Icône Mot-clefrécits personnels

su­jet

Jesuthasan, « Shoba, itinéraire d’un réfugié »

éd. Le Livre de poche, Paris

éd. Le Livre de poche, Pa­ris

Il s’agit de «Shoba, iti­né­raire d’un ré­fu­gié», de M.  1, ac­teur et au­teur d’expression ta­moule et fran­çaise, en­gagé à l’adolescence dans le mou­ve­ment des Tigres ta­mouls, é en . Il na­quit en 1967 au vil­lage d’Allaipiddy 2, tout au Nord du , près de Jaffna. C’était un lieu pai­sible cerné par les ri­zières et les fo­rêts. «Les ga­mins de trois ou quatre ans se pro­me­naient seuls dans la rue; ils ne ris­quaient rien, car tout le se connais­sait et tout le monde sa­vait qui était le fils de qui.» 3 En 1979, notre ga­min com­prit qu’une ci­vile, quelque grand mal­heur cou­vait sous la cendre. La po­lice cin­gha­laise ve­nait d’arrêter deux sé­pa­ra­tistes ta­mouls, de les tor­tu­rer, puis de je­ter leurs ca­davres dé­ca­pi­tés sur le bord de la route. Au ma­tin, M. Je­su­tha­san vit tout le vil­lage y ac­cou­rir. «Aujourd’hui en­core, je me rap­pelle les de ces deux re­belles : In­pam et Sel­vam… J’avais alors douze ans, et mon en­fance s’achevait bru­ta­le­ment.» 4 En 1981, une autre émeute anti-ta­moule éclata. La bi­blio­thèque de Jaffna dont les flèches ma­jes­tueuses étaient vi­sibles de­puis le vil­lage, fut in­cen­diée par la po­lice et les émeu­tiers en re­pré­sailles de l’ de deux po­li­ciers. Le em­porta 95 000 ou­vrages, parmi les­quels des sur feuilles de pal­mier n’existant nulle part ailleurs et per­dus sans re­tour pour l’. «Tout le monde avait . L’atmosphère était très ten­due. Nous étions si près de Jaffna, et la pe­tite bande de qui nous [en] sé­pa­rait sem­blait ré­tré­cir de jour en jour. Et si les émeu­tiers fran­chis­saient le pont?… Les mi­li­taires étaient les pires : cer­tains jours, à Jaffna, ils pas­saient en voi­ture et mi­traillaient la foule au ha­sard.» Puis, il y eut juillet 1983. «Juillet noir». Les Tigres ta­mouls, consti­tués en ré­sis­tance ar­mée, ve­naient de tuer treize mi­li­taires lors d’une at­taque. Tan­dis que les étaient ra­pa­triés, le cin­gha­lais dé­cré­tait le couvre-feu à Co­lombo et dans la pro­vince du Nord, qu’il li­vrait à la vin­dicte po­pu­laire. Du­rant les se­maines sui­vantes, des foules dé­chaî­nées s’en pre­naient aux Ta­mouls, brû­lant leurs , leurs com­merces, leurs voi­tures. Com­bien de vic­times? L’ambassade d’ si­gna­lait 1 500 tués; les es­ti­ma­tions «of­fi­cielles» — 371 tués et 100 000 autres sans abri 5. Et voilà qui acheva de convaincre les in­dé­cis à em­bras­ser la cause des Tigres ta­mouls. M. Je­su­tha­san en fut. Il quitta sa mai­son en pleine , comme un vo­leur, lais­sant seule­ment ces quelques mots d’adieu : «Je vais me battre pour mon ».

  1. En அன்ரனிதாசன் யேசுதாசன். Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Shoba Sak­thi (ஷோபா சக்தி). Icône Haut
  2. En ta­moul அல்லைப்பிட்டி. Icône Haut
  3. «Shoba, iti­né­raire d’un ré­fu­gié», p. 11. Icône Haut
  1. id. p. 27. Icône Haut
  2. «Ré­sumé par le re­qué­rant de la si­tua­tion au Sri Lanka» dans Com­mis­sion eu­ro­péenne des de l’ (Cour eu­ro­péenne des droits de l’homme), «Dé­ci­sions et Rap­ports», vol. 52. Icône Haut

Jesuthasan, « Friday et Friday : nouvelles »

