« Histoire et Sagesse d’Aḥikar l’Assyrien »

éd. Letouzey et Ané, coll. Documents pour l’étude de la Bible, Paris

éd. Le­tou­zey et Ané, coll. Do­cu­ments pour l’étude de la , Pa­ris

Il s’agit des ver­sions sy­riaques de l’« et d’Aḥikar l’Assyrien», un conte qui existe dans presque toutes les langues du Proche- an­tique (VIIe av. J.-C.). Voici le ré­sumé de ce conte : Aḥi­qar 1 était un ver­tueux et un conseiller des rois d’. N’ayant pas de fils, il adopta le fils de sa sœur, Na­dan. Il l’éleva et lui adressa une pre­mière sé­rie de le­çons, sous forme de et de . Plus tard, em­pê­ché par les in­fir­mi­tés de la de rem­plir ses fonc­tions, Aḥi­qar pré­senta Na­dan comme son suc­ces­seur. Com­blé d’honneurs, Na­dan ne tarda pas à faire preuve de la plus noire in­gra­ti­tude. Il tra­hit in­di­gne­ment son père adop­tif et bien­fai­teur : il le ca­lom­nia au­près du roi As­sa­rhad­don (de l’an 680 à l’an 669 av. J.-C.), le­quel or­donna sa . Ce­pen­dant, le bour­reau était un obligé d’Aḥiqar et ne rem­plit pas l’ordre donné. Il exé­cuta un autre cri­mi­nel, dont il ap­porta la tête au roi, et tint Aḥi­qar ca­ché. En­hardi par la de la mort du conseiller royal, le pha­raon d’ lança au roi le défi de ré­soudre plu­sieurs per­fides, sous peine d’avoir à lui payer un tri­but. Sorti de sa ca­chette, Aḥi­qar alla en Égypte, ré­pon­dit aux énigmes du pha­raon et, à son re­tour, de­manda que Na­dan lui fût li­vré. Il le frappa de mille coups, pour faire en­trer la sa­gesse «par der­rière son dos» 2 puisqu’elle n’avait pu en­trer par les oreilles, et lui adressa une deuxième sé­rie de le­çons, sous forme de fables, et des­ti­nées à prou­ver qu’il va­lait mieux vivre dans une hutte en homme juste que dans un en cri­mi­nel.

Aḥi­qar était un homme ver­tueux et un conseiller des rois d’Assyrie

On lit dans la Bible : «Vois, mon en­fant, tout ce que Na­dan a fait à Aḥi­qar, qui l’avait élevé… Mais lui a jeté son in­fa­mie au vi­sage; Aḥi­qar est sorti à la lu­mière, tan­dis que Na­dan est en­tré dans les té­nèbres éter­nelles, parce qu’il avait cher­ché à tuer Aḥi­qar» 3, ce qui at­teste du et de la large dif­fu­sion de l’«His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar» dans les an­ciennes lit­té­ra­tures juives. Quant à l’ancienne , Clé­ment d’Alexandrie dit qu’elle est pui­sée en par­tie dans celle des Orien­taux, ci­tant l’exemple de Dé­mo­crite, qui «est allé à Ba­by­lone, en , en Égypte, se fai­sant l’élève des mages et des » : «Dé­mo­crite», ajoute-t-il 4, «s’est ap­pro­prié les en­sei­gne­ments mo­raux des Ba­by­lo­niens. On dit qu’il avait joint à ses per­son­nels un dé­chif­frage de la stèle d’Akikaros (“tên Aki­ka­rou stê­lên” 5), pré­senté en­suite comme sa pro­duc­tion per­son­nelle». Théo­phraste, l’auteur des «Ca­rac­tères» (que tra­duira La Bruyère), a aussi écrit un livre in­ti­tulé «Aki­cha­ros» 6. Mais il y a mieux! Le conte d’Aḥiqar a servi à consti­tuer la « d’Ésope» (que tra­duira La Fon­taine), et ses fables ont été in­tro­duites parmi les fables éso­piques long­temps avant cette vie; car Ba­brius, qui vi­vait au IIe siècle apr. J.-C., nous ap­prend que «les fables sont une in­ven­tion des an­tiques Sy­riens qui vi­vaient au­tre­fois sous Ni­nus 7 et Bé­lus; le Ésope fut le pre­mier à les ré­ci­ter à tous les fils des Grecs». Et ainsi, l’«His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar» contri­buera, par l’intermédiaire des Grecs, à l’éclosion du genre lit­té­raire le plus émi­nem­ment — je veux par­ler de la .

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du des ver­sions sy­riaques : «Pha­raon dit : “Par la vie de ton sei­gneur Sarḥé­dom, quel est ton nom?” Je lui ré­pon­dis : “Aḥi­qar, le scribe. Et l’anneau du roi Sarḥé­dom est entre mes mains”. Pha­raon me dit : “Tu vis donc?” Et je lui ré­pon­dis : “Je vis et, ô mon sei­gneur roi, j’ai vu Sarḥé­dom, et il a al­longé ma vie, et Dieu m’a dé­li­vré de la mort et de la peine ca­pi­tale et de ce que mes mains n’avaient pas fait”. Le roi me dit : “Va, scribe, et au ma­tin, viens près de et dis-moi une que per­sonne n’a en­ten­due et qu’aucun de mes grands n’a en­ten­due dans au­cune ville de l’Égypte”. Alors moi, Aḥi­qar, je m’éloignai…» 8

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  1. En ara­méen אחיקר, en ܐܚܝܩܪ. Par­fois trans­crit Achi­char, Achi­qar, Achi­kar, Aḥi­car ou Aḥi­kar. On ren­contre aussi la gra­phie Ḥi­qar (ܚܝܩܪ). Par­fois trans­crit Hai­qâr, Haï­kar, Hey­car, Hi­car, Khi­kar ou Ḥi­kar. Icône Haut
  2. «His­toire et Sa­gesse d’Aḥikar l’Assyrien; tra­duc­tion des ver­sions sy­riaques par Fran­çois Nau», p. 236. Icône Haut
  3. «Livre de To­bie», XIV, 10. Icône Haut
  4. «Les Stro­mates», liv. I, ch. XV. Icône Haut
  1. En «τὴν Ἀκικάρου στήλην». Icône Haut
  2. En grec «Ἀκίχαρος». Icône Haut
  3. Se­cond roi des As­sy­riens, qui avait suc­cédé à son père Bé­lus. Icône Haut
  4. p. 220-221. Icône Haut