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« Contes et Légendes annamites »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’une de la du . Long­temps dé­dai­gnée par les let­trés, parce qu’elle ne me­nait pas aux car­rières man­da­ri­nales, cette lit­té­ra­ture avait tou­jours été culti­vée par l’effort du . Ainsi donc, à côté de la lit­té­ra­ture of­fi­cielle, qui chan­tait en vers les hommes et les choses de la , il exis­tait une lit­té­ra­ture po­pu­laire, en grande par­tie orale, qui ex­pri­mait sous une forme tan­tôt naïve et simple, tan­tôt nar­quoise et vo­lon­tiers hu­mo­ris­tique, l’ po­pu­laire du Viêt-nam. «Tan­dis que les let­trés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plai­saient à com­po­ser des vers qui, ici, res­semblent bien aux vers la­tins, ou à com­men­ter les vieux clas­siques, le peuple tra­vaillait à for­mer la et à pro­duire cette riche lit­té­ra­ture po­pu­laire com­po­sée de dic­tons, de , de , de dis­tiques, de phrases, et ex­pres­sions plus ou moins as­so­nan­cées por­tant des al­lu­sions aux faits du passé ou aux cou­tumes lo­cales, et sur­tout de , de ces belles et douces chan­sons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des ri­zières et des étangs et semblent se ré­per­cu­ter dans l’ jusqu’à la cime fris­son­nante des bam­bous. Elles sont, ces chan­sons, d’un charme , d’une sua­vité pro­fonde. Qui­conque a en­tendu une fois chan­ter par des re­pi­queuses de du delta ton­ki­nois ou des sam­pa­nières de la ri­vière de Huê des chan­sons comme celle-ci :

Mon­tagne, ô mon­tagne, pour­quoi êtes-vous si haute?
Vous ca­chez le et vous me ca­chez le vi­sage de mon bien-aimé!

n’oubliera ja­mais cet ac­cent d’indéfinissable la­mar­ti­nienne qui ré­vèle le fonds de de la race, en même qu’il montre l’excellence de la langue ca­pable d’exprimer de tels », dit très bien Phạm Quỳnh

Pham Duy Khiêm, « Ma Mère : roman »

manuscrit

ma­nus­crit

Il s’agit de «Ma Mère» de M.  1, écri­vain d’expression fran­çaise. Né en 1908, or­phe­lin de bonne heure, M. Pham Duy Khiêm dut à ses ef­forts as­si­dus de rem­por­ter, au ly­cée Al­bert-Sar­raut de Ha­noï, tous les prix d’excellence. Après le bac­ca­lau­réat clas­sique, qu’il fut le pre­mier Viet­na­mien à pas­ser, il par­tit en ter­mi­ner ses études, en pauvre bour­sier. Sa si­tua­tion d’étudiant sans foyer, ori­gi­naire des , eut un contre­coup af­fec­tif à tra­vers un im­pos­sible avec une jeune Pa­ri­sienne nom­mée Syl­vie. Sous le pseu­do­nyme de Nam Kim, il évo­qua avec beau­coup de sen­si­bi­lité dans «Nam et Syl­vie» la nais­sance de cette pas­sion qui pa­rais­sait d’emblée vouée à l’. Cet amour dé­bou­cha sur­tout sur un at­ta­che­ment im­muable à la France, et M. Pham Duy Khiêm ne ren­tra au qu’avec une lourde ap­pré­hen­sion, presque une , qu’il faut être né sur un sol étran­ger pour com­prendre : «Au­cun », dit-il 2, «ne peut, sans une cer­taine , s’éloigner pour tou­jours peut-être d’un lieu où il a beau­coup vécu, qu’il s’agisse ou non d’un pays comme la France, d’une ville comme Pa­ris. Si par la même oc­ca­sion il se sé­pare de ses an­nées d’étudiant et de sa , ce n’est pas une tris­tesse vague qu’il res­sent, mais un dé­chi­re­ment se­cret». À la veille de la Se­conde , par un geste que plu­sieurs de ses com­pa­triotes prirent très et que peu d’entre eux imi­tèrent, M. Pham Duy Khiêm s’engagea dans l’armée fran­çaise. Ses amis lui écri­virent pour lui en de­man­der les rai­sons; il les ex­posa dans «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine» : «Il y a pé­ril, un homme se lève — pour­quoi lui de­man­der des rai­sons? C’est plu­tôt à ceux qui se tiennent cois à four­nir les rai­sons qu’ils au­raient pour s’abstenir», dit-il 3. «Je n’aime pas la guerre, je n’aime pas la mi­li­taire; mais nous sommes en guerre, et je ne sau­rais de­meu­rer ailleurs. Il ne s’agit point d’un choix entre France et An­nam. Il s’agit seule­ment de sa­voir la place d’un [homme] comme , en ce mo­ment. Elle est ici; et je dois l’occuper, quelque dan­ge­reuse qu’elle soit».

