Il s’agit des haïkus de Matsuo Bashô 1, figure illustre de la poésie japonaise (XVIIe siècle apr. J.-C.). Par son éthique de vie, encore plus que par son œuvre elle-même, ce fils de samouraï a imposé la forme actuelle du haïku, mais surtout il en a défini la manière, l’esprit : légèreté, recherche de simplicité, extrême respect pour la nature, et ce quelque chose qu’on ne peut définir facilement et qu’il faut sentir — une élégance intérieure, comme revêtue de pudeur discrète, qui est foncièrement japonaise. Son poème de la rainette est un fameux exemple du saut par lequel le haïku se débarrasse de l’artificiel pour atteindre la sobriété nue : « Vieil étang / une rainette y plongeant / chuchotis de l’eau » 2. Ce haïku traduit et d’autres sont le premier ouvrage par lequel la poésie et la pensée asiatiques viennent jusqu’à Mme Marguerite Yourcenar qui a quinze ans : « Ce livre exquis a été l’équivalent pour moi d’une porte entrebâillée ; elle ne s’est plus jamais refermée depuis », écrit-elle dans une lettre datée de 1955. En 1982, pendant ses trois mois passés au Japon, elle suit sur les sentiers étroits la trace de Bashô ; et tandis qu’un ami japonais, qui la guide, commence à lui traduire « Elles mourront bientôt… », elle l’interrompt en citant par cœur la chute : « et pourtant n’en montrent rien / chant des cigales ». « Peut-être son plus beau poème », précise-t-elle dans un petit article intitulé « Bashô sur la route ». À Kyôto, elle visite la hutte qui a hébergé notre poète vers la fin de sa vie — Rakushisha 3 (« la chaumière où tombent les kakis » 4) qui lui « fait penser à la légère dépouille d’une cigale ». À l’intérieur, si on peut parler d’intérieur dans un lieu si ouvert aux intempéries, rien ou presque pour se protéger du passage des saisons, si présentes justement dans l’œuvre de Bashô « par les inconvénients et les malaises qu’elles apportent autant que par l’extase des yeux et de l’esprit que dispense leur beauté », comme explique Mme Yourcenar. Quant au maître lui-même : « Cet homme ambulant », écrit-elle, « qui a intitulé l’un de ses essais “Souvenirs d’un squelette exposé aux intempéries” voyage moins pour s’instruire… que pour subir. Subir est une faculté japonaise, poussée parfois jusqu’au masochisme [!], mais l’émotion et la connaissance chez Bashô naissent de cette soumission à l’événement ou à l’incident : la pluie, le vent, les longues marches, les ascensions sur les sentiers gelés des montagnes, les gîtes de hasard, comme celui de l’octroi à Shitomae où il partage une pièce au plancher de terre battue avec un cheval… » Sous des apparences de promenades, ces pèlerinages éveillaient la pensée de Bashô et mettaient sa vie en conformité avec la haute idée qu’il se faisait du haïku : « Le vent me transperce / résigné à y laisser mes os / je pars en voyage »
bouddhisme
sujet
Faxian, « Mémoire sur les pays bouddhiques »
Il s’agit du « Mémoire sur les pays bouddhiques » 1 (« Fo guo ji » 2) de Faxian 3. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 4. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 5 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
- Autrefois traduit « Relation des royaumes bouddhiques ».
- En chinois « 佛國記 ». Autrefois transcrit « Foĕ kouĕ ki », « Foe kue ki », « Fo kouo ki » ou « Fo kuo chi ». Également connu sous le titre de « 法顯傳 » (« Fa xian zhuan »), c’est-à-dire « Biographie de Faxian ». Autrefois transcrit « Fa-hien-tch’ouen », « Fa-hien tchouan » ou « Fa-hsien chuan ».
- En chinois 法顯. Parfois transcrit Fă Hian, Fah-hiyan, Fa-hein, Fa-hien ou Fa-hsien.
