Il s’agit du traité « Art rhétorique » (« Technê rhêtorikê » 1) et autres fragments de Cassius Longin 2, érudit d’expression grecque, mêlé à presque toutes les discussions littéraires et philologiques du IIIe siècle apr. J.-C. et devenu dans sa vieillesse le ministre d’une reine. L’année de sa naissance n’est pas plus connue que sa patrie ; sa mère, en tout cas, était Syrienne. Après avoir passé sa vie à enseigner les belles-lettres à Athènes, il fut appelé en Orient, à la Cour de Palmyre 3. La reine Zénobie, qui le prit auprès d’elle pour s’instruire dans la langue grecque, en fit son principal ministre et s’abandonna à ses conseils. C’est lui qui encouragea cette reine à défendre son titre de reine contre les armées d’Aurélien. On dit même qu’il lui dicta la réponse noble et fière qu’elle écrivit à cet Empereur romain qui la pressait de se rendre : « Jadis, Cléopâtre a préféré la mort au pompeux esclavage que vous m’offrez. La Perse m’envoie des auxiliaires ; les Arabes et les Arméniens mourront pour ma cause… Que sera-ce quand les troupes alliées que j’attends seront venues ? » Cette réponse hautaine coûta la vie à Longin ; car devenu, à la fin d’un long siège, le maître de Palmyre et de Zénobie, Aurélien réserva cette reine pour son triomphe et envoya Longin au supplice (273 apr. J.-C.). Selon un historien, Longin montra dans sa mort le même courage qu’il sut inspirer au cours de sa vie ; il souffrit les plus cruels tourments « avec une telle fermeté qu’il réconforta même ceux qui s’affligeaient de son malheur » 4.
devenu dans sa vieillesse le ministre d’une reine
Parmi le grand nombre des ouvrages de Longin, on cite, outre l’« Art rhétorique », divers traités sur Homère, un « Lexique de locutions attiques » (« Attikai Lexeis » 5), des commentaires sur les dialogues de Platon, un traité philosophique intitulé « Sur les principes » (« Peri archôn » 6), etc. Ces ouvrages, que nous ne connaissons que par leurs titres ou par de rares fragments, étaient sans doute le résultat des observations, des conjectures, des recherches littéraires, que Longin avait eu l’occasion de faire pendant la durée de son enseignement à Athènes. On voit, par leur liste même, qu’il se rattachait à l’école néo-platonicienne ; mais il ne semble pas qu’il ait pris une part active au développement de cette école. Le chef de celle-ci, Plotin, ayant lu son traité « Sur les principes », aurait même déclaré : « Longin est philologue, mais absolument pas philosophe » 7. En réalité, c’est surtout à titre « de bibliothèque vivante et de musée ambulant » 8, comme l’appelle Eunape, que Longin se fit une haute réputation parmi ses contemporains ; c’est cette réputation qui lui fera attribuer à tort le traité « Du sublime », qui ne peut pas être de lui.
Il n’existe pas moins de deux traductions françaises de l’« Art rhétorique », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de MM. Michel Patillon et Luc Brisson.
« Οἰκτιζόμενον δὲ δεῖ μεταξὺ λόγου τε καὶ ᾠδῆς τὸν ἦχον ποιήσασθαι· οὔτε γὰρ διαλεγόμενός ἐστιν — ἀναπείθει γὰρ οἶκτος ἐξᾴδειν, ὅθεν ἀρχαὶ μουσικῆς χαρμονή τε καὶ λύπη, τοῦ φθέγματος ἐπεγειρομένου πρὸς τὴν μεταϐολὴν τῆς λήξεως (var. λέξεως) —, οὔτε ᾠδῇ ἔοικεν, ἀλλὰ πίπτει μεταξὺ τούτων. Δρόμος δὲ οὐ πρέπων ἐν τῷ τοιούτῳ μέρει, πλὴν εἰ τοὺς ἐπιλόγους δεήσειεν οὐ κατ’ οἶκτον, ἀλλὰ κατὰ τὸ θυμοειδὲς διατίθεσθαι. »
— Passage dans la langue originale
« Dans l’expression de la pitié, il faut adopter un ton intermédiaire entre la parole et le chant. D’une part, en effet, ce n’est pas le ton de la conversation — la pitié, en effet, suscite le chant, et de là vient que la joie et la douleur sont à l’origine de la musique, car le changement de fortune trouve à s’exprimer dans la voix —, d’autre part, il n’est pas semblable au chant, mais il se situe entre les deux. La rapidité ne convient pas à cette partie du discours, sauf si on doit débiter sa péroraison non pas sur le ton de la pitié, mais sur celui de la colère. »
— Passage dans la traduction de MM. Patillon et Brisson
« Lorsqu’on veut exprimer la compassion, il faut donner à sa voix un accent qui tienne le milieu entre la parole et le chant ; ce qui n’a pas lieu dans le langage ordinaire ; tandis que la pitié vous engage à chanter. Aussi la musique doit-elle son origine à la joie et à la douleur qui ont poussé la voix à changer d’expression ; ce n’est pas l’intonation du chant, mais une intonation intermédiaire. La rapidité ne convient pas dans la péroraison, à moins que, au lieu de chercher à émouvoir, l’orateur ne veuille exciter la colère de ceux qui l’écoutent. »
— Passage dans la traduction de Louis Vaucher (XIXe siècle)
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- Édition et traduction de Louis Vaucher (1854) ; autre copie [Source : Bibliothèque nationale de France].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Maurice Croiset, « Cassius Longin » dans « Histoire de la littérature grecque. Tome V. Période alexandrine • Période romaine » (XIXe siècle), p. 783-785 [Source : Google Livres]
- Jean-François de La Harpe, « Cours de littérature ancienne et moderne ; suivi du Tableau de la littérature au XIXe siècle par Chénier et du Tableau de la littérature au XVIe siècle par MM. Saint-Marc Girardin et Philarète Chasles. Tome I » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Maximilian-Samson-Friedrich Schöll, « Cassius Longinus » dans « Histoire de la littérature grecque profane, depuis son origine jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs. Tome IV » (XIXe siècle), p. 328-335 [Source : Google Livres].