Il s’agit des « Aventures d’amour » (« Peri erôtikôn pathêmatôn »1) de Parthénios de Nicée2, poète grec (Ier siècle av. J.-C.). Les guerres des Romains contre le roi Mithridate décidèrent de toute son existence. Il fut fait prisonnier, probablement en 73 av. J.-C. lorsque sa ville natale de Nicée tomba au pouvoir des lieutenants de Lucullus. Il fut amené à Rome, où il obtint finalement la liberté en considération de son talent et de son érudition. Il fut lié avec Cornélius Gallus et connut Virgile, qui traduisit un de ses vers dans les « Géorgiques ». Plusieurs de ses poésies, aujourd’hui perdues, portaient sur la mythologie : « Aphrodite », « Métamorphoses », etc. ; d’autres se rapportaient à sa vie privée. L’encyclopédie Souda mentionne un poème funèbre (« epikêdeion »3) et trois livres d’élégies qu’il fit pour honorer la mémoire de sa femme Arété. « [Ce] nom d’Arété indique suffisamment l’origine grecque de celle qu’il avait épousée ; éloigné de sa patrie, il avait voulu du moins en retrouver les mœurs et le langage dans sa famille », explique Maurice Croiset4. Il ne nous est parvenu qu’un seul de ses ouvrages : « Aventures d’amour ». C’est un mince volume en prose ; un résumé de trente-six légendes relatives à l’amour, qui aboutissent le plus souvent à des dénouements tragiques. Les trahisons, les passions incestueuses, les catastrophes sanglantes y abondent. À mesure que Parthénios rencontrait, dans ses lectures, quelque histoire qui lui paraissait convenir à son recueil, il la notait. Il voulait, ce faisant, fournir des sujets d’élégies à Cornélius Gallus : « J’ai pensé, mon cher Gallus », dit-il dans sa préface5, « que les “Aventures d’amour” ne pouvaient manquer de vous plaire, et je vous les envoie réunies en extraits fort courts… C’est en quelque sorte une collection de souvenirs que j’ai formée, et j’espère qu’elle ne vous sera pas inutile. » Ce genre de service était, du reste, conforme aux usages du temps, comme l’explique Croiset6 : « Les historiens et les poètes latins qui voulaient s’épargner de trop longues recherches empruntaient l’érudition d’un grammairien officieux ; celui-ci leur fournissait des notes qu’ils se réservaient de mettre en œuvre… Il n’est pas surprenant que Parthénios ait voulu rendre le même office à Cornélius Gallus, si l’on songe an caractère artificiel qu’avait alors la [poésie] latine et à la grande place qu’y occupait la mythologie ». Dans l’histoire d’un genre illustré par des noms célèbres, Parthénios servit ainsi d’intermédiaire entre la longue série des poètes élégiaques grecs qui se termina avec lui, et celle des poètes élégiaques de Rome qui ne fit que commencer avec Cornélius Gallus. Accordons-lui donc ce rôle, sans juger de son talent, puisque ses poésies nous font défaut.
Il n’existe pas moins de quatre traductions françaises des « Aventures d’amour », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de Romain Merlin.
« Ὡς δὲ τῶν Κρητικῶν τινες πόλεων ἐπισυνέστησαν Κύδωνι καὶ πολὺ περιῆσαν, πέμπει τοὺς πευσομένους εἰς θεοῦ, ὅ τι ἂν ποιῶν κρατήσειεν τῶν πολεμίων. Καὶ αὐτῷ θεσπίζεται τοῖς ἐγχωρίοις ἥρωσι σφαγιάσαι παρθένον. Ἀκούσας δὲ τοῦ χρηστηρίου Κύδων διεκλήρου τὰς παρθένους πάσας καὶ κατὰ δαίμονα ἡ θυγάτηρ λαγχάνει. Λύκαστος δὲ δείσας περὶ αὐτῆς μηνύει τὴν φθορὰν καὶ ὡς ἐκ πολλοῦ χρόνου συνείη αὐτῇ, ὁ δὲ πολὺς ὅμιλος πολὺ μᾶλλον ἐδικαίου αὐτὴν τεθνάναι. Ἐπειδὴ δὲ ἐσφαγιάσθη, ὁ Κύδων τὸν ἱερέα κελεύει αὐτῆς διατεμεῖν τὸ ἐπομφάλιον καὶ οὕτως εὑρέθη ἔγκυος. »
— Passage dans la langue originale
« Il arriva que quelques villes de Crète se soulevèrent contre Cydon, et remportèrent de grands avantages ; le roi fit consulter l’oracle sur les moyens de triompher des rebelles, et l’oracle conseilla de sacrifier une vierge aux dieux du pays. Cette réponse fut rapportée à Cydon, qui soumit au choix du sort toutes les jeunes filles : le sort désigna Eulimène. Tremblant pour son amie, Lycaste déclare sa séduction et les liens qui depuis longtemps l’unissent à la fille du roi : mais cet aveu ne fait que redoubler l’acharnement du peuple à demander sa mort ; on l’immole, et sur l’ordre du roi, son sein, ouvert par la main du sacrificateur, offre la preuve de sa grossesse. »
— Passage dans la traduction de Merlin
