
  1. Adolphe de Les­cure. Haut

«Les “Vers dorés” des pythagoriciens»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «“Vers d’or” des py­tha­go­ri­ciens» («Ta “Chrysa epê” tôn Py­tha­go­reiôn» 1), l’une des rares traces écrites du py­tha­go­risme. L’école de Py­tha­gore était réel­le­ment une sorte de cloître mo­nas­tique, où il ne fal­lait lais­ser en­trer que des âmes pures. La règle du se­cret qui la liait est cause qu’il y a di­verses in­cer­ti­tudes à son su­jet. Cette école com­men­çait par un rude no­vi­ciat. Tous ceux qui en­ta­maient les le­çons de Py­tha­gore pas­saient cinq ans sans avoir la per­mis­sion de par­ler, afin d’apprendre la vertu du si­lence : «On ap­prend aux hommes à par­ler; on de­vrait leur ap­prendre à se taire. La pa­role dis­sipe la pen­sée, la mé­di­ta­tion l’accumule» 2. Ils ne por­taient que des ha­bits de lin; ils ne man­geaient pas de viande. De plus, ils met­taient leurs biens en com­mun et ne fai­saient qu’une même bourse. Après cette in­dis­pen­sable et longue épreuve, s’ils en étaient ju­gés dignes, ils re­ce­vaient de la bouche même du Maître les vé­ri­tés oc­cultes. Les pres­crip­tions mo­rales te­naient une grande place dans ce ca­té­chisme py­tha­go­ri­cien qui consi­dé­rait la vie comme un ef­fort pour ar­ri­ver par de­grés à la vertu et pour se rendre, par là même, sem­blable à Dieu. L’essentiel de ces pres­crip­tions nous a été conservé dans une sorte de pe­tit bré­viaire ou d’extrait de bré­viaire, in­ti­tulé les «Vers d’or», ainsi que dans le sa­vant com­men­taire que nous en a laissé Hié­ro­clès. L’époque tar­dive de ces deux livres (IIe-Ve siècle apr. J.-C.) ne doit pas nous por­ter à dé­pré­cier leur va­leur. Ils sont tout ce qui nous reste d’authentique tou­chant l’un des plus grands hommes de l’Antiquité. Hié­ro­clès as­sure «qu’ils sont la doc­trine du corps en­tier des py­tha­go­ri­ciens et comme [le cri] de toutes leurs as­sem­blées» 3. Il ajoute qu’il exis­tait un usage qui or­don­nait à tous les dis­ciples le ma­tin, en se le­vant, et le soir, en se cou­chant, de se faire ré­ci­ter ces «Vers» comme au­tant d’oracles in­faillibles que le Maître «Lui-même a dits» («Au­tos epha» 4). Ceux qui les trans­met­taient ainsi et ceux qui, plus tard, les ont fixés par l’écriture ont dû chan­ger peu de chose au contenu ori­gi­nal. «Le res­pect pieux, la vé­né­ra­tion sainte pour la pa­role du Maître, ont dû pro­té­ger — si­non contre toute al­té­ra­tion, du moins contre toute al­té­ra­tion pro­fonde — ce dé­pôt sa­cré de vé­ri­tés qu’ils consi­dé­raient comme éma­nées de la bouche d’un dieu (“pan­toias theou phô­nas” 5)», ex­plique An­telme-Édouard Chai­gnet. Vé­ri­tables com­man­de­ments d’une phi­lo­so­phie sa­crée, qui fai­sait de la science une mys­tique, et de la mys­tique une science, et qui était, tout en­tière, do­mi­née, gui­dée et cou­ron­née par l’idée de Dieu, les «Vers d’or» peuvent se ré­su­mer dans cette grande maxime : «La vie par­faite n’est et ne peut être qu’une imi­ta­tion du par­fait, c’est-à-dire de Dieu».

  1. En grec «Τὰ “Χρυσᾶ ἔπη” τῶν Πυθαγορείων». Haut
  2. Vol­ney, «Le­çons d’histoire». Haut
  3. «Épi­logue». Haut
  1. En grec «Αὐτὸς ἔφα». Haut
  2. Ré­fé­rence à Dio­gène Laërce, «Vies et Doc­trines des phi­lo­sophes illustres» : «Py­tha­gore était tel­le­ment ad­miré qu’on ap­pe­lait ses dis­ciples “mul­tiples voix du dieu” (παντοίας θεοῦ φωνάς)». Haut

La Bruyère, «Les Caractères, ou les Mœurs de ce siècle»

éd. Le Cercle du bibliophile, coll. Les Classiques immortels, Évreux

éd. Le Cercle du bi­blio­phile, coll. Les Clas­siques im­mor­tels, Évreux

Il s’agit des «Ca­rac­tères» de Jean de La Bruyère 1, écri­vain fran­çais (XVIIe siècle), qui consuma sa vie à ob­ser­ver les hommes, et qui s’ingénia à nous mon­trer tout ce qui se ca­chait de va­nité, de pe­ti­tesse ou de cal­cul mes­quin sous leurs al­lures im­por­tantes et leurs titres pom­peux. «Il n’y a presque point de [tour­nure] dans l’éloquence qu’on ne trouve dans La Bruyère; et [s’il y manque] quelque chose, ce ne sont pas cer­tai­ne­ment les ex­pres­sions, qui sont d’une force in­fi­nie et tou­jours les plus propres et les plus pré­cises qu’on puisse em­ployer», dit un cri­tique 2. En ef­fet, La Bruyère est un des meilleurs pro­sa­teurs dans au­cune langue. Il l’est par sa com­po­si­tion, qui fond avec art deux genres qui jouis­saient alors d’une grande fa­veur : les maximes et les por­traits. Mais il l’est sur­tout par son style, par son choix de mots non seule­ment très juste, mais né­ces­saire; il dit lui-même qu’«entre toutes les dif­fé­rentes ex­pres­sions qui peuvent rendre une seule de nos pen­sées, il n’y en a qu’une qui soit la bonne» 3 : cette ex­pres­sion unique, La Bruyère sait la trou­ver et lui don­ner la place où elle aura le plus d’éclat. Émile Lit­tré, l’auteur du cé­lèbre «Dic­tion­naire de la langue fran­çaise», dit à ce su­jet : «Vou­lez-vous faire un in­ven­taire des ri­chesses de notre langue; en vou­lez-vous connaître tous les tours, tous les mou­ve­ments, toutes les fi­gures, toutes les res­sources? Il n’est pas né­ces­saire de re­cou­rir à cent vo­lumes; li­sez et re­li­sez La Bruyère». Tout vit et tout s’anime sous la plume de La Bruyère; tout parle à notre ima­gi­na­tion; il nous dit en une phrase ce qu’un autre ne nous dit pas cor­rec­te­ment en une tren­taine; il brille sur­tout dans l’emploi in­gé­nieux et dé­tourné qu’il sait faire des mots de l’usage cou­rant. «La vé­ri­table gran­deur», dit-il 4, «se laisse “tou­cher” et “ma­nier”; elle ne perd rien à être “vue de près”». Ou en­core : «Il y a dans quelques femmes… un mé­rite “pai­sible”, mais so­lide, ac­com­pa­gné de mille ver­tus qu’elles ne peuvent cou­vrir [mal­gré] toute leur mo­des­tie, qui “échappent”, et qui se montrent à “ceux qui ont des yeux”»

  1. On ren­contre aussi la gra­phie La Bruière. Haut
  2. le mar­quis de Vau­ve­nargues. Haut
  1. ch. I, sect. 17. Haut
  2. ch. II, sect. 42. Haut