Il s’agit du « Ma’ârif » 1 (« Maître et Disciple », ou littéralement « Les Connaissances mystiques ») de Sulṭân Wéled 2, fils aîné de Djélâl-ed-dîn Roûmî et véritable fondateur de l’ordre des « derviches tourneurs » (XIII-XIVe siècle apr. J.-C.). On raconte 3 que quand Sulṭân Wéled se rendait avec son père à une réunion, la plupart des témoins s’imaginaient que les deux étaient frères. D’ailleurs, au moment de son mariage, Djélâl-ed-dîn n’avait que dix-huit ans ; et continuellement Sulṭân Wéled, dans toutes les séances où il assistait, s’asseyait à côté de son père. Il était son plus proche et son plus cher confident et il pensa un moment à l’égaler ou même à le surpasser, mais il finit par se rendre à l’évidence que la vertu, le savoir, le talent ne pouvaient être conférés par hérédité. Voici dans quelles circonstances il en vint à cette conclusion. On raconte 4 qu’après avoir terminé ses études en Syrie, il arriva dans la ville d’Alep ; il satisfit tous les savants dans toutes les questions qu’ils lui posèrent, sans que personne pût trouver à redire dans ses réponses. Revenu à Konya, en Asie Mineure, les gens de mérite de la ville se réunirent dans le collège de son père. Celui-ci demanda à son fils, en guise de présent rapporté du voyage, de traiter quelques questions subtiles, et Sulṭân Wéled, ayant préparé quelques pensées délicates, les récita d’un bout à l’autre, s’imaginant qu’au plaisir qu’il aurait à les entendre, son père en resterait bouche bée ; car Sulṭân Wéled se croyait sans égal dans ces sujets. Mais immédiatement, son père reprit exactement tout ce que Sulṭân Wéled avait dit, et l’expliqua de telle manière que tous en furent ébahis. Citant ces pensées par cœur, il y ajouta tant de preuves et de restrictions nouvelles, qu’on ne pourrait les énumérer ; il y mêla des discours ésotériques et poussa des cris. Sulṭân Wéled déchira ses vêtements et tomba à ses pieds. Tous les témoins, stupéfaits, applaudirent et restèrent étonnés de cette intelligence supérieure de Djélâl-ed-dîn. À compter de ce jour et pendant soixante-dix ans, Sulṭân Wéled pérennisa l’influence de son père ; il remplit le territoire de l’Asie Mineure de ses disciples et vulgarisa ses paroles dans des œuvres plates, honnêtes, simples, à la portée de tout le monde.
véritable fondateur de l’ordre des « derviches tourneurs »
Voici un passage qui donnera une idée du style du « Ma’ârif » : « De même que le soleil dans le ciel répand sa lumière sur les villes, les palais et les maisons, et… quand le soir arrive, il se couche à l’Occident, et les rayons de sa lumière qui s’étaient étendus dans les maisons comme les branches d’un arbre, se couchent avec lui ; il en est ainsi pour les âmes des saints qui sont les rayons du Soleil éternel [c’est-à-dire de Dieu] :
Je suis le rayon de Ta lumière, ô Soleil !
Uni à Toi, partout où Tu me projettes.
Dans le monde des ténèbres, ô Toi, Soleil de l’âme
Je brille comme un clair de lune.
La clarté de la lune provient, elle aussi, du soleil » 5.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Gudrun Schubert, « Sulṭān Walad » dans « Encyclopédie de l’islam » (éd. E. J. Brill, Leyde).
- En persan « معارف ». Parfois transcrit « Ma‘āref ».
- En persan سلطان ولد. Parfois transcrit Sultan Veled, Solṭān Walad ou Sultân Valad.
- Aflâkî, « Les Saints des derviches tourneurs. Tome I », p. 20.
- id. « Tome II », p. 64.
- p. 54.