Il s’agit des « “Vers d’or” des pythagoriciens » (« Ta “Chrysa epê” tôn Pythagoreiôn »1), l’une des rares traces écrites du pythagorisme. L’école de Pythagore était réellement une sorte de cloître monastique, où il ne fallait laisser entrer que des âmes pures. La règle du secret qui la liait est cause qu’il y a diverses incertitudes à son sujet. Cette école commençait par un rude noviciat. Tous ceux qui entamaient les leçons de Pythagore passaient cinq ans sans avoir la permission de parler, afin d’apprendre la vertu du silence : « On apprend aux hommes à parler ; on devrait leur apprendre à se taire. La parole dissipe la pensée, la méditation l’accumule »2. Ils ne portaient que des habits de lin ; ils ne mangeaient pas de viande. De plus, ils mettaient leurs biens en commun et ne faisaient qu’une même bourse. Après cette indispensable et longue épreuve, s’ils en étaient jugés dignes, ils recevaient de la bouche même du Maître les vérités occultes. Les prescriptions morales tenaient une grande place dans ce catéchisme pythagoricien qui considérait la vie comme un effort pour arriver par degrés à la vertu et pour se rendre, par là même, semblable à Dieu. L’essentiel de ces prescriptions nous a été conservé dans une sorte de petit bréviaire ou d’extrait de bréviaire, intitulé les « Vers d’or », ainsi que dans le savant commentaire que nous en a laissé Hiéroclès. L’époque tardive de ces deux livres (IIe-Ve siècle apr. J.-C.) ne doit pas nous porter à déprécier leur valeur. Ils sont tout ce qui nous reste d’authentique touchant l’un des plus grands hommes de l’Antiquité. Hiéroclès assure « qu’ils sont la doctrine du corps entier des pythagoriciens et comme [le cri] de toutes leurs assemblées »3. Il ajoute qu’il existait un usage qui ordonnait à tous les disciples le matin, en se levant, et le soir, en se couchant, de se faire réciter ces « Vers » comme autant d’oracles infaillibles que le Maître « Lui-même a dits » (« Autos epha »4). Ceux qui les transmettaient ainsi et ceux qui, plus tard, les ont fixés par l’écriture ont dû changer peu de chose au contenu original. « Le respect pieux, la vénération sainte pour la parole du Maître, ont dû protéger — sinon contre toute altération, du moins contre toute altération profonde — ce dépôt sacré de vérités qu’ils considéraient comme émanées de la bouche d’un dieu (“pantoias theou phônas”5) », explique Antelme-Édouard Chaignet. Véritables commandements d’une philosophie sacrée, qui faisait de la science une mystique, et de la mystique une science, et qui était, tout entière, dominée, guidée et couronnée par l’idée de Dieu, les « Vers d’or » peuvent se résumer dans cette grande maxime : « La vie parfaite n’est et ne peut être qu’une imitation du parfait, c’est-à-dire de Dieu ».
Il n’existe pas moins de quatorze traductions françaises des « Vers d’or », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de Jean-Jacques Le Franc, marquis de Pompignan.
« Ὅσσα τε δαιμονίαισι τύχαις βροτοὶ ἄλγε’ ἔχουσιν,
Ὧν ἂν μοῖραν ἔχῃς, πράως φέρε μηδ’ ἀγανάκτει.
Ἰᾶσθαι δὲ πρέπει, καθ’ ὅσον δύνῃ. Ὧδε δὲ φράζευ·
Οὐ πάνυ τοῖς ἀγαθοῖς τούτων πολὺ μοῖρα δίδωσιν. »
— Passage dans la langue originale
« Accepte sans murmure, et souffre avec courage
La portion de maux qui t’échoit en partage.
Cherche à les adoucir, et crois que le destin
Ne livre point le juste à des malheurs sans fin. »
— Passage dans la traduction du marquis de Pompignan
« À l’égard de tous les maux qu’ont à subir les hommes de par le fait des arrêts augustes du Destin,
Accepte-les comme le sort que tu as mérité ; supporte-les avec douceur et ne t’en fâche point.