  1. En viet­na­mien Phạm Duy Khiêm. Icône Haut
  2. «Nam et Syl­vie», p. 3. Icône Haut
  1. «La Place d’un homme : de Ha­noï à La Cour­tine», p. 12 & 120. Icône Haut

« Les Aïnous des îles Kouriles »

dans « Journal of the College of Science, Imperial University of Tokyo », vol. 42, p. 1-337

dans «Jour­nal of the Col­lege of Science, Im­pe­rial Uni­ver­sity of To­kyo», vol. 42, p. 1-337

Il s’agit de tra­di­tion­nels des Aï­nous 1. À l’instar des Amé­rin­diens, ce qui reste aujourd’hui du , au­tre­fois si re­mar­quable et si épris de , est ex­clu­si­ve­ment et mi­sé­ra­ble­ment can­tonné dans les ré­serves de l’île de Hok­kaidô; il est en voie d’extinction, aban­donné à un sort peu en­viable, qu’il ne mé­rite pas. Avant l’établissement des , le ter­ri­toire aï­nou s’étendait de la grande île de Hok­kaidô, ap­pe­lée , jusqu’aux deux pro­lon­ge­ments de cette île, se dé­ployant l’un vers le Nord-Ouest, l’autre vers le Nord-Est : l’île de Sa­kha­line, ap­pe­lée Kita-Ezo 2Ezo du Nord»); et le cha­pe­let des Kou­riles, ap­pelé Oku-Ezo 3Ezo des confins»), égrené jusqu’à la pointe du Kamt­chatka. Ce n’est qu’au dé­but du XVIIe siècle que le in­ves­tit un daï­mio à , mais ce­lui-ci se conten­tait en quelque sorte de mon­ter la garde contre les Aï­nous. Il n’avait au­cune idée sé­rieuse du ter­ri­toire de ces «hommes poi­lus» («ke­bito» 4), dont il igno­rait tout ou à peu près tout, et où il in­ter­di­sait à ses su­jets de s’avancer trop loin, comme en té­moigne le père de An­ge­lis. Terres par­fai­te­ment né­gli­geables et né­gli­gées, ces furent éga­le­ment la seule par­tie du globe qui échappa à l’activité in­fa­ti­gable du ca­pi­taine Cook. Et à ce titre, elles pro­vo­quèrent la de La Pé­rouse, qui, de­puis son dé­part de , brû­lait d’impatience d’être le pre­mier à y avoir abordé. En 1787, les fré­gates sous son com­man­de­ment mouillèrent de­vant Sa­kha­line, et les , des­cen­dus à , en­trèrent en contact avec «une race d’hommes dif­fé­rente de celle des Ja­po­nais, des , des Kamt­cha­dales et des Tar­tares dont ils ne sont sé­pa­rés que par un ca­nal» 5. C’étaient les Aï­nous. Quoique n’ayant ja­mais abordé aux Kou­riles, La Pé­rouse éta­blit avec cer­ti­tude, d’après la re­la­tion de Kra­ché­nin­ni­kov et l’identité du vo­ca­bu­laire com­posé par ce avec ce­lui qu’il re­cueillit sur place, que les ha­bi­tants des Kou­riles, ceux de Sa­kha­line et ceux de Hok­kaidô avaient «une ori­gine com­mune». Leurs ma­nières douces et graves et leur éten­due firent im­pres­sion sur La Pé­rouse, qui les com­para à celles des Eu­ro­péens les mieux ins­truits : «Nous par­vînmes à leur faire com­prendre que nous dé­si­rions qu’ils fi­gu­rassent la forme de leur pays et de ce­lui des Mand­chous. Alors, un des vieillards se leva, et avec le bout de sa pique, il fi­gura la côte de Tar­ta­rie à l’Ouest, cou­rant à peu près [du] Nord [au] Sud. À l’Est, vis-à-vis et dans la même di­rec­tion, il fi­gura… son propre pays; il avait laissé entre la Tar­ta­rie et son île un dé­troit, et se tour­nant vers nos vais­seaux qu’on aper­ce­vait du ri­vage, il mar­qua, par un trait, qu’on pou­vait y pas­ser… Sa sa­ga­cité pour de­vi­ner toutes nos ques­tions était ex­trême, mais moindre en­core que celle d’un se­cond in­su­laire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les fi­gures tra­cées sur le sable s’effaçaient, prit un de nos crayons avec du pa­pier. Il y fi­gura son île [et traça], par des traits, le nombre de jour­nées de pi­rogue né­ces­saire pour se rendre du lieu où nous étions [jusqu’à] l’embouchure du Sé­ga­lien 6»