Huili et Yancong, « Histoire de la vie de Xuanzang et de ses voyages dans l’Inde, depuis l’an 629 jusqu’en 645 »
Il s’agit de la « Biographie de Xuanzang », ou littéralement « Biographie du Maître des Trois Corbeilles de la Loi du monastère de la Grande Bienveillance » 1 (« Da ci en si san zang fa shi zhuan » 2) de Huili 3 et Yancong 4. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 5. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 6 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
- Autrefois traduit « Histoire de la vie de Hiouen-thsang », « Histoire du Maître de la Loi des Trois Corbeilles du couvent de la Grande Bienfaisance », « La Vie de Maître Sanzang du monastère de la Grande Bienveillance », « Biographie du Maître Tripiṭaka du temple de la Grande Compassion » ou « Biographie du Maître de la Loi des Trois Corbeilles du monastère de la Grande Compassion ».
- En chinois « 大慈恩寺三藏法師傳 ». Autrefois transcrit « Ta-ts’e-’en-sse-san-thsang-fa-sse-tch’ouen », « Ta-ts’eu-ngen-sseu san-tsang fa-che tchouan », « Ta-tz’u-en-szu san-tsang fa-shih chuan » ou « Ta-tz’u-en-ssu san-tsang fa-shih chuan ». Également connu sous le titre allongé de « 大唐大慈恩寺三藏法師傳 » (« Da Tang da ci en si san zang fa shi zhuan »), c’est-à-dire « Biographie du Maître des Trois Corbeilles de la Loi résidant au monastère de la Grande Bienveillance à l’époque des grands Tang ».
- En chinois 慧立. Parfois transcrit Hoeï-li, Houei-li, Kwui Li ou Hwui-li.
Xuanzang, « Mémoires sur les contrées occidentales. Tome II. Livres IX à XII »
Il s’agit des « Mémoires sur les contrées de l’Ouest 1 à l’époque des grands Tang » 2 (« Da Tang xi yu ji » 3) de Xuanzang 4. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 5. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 6 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
- L’Asie centrale et l’Inde, situées à l’Ouest de l’Empire chinois.
- Autrefois traduit « Mémoires sur les contrées occidentales, composés sous la dynastie des grands Thang ».
- En chinois « 大唐西域記 ». Autrefois transcrit « Ta-Thang-si-yu-ki », « Ta-Thang-hsi-yu-tchi » ou « Ta T’ang hsi-yü chi ». Également connu sous le titre abrégé de « 西域記 ». Autrefois transcrit « Hsi-yü-chih ».
Xuanzang, « Mémoires sur les contrées occidentales. Tome I. Livres I à VIII »
Il s’agit des « Mémoires sur les contrées de l’Ouest 1 à l’époque des grands Tang » 2 (« Da Tang xi yu ji » 3) de Xuanzang 4. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 5. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 6 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
- L’Asie centrale et l’Inde, situées à l’Ouest de l’Empire chinois.
- Autrefois traduit « Mémoires sur les contrées occidentales, composés sous la dynastie des grands Thang ».
- En chinois « 大唐西域記 ». Autrefois transcrit « Ta-Thang-si-yu-ki », « Ta-Thang-hsi-yu-tchi » ou « Ta T’ang hsi-yü chi ». Également connu sous le titre abrégé de « 西域記 ». Autrefois transcrit « Hsi-yü-chih ».
« Deux Chapitres extraits des mémoires de Yijing sur son voyage dans l’Inde »
Il s’agit d’une traduction partielle de la « Relation sur le bouddhisme, envoyée des mers du Sud » 1 (« Nan hai ji gui nei fa zhuan » 2) de Yijing 3. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 4. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 5 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
- Autrefois traduit « Histoire de la loi intérieure, envoyée de la mer du Sud » ou « Mémoire sur la loi intérieure, envoyé des mers du Sud ».
- En chinois « 南海寄歸內法傳 ». Autrefois transcrit « Nan-haï-khi-koueï-neï-fa-tch’ouen », « Nan hai ki kouei nei fa tchouan », « Nan-hai-ki-koei-nei-fa-tchoan » ou « Nan-hai-chi-kuei-nai-fa-ch’uan ».
- En chinois 義淨. Parfois transcrit I-tsing, Yi-tsing, Y-tsing, I-tshing, Yi Ching ou I-ching.
Yijing, « Mémoire composé à l’époque de la grande dynastie T’ang sur les religieux éminents qui allèrent chercher la Loi dans les pays d’Occident »
Il s’agit de la « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest 1 à l’époque des grands Tang » 2 (« Da Tang xi yu qiu fa gao seng zhuan » 3) de Yijing 4. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 5. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 6 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
- L’Asie centrale et l’Inde, situées à l’Ouest de l’Empire chinois.