Il te convient d’y remédier, dans la mesure que tu peux. Mais pense bien à ceci :
Que la Destinée épargne aux gens de bien la plupart de ces maux. »
— Passage dans la traduction de Mario Meunier (éd. de la Maisnie, Paris)
« La main de l’Arbitre suprême répand les calamités sur ce monde inférieur : supportez avec douceur et sans murmure la part qu’il lui plaît de vous en distribuer ; c’est à vous de l’alléger autant que vous pourrez ; il faut bien vous dire à vous-même : la fortune tempère toujours l’excès mordant du malheur pour l’homme vertueux. »
— Passage dans la traduction de Jean-Marie-Louis Coupé (dans « Les Soirées littéraires, ou Mélanges de traductions nouvelles des plus beaux morceaux de l’Antiquité. Tome IV », XVIIIe siècle)
« Et toutes les souffrances que, par les divines fortunes, les mortels éprouvent,
La part que tu en détiens, supporte-la avec douceur, et ne t’en indigne pas.
Il convient d’y remédier autant que tu le peux, mais observe ceci :
Ce n’est guère aux hommes de bien que la destinée envoie beaucoup de ces maux. »
— Passage dans la traduction de MM. Noël Aujoulat et Adrien Lecerf (éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, Paris)
« Quant au sort qui t’est échu par les lois divines, si rude soit-il, ne t’en révolte pas, mais supporte-le avec sérénité, en t’efforçant de l’améliorer de ton mieux. Les dieux, en effet, préservent les sages des maux les plus grands. »
— Passage dans la traduction du docteur Paul Carton (éd. N. Maloine, Paris)
« Parmi les maux que supportent les mortels, de par les divines Destinées, supporte sans t’indigner la part qui t’est échue ; mais efforce-toi d’y remédier dans la mesure de tes forces ; car dis-toi bien que les maux qui accablent l’honnête homme ne sont pas si nombreux. »
— Passage dans la traduction de M. Jean Voilquin (dans « Les Penseurs grecs avant Socrate : de Thalès de Milet à Prodicos », éd. Flammarion, coll. GF, Paris)
« Et tout ce que, de par les divines destinées, les mortels reçoivent de douleurs,
Si tu en as ta part fatale, supporte-la et ne t’en indigne ;
Mais c’est la guérison qui convient, autant que tu le peux ; et réfléchis de cette manière :
C’est qu’aux gens de bien pas beaucoup de ces choses-là ne donne la destinée. »
— Passage dans la traduction de M. Léonard Saint-Michel (éd. Adyar, Paris)
« Aussi nombreuses et quelles que soient les vicissitudes du sort voulues par les dieux et qu’ont à supporter les mortels, si le destin t’en apporte ta part, accepte-les sans t’irriter. Il te convient d’y apporter des remèdes, autant que puisse se faire. Et médite bien ceci : il n’advient guère d’épreuves aux hommes de bonne volonté par le fait de la Moïra6. »
— Passage dans la traduction de Mme Simonne Jacquemard (dans « Pythagore et l’Harmonie des sphères », éd. du Seuil, Paris)
« De toutes ces souffrances qu’éprouvent les hommes, de par les divines destinées, accepte la part qui t’est échue ; ne t’en irrite pas. Il t’appartient d’y remédier, dans la mesure où tu le peux ; mais songe à ceci : la Moïra n’envoie pas beaucoup de ces maux aux hommes de bien. »
— Passage dans la traduction d’Élie Bergougnan (éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, Paris)
« Éprouves-tu quelques-uns de ces revers que les destins font éprouver aux mortels ? Sache les supporter avec patience ; ne t’indigne pas contre le sort. Il est permis de chercher à réparer nos malheurs ; mais sois bien persuadé que la fortune n’envoie pas aux mortels vertueux des maux au-dessus de leurs forces. »
