« Histoire de Quỳnh »

dans « Bulletin de la Société d’enseignement mutuel du Tonkin », vol. 7, nº 2, p. 153-199

dans «Bul­le­tin de la d’ mu­tuel du Ton­kin», vol. 7, nº 2, p. 153-199

Il s’agit de la ver­sion viet­na­mienne de «La Lé­gende de Xieng Mieng» («hnăṅsœ̄ jyṅ hmyṅ2» 1). Entre fa­cé­tie, bur­lesque et im­pu­dique, don­nant lieu à une ef­fron­tée de la so­ciété féo­dale, «La Lé­gende de Xieng Mieng» ren­ferme des épi­sodes d’une certes peu dé­cente, mais à la­quelle se plaisent les cam­pa­gnards du Sud-Est asia­tique. Ceux qui la jugent sé­vè­re­ment de­vraient son­ger à Gui­gnol, à Till l’Espiègle ou aux ou­vrages d’un Ra­be­lais. En , il y a là-de­dans une gouaille ro­buste et op­ti­miste, et les qui en font les frais sont des types d’hommes dé­tes­tés par le des cam­pagnes : le char­la­tan, le man­da­rin cor­rompu, le let­tré igno­rant, le bonze dé­bau­ché, jusqu’à l’Empereur de ; tous des vices per­son­ni­fiés, vic­times des farces et des at­ti­tudes pro­vo­cantes de Xieng Mieng. Com­ment ca­rac­té­ri­ser ce der­nier? Quelque chose comme un mau­vais plai­sant, un ba­te­leur, un his­trion au­quel on ac­cor­dait beau­coup d’insolence et de . Il jouait le rôle des fous de nos an­ciens rois. D’ailleurs, se­lon la ver­sion lao­tienne, il était le bouf­fon même de la Cour du roi de Tha­vaa­raa­va­dii. Je dis «se­lon la ver­sion lao­tienne», car comme dit M. Jacques Né­pote 2, «cette n’est pas un iso­lat : elle se re­trouve dans la plu­part des pays d’-Est, et avec le même , le hé­ros por­tant seule­ment un nom dif­fé­rent : Si Tha­non Say au Siam, Thmenh Chey 3 au , Trạng Quỳnh au , Ida Ta­laga à Bali, et bien d’autres en­core». Le roi de Tha­vaa­raa­va­dii, donc, était resté long­temps sans en­fant. Il eut en­fin un fils; mais les pré­dirent que le prince mour­rait en sa dou­zième an­née, à moins que le roi n’adoptât un en­fant né à la même heure que son fils. Et le roi d’adopter Xieng Mieng, en­fant de basse ex­trac­tion qui de­vint le double af­freux du prince.

une plai­san­te­rie certes peu dé­cente, mais à la­quelle se plaisent les cam­pa­gnards du Sud-Est asia­tique

À ce pro­pos, il fau­drait sou­li­gner l’intérêt de «La Lé­gende de Xieng Mieng» en tant que pos­sible source his­to­rique, de­puis la dé­cou­verte ré­cente en Thaï­lande de mon­naies et de por­tant des épi­graphes sans­crites rap­pe­lant l’«acte mé­ri­toire» («puṇya») d’un «illustre sei­gneur de Dvâ­ra­vatî» («śri Dvāravatī’śvara») ou bien «chef de Dvâ­ra­vatî» («Dvā­ra­vatī pati») dont Tha­vaa­raa­va­dii n’est peut-être que la forme dé­for­mée. «L’ de ces épi­graphes peut être da­tée des en­vi­rons du VIe-VIIe siècle… Le pays môn au­quel ap­par­te­nait Dvâ­ra­vatî ne peut [pas] être dé­li­mité de fa­çon très pré­cise : à date an­cienne, il semble oc­cu­per une aire géo­gra­phique as­sez large, al­lant de la Basse-Bir­ma­nie jusqu’à la pé­nin­sule ma­laise; dans ce qui est la Thaï­lande ac­tuelle, il de­vait oc­cu­per éga­le­ment une bonne par­tie du Nord-Est, qu’il par­ta­geait avec les Khmers», dit M. Claude Jacques 4.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du de la ver­sion viet­na­mienne : «Un jour que Quỳnh était à côté du sei­gneur, ce der­nier lui dit :

 Je fais bonne chère et ne mange que des plats rares, pour­tant je ne les trouve pas sa­vou­reux. Quỳnh, si vous connais­sez quelque chose de bon, in­di­quez-le-.

 Avez-vous, sei­gneur, mangé des pousses de ?

 Est-ce bon, cela?

 Oui, sei­gneur, c’est ex­cellent.

 Si c’est exact, faites-m’en pré­pa­rer afin que j’y goûte» 5.

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  1. En «ໜັງສືຊຽງໝ້ຽງ». Par­fois trans­crit «Sieng Mieng», «Siang Miang», «Xiang Miang», «Xien-Mien», «Sieng Hmieng2» ou «jyṅ hmyṅ2». Icône Haut
  2. «Va­ria­tions sur un thème du bouf­fon royal en du Sud-Est pé­nin­su­laire». Icône Haut
  3. «Thmenh le Vic­to­rieux». Par­fois trans­crit Tmeñ Jai, Tmen Chéi ou Tmenh Chey. Icône Haut
  1. Dans «Dvā­ra­vatī : aux sources du boud­dhisme en Thaï­lande», p. 27. Icône Haut
  2. p. 190-191. Icône Haut