Il s’agit de la grande expédition confiée à La Pérouse 1. En 1783, Louis XVI voulut voir la France prendre toute sa place dans l’achèvement de la reconnaissance du globe, jaloux des succès acquis sur ce terrain par sa perpétuelle rivale — l’Angleterre. Il choisit pour ce but une âme expérimentée qui, endurcie par le genre de vie difficile des marins, la rendrait capable de mener avec succès une expédition rassemblant en un seul les trois voyages de Cook. Cette âme, c’était Jean-François de La Pérouse 2. Les instructions pour ce voyage, que La Pérouse était autorisé à modifier s’il le jugeait convenable, furent dictées par Louis XVI lui-même et mises au propre par Charles-Pierre Claret, comte de Fleurieu, futur ministre de la Marine et des Colonies. Elles sont regardées comme un modèle de ce genre. Je ne peux m’empêcher d’en citer quelques lignes qui ne caractérisent pas moins le plan du roi que la largeur de ses vues sur l’action que la France est appelée à exercer à l’étranger : « Le sieur de La Pérouse », dit le « Mémoire du roi », « dans toutes les occasions en usera avec beaucoup de douceur et d’humanité envers les différents peuples qu’il visitera dans le cours de son voyage. Il s’occupera avec zèle et intérêt de tous les moyens qui peuvent améliorer leur condition, en procurant à leur pays les… arbres utiles d’Europe, en leur enseignant la manière de les semer et de les cultiver… Si des circonstances impérieuses, qu’il est de la prudence de prévoir… obligeaient jamais le sieur de La Pérouse à faire usage de la supériorité de ses armes sur celles des peuples sauvages… il n’userait de sa force qu’avec la plus grande modération… Sa Majesté regarderait comme un des succès les plus heureux de l’expédition qu’elle pût être terminée sans qu’il en eût coûté la vie à un seul homme ». On prépara la Boussole et l’Astrolabe ; les deux navires bientôt, tendant leurs cordages, déployèrent leur voilure au milieu des cris et des adieux mêlés aux chants joyeux des matelots. On plaça à bord une gravure représentant la mort de Cook. Et la vue de cette image avivait l’ardeur de ces hardis marins, qui disaient souvent : « Voici la mort que doivent envier les gens de notre métier ! » Pauvres hommes, ils ne croyaient pas si bien dire.
- Le roi avait lu son rapport sur la campagne de la baie d’Hudson avec intérêt et dans la copie originale : « on pénètre mieux la pensée d’un auteur sur son manuscrit que sur une transcription » (le capitaine de Brossard, « Rendez-vous avec Lapérouse à Vanikoro »).