— Passage dans la traduction de Pierre-Charles Levesque (XVIIIe siècle)
« Et [quel que soit le] méchef que du sort de là-sus7 les humains ont,
En bonne part prends, et porte la part que [tu] en auras, ne te fâchant :
Mais autant que tu peux, donnes-y remède ; ainsi résous-toi :
Aux valeureux, de ceci, le commun sort n’en donne beaucoup. »
— Passage dans la traduction de Jean-Antoine de Baïf (XVIe siècle)
« Pour toutes les douleurs que les hommes souffrent par la divine fortune,
Supporte doucement ton sort tel qu’il est, et ne t’en fâche point :
Mais tâche d’y remédier autant qu’il te sera possible ;
Et pense que la destinée n’envoie pas la plus grande portion de ces malheurs aux gens de bien. »
— Passage dans la traduction d’André Dacier (XVIIIe siècle)
« Et quant aux maux qu’entraîne avec soi le Destin,
Juge-les ce qu’ils sont ; supporte-les ; et tâche,
Autant que tu pourras, d’en adoucir les traits :
Les dieux, aux plus cruels, n’ont pas livré les sages »
— Passage dans la traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (XIXe siècle)
« Quand pour tous les humains souffrir est une loi,
Prends la part qui t’attend, souffre et résigne-toi ;
Mais pour guérir tes maux, joins l’espoir au courage,
Le ciel a réservé du bonheur pour le sage. »
— Passage dans la traduction d’Auguste-Étienne-Xavier Poisson de La Chabeaussière (XVIIIe siècle)
« Quibus porro infortuniis divinitus anguntur homines,
Horum partem fatalem quamcunque sortitus es, leniter fer et sine indignatione ;
Sed remedium adhibere decet, quantum potes : sic autem tecum reputa,
Haud admodum multa bonis talia fatum invehere. »
— Passage dans la traduction latine de Frédéric-Guillaume-Auguste Mullach (XIXe siècle)
« Quibuscunque porro infortuniis divinitus anguntur homines,
Sortem tuam patienter et sine indignatione feras ;
Remedium vero decet afferre, quantum possis : et tecum reputes,
Fatum non immittere bonis plurima infortunia. »
— Passage dans la traduction latine de Peter Needham (XVIIIe siècle)
« Mortales quæcunque Deis mittentibus angunt,
Ut tua sors tulerit, patiens ne ferre recuses.
Nec spernenda medela tamen. Sed noris et istud,
Parcius ista viris immittere numina justis. »
— Passage dans la traduction latine de Jean Courtier, dit Curterius (XVIe siècle)
« Multas homines ex cælesti fortuna patiuntur calamitates.
Quodcunque igitur fatum habes hoc æquo animo, et non ægre feras.
Corrigere enim et reintegrare, quantum potes, oportet.
Non magnam partem calamitatum bonis Deus tribuit. »
— Passage dans la traduction latine de Giovanni Aurispa (XVe siècle)
« Quasque divina sorte homines calamitates habent,
Earum quamcunque portionem habes, leniter fer, nec indignare ;
Mederi tamen (illis) decet, quantum potes. Sic vero cogita :
Non admodum multum bonis (viris) Parca de illis tribuit. »
— Passage dans la traduction latine de Friedrich Sylburg (XVIe siècle)
« Ac quascunque divina sorte homines calamitates habent,
Earum si partem habes, moderate ferto, nec indignans freme ;
Mederi autem eis te decet, quantum potes. Sic vero cogita :
Non admodum multum istorum bonis fatum imponit. »
— Passage dans la traduction latine de Heinrich Brem (XVIe siècle)
« Quas divina sorte homines calamitates habent,
Earum quam partem habes, bono animo ferto, nec indigneris.
Mederi autem (illis) decet, quantum potes. Sic vero cogita :
Haud multum bonis viris dare fortunam. »
— Passage dans la traduction latine d’Élie Vinet (XVIe siècle)
« Quas divina sorte homines calamitates habent,
Earum siquam partem habeas, placide ferto, nec indigneris.