- Autrefois traduit « Récit de l’éminent moine T’ang qui voyagea vers la région occidentale en quête de la Loi » ou « Mémoire composé à l’époque de la grande dynastie T’ang sur les religieux éminents qui allèrent chercher la Loi dans les pays d’Occident ».
- En chinois « 大唐西域求法高僧傳 ». Autrefois transcrit « Ta-T’ang-si-yu-k’ieou-fa-kao-seng-tchoan », « Ta T’ang si yu k’ieou fa kao seng tchouan » ou « Ta T’ang hsi-yü ch’iu-fa kao-sêng ch’uan ». Également connu sous le titre abrégé de « 求法高僧傳 ». Autrefois transcrit « Khieou-fa-kao-seng-tch’ouen », « Kieou-fa-kao-seng-tchuen » ou « Kau-fa-kao-sang-chuen ».
Harṣa, « Trois Pièces de théâtre (VIIe siècle apr. J.-C.). “Priya darshika” • “Nagananda” • “Ratnavali” »
Il s’agit de « Ratnâvalî » 1 (« Collier-de-gemmes »), « Priyadarśikâ » 2 (« Belle-à-voir ») et autres pièces de théâtre du roi Soleil-de-vertu (Śîlâditya 3), plus célèbre dans l’histoire et la littérature de l’Inde sous le nom de Harṣa ou Harṣa Vardhana 4. La figure de ce roi — dramaturge, poète, ami naturel des religions et des lettres — est, avec celle d’Aśoka, l’une des mieux connues et des plus nettement dessinées de l’Inde classique. Outre ses monnaies et inscriptions, deux témoignages de première main nous renseignent sur lui. Le courtisan Bâṇa, qui bénéficia de ses largesses, a rédigé sa vie romancée sous le titre de « La Geste de Harṣa » (« Harṣacarita » 5) — une vie qui s’arrête, cependant, inopinément au huitième chapitre, soit que le biographe l’ait laissée inachevée, soit que les siècles en aient fait disparaître les dernières pages. À ce témoignage s’ajoute celui du pèlerin chinois Xuanzang, qui passa en Inde plus de douze ans et qui nous a laissé, dans les « Mémoires » relatifs à son voyage, maints détails sur ce souverain qui fut pour lui un hôte et un ami. Le portrait concordant dressé par ces documents nous représente Harṣa à la tête d’une armée formidable, qui ne comptait pas moins de soixante mille éléphants et cent mille hommes de cavalerie ; mais loin d’abuser de sa puissance, il était au contraire aussi pacifique qu’il était pieux. « Et par sa sage administration, il répandit partout l’union et la paix ; il… pratiqua le bien au point d’oublier le sommeil et le manger », rapporte Xuanzang 6. « Dans les villes — grandes et petites — des cinq Indes 7, dans les villages, dans les carrefours, au croisement des chemins, il fit bâtir des maisons de secours, où l’on déposait des aliments, des breuvages et des médicaments pour les donner en aumône aux voyageurs… et aux indigents. Ces distributions bienfaisantes ne cessaient jamais. » Rempli de zèle pour la foi du Bouddha, Harṣa était en même temps rempli de tolérance pour toute spiritualité. Il convoquait régulièrement une espèce de grande assemblée de tous les religieux versés dans les livres, pour laquelle il épuisait le trésor et les magasins de l’État. Ce mélange d’indulgence et de libéralité royale perce à jour également dans les œuvres littéraires qui lui sont attribuées — trois pièces de théâtre et deux poésies, et qui achèvent de nous faire connaître un roi dont la vertu rayonna de feux et de splendeur non seulement en Inde, mais à l’étranger.
- En sanscrit « रत्नावली ». Autrefois transcrit « Ratnawali ».
- En sanscrit « प्रियदर्शिका ». Autrefois transcrit « Priya darshika » ou « Priyadarçikâ ».
- En sanscrit शीलादित्य. Autrefois transcrit Çîlâditya.
- En sanscrit हर्षवर्धन. Autrefois transcrit Harça, Harcha ou Harsha.
- En sanscrit « हर्षचरितम् », inédit en français. Autrefois transcrit « Harṣacaritam », « Harchatcharita », « Harsacharita », « Harshacharita » ou « Harshacarita ».
- « Mémoires sur les contrées occidentales », liv. V, ch. LXI.
