«“Refranes o Proverbios castellanos”, Proverbes espagnols»

XVIIᵉ siècle

XVIIe siècle

Il s’agit d’un re­cueil de pro­verbes es­pa­gnols. Nul genre d’enseignement n’est plus an­cien que ce­lui des pro­verbes. Son ori­gine re­monte aux âges les plus re­cu­lés du globe. Dès que les hommes, mus par un ins­tinct ir­ré­sis­tible ou pous­sés par la vo­lonté di­vine, se furent réunis en so­ciété; dès qu’ils eurent consti­tué un lan­gage suf­fi­sant à l’expression de leurs be­soins, les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité. «S’ils avaient pu se conser­ver, s’ils étaient par­ve­nus jusqu’à nous sous leur forme pri­mi­tive», dit Pierre-Ma­rie Qui­tard 1, «ils se­raient le plus cu­rieux mo­nu­ment du pro­grès des pre­mières so­cié­tés; ils jet­te­raient un jour mer­veilleux sur l’histoire de la ci­vi­li­sa­tion, dont ils mar­que­raient le point de dé­part avec une ir­ré­cu­sable fi­dé­lité.» La Bible, qui contient plu­sieurs livres de pro­verbes, dit : «Ce­lui qui ap­plique son âme à ré­flé­chir sur la Loi du Très-Haut… re­cherche le sens se­cret des pro­verbes et re­vient sans cesse sur les énigmes des maximes» 2. Les sages de la Grèce eurent la même pen­sée que la Bible. Confu­cius imita les pro­verbes et fut à son tour imité par ses dis­ciples. De même que l’âge de l’arbre peut se ju­ger par le tronc; de même, les pro­verbes nous ap­prennent le gé­nie ou l’esprit propre à chaque na­tion, et les dé­tails de sa vie pri­vée. On en te­nait cer­tains en telle es­time, qu’on les di­sait d’origine cé­leste : «C’est du ciel», dit Ju­vé­nal 3, «que nous est ve­nue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la fau­drait gra­ver dans son cœur et la mé­di­ter tou­jours.» C’est pour­quoi, d’ailleurs, on les gra­vait sur le de­vant des portes des temples, sur les co­lonnes et les marbres. Ces ins­crip­tions, très nom­breuses du temps de Pla­ton, fai­saient dire à ce phi­lo­sophe qu’on pou­vait faire un ex­cellent cours de mo­rale en voya­geant à pied, si l’on vou­lait les lire; les pro­verbes étant «le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles ré­duit en for­mules» 4.

les pro­verbes prirent nais­sance en tant que ré­sumé na­tu­rel des idées com­munes de l’humanité

Voici un échan­tillon qui don­nera une idée du style des pro­verbes es­pa­gnols :
«Couche-toi sans sou­per, et tu te trou­ve­ras au ma­tin sans dette.
Au goût dé­pravé, le doux lui est amer.
Au re­nard en­dormi, il ne lui tombe rien en la gueule.
Le vert brûle pour le sec, et les justes payent pour les pé­cheurs 5.
En­core que vous vê­tiez le singe de soie, tou­jours de­meure singe.
Bien aime, qui ja­mais n’oublie.
Chaque po­tier loue son pot, et plus ce­lui à qui il est cassé.
Du cuir d’autrui — large cour­roie.
Là où le loup trouve un agneau, il y en cherche un autre.
Le fils de l’âne brait deux fois le jour 6.
Ce­lui qui fait de mau­vais pain, qu’il le mange!
La langue du mau­vais ami tranche plus qu’un cou­teau.
Ce que mange mon voi­sin, ne pro­fite à mon boyau.
Ni char­bon ni bois, ne l’achète quand il gèle 7.
Il n’y a si grasse ge­line
 8 qui n’ait be­soin de sa voi­sine.
Il n’y a gé­né­ra­tion où il n’y a ait pu­tain ou lar­ron.
Mar­mite de plu­sieurs — mal as­sai­son­née et en­core pis cuite.
Par les pans de la robe du vi­caire, le diable monte au clo­cher.
Qui se couche avec les chiens, se lève avec des puces.
Qui crache contre le ciel, il lui re­tombe sur la face 9.
Qui ne croit à la bonne mère, qu’il croie à la mau­vaise ma­râtre!
Qui mange la vache du roi, à cent ans de là il en paye les os.
Nous sommes tous en­fants d’Adam et d’Ève, hor­mis que la soie [c’est-à-dire la ri­chesse et le bel ha­bille­ment] nous rend dis­sem­blables.
Trente moines et un abbé ne sau­raient faire chier un âne contre sa vo­lonté
».

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  1. «Études his­to­riques, lit­té­raires et mo­rales sur les pro­verbes fran­çais et le lan­gage pro­ver­bial», p. 2. Haut
  2. «Livre de l’Ecclésiastique», XXXIX, 1-3. Haut
  3. «Sa­tires», poème XI, v. 27-28. Haut
  4. An­toine de Ri­va­rol, «Dis­cours sur l’universalité de la langue fran­çaise». Haut
  5. Les bons pâ­tissent pour les mau­vais. Haut
  1. Le na­tu­rel ne se perd point. Haut
  2. Fais pro­vi­sion de bonne heure et avant qu’il fasse froid. Haut
  3. «Ge­line» («gal­lina») s’est dit pour «poule». Haut
  4. Il ne faut pas s’en prendre à Dieu. Haut