Il s’agit du « Mémoire sur les pays bouddhiques » 1 (« Fo guo ji » 2) de Faxian 3. La vaste littérature de la Chine contient une série de biographies et de mémoires où se trouvent relatés les voyages d’éminents moines bouddhistes qui — à des dates différentes, mais comprises pour la plupart entre le Ve et le VIIe siècle — sortirent de leur propre patrie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bravant des difficultés insurmontables : « Ils sont allés jusqu’aux limites du monde et ils ont vu là où toutes choses finissent » 4. L’immense entreprise sino-indienne de ces pèlerins, qui s’en allaient chercher une idée plus claire de leur foi, doit être saluée — au-delà de son sens religieux — comme l’une des manifestations les plus évidentes de l’humanisme. Non contents de remonter, sur les pas du Bouddha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude apprenaient le sanscrit et se procuraient des masses de manuscrits, qu’ils emmenaient avec eux au retour et qu’ils consacraient tout le reste de leur vie à traduire, entourés de disciples. Leur importance dans l’histoire spirituelle de l’Asie fut inouïe. N’eût été leur rôle de médiateurs, le sentiment bouddhique ne se fût sans doute jamais perpétué en Chine. Pourtant, les périls et les dangers que rencontraient ces voyageurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, auraient pu décourager même les plus vaillants. Ceux qui passaient par terre devaient traverser des déserts épouvantables où la route à suivre était marquée par les ossements des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choisissaient la voie de mer hasardaient leur vie sur de lourdes jonques qui sombraient corps et bien au premier gros temps. L’un d’eux 5 déclare en préambule de sa « Relation sur les moines éminents qui allèrent chercher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Considérons depuis les temps anciens ceux qui [partis de Chine] ont été à l’étranger en faisant peu de cas de la vie et en se sacrifiant pour la Loi… Tous comptaient revenir, [et] cependant, la voie triomphante était semée de difficultés ; les lieux saints étaient éloignés et vastes. Pour des dizaines qui verdirent et fleurirent, et pour plusieurs qui entreprirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des résultats véritables, et il y en eut peu qui achevèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les immensités des déserts pierreux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du soleil qui crache son ardeur ; ou les masses d’eau des vagues soulevées par le poisson gigantesque ».
Il n’existe pas moins de deux traductions françaises du « Mémoire sur les pays bouddhiques », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de M. Jean-Pierre Drège.
「其國前王遣使中國,取貝多樹子,於佛殿傍種之.高可二十丈,其樹東南傾,王恐倒,故以八九圍柱柱樹.樹當柱處心生,遂穿柱而下,入地成根.大可四圍許.柱雖中裂,猶裹其外,人亦不去.樹下起精舍,中有坐像,道俗敬仰無倦.」
— Passage dans la langue originale
« Un ancien roi de ce pays avait envoyé un émissaire dans ce royaume de l’Inde centrale pour prendre l’arbre “pattra” 6. Il l’avait planté à côté de la salle du Bouddha. Il était maintenant haut de vingt toises. Cet arbre inclinait vers le Sud-Est, et le roi craignait qu’il ne tombât ; aussi l’étaya-t-il avec un pilier de huit ou neuf empans de circonférence. À l’endroit où l’arbre était étayé, un bourgeon poussa, traversa le pilier et descendit ; en entrant dans le sol, il forma des racines. Sa grosseur atteignit environ quatre empans. Bien que le pilier [fût] fendu à l’intérieur, il enveloppait encore l’arbre à l’extérieur. Les gens ne l’ont pas enlevé. Au pied de l’arbre, on a élevé un temple dans lequel il y a une statue assise ; religieux et laïcs la révéraient et la respectaient sans relâche. »
— Passage dans la traduction de M. Drège
« Les anciens rois de ce pays envoyèrent dans le royaume du milieu chercher des graines de l’arbre “pei to”. On les planta à côté de la salle de Foĕ. Quand l’arbre fut haut d’environ vingt “tchang”, il pencha du côté du Sud-Est. Le roi, craignant qu’il ne tombât, le fit étayer par huit ou neuf piliers qui formèrent une enceinte en le soutenant. L’arbre, au milieu de la place où il s’appuyait, poussa une branche qui perça un pilier, descendit à terre et prit racine. Sa grandeur est environ de quatre “wei”. Ces piliers, quoiqu’ils soient fendus par le milieu et tout déjetés, ne sont cependant pas enlevés par les hommes. Au-dessous de l’arbre, on a élevé une chapelle dans laquelle est une statue assise. Les religieux de la Raison ont l’habitude de l’honorer sans relâche. »
— Passage dans la traduction d’Abel Rémusat (« “Foĕ kouĕ ki”, ou Relation des royaumes bouddhiques », XIXe siècle)
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- Traduction d’Abel Rémusat (1836) [Source : Bibliothèque nationale de France]
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Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Daisaku Ikeda, « Le Bouddhisme en Chine » (éd. du Rocher, Monaco)
- Paul Lévy, « Les Pèlerins chinois en Inde » dans « Présence du bouddhisme » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque illustrée des histoires, Paris), p. 279-368
- Louis Renou, « L’Inde classique : manuel des études indiennes. Tome II » (éd. Payot, coll. Bibliothèque scientifique, Paris).
- Autrefois traduit « Relation des royaumes bouddhiques ».
- En chinois « 佛國記 ». Autrefois transcrit « Foĕ kouĕ ki », « Foe kue ki », « Fo kouo ki » ou « Fo kuo chi ». Également connu sous le titre de « 法顯傳 » (« Fa xian zhuan »), c’est-à-dire « Biographie de Faxian ». Autrefois transcrit « Fa-hien-tch’ouen », « Fa-hien tchouan » ou « Fa-hsien chuan ».
- En chinois 法顯. Parfois transcrit Fă Hian, Fah-hiyan, Fa-hein, Fa-hien ou Fa-hsien.