- Les Chinois comptaient cinq Indes correspondant aux quatre points cardinaux avec, au milieu, l’Inde centrale.
« Harṣa Vardhana, Empereur et poète de l’Inde septentrionale (606-648 apr. J.-C.) : étude sur sa vie et son temps »
Il s’agit de l’« Hymne aux huit grands temples sacrés » 1 (« Aṣṭa mahâ śrî caitya stotra » 2) et autres poésies du roi Soleil-de-vertu (Śîlâditya 3), plus célèbre dans l’histoire et la littérature de l’Inde sous le nom de Harṣa ou Harṣa Vardhana 4. La figure de ce roi — dramaturge, poète, ami naturel des religions et des lettres — est, avec celle d’Aśoka, l’une des mieux connues et des plus nettement dessinées de l’Inde classique. Outre ses monnaies et inscriptions, deux témoignages de première main nous renseignent sur lui. Le courtisan Bâṇa, qui bénéficia de ses largesses, a rédigé sa vie romancée sous le titre de « La Geste de Harṣa » (« Harṣacarita » 5) — une vie qui s’arrête, cependant, inopinément au huitième chapitre, soit que le biographe l’ait laissée inachevée, soit que les siècles en aient fait disparaître les dernières pages. À ce témoignage s’ajoute celui du pèlerin chinois Xuanzang, qui passa en Inde plus de douze ans et qui nous a laissé, dans les « Mémoires » relatifs à son voyage, maints détails sur ce souverain qui fut pour lui un hôte et un ami. Le portrait concordant dressé par ces documents nous représente Harṣa à la tête d’une armée formidable, qui ne comptait pas moins de soixante mille éléphants et cent mille hommes de cavalerie ; mais loin d’abuser de sa puissance, il était au contraire aussi pacifique qu’il était pieux. « Et par sa sage administration, il répandit partout l’union et la paix ; il… pratiqua le bien au point d’oublier le sommeil et le manger », rapporte Xuanzang 6. « Dans les villes — grandes et petites — des cinq Indes 7, dans les villages, dans les carrefours, au croisement des chemins, il fit bâtir des maisons de secours, où l’on déposait des aliments, des breuvages et des médicaments pour les donner en aumône aux voyageurs… et aux indigents. Ces distributions bienfaisantes ne cessaient jamais. » Rempli de zèle pour la foi du Bouddha, Harṣa était en même temps rempli de tolérance pour toute spiritualité. Il convoquait régulièrement une espèce de grande assemblée de tous les religieux versés dans les livres, pour laquelle il épuisait le trésor et les magasins de l’État. Ce mélange d’indulgence et de libéralité royale perce à jour également dans les œuvres littéraires qui lui sont attribuées — trois pièces de théâtre et deux poésies, et qui achèvent de nous faire connaître un roi dont la vertu rayonna de feux et de splendeur non seulement en Inde, mais à l’étranger.
- Autrefois traduit « Hymne aux huit grands “caityas” vénérables ».
- En sanscrit « अष्ट-महा-श्री-चैत्य-स्तोत्र ». Autrefois transcrit « Aṣṭa-mahā-çrī-caitya-stotra », « Aṣṭhaṃahāśricaityastotra » ou « Ashta-maha-sri-chaitya-stotra ».
- En sanscrit शीलादित्य. Autrefois transcrit Çîlâditya.
- En sanscrit हर्षवर्धन. Autrefois transcrit Harça, Harcha ou Harsha.
- En sanscrit « हर्षचरितम् », inédit en français. Autrefois transcrit « Harṣacaritam », « Harchatcharita », « Harsacharita », « Harshacharita » ou « Harshacarita ».
- « Mémoires sur les contrées occidentales », liv. V, ch. LXI.
- Les Chinois comptaient cinq Indes correspondant aux quatre points cardinaux avec, au milieu, l’Inde centrale.
