Saulcy, «Les Derniers Jours de Jérusalem»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Der­niers Jours de Jé­ru­sa­lem» de Louis-Fé­li­cien Cai­gnart de Saulcy, dit Fé­lix de Saulcy, sa­vant et voya­geur fran­çais. Il na­quit en 1807. Sa fa­mille vou­lait en faire un sol­dat, un ca­pi­taine, et la for­ma­tion scien­ti­fique, né­gli­gée dans son en­fance, al­lait être rat­tra­pée avec peine. Mais il ai­mait les mon­naies an­tiques et il pre­nait un réel plai­sir au dé­chif­fre­ment des ca­rac­tères énig­ma­tiques, à l’exhumation des langues dis­pa­rues. Peu à peu, la nu­mis­ma­tique, l’archéologie et la lin­guis­tique oc­cu­pèrent tout son es­prit, si bien qu’à l’âge de trente-cinq ans il était élu membre de l’Académie des ins­crip­tions. L’érudit sur­passa le sol­dat, sans l’effacer d’ailleurs, et c’est l’instinct de dé­cou­vrir, de tou­cher à tout — ins­tinct très do­mi­nant chez lui — qui dé­ter­mina son par­cours : «Son es­prit cu­rieux se trou­vait mal à l’aise dans les voies trop frayées : il avait la pas­sion des dé­cou­vertes, l’instinct et — j’oserai dire, pour me ser­vir de la fa­mi­lia­rité ha­bi­tuelle de son lan­gage, la dé­man­geai­son de la di­vi­na­tion», dit un contem­po­rain 1. Il se­rait trop long de ci­ter les ou­vrages de fond ou ar­ticles de syn­thèse qui sor­tirent de la plume de Saulcy au cours de sa longue car­rière sa­vante, et dont le nombre ne s’élève pas à moins de 389. On trouve son nom à une place ho­no­rable ou brillante au mi­lieu des dis­cus­sions sur la nu­mis­ma­tique des croi­sades; sur l’étude des textes pu­niques et phé­ni­ciens; sur l’alphabet des Ber­bères; sur la chro­no­lo­gie as­sy­rienne; sur l’archéologie dans les terres bi­bliques; sur les ins­crip­tions cu­néi­formes, etc. Comme on peut le voir, il avait l’habitude de ne pas s’attacher trop long­temps au même su­jet. En étu­diant une ma­tière in­con­nue, il trou­vait sans ef­fort ni fa­tigue le nœud de la ques­tion et il le tran­chait — et, peut-être par­fois, ha­chait — de l’épée. La vé­rité lui ap­pa­rais­sait du pre­mier coup ou elle ne lui ap­pa­rais­sait ja­mais.

En 1850, Saulcy était dans la force de l’âge, quand un deuil in­ter­rom­pit le cours de ses nom­breux tra­vaux : il per­dit sa femme. Sous le coup de ce mal­heur, il cher­cha la conso­la­tion de la re­li­gion dans un voyage en Terre sainte. Di­sons ce­pen­dant que la piété, quoique très ferme en lui, ne fut pas la seule chose qui l’orienta de ce côté. Il vou­lait aussi être le pre­mier à étu­dier avec mé­thode la géo­gra­phie de la Terre sainte, et no­tam­ment celle du bas­sin de la mer Morte. Il fal­lait alors du cou­rage pour s’y aven­tu­rer, car plu­sieurs de ses pré­dé­ces­seurs avaient fini tra­gi­que­ment. Les pé­ri­pé­ties de ce voyage et de ceux qui sui­virent, ses «Car­nets de voyage en Orient» nous les ré­vèlent au jour le jour. Saulcy, à la tête de sa troupe, se re­trou­vait ce qu’il avait été à ses dé­buts : mi­li­taire. Il di­ri­geait ses hommes et il était en me­sure de trai­ter avec les chei­khs et au be­soin de s’en pas­ser et de se faire res­pec­ter. Ses dis­po­si­tions étaient si bien prises qu’il dé­cou­ra­geait les me­naces conti­nuelles et s’en ti­rait sans ef­fu­sion de sang. Pour qu’on s’en convainque et qu’on ait une idée de sa fa­çon su­pé­rieure de domp­ter les gens les plus fa­rouches, ci­tons cette phrase da­tée du 12 jan­vier 1850 : «Par­tis de Bé­douins ve­nus pour nous dé­pouiller, ils de­viennent nos amis». Jusqu’à la fin de sa vie, Saulcy s’intéressa à la Pa­les­tine de­ve­nue son pays de pré­di­lec­tion; il en par­lait tou­jours avec émo­tion et avec l’amer re­gret des adieux. Ce qui l’avait sur­tout frappé, c’étaient les ruines de la ville «trois fois sainte»; elles lui ins­pi­rèrent un vo­lume ayant pour titre «Les Der­niers Jours de Jé­ru­sa­lem». Ja­mais jusque-là le siège de cette ville par Ti­tus n’avait été l’objet d’un ré­cit si pré­cis, si net, tracé de la main d’un homme du mé­tier qui dis­po­sait d’observations nou­velles et de faits re­le­vés sur le lieu même.

la nu­mis­ma­tique, l’archéologie et la lin­guis­tique oc­cu­pèrent tout son es­prit

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style des «Der­niers Jours de Jé­ru­sa­lem» : «On le voit, la haine de Jo­sèphe contre ceux qui avaient fait le sa­cri­fice de leur vie pour se sous­traire à la do­mi­na­tion étran­gère, se fait par­fois bru­ta­le­ment jour. L’historien qui avait dé­serté la cause de la pa­trie, im­pute tous les crimes à ses ad­ver­saires po­li­tiques, et il ex­hale cette fois son in­di­gna­tion à pro­pos de faits que je ne me sens guère dis­posé à voir du même œil que lui. Les hommes dé­ter­mi­nés à mou­rir et à dé­fendre jusqu’au der­nier sou­pir le sanc­tuaire de leur culte et de leur pa­trio­tisme, boivent le vin consa­cré et rendent quelque sou­plesse à leurs membres ex­té­nués par la lutte, en les oi­gnant de l’huile des­ti­née aux sa­cri­fices. Sin­gu­lier crime, on en convien­dra…! Que Jo­sèphe, aveu­glé par la haine de parti, in­cri­mine sans hé­si­ter tous les actes des hé­roïques dé­fen­seurs de Jé­ru­sa­lem, libre à lui! Mais pour nous qui n’avons pas à su­bir les exas­pé­ra­tions d’une pas­sion in­juste, nous de­vons ju­ger beau­coup plus froi­de­ment les hommes et les évé­ne­ments, et rien ne peut nous em­pê­cher d’admirer en toute sin­cé­rité ce qui est vrai­ment digne d’admiration» 2.

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  1. Henri Wal­lon. Haut
  1. p. 327. Haut