« Comme certaines cités crétoises s’étaient liguées contre Kydon, et que leurs forces étaient bien supérieures, Kydon envoie des émissaires au sanctuaire du dieu pour lui demander ce qu’il doit faire pour soumettre ses ennemis. L’oracle lui fait savoir qu’il doit immoler une vierge aux héros du pays. Lorsqu’il eut [pris] connaissance de l’oracle, Kydon tira au sort parmi toutes les vierges, et le destin veut que sa fille soit désignée. Lycastos, craignant pour la vie d’Euliméné, révèle qu’elle a perdu sa vertu, et déclare qu’il entretient avec elle depuis longtemps des relations sexuelles. Mais la foule rassemblée jugea qu’elle méritait d’autant plus de mourir. Lorsqu’elle a été égorgée, Kydon demande an prêtre de lui ouvrir le ventre ; et l’on découvrit ainsi qu’elle était enceinte. »
— Passage dans la traduction de Mmes Michèle Biraud et Dominique Voisin et M. Arnaud Zucker (« Passions d’amour », éd. J. Millon, Grenoble)
« Mais comme quelques-unes des cités de Crète s’étaient révoltées contre lui et démontraient une grande supériorité, Cydon envoya des messagers interroger l’oracle, pour savoir ce qu’il convenait de faire pour venir à bout de ses ennemis. Le dieu lui répondit qu’il devait immoler une vierge aux héros de la patrie. Obéissant à l’oracle, Cydon tira au sort parmi toutes les vierges ; le destin voulut que sa fille soit désignée. Lycastos, craignant pour sa vie, révéla qu’elle n’avait plus sa virginité, et que depuis longtemps elle couchait avec lui ; mais le peuple s’était réuni, et à plus forte raison il la condamna à mourir. Après qu’elle eut été sacrifiée, Cydon ordonna au prêtre d’ouvrir son ventre ; ainsi fut-elle trouvée enceinte. »
— Passage dans la traduction de M. Ugo Bratelli (éd. électronique)
« Cum autem quædam ex Cretensibus urbibus adversum Cydonem insurgerent, ac eum vehementer urgerent, mittit ad Numen legatos, qui percontentur quid faciendum esset, ut hostibus superior evaderet. Et responsum accepit, immolandam esse virginem heroibus patriis. Accepto ergo oraculo sortiebatur Cydon de virginibus omnibus, et fortuna sic ferente, obtingit filia. Lycastus autem illi timens, indicat ejus corruptionem, et quod multo jam tempore cum ea coiverit. Plurimus vero populi cœtus eo amplius justum censebat eam mori. Postquam ergo mactata est, jubet Cydon sacrificum discindere eam circa umbilicum, atque ita inventa est prægnans. »
— Passage dans la traduction latine de Johannes Hainpol, dit Janus Cornarius (« De amatoriis affectionibus », XVIe siècle)
« Quand quelqu’unes des villes de Crète se furent levées contre Cydon, et le pressaient fort, il envoya ambassadeurs à l’oracle pour savoir qu’était ce qu’il avait à faire pour surmonter ses ennemis ; dont il eut réponse qu’il fallait immoler une vierge aux demi-dieux de la patrie. Cydon jeta le sort sur toutes les filles, et la fortune porta qu’il chut sur sa fille. Lycastus, craignant la mort d’Eulimené, dit qu’elle n’était point vierge, et que jà de longtemps il avait abusé d’elle ; mais la plus grande voix de la congrégation du peuple jugeait qu’elle en devait plutôt mourir. Donc, après l’avoir occise, Cydon commanda que le sacrificateur la fendît au nombril, et ainsi fut trouvée enceinte… »
— Passage dans la traduction indirecte de Jean Fournier7 (« Les Affections d’amour », XVIe siècle)Cette traduction n’a pas été faite sur l’original.
« Cum vero Cretæ quædam urbes adversus Cydonem insurgerent, et longe superiores essent, mittit ad oraculum aliquos consultum, quid faciens victurus esset hostes. Et responsum accepit hoc, ut virginem indigenis heroibus sacrificaret. Audito oraculo Cydon sortiri jussit omnes virgines et numine dei filiæ ejus sors obtingit. Lycastus autem timens illi, narrat ejus corruptionem et se a multo tempore jam cum illa coiisse ; magna turba multo magis censebant eam interficiendam esse. Mactatæ Cydon sacerdotem jubet umbilicum discindere, atque ita prægnans inventa est. »
— Passage dans la traduction latine de Wilhelm Adrian Hirschig (« De amatoriis affectibus », XIXe siècle)
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- Alfred Croiset, « Parthénios de Nicée » dans « Histoire de la littérature grecque. Tome V. Période alexandrine • Période romaine » (XIXe siècle), p. 247-248 [Source : Google Livres]
- Maurice Croiset, « Parthenius de Nicée » dans « Mémoires de la Section des lettres (Académie des sciences et lettres de Montpellier) », vol. 6, p. 161-181 [Source : Google Livres].