« Le Vieil Homme qui vendait du thé : excentricité et retrait du monde dans le Japon du XVIIIe siècle »
Il s’agit de Baisaô 1, vendeur de thé et ermite du XVIIIe siècle apr. J.-C., sorte de Diogène japonais. Je dois d’abord dire que cet homme se consacra à la vente de thé, non pour l’amour de l’argent, mais pour parvenir à l’Éveil et accomplir la Voie. Il était le disciple du maître zen Kerin 2, le supérieur du monastère du Ryûshin-ji. En sa onzième année, il entra en religion et, sous la houlette de Kerin, il apprit les « Entretiens de Confucius » et étudia le zen. Passé sa vingt-deuxième année, il fut affligé de terribles maux de ventre qui le laissaient sans répit. Alors, donnant un libre cours à son dépit, et tandis que sa maladie le rongeait toujours, il partit en voyage, tantôt à l’Ouest, tantôt à l’Est, en divers endroits du Japon, et rendit visite à de nombreux moines éminents, sans s’attarder chez aucun. Par la suite, il s’en retourna dans sa province de Hizen où, comme par le passé, il servit son maître Kerin pendant quatorze années. Mais à la mort de celui-ci, il refusa la succession du monastère et, ayant remis la charge à un condisciple, il s’enfuit à Kyôto. Là, il se mit à vendre du thé pour éviter de mourir de faim. Cherchant les lieux les plus connus pour leurs cerisiers au printemps, les sites les plus remarquables pour leurs érables à l’automne, il louait un minuscule emplacement, montait une échoppe, faisait infuser son thé et attendait les clients. Sa barbe était fort longue et descendait plus bas que ses genoux ; il se vêtait de vieux habits élimés, n’ayant l’apparence ni d’un moine, ni d’une personne du vulgaire. Aussi, en peu de temps, le surnom de Baisaô (« vieux marchand de thé ») fut-il sur les lèvres de toutes les personnes élégantes et raffinées de la capitale.
« Entretiens de Lin-tsi »
Il s’agit des « Entretiens de Linji » (« Linji yulu » 1, ou plus simplement « Linji lu » 2). L’école de Linji Yixuan 3, maître zen, est connue par ce recueil de paroles composé après la mort du maître. Rebelle à tout savoir, farouche à toute vision intellectuelle qu’elle décrivait comme une « taie sur l’œil » cette école devint célèbre en Chine au IXe et Xe siècle apr. J.-C. avant de se répandre au Japon où elle persiste jusqu’à nos jours sous le nom d’école Rinzai. L’usage du bâton (en chinois « bang », en japonais « bô » 4) et de l’exclamation « khât ! » (en japonais « katsu ! » 5) est caractéristique de Linji, lequel frappait ses disciples et leur criait, comme s’il désirait les faire parvenir d’un coup à la réalisation subite. Dans des termes virulents, qui allaient jusqu’au blasphème, il prêchait le meurtre spirituel et le renversement de toutes les valeurs : « Si vous rencontrez un Bouddha, tuez le Bouddha ! Si vous rencontrez un patriarche, tuez le patriarche ! » 6 Et plus loin : « Je vous le dis : il n’y a pas de Bouddha, il n’y a pas de Loi ; pas de pratiques à cultiver, pas de fruits à éprouver. Que voulez-vous donc tant chercher auprès d’autrui ?… Qu’est-ce qui vous manque ? C’est vous, adeptes, qui êtes là devant mes yeux, c’est vous-mêmes qui ne différez en rien du Bouddha-patriarche ! Mais vous n’avez pas confiance, et vous cherchez au-dehors » 7. Lui demandait-on quel était le bien le plus précieux pour l’homme, Linji répondait : « Se tenir dans l’ordinaire et sans affaires : chier et pisser, se vêtir et manger » 8. Et aussi : « Être sans affaires et rester assis dans [son] monastère, les pieds croisés au coin de [sa] banquette » 9. À chaque page, cet idéal de l’homme sans affaires se retrouve, poussé jusqu’à la puérilité. J’avoue, pour ma part, qu’il ne me convainc pas. Car, même à supposer que l’homme qui se garde de rien faire soit le plus heureux, ne vaut-il pas mieux être honnête et utile, qu’heureux et sans affaires ? L’homme de bien n’a-t-il pas droit, comme les autres, au noble travail ? Ne peut-il pas se subordonner à une grande cause sociale, au lieu de jouir dans son coin sans se soucier que ce soit aux dépens des autres ? La fin divine doit-elle donc être une fin égoïste ?