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Aï­nos et Ainu. Ce terme si­gni­fie «être hu­main» dans la du même nom. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 北蝦夷. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 奥蝦夷. Par­fois trans­crit Oku-Yezo, Oko-Ieso ou Okou-Yesso. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 毛人. Icône Haut
  2. «Le Voyage de La­pé­rouse (1785-1788). Tome II», p. 387. Icône Haut
  3. L’actuel fleuve . Icône Haut

« Tombent, tombent les gouttes d’argent : chants du peuple aïnou »

éd. Gallimard, coll. L’Aube des peuples, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Aube des peuples, Pa­ris

Il s’agit de chants tra­di­tion­nels des Aï­nous 1. À l’instar des Amé­rin­diens, ce qui reste aujourd’hui du , au­tre­fois si re­mar­quable et si épris de , est ex­clu­si­ve­ment et mi­sé­ra­ble­ment can­tonné dans les ré­serves de l’île de Hok­kaidô; il est en voie d’extinction, aban­donné à un sort peu en­viable, qu’il ne mé­rite pas. Avant l’établissement des , le ter­ri­toire aï­nou s’étendait de la grande île de Hok­kaidô, ap­pe­lée , jusqu’aux deux pro­lon­ge­ments de cette île, se dé­ployant l’un vers le Nord-Ouest, l’autre vers le Nord-Est : l’île de Sa­kha­line, ap­pe­lée Kita-Ezo 2Ezo du Nord»); et le cha­pe­let des Kou­riles, ap­pelé Oku-Ezo 3Ezo des confins»), égrené jusqu’à la pointe du Kamt­chatka. Ce n’est qu’au dé­but du XVIIe siècle que le in­ves­tit un daï­mio à , mais ce­lui-ci se conten­tait en quelque sorte de mon­ter la garde contre les Aï­nous. Il n’avait au­cune idée sé­rieuse du ter­ri­toire de ces «hommes poi­lus» («ke­bito» 4), dont il igno­rait tout ou à peu près tout, et où il in­ter­di­sait à ses su­jets de s’avancer trop loin, comme en té­moigne le père de An­ge­lis. Terres par­fai­te­ment né­gli­geables et né­gli­gées, ces furent éga­le­ment la seule par­tie du globe qui échappa à l’activité in­fa­ti­gable du ca­pi­taine Cook. Et à ce titre, elles pro­vo­quèrent la de La Pé­rouse, qui, de­puis son dé­part de , brû­lait d’impatience d’être le pre­mier à y avoir abordé. En 1787, les fré­gates sous son com­man­de­ment mouillèrent de­vant Sa­kha­line, et les , des­cen­dus à , en­trèrent en contact avec «une race d’hommes dif­fé­rente de celle des Ja­po­nais, des , des Kamt­cha­dales et des Tar­tares dont ils ne sont sé­pa­rés que par un ca­nal» 5. C’étaient les Aï­nous. Quoique n’ayant ja­mais abordé aux Kou­riles, La Pé­rouse éta­blit avec cer­ti­tude, d’après la re­la­tion de Kra­ché­nin­ni­kov et l’identité du vo­ca­bu­laire com­posé par ce avec ce­lui qu’il re­cueillit sur place, que les ha­bi­tants des Kou­riles, ceux de Sa­kha­line et ceux de Hok­kaidô avaient «une ori­gine com­mune». Leurs ma­nières douces et graves et leur éten­due firent im­pres­sion sur La Pé­rouse, qui les com­para à celles des Eu­ro­péens les mieux ins­truits : «Nous par­vînmes à leur faire com­prendre que nous dé­si­rions qu’ils fi­gu­rassent la forme de leur pays et de ce­lui des Mand­chous. Alors, un des vieillards se leva, et avec le bout de sa pique, il fi­gura la côte de Tar­ta­rie à l’Ouest, cou­rant à peu près [du] Nord [au] Sud. À l’Est, vis-à-vis et dans la même di­rec­tion, il fi­gura… son propre pays; il avait laissé entre la Tar­ta­rie et son île un dé­troit, et se tour­nant vers nos vais­seaux qu’on aper­ce­vait du ri­vage, il mar­qua, par un trait, qu’on pou­vait y pas­ser… Sa sa­ga­cité pour de­vi­ner toutes nos ques­tions était ex­trême, mais moindre en­core que celle d’un se­cond in­su­laire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les fi­gures tra­cées sur le sable s’effaçaient, prit un de nos crayons avec du pa­pier. Il y fi­gura son île [et traça], par des traits, le nombre de jour­nées de pi­rogue né­ces­saire pour se rendre du lieu où nous étions [jusqu’à] l’embouchure du Sé­ga­lien 6»