Mederi autem (illis) decet, quantum potes. Sic vero cogita :
Non valde multum harum bonis (viris) dat fortuna. »
— Passage dans la traduction latine d’Élie Vinet, revue par Jean Crespin (XVIIe siècle)
« Quæ vero homines divina sorte mala sortiuntur,
Horum si partem habueris, patienter ferto, neque indigneris.
Sanare vel (ea) decet, quantum potes. Sic vero cogitato :
Non valde multum Sors de istis dat bonis. »
— Passage dans la traduction latine de Johann Gerlach Wilhelmi (XVIIe siècle)
« Cum tibi quid dederint superi divinitus, horum
Quæ generi humano gaudent inferre, malorum,
Fer placide, pectusque tuum ne scinde dolore :
Sed quantam poteris tibi tu conferto medelam,
Et reputa non multa bonis bona sortis adesse. »
— Passage dans la traduction latine de Claude de Monsel (XVIe siècle)
« Malorum vero, quæ divina sorte hominibus immittuntur, quantacunque portio tibi contigerit, fer lenirer et sine detrectatione, remediis tamen omnibus adhibitis. Tecum scilicet sic reputa : bonos a Diis nimia malorum copia nequaquam opprimi. »
— Passage dans la traduction latine d’Eberhard Gottlob Glandorf (XVIIIe siècle)
« Quidquid et humanis poterit contingere rebus,
Leniter, hoc tibi si dederit sors, ferre memento.
Quodque tamen poteris, sana. Sic deinde putato,
Quod non multa bonis tribuat sors talia multis. »
— Passage dans la traduction latine de Veit Amerbach, dit Vitus Amerpachius (XVIe siècle)
« Eorum, quæ fortuitis casibus adversa contingunt hominibus, quamcunque sortem habueris, sine perturbatione feras. Mederi oportet quoad possis. Scito non multa ex iis fortunam hominibus bonis afferre. »
— Passage dans la traduction latine de Marsile Ficin (XVe siècle)
« Sors divina movet vitæ si quando laborem,
Tuque subis partem, non indignare ferendo.
Sed sanare pares quantum potes, et memor esto :
Nulla bonis nimium præbent quod fata malorum. »
— Passage dans la traduction latine de Hieronymus Osius (XVIe siècle)
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1784) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction de Jean-Marie-Louis Coupé (1796) [Source : Google Livres]
- Traduction de Jean-Marie-Louis Coupé (1796) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction de Jean-Marie-Louis Coupé (1796) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction de Jean-Marie-Louis Coupé (1796) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (1813) [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition et traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (1813) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (1813) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (1813) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (1813) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition et traduction d’Antoine Fabre d’Olivet (1813) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction d’André Dacier (1771). Tome I [Source : Americana]
- Traduction d’André Dacier (1771). Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction d’André Dacier (1771). Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction d’André Dacier (1771). Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction d’André Dacier (1771). Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction d’André Dacier (1771). Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]…
Voyez la liste complète des téléchargements
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Antelme-Édouard Chaignet, « Pythagore et la Philosophie pythagoricienne, 2e édition. Tome I » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Armand Delatte, « Études sur la littérature pythagoricienne » (éd. H. Champion, coll. Bibliothèque de l’École des hautes études, Paris) [Source : Canadiana].
- En grec « Τὰ “Χρυσᾶ ἔπη” τῶν Πυθαγορείων ».
- Volney, « Leçons d’histoire ».
- « Épilogue ».
- En grec « Αὐτὸς ἔφα ».
- Référence à Diogène Laërce, « Vies et Doctrines des philosophes illustres » : « Pythagore était tellement admiré qu’on appelait ses disciples “multiples voix du dieu” (παντοίας θεοῦ φωνάς) ».
- La Moïra (Μοῖρα) est la Destinée personnifiée, qui dispense à chacun son lot ou sa part échue.
- « De là-sus » signifie « de là-haut, du ciel ».