Krachéninnikov, « Voyage en Sibérie contenant la description du Kamtchatka »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de la re­la­tion « Des­crip­tion de la terre du Kamt­chatka » (« Opis­sa­nié zemli Kamt­chatki »1) de Sté­phane Pé­tro­vitch Kra­ché­nin­ni­kov2. En 1733, l’Impératrice Anne Ire de Rus­sie dé­cida l’organisation d’une ca­ra­vane scien­ti­fique, qui au­rait pour mis­sion d’explorer la Si­bé­rie et de pous­ser ses re­cherches jusqu’à la pointe du Kamt­chatka, afin de le­ver des cartes ; d’observer les for­ma­tions géo­lo­giques ; d’inventorier la faune et la flore ; d’étudier la vie et les mœurs des ha­bi­tants ; en un mot, de ras­sem­bler tout ce qui pour­rait faire connaître ces contrées si mal­trai­tées par la na­ture. Pour rem­plir cette mis­sion, l’Académie des sciences de Saint-Pé­ters­bourg, fon­dée moins d’une dé­cen­nie plus tôt, ne put faire ap­pel qu’à des sa­vants étran­gers. L’expédition fut confiée à deux Al­le­mands : Jo­hann Georg Gme­lin, comme na­tu­ra­liste, et Ge­rhard Frie­drich Mül­ler, comme his­to­rien. On leur ad­joi­gnit six étu­diants russes, ca­pables de les se­con­der, et qui, en se per­fec­tion­nant sous ces pro­fes­seurs, pour­raient les rem­pla­cer par la suite. Le jeune Kra­ché­nin­ni­kov était du nombre. « Il avait fait avec beau­coup de suc­cès le cours de ses études. Sa ca­pa­cité et son amour pour le tra­vail l’avaient tou­jours dis­tin­gué de tous ses condis­ciples ; aux qua­li­tés de l’esprit, il joi­gnait des mœurs hon­nêtes et ver­tueuses », dit l’avis de l’éditeur3. En vé­rité, le gros de l’expédition ne s’aventura ja­mais à l’Est de Ya­koutsk, même si Mül­ler se vanta plus tard dans une lettre : « On trou­ve­rait dif­fi­ci­le­ment une ville ou un autre lieu peu connu de Si­bé­rie (“eine Stadt oder an­de­rer mer­ckwür­di­ger Ort in Si­bi­rien”) où je ne sois pas allé ». C’est qu’étant par­ve­nus à Ya­koutsk, les Al­le­mands ap­prirent que les pré­pa­ra­tifs pour la na­vi­ga­tion jusqu’au Kamt­chatka étaient peu avan­cés ; et qu’à cette dis­tance im­mense de Saint-Pé­ters­bourg, les ordres du gou­ver­ne­ment n’obtenaient pas tou­jours une obéis­sance par­faite. Comme ils avaient un cer­tain nombre d’observations à faire sur place, ils ju­gèrent à pro­pos de s’y ar­rê­ter, d’autant que le pé­nible et désa­gréable voyage leur avait ôté l’envie de se rendre chez les « sau­vages du bout du monde » et de pro­lon­ger une mis­sion qui, se plai­gnaient-ils4, était « sem­blable à une dé­por­ta­tion ».

Le poète Pou­ch­kine en pren­dra des pages en­tières de notes

Il fut convenu entre eux qu’il fal­lait en­voyer au Kamt­chatka un de leurs élèves, qui, pré­pa­rant beau­coup de choses avant leur ar­ri­vée, fe­rait le tra­vail à leur place. Ils je­tèrent aus­si­tôt les yeux sur Kra­ché­nin­ni­kov comme le plus ca­pable de leur obéir, en fils de sol­dat qu’il était. Ils lui don­nèrent les ins­truc­tions dont il avait be­soin, puis ils le lais­sèrent par­tir tout seul. Em­bar­qué à bord du voi­lier For­tuna à par­tir du port d’Okhotsk, Kra­ché­nin­ni­kov aborda à la terre du Kamt­chatka en 1737, non sans avoir eu l’infortune de perdre tous ses ba­gages au cours d’une vio­lente tem­pête : « J’ai dé­bar­qué avec seule­ment la che­mise qui était sur moi ; je vous prie de me prê­ter de l’argent pour ache­ter une isba et de la toile pour des vê­te­ments », écri­vit-il à Mül­ler5. Sa « Des­crip­tion de la terre du Kamt­chatka » est cu­rieuse et im­por­tante par l’ampleur des faits re­cueillis. Le poète Pou­ch­kine en pren­dra des pages en­tières de notes.

Il n’existe pas moins de deux tra­duc­tions fran­çaises de la « Des­crip­tion de la terre du Kamt­chatka », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de … de Saint-Pré.

« Хотя Камчадалы до покорения Российскому государству не были властолюбивы, и о распространении границ ни малого не имели попечения, как уже выше показано, однако столь часто между собою воевали, что году не проходило, в котором бы сколько нибудь острожков раззорено не было. Главное намерение браней их состояло в том, чтоб получить пленников, которых они в тяжкие работы употребляли, а особливо женского пола, которых они брали в наложницы и в супружество, а о причине была ли она или нет, законна ли или незаконна, не много они рассуждали. »
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Quoique les Kamt­cha­dales, avant que d’être sou­mis aux Russes, n’eussent point l’ambition d’augmenter leur puis­sance ni d’étendre leurs fron­tières, comme on l’a déjà dit, ils fai­saient ce­pen­dant la guerre, et il ne se pas­sait pas d’année qu’il n’y eût quelque “os­trog”6 de ruiné. Le but de leurs guerres était de faire des pri­son­niers et sur­tout de prendre des femmes. Ils em­ployaient les hommes à des tra­vaux pé­nibles ; quant aux femmes, ils en fai­saient ou leurs concu­bines, ou leurs épouses. Ils s’embarrassaient peu si les rai­sons de faire la guerre étaient justes ou non. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de … de Saint-Pré (XVIIIe siècle)

« Quoique les Kamt­cha­dales, avant la conquête des Russes, ne pa­russent point avoir l’ambition d’augmenter leur puis­sance ni d’étendre leurs li­mites, ils ne lais­saient pas d’avoir sou­vent des que­relles entre eux, et il ne le pas­sait point d’année qu’il n’y eût quelque vil­lage ruiné de part et d’autre. Le but de leurs guerres était de faire des pri­son­niers pour faire tra­vailler les hommes et prendre les femmes à titre d’épouses ou de concu­bines. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion in­di­recte de Marc-An­toine Ei­dous (XVIIIe siècle)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

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  1. En russe « Описание земли Камчатки ». Par­fois trans­crit « Opi­sa­nije zemli Kamčatki », « Opi­sa­nie zemli Kamt­schatki » ou « Opi­sa­niye zemli Kam­chatki ». Haut
  2. En russe Степан Петрович Крашенинников. Par­fois trans­crit Kraše­nin­ni­kov, Kra­she­nin­ni­kov, Kra­sche­nin­ni­kof, Kra­ché­nin­ni­kof, Kra­sche­nin­ni­kow ou Kra­che­nin­ni­kow. Haut
  3. p. VI. Haut
  1. Dans Yves Gau­thier et An­toine Gar­cia, « L’Exploration de la Si­bé­rie », p. 240. Haut
  2. Dans id. p. 245. Haut
  3. An­cêtre de la ville si­bé­rienne, l’« os­trog » était une en­ceinte pa­lis­sa­dée en bois, mu­nie de tours. Haut