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Aï­nos et Ainu. Ce terme si­gni­fie «être hu­main» dans la du même nom. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 北蝦夷. Icône Haut
  3. En ja­po­nais 奥蝦夷. Par­fois trans­crit Oku-Yezo, Oko-Ieso ou Okou-Yesso. Icône Haut
  1. En ja­po­nais 毛人. Icône Haut
  2. «Le Voyage de La­pé­rouse (1785-1788). Tome II», p. 387. Icône Haut
  3. L’actuel fleuve . Icône Haut

Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome III.] Art et Utopie : les derniers “Fragments” (1799-1800) »

éd. Rue d’Ulm-Presses de l’École normale supérieure, coll. Æsthetica, Paris

éd. Rue d’Ulm-Presses de l’École nor­male su­pé­rieure, coll. Æs­the­tica, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Frag­ments» («Frag­mente») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome II.] Semences »

éd. Allia, Paris

éd. Al­lia, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Frag­ments» («Frag­mente») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome I.] Le Brouillon général : matériaux pour une encyclopédistique (1798-1799) »

éd. Allia, Paris

éd. Al­lia, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Frag­ments» («Frag­mente») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « Henri d’Ofterdingen, “Heinrich von Ofterdingen” »

éd. Aubier, coll. bilingue, Paris

éd. Au­bier, coll. bi­lingue, Pa­ris

Il s’agit d’«Henri d’Ofterdingen» («Hein­rich von Of­ter­din­gen») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « Les Disciples à Saïs • Hymnes à la nuit • Journal intime »

éd. Fata Morgana, Saint-Clément

éd. Fata Mor­gana, Saint-Clé­ment

Il s’agit des «Dis­ciples à Saïs» («Die Lehr­linge zu Sais») et autres œuvres de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

« Les Folles Histoires du sage Nasredin »

