Nezâmî ‘Arûzî, « Les Quatre Discours »

éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Bibliothèque des œuvres classiques persanes, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve et La­rose, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Bi­blio­thèque des œuvres clas­siques per­sanes, Pa­ris

Il s’agit des « Quatre Dis­cours » (« Tcha­hâr Ma­qâ­leh »1) de Nezâmî de Sa­mar­cande2, cri­tique lit­té­raire per­san. On le sur­nomme com­mu­né­ment Nezâmî ‘Arûzî3 (« Nezâmî le Pro­sa­teur ») afin de le dis­tin­guer de son ho­mo­nyme, le grand poète de Gand­jeh. On ne sait de sa vie que le peu qu’il en a dit lui-même dans ses « Quatre Dis­cours ». En 1110-1111 apr. J.-C., il était dans sa ville na­tale de Sa­mar­cande (Ouz­bé­kis­tan), re­cueillant des tra­di­tions re­la­tives au poète Rû­daki ; en 1112-1113 apr. J.-C., il ren­con­tra à Balkh (Af­gha­nis­tan) Omar Khayyam dont il de­vint un proche, un élève même ; trois ans plus tard, il sé­journa à Hé­rat (Af­gha­nis­tan) ; l’année sui­vante, se trou­vant dans le be­soin, il se ren­dit à Ṭoûs (Iran) avec l’espoir de ga­gner la fa­veur du sul­tan Ah­mad San­jar ; là-bas, il vi­sita la tombe de Fir­dousi et re­cueillit à son su­jet plu­sieurs dé­tails in­sé­rés dans son livre ; la même an­née, il se ren­dit à Ni­sha­pur (Iran), où il fit vi­site au poète Moezzi. Ses « Quatre Dis­cours » ont été pro­ba­ble­ment com­po­sés peu avant la mort du sul­tan Ah­mad San­jar en 1157 apr. J.-C. Ils se di­visent en quatre cha­pitres, trai­tant des quatre classes d’hommes — se­cré­taires, poètes, as­tro­logues et mé­de­cins — qui sont né­ces­saires au ser­vice des rois. Pour chaque classe, Nezâmî ‘Arûzî ra­conte une di­zaine d’anecdotes : « Vien­dront [ci-après] dix au­then­tiques et plai­santes anec­dotes », dit-il dans sa pré­face4, « choi­sies parmi les plus ori­gi­nales et les plus ap­pro­priées à [chaque] cha­pitre, afin d’éclairer le roi et de le convaincre que l’office de se­cré­taire n’est pas une pe­tite charge ; que ce­lui de poète n’est pas une fu­tile oc­cu­pa­tion ; que l’astrologie est une science né­ces­saire ; que la mé­de­cine est un art in­dis­pen­sable ». Outre leur charme, leur style ad­mi­rable d’élégance et de na­tu­rel, ces anec­dotes ont le mé­rite de don­ner de pré­cieux ren­sei­gne­ments, qu’on ne trouve nulle part ailleurs, sur l’histoire in­tel­lec­tuelle de cette époque ; elles four­nissent le seul té­moi­gnage contem­po­rain sur Khayyam et le plus an­cien dé­tail bio­gra­phique sur Fir­dousi. En somme, comme dit un orien­ta­liste5, leur au­teur est « un de ceux qui jettent le plus de lu­mière sur la vie de Cour en Perse et en Asie cen­trale au XIIe siècle de notre ère ».

le seul té­moi­gnage contem­po­rain sur Khayyam et le plus an­cien dé­tail bio­gra­phique sur Fir­dousi

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style des « Quatre Dis­cours » : « Ra­shidi6 ar­riva, ren­dit hom­mage au sul­tan et vou­lut s’asseoir, quand ce­lui-ci, l’appelant, lui dit en le ta­qui­nant à la ma­nière des mo­narques : “J’ai de­mandé à ’Am’aq7, prince des poètes, ce qu’il pen­sait de ta poé­sie. Il m’a ré­pondu qu’il la trou­vait agréable, mais qu’elle man­quait de sel ! Dis-nous quelque chose à ce pro­pos”. Ra­shidi, s’inclinant, alla s’asseoir à sa place et im­pro­visa ces vers :

Tu cri­tiques mes vers, di­sant qu’ils sont sans sel, et il se peut que ton ju­ge­ment soit li­cite.
Mes vers sont comme faits et de sucre et de miel : le sel ne convient pas, mêlé à ces deux-là.
Mais toi, ce que tu dis n’est que na­vets et fèves : c’est donc à toi qu’il faut du sel, ô po­lis­son !

Quand il eut dé­clamé ces vers, ils plurent beau­coup au sul­tan »8.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Henri Massé, « Niẓāmī ‘Arūḍī Sa­marḳandī » dans « En­cy­clo­pé­die de l’islam » (éd. E. J. Brill, Leyde).
  1. En per­san « چهارمقاله ». Par­fois trans­crit « Čahār Maḳāla », « Chahár Ma­qála », « Chahār Ma­qāle », « Tschar-Mag­hâ­leh » ou « Ca­hâr Ma­ka­leh ». Haut
  2. En per­san نظامی سمرقندی. Par­fois trans­crit Ni­zami Sa­mar­candi, Ni­zami de Sa­mar­qand, Niẓāmī Sa­marḳandī ou Niẓāmī-i Sa­mar­qandī. Haut
  3. En per­san نظامی عروضی. Par­fois trans­crit Nid­hami-i Arudi, Niẓāmī ‘Arūḍī ou Nizâmi-è-Arouzi. Haut
  4. p. 34. Haut
  1. Ed­ward Gran­ville Browne. Haut
  2. Ra­shidi de Sa­mar­cande, poète at­ti­tré du sul­tan Khidr ibn Ibra­him de Ghaznî. On ne sait rien de plus sur lui. Haut
  3. ’Am’aq de Bou­khara, poète at­ti­tré du sul­tan Khidr ibn Ibra­him de Ghaznî. On ne sait rien de plus sur lui. Haut
  4. p. 96. Haut