« Mas’oud : poète persan et hindoui »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Mas’oud-i Saad-i Sel­mân 1, illustre poète , qui su­bit dans son âge mûr près de vingt ans d’ sous les règnes suc­ces­sifs de trois rois (XIe-XIIe siècle). Les souf­frances en­du­rées pen­dant son in­car­cé­ra­tion prêtent à ses vers des ac­cents d’une force, d’une in­ten­sité, d’une sin­cé­rité telles, qu’il nous ar­rive par­fois, en les li­sant, de sen­tir nos che­veux se dres­ser sur notre tête, et les larmes nous ve­nir aux yeux. «Tout im­par­tial re­con­naît quel haut de­gré d’ et d’ Mas’oud at­teint en ses poèmes de cap­ti­vité», dit Nezâmî ‘Arûzî 2. La de Mas’oud était ori­gi­naire d’Hamadan (); mais son père, Khâja Saad ben Sel­mân, alla ré­si­der à La­hore (), où il jouit long­temps de la fa­veur des rois ghaz­né­vides et rem­plit quelques postes é sous leur . Mas’oud hé­rita des hon­neurs de son père; mais, par suite d’intrigues de Cour et à cause, dit-on, de son at­ta­che­ment au prince Saïf ud­daula Mah­moud, qui fut ac­cusé de tra­hi­son, il fut ar­rêté et en­chaîné par le roi en 1079 ou 1080 apr. J.-C. dans la ci­ta­delle de Nâï 3. Ce nom de Nâï, qui si­gni­fie «ro­seau» ou «flûte de ro­seau» en per­san, donna nais­sance à des de mots tout à fait fas­ci­nants dans les vers de notre poète : «Mon cœur gé­mit, comme gé­mit le ro­seau de la flûte, pri­son­nier que je suis dans cette ci­ta­delle de Nâï… Quoi d’autre que plaintes peut ap­por­ter l’air de Nâï? Le des­tin m’eût déjà tué à force de dou­leurs et de souf­frances, si ma n’avait pour lien la vi­vi­fiante. Non, non, ma gran­deur s’est ac­crue de toute la hau­teur de la ci­ta­delle de Nâï!» 4 En vain, ce ros­si­gnol chanta dans sa cage de fer; en vain, ses vers furent lus au roi. Ce der­nier les écouta, mais n’en fut point ému; il quitta le en lais­sant en cap­ti­vité notre poète, qui ne fut li­béré que la soixan­taine pas­sée. Dé­goûté d’une Cour dont il n’avait reçu que des in­jus­tices et des mor­ti­fi­ca­tions, Mas’oud passa le reste de ses jours dans les pai­sibles fonc­tions de bi­blio­thé­caire. «Com­bien de poèmes, brillants comme des joyaux et pré­cieux comme des perles, na­quirent de cette ar­dente et ne furent ja­mais agréés!», dit Nezâmî ‘Arûzî. «Le déshon­neur en res­tera sur la grande mai­son [ghaz­né­vide]… Le mal­heur de Mas’oud vint à son terme, tan­dis que le déshon­neur res­tera sur cette dy­nas­tie jusqu’au jour de la .» 5

«Tout cri­tique im­par­tial re­con­naît quel haut de­gré d’éloquence et d’inspiration Mas’oud at­teint en ses poèmes de cap­ti­vité»

Voici un pas­sage qui don­nera une idée de la ma­nière de Mas’oud :
«Ô mon , ne te la­mente pas, car ce monde n’est qu’illusion;
Ô mon cœur, ne t’afflige pas, car ce sé­jour est pas­sa­ger!
Si tu veux ob­te­nir puis­sance et , ne prends ici-bas pour conseiller que la pa­tience, pour guide que la ré­si­gna­tion
» 6.

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  • Je­rome Wright Clin­ton, «Mas‘ūd-i Sa‘d-i Salmān» dans «En­cy­clo­pé­die de l’» (éd. E. J. Brill, Leyde).
  1. En per­san مسعود سعد سلمان. Par­fois trans­crit Mas’ûd-i Sa’d Sal­mân, Maç’ûd-i Sa’ad Sal­mân, Mas‘ud-e Sa‘d-e Salmān, Ma­sood Said Sal­man, Ma­soud Sa’ad Sal­man ou Maç’oud-i Sa’ad-i Sel­man. À ne pas confondre avec , l’auteur du «Gu­lis­tan» et du «Bous­tan», qui vé­cut un siècle plus tard. Icône Haut
  2. «Les Quatre Dis­cours; tra­duit du per­san par Isa­belle de Gas­tines», p. 92. Icône Haut
  3. Cette ci­ta­delle se trou­vait quelque part au Wa­zi­ris­tan, d’après Nezâmî ‘Arûzî. Icône Haut
  1. En per­san

    «نالم ز دل چو نای من اندر حصار نای…
    جز ناله های زار چه آرد هوای نای
    گردون به درد و رنج مرا کشته بود اگر
    پیوند عمر من نشدی نظم جانفزای
    نه نه ز حصن نای بیفزود جاه من
    ».

    Icône Haut

  2. «Les Quatre Dis­cours; tra­duit du per­san par », p. 93-94. Icône Haut
  3. Dans «An­tho­lo­gie de la poé­sie per­sane (XIe-XXe siècle)», p. 135. Icône Haut