éd. L’Iconoclaste-Allary, Paris

éd. L’Iconoclaste-Allary, Pa­ris

Il s’agit des plai­san­te­ries de Nas­red­din Hodja 1, pro­duc­tions lé­gères de la qui tiennent une place qui ne leur est dis­pu­tée par au­cun autre ou­vrage. On peut même dire qu’elles consti­tuent, à elles seules, un genre spé­cial : le genre plai­sant. L’immense po­pu­la­rité ac­cor­dée, dans sa pa­trie, au Hodja et à ses fa­cé­ties ex­tra­va­gantes per­met de voir en lui la per­son­ni­fi­ca­tion même de cette belle hu­meur jo­viale, sou­vent ef­fron­tée, dé­dai­gnant toutes les conve­nances, har­die jusqu’à l’impudence, mais spi­ri­tuelle, mor­dante, ma­li­cieuse, par­fois grosse d’enseignements, qui fait la base de la conver­sa­tion turque. Ici, point de ces mé­ta­phores am­bi­tieuses dont les let­trés orien­taux peuvent, seuls, ap­pré­cier le mé­rite; point de ces longues pé­riodes où la so­phis­ti­ca­tion et la des ex­pres­sions font perdre à l’auteur le fil de son . Au lieu de ces or­ne­ments qui troublent le com­mun des mor­tels, on trouve de la bonne et franche gaieté; un simple, concis et na­tu­rel; une verve naïve dont les éclairs in­at­ten­dus com­mandent le aux gens les plus comme aux plus igno­rants, trop heu­reux de dé­ri­der leurs fronts sou­cieux, de dis­traire la mo­no­to­nie de leurs ré­flexions, de trom­per l’ennui de leurs veilles. «Il est peu pro­bable de trou­ver dans le en­tier», dit un  2, «un hé­ros du qui jouisse d’un tel in­té­rêt ou qui at­tire d’une telle force l’attention d’auteurs et de lec­teurs que Nas­red­din Hodja… La forme ser­rée qui en­ve­loppe l’idée des [] aide à les re­te­nir fa­ci­le­ment dans la et à les dif­fu­ser… Il faut ajou­ter éga­le­ment que le per­son­nage de Nas­red­din Hodja marche sur les che­mins pous­sié­reux de l’Anatolie, dans les steppes de l’ et du Tad­ji­kis­tan et dans les de [la pé­nin­sule bal­ka­nique] avec un dé­faut inné, ayant trou­blé plu­sieurs fois les et les folk­lo­ristes : il s’agit du ca­rac­tère contra­dic­toire du hé­ros qui est re­pré­senté tan­tôt comme un sot en trois lettres peu pers­pi­cace et im­pré­voyant, tan­tôt comme un pré­voyant et juste; en tant que juge, il rend des équi­tables; en tant que dé­fen­seur des ac­cu­sés, il tranche des em­brouillés que les juges of­fi­ciels ne sont pas ca­pables de ju­ger.»

  1. En Nas­red­din Hoca. On le dé­signe éga­le­ment comme Mulla (Molla) Nas­red­din, c’est-à-dire Maître Nas­red­din. Par­fois trans­crit Nas­re­din, Nas­ra­din, Nas­ri­din, Nas­ret­tin, Nas­tra­din, Nas­tra­tin, Nas­ret­din, Nas­rud­din, Nassr Ed­din ou Nazr-ed-din. Icône Haut
  1. M. Vé­lit­chko Valt­chev. Icône Haut

« Histoire de Quỳnh »

dans « Bulletin de la Société d’enseignement mutuel du Tonkin », vol. 7, nº 2, p. 153-199