« Les Inscriptions d’Asoka »
Il s’agit des « Inscriptions d’Aśoka », un magnifique ensemble d’inscriptions gravées sur des rochers et des piliers en plusieurs endroits du sous-continent indien. Ce sont les plus anciennes inscriptions qu’on y ait découvertes ; elles sont habituellement rédigées dans l’idiome de l’endroit, et il est frappant de trouver, outre le mâgadhî, deux langues étrangères : le grec et l’araméen. Elles contiennent des édits royaux empreints du bouddhisme le plus pur, et ayant pour but de prescrire la pratique d’une bienveillance qui s’étend sur tous les êtres vivants. L’auteur, parlant de lui à la troisième personne, se donne le titre de « roi » (« raya » ou « raja ») et les surnoms de Priyadraśi 1 (« au regard amical ») et de Devanaṃpriya (« ami des dieux »). Le vrai nom du monarque n’apparaît nulle part ; mais nous savons grâce à d’autres sources que l’Empereur Aśoka 2, fondateur de la domination du bouddhisme dans l’Inde, portait ces deux surnoms. On pourrait objecter que ce ne sont là que des épithètes convenues, qui auraient pu être portées par plus d’un monarque indien. Cependant, voici ce qui achève de confirmer l’identification avec Aśoka : Dans le XIIIe édit, l’auteur nomme, parmi ses voisins, un certain Aṃtiyoko, « roi grec », et un peu plus à l’Ouest, quatre autres rois : Turamaye, Aṃtikini, Maka et Alikasudaro 3. La réunion de ces noms rend leur identité hors de doute : ce sont Antiochos II, Ptolémée II, Antigone II, Magas et Alexandre II, lesquels régnaient au IIIe siècle av. J.-C. C’est précisément l’époque à laquelle, sous le sceptre d’Aśoka, le bouddhisme s’imposait comme un mouvement spirituel majeur, à la faveur de l’exemple personnel de l’Empereur.
Kumârajîva, Sengzhao et Daosheng, « Introduction aux pratiques de la non-dualité : commentaire du “Soûtra de la Liberté inconcevable” »
Il s’agit du « Commentaire sur “L’Enseignement de Vimalakîrti” » (« Zhu “Weimojie Jing” » 1) par Kumârajîva 2 et par ses disciples, Sengzhao 3 et Daosheng 4. L’arrivée de Kumârajîva à Ch’ang-an 5 en 402 apr. J.-C. inaugure la période indianiste du bouddhisme chinois. À partir de cette date, les Chinois ne se contentent plus d’avoir une idée approximative de la pensée venue d’ailleurs, mais ils se lancent dans de grands travaux d’exégèse et de traduction directement du sanscrit, pour lesquels ils font appel à des moines venus de l’Inde ou de la Sérinde 6. Né à Kucha, l’une des principales étapes de la Route de la soie, Kumârajîva reçoit une formation qui lui permettra de jouer un rôle déterminant dans cette indianisation. Dès son arrivée au grand temple de Chang’an, où il est invité par le souverain Yao Xing, Kumârajîva s’attelle à une série impressionnante de traductions, qui rejetteront dans l’ombre tous les travaux précédents et qui seront pour beaucoup dans l’acclimatation durable du bouddhisme en Asie. « En prenant en considération les révisions d’ouvrages déjà traduits et ses traductions inédites, Kumârajîva aurait “transmis” plus de cinquante œuvres, comptant plus de trois cents volumes… Si nous… considérons que Kumârajîva est décédé en 409, on arrive à la conclusion que, durant ses [huit] années de résidence à Ch’ang-an, il devait traduire environ un chapitre tous les dix jours », dit M. Daisaku Ikeda 7. Selon les préfaces faites par ses disciples, Kumârajîva traduisait à voix haute, tout en commentant, en présence d’une assemblée de mille deux cents moines et laïcs, comprenant tout ce que le bouddhisme comptait alors de plus cultivé en Chine, les raisons pour lesquelles il avait traduit d’une manière plutôt que d’une autre ; il exposait, en outre, les sens profonds cachés dans le texte sanscrit. On prétend que le souverain Yao Xing assistait à certaines des séances : « Le souverain en personne tenait en main le texte des anciennes traductions des soûtras, y relevant les erreurs, s’enquérant de la signification générale du passage, et contribuant ainsi à éclairer les doctrines de la secte » 8. On prétend aussi que les membres présents, qui recevaient la traduction et le commentaire, étaient transportés de bonheur, éprouvant le sentiment de se trouver sur les sommets des montagnes Kunlun par une belle journée claire, regardant le monde s’étendant sous leurs pieds.