Il s’agit d’un recueil de proverbes espagnols. Nul genre d’enseignement n’est plus ancien que celui des proverbes. Son origine remonte aux âges les plus reculés du globe. Dès que les hommes, mus par un instinct irrésistible ou poussés par la volonté divine, se furent réunis en société ; dès qu’ils eurent constitué un langage suffisant à l’expression de leurs besoins, les proverbes prirent naissance en tant que résumé naturel des idées communes de l’humanité. « S’ils avaient pu se conserver, s’ils étaient parvenus jusqu’à nous sous leur forme primitive », dit Pierre-Marie Quitard 1, « ils seraient le plus curieux monument du progrès des premières sociétés ; ils jetteraient un jour merveilleux sur l’histoire de la civilisation, dont ils marqueraient le point de départ avec une irrécusable fidélité. » La Bible, qui contient plusieurs livres de proverbes, dit : « Celui qui applique son âme à réfléchir sur la Loi du Très-Haut… recherche le sens secret des proverbes et revient sans cesse sur les énigmes des maximes » 2. Les sages de la Grèce eurent la même pensée que la Bible. Confucius imita les proverbes et fut à son tour imité par ses disciples. De même que l’âge de l’arbre peut se juger par le tronc ; de même, les proverbes nous apprennent le génie ou l’esprit propre à chaque nation, et les détails de sa vie privée. On en tenait certains en telle estime, qu’on les disait d’origine céleste : « C’est du ciel », dit Juvénal 3, « que nous est venue la maxime : “Connais-toi toi-même”. Il la faudrait graver dans son cœur et la méditer toujours. » C’est pourquoi, d’ailleurs, on les gravait sur le devant des portes des temples, sur les colonnes et les marbres. Ces inscriptions, très nombreuses du temps de Platon, faisaient dire à ce philosophe qu’on pouvait faire un excellent cours de morale en voyageant à pied, si l’on voulait les lire ; les proverbes étant « le fruit de l’expérience de tous les peuples et comme le bon sens de tous les siècles réduit en formules » 4.
les proverbes prirent naissance en tant que résumé naturel des idées communes de l’humanité
Voici un échantillon qui donnera une idée du style des proverbes espagnols :
« Couche-toi sans souper, et tu te trouveras au matin sans dette.
Au goût dépravé, le doux lui est amer.
Au renard endormi, il ne lui tombe rien en la gueule.
Le vert brûle pour le sec, et les justes payent pour les pécheurs 5.
Encore que vous vêtiez le singe de soie, toujours demeure singe.
Bien aime, qui jamais n’oublie.
Chaque potier loue son pot, et plus celui à qui il est cassé.
Du cuir d’autrui — large courroie.
Là où le loup trouve un agneau, il y en cherche un autre.
Le fils de l’âne brait deux fois le jour 6.
Celui qui fait de mauvais pain, qu’il le mange !
La langue du mauvais ami tranche plus qu’un couteau.
Ce que mange mon voisin, ne profite à mon boyau.
Ni charbon ni bois, ne l’achète quand il gèle 7.
Il n’y a si grasse geline 8 qui n’ait besoin de sa voisine.
Il n’y a génération où il n’y a ait putain ou larron.
Marmite de plusieurs — mal assaisonnée et encore pis cuite.
Par les pans de la robe du vicaire, le diable monte au clocher.
Qui se couche avec les chiens, se lève avec des puces.
Qui crache contre le ciel, il lui retombe sur la face 9.
Qui ne croit à la bonne mère, qu’il croie à la mauvaise marâtre !
Qui mange la vache du roi, à cent ans de là il en paye les os.
Nous sommes tous enfants d’Adam et d’Ève, hormis que la soie [c’est-à-dire la richesse et le bel habillement] nous rend dissemblables.
Trente moines et un abbé ne sauraient faire chier un âne contre sa volonté ».
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- Édition et traduction de César Oudin (1659) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1659) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1659) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1659) ; autre copie [Source : OPAL Libri antichi]
- Édition et traduction de César Oudin (1634) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1624) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1614) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1614) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1612) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1609) [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition et traduction de César Oudin (1609) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1609) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1608) [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1608) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction de César Oudin (1605) [Source : Bibliothèque nationale de France].
- « Études historiques, littéraires et morales sur les proverbes français et le langage proverbial », p. 2.
- « Livre de l’Ecclésiastique », XXXIX, 1-3.
- « Satires », poème XI, v. 27-28.
- Antoine de Rivarol, « Discours sur l’universalité de la langue française ».
- Les bons pâtissent pour les mauvais.