dans «Bul­le­tin de la d’ mu­tuel du Ton­kin», vol. 7, nº 2, p. 153-199

Il s’agit de la ver­sion viet­na­mienne de «La Lé­gende de Xieng Mieng» («hnăṅsœ̄ jyṅ hmyṅ2» 1). Entre fa­cé­tie, bur­lesque et im­pu­dique, don­nant lieu à une ef­fron­tée de la so­ciété féo­dale, «La Lé­gende de Xieng Mieng» ren­ferme des épi­sodes d’une certes peu dé­cente, mais à la­quelle se plaisent les cam­pa­gnards du Sud-Est asia­tique. Ceux qui la jugent sé­vè­re­ment de­vraient son­ger à Gui­gnol, à Till l’Espiègle ou aux ou­vrages d’un Ra­be­lais. En , il y a là-de­dans une gouaille ro­buste et op­ti­miste, et les qui en font les frais sont des types d’hommes dé­tes­tés par le des cam­pagnes : le char­la­tan, le man­da­rin cor­rompu, le let­tré igno­rant, le bonze dé­bau­ché, jusqu’à l’Empereur de ; tous des vices per­son­ni­fiés, vic­times des farces et des at­ti­tudes pro­vo­cantes de Xieng Mieng. Com­ment ca­rac­té­ri­ser ce der­nier? Quelque chose comme un mau­vais plai­sant, un ba­te­leur, un his­trion au­quel on ac­cor­dait beau­coup d’insolence et de . Il jouait le rôle des fous de nos an­ciens rois. D’ailleurs, se­lon la ver­sion lao­tienne, il était le bouf­fon même de la Cour du roi de Tha­vaa­raa­va­dii. Je dis «se­lon la ver­sion lao­tienne», car comme dit M. Jacques Né­pote 2, «cette n’est pas un iso­lat : elle se re­trouve dans la plu­part des pays d’ du Sud-Est, et avec le même , le hé­ros por­tant seule­ment un nom dif­fé­rent : Si Tha­non Say au Siam, Thmenh Chey 3 au , Trạng Quỳnh au , Ida Ta­laga à Bali, et bien d’autres en­core». Le roi de Tha­vaa­raa­va­dii, donc, était resté long­temps sans en­fant. Il eut en­fin un fils; mais les pré­dirent que le prince mour­rait en sa dou­zième an­née, à moins que le roi n’adoptât un en­fant né à la même heure que son fils. Et le roi d’adopter Xieng Mieng, en­fant de basse ex­trac­tion qui de­vint le double af­freux du prince.

  1. En «ໜັງສືຊຽງໝ້ຽງ». Par­fois trans­crit «Sieng Mieng», «Siang Miang», «Xiang Miang», «Xien-Mien», «Sieng Hmieng2» ou «jyṅ hmyṅ2». Icône Haut
  2. «Va­ria­tions sur un thème du bouf­fon royal en pé­nin­su­laire». Icône Haut
  1. «Thmenh le Vic­to­rieux». Par­fois trans­crit Tmeñ Jai, Tmen Chéi ou Tmenh Chey. Icône Haut

Nosaka, « Nosaka aime les chats »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit de «No­saka aime les chats» («Wa­ga­hai wa neko ga suki» 1) de M.  2, écri­vain de ta­lent, mais qui, har­celé par le sen­ti­ment de , a semé dans presque toutes les pages de ses ré­cits l’obscénité la plus gro­tesque et la plus ani­male. Ce sen­ti­ment de culpa­bi­lité est né en lui au len­de­main de la Se­conde mon­diale, quand il a vu mou­rir sa sœur âgée d’un an et quatre mois, toute dé­char­née après des mois de fa­mine : «Quand je pense com­ment ma sœur, qui n’avait plus que les os et la peau, ne par­ve­nait plus à re­le­ver la tête ni même à pleu­rer, com­ment elle mou­rut seule, com­ment en­fin il ne res­tait que des cendres après sa cré­ma­tion, je me rends compte que j’avais été trop pré­oc­cupé par ma propre sur­vie. Dans les hor­reurs de la fa­mine, j’avais mangé ses parts de nour­ri­ture» 3. Son tra­vail d’écrivain s’est en­tiè­re­ment construit sur cette qu’il a ce­pen­dant tra­ves­tie, nar­rée en se fai­sant plai­sir à lui-même, dans «La Tombe des lu­cioles». Car, en , il n’était pas aussi tendre que l’adolescent du ré­cit. Il était cruel : c’est en man­geant le dû de sa sœur qu’il a sur­vécu, et c’est en re­fou­lant cette qu’il a écrit «La Tombe des lu­cioles» qui lui a per­mis par la suite de ga­gner sa  : «J’ai tri­ché avec cette — la plus grande, je crois, qui se puisse ima­gi­ner — celle d’[un pa­rent plongé] dans l’incapacité de nour­rir son en­fant. Et qui suis plu­tôt d’un na­tu­rel al­lègre, j’en garde une dette, une bles­sure pro­fonde, même si les sou­ve­nirs à la longue s’estompent» 4. C’est cette bles­sure in­fec­tée, sa­tu­rée d’odeurs nau­séa­bondes, que M. No­saka ouvre au dans ses ré­cits et qu’il met sous le nez de son pu­blic, en criant aussi haut qu’il peut, la bouche en­core amère des ab­sinthes hu­maines : Re­gar­dez!

  1. En ja­po­nais «吾輩は猫が好き». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 野坂昭如. Icône Haut
  1. Akiyuki No­saka, «五十歩の距離» («La Dis­tance de cin­quante pas»), in­édit en . Icône Haut
  2. Phi­lippe Pons, «“Je garde une bles­sure pro­fonde” : un en­tre­tien avec le ro­man­cier». Icône Haut

Nosaka, « Le Moine-Cigale, “Iro hôshi” »

dans « [Nouvelles japonaises]. Tome III. Les Paons, la Grenouille, le Moine-Cigale (1955-1970) » (éd. Ph. Picquier, Arles), p. 125-144

dans «[]. Tome III. Les Paons, la Gre­nouille, le Moine-Ci­gale (1955-1970)» (éd. Ph. Pic­quier, Arles), p. 125-144

Il s’agit du «Moine-Ci­gale» («Iro hô­shi» 1) de M.  2, écri­vain de ta­lent, mais qui, har­celé par le sen­ti­ment de , a semé dans presque toutes les pages de ses ré­cits l’obscénité la plus gro­tesque et la plus ani­male. Ce sen­ti­ment de culpa­bi­lité est né en lui au len­de­main de la Se­conde mon­diale, quand il a vu mou­rir sa sœur âgée d’un an et quatre mois, toute dé­char­née après des mois de fa­mine : «Quand je pense com­ment ma sœur, qui n’avait plus que les os et la peau, ne par­ve­nait plus à re­le­ver la tête ni même à pleu­rer, com­ment elle mou­rut seule, com­ment en­fin il ne res­tait que des cendres après sa cré­ma­tion, je me rends compte que j’avais été trop pré­oc­cupé par ma propre sur­vie. Dans les hor­reurs de la fa­mine, j’avais mangé ses parts de nour­ri­ture» 3. Son tra­vail d’écrivain s’est en­tiè­re­ment construit sur cette qu’il a ce­pen­dant tra­ves­tie, nar­rée en se fai­sant plai­sir à lui-même, dans «La Tombe des lu­cioles». Car, en , il n’était pas aussi tendre que l’adolescent du ré­cit. Il était cruel : c’est en man­geant le dû de sa sœur qu’il a sur­vécu, et c’est en re­fou­lant cette qu’il a écrit «La Tombe des lu­cioles» qui lui a per­mis par la suite de ga­gner sa  : «J’ai tri­ché avec cette — la plus grande, je crois, qui se puisse ima­gi­ner — celle d’[un pa­rent plongé] dans l’incapacité de nour­rir son en­fant. Et qui suis plu­tôt d’un na­tu­rel al­lègre, j’en garde une dette, une bles­sure pro­fonde, même si les sou­ve­nirs à la longue s’estompent» 4. C’est cette bles­sure in­fec­tée, sa­tu­rée d’odeurs nau­séa­bondes, que M. No­saka ouvre au dans ses ré­cits et qu’il met sous le nez de son pu­blic, en criant aussi haut qu’il peut, la bouche en­core amère des ab­sinthes hu­maines : Re­gar­dez!

  1. En ja­po­nais «色法師». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 野坂昭如. Icône Haut
  1. Akiyuki No­saka, «五十歩の距離» («La Dis­tance de cin­quante pas»), in­édit en . Icône Haut
  2. Phi­lippe Pons, «“Je garde une bles­sure pro­fonde” : un en­tre­tien avec le ro­man­cier». Icône Haut