éd. Zulma, Paris

éd. Zulma, Pa­ris

Il s’agit du «Che­va­lier de Kandy» («Kandy Vee­ran» 1) et autres nou­velles de M.  2, ac­teur et au­teur d’expression ta­moule et fran­çaise, en­gagé à l’adolescence dans le mou­ve­ment des Tigres ta­mouls, é en . Il na­quit en 1967 au vil­lage d’Allaipiddy 3, tout au Nord du , près de Jaffna. C’était un lieu pai­sible cerné par les ri­zières et les fo­rêts. «Les ga­mins de trois ou quatre ans se pro­me­naient seuls dans la rue; ils ne ris­quaient rien, car tout le se connais­sait et tout le monde sa­vait qui était le fils de qui.» 4 En 1979, notre ga­min com­prit qu’une ci­vile, quelque grand mal­heur cou­vait sous la cendre. La po­lice cin­gha­laise ve­nait d’arrêter deux sé­pa­ra­tistes ta­mouls, de les tor­tu­rer, puis de je­ter leurs ca­davres dé­ca­pi­tés sur le bord de la route. Au ma­tin, M. Je­su­tha­san vit tout le vil­lage y ac­cou­rir. «Aujourd’hui en­core, je me rap­pelle les de ces deux re­belles : In­pam et Sel­vam… J’avais alors douze ans, et mon en­fance s’achevait bru­ta­le­ment.» 5 En 1981, une autre émeute anti-ta­moule éclata. La bi­blio­thèque de Jaffna dont les flèches ma­jes­tueuses étaient vi­sibles de­puis le vil­lage, fut in­cen­diée par la po­lice et les émeu­tiers en re­pré­sailles de l’ de deux po­li­ciers. Le em­porta 95 000 ou­vrages, parmi les­quels des sur feuilles de pal­mier n’existant nulle part ailleurs et per­dus sans re­tour pour l’. «Tout le monde avait . L’atmosphère était très ten­due. Nous étions si près de Jaffna, et la pe­tite bande de qui nous [en] sé­pa­rait sem­blait ré­tré­cir de jour en jour. Et si les émeu­tiers fran­chis­saient le pont?… Les mi­li­taires étaient les pires : cer­tains jours, à Jaffna, ils pas­saient en voi­ture et mi­traillaient la foule au ha­sard.» Puis, il y eut juillet 1983. «Juillet noir». Les Tigres ta­mouls, consti­tués en ré­sis­tance ar­mée, ve­naient de tuer treize mi­li­taires lors d’une at­taque. Tan­dis que les étaient ra­pa­triés, le cin­gha­lais dé­cré­tait le couvre-feu à Co­lombo et dans la pro­vince du Nord, qu’il li­vrait à la vin­dicte po­pu­laire. Du­rant les se­maines sui­vantes, des foules dé­chaî­nées s’en pre­naient aux Ta­mouls, brû­lant leurs , leurs com­merces, leurs voi­tures. Com­bien de vic­times? L’ambassade d’ si­gna­lait 1 500 tués; les es­ti­ma­tions «of­fi­cielles» — 371 tués et 100 000 autres sans abri 6. Et voilà qui acheva de convaincre les in­dé­cis à em­bras­ser la cause des Tigres ta­mouls. M. Je­su­tha­san en fut. Il quitta sa mai­son en pleine , comme un vo­leur, lais­sant seule­ment ces quelques mots d’adieu : «Je vais me battre pour mon ».

  1. En «கண்டி வீரன்». Par­fois trans­crit «Kandi Vee­ran». Icône Haut
  2. En ta­moul அன்ரனிதாசன் யேசுதாசன். Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Shoba Sak­thi (ஷோபா சக்தி). Icône Haut
  3. En ta­moul அல்லைப்பிட்டி. Icône Haut
  1. «Shoba, iti­né­raire d’un ré­fu­gié», p. 11. Icône Haut
  2. id. p. 27. Icône Haut
  3. «Ré­sumé par le re­qué­rant de la si­tua­tion au Sri Lanka» dans Com­mis­sion eu­ro­péenne des de l’ (Cour eu­ro­péenne des droits de l’homme), «Dé­ci­sions et Rap­ports», vol. 52. Icône Haut

Jesuthasan, « La Sterne rouge : roman »

éd. Zulma, Paris

éd. Zulma, Pa­ris

Il s’agit de «La Sterne rouge» («Ichaa» 1), de M.  2, ac­teur et au­teur d’expression ta­moule et fran­çaise, en­gagé à l’adolescence dans le mou­ve­ment des Tigres ta­mouls, é en . Il na­quit en 1967 au vil­lage d’Allaipiddy 3, tout au Nord du , près de Jaffna. C’était un lieu pai­sible cerné par les ri­zières et les fo­rêts. «Les ga­mins de trois ou quatre ans se pro­me­naient seuls dans la rue; ils ne ris­quaient rien, car tout le se connais­sait et tout le monde sa­vait qui était le fils de qui.» 4 En 1979, notre ga­min com­prit qu’une ci­vile, quelque grand mal­heur cou­vait sous la cendre. La po­lice cin­gha­laise ve­nait d’arrêter deux sé­pa­ra­tistes ta­mouls, de les tor­tu­rer, puis de je­ter leurs ca­davres dé­ca­pi­tés sur le bord de la route. Au ma­tin, M. Je­su­tha­san vit tout le vil­lage y ac­cou­rir. «Aujourd’hui en­core, je me rap­pelle les de ces deux re­belles : In­pam et Sel­vam… J’avais alors douze ans, et mon en­fance s’achevait bru­ta­le­ment.» 5 En 1981, une autre émeute anti-ta­moule éclata. La bi­blio­thèque de Jaffna dont les flèches ma­jes­tueuses étaient vi­sibles de­puis le vil­lage, fut in­cen­diée par la po­lice et les émeu­tiers en re­pré­sailles de l’ de deux po­li­ciers. Le em­porta 95 000 ou­vrages, parmi les­quels des sur feuilles de pal­mier n’existant nulle part ailleurs et per­dus sans re­tour pour l’. «Tout le monde avait . L’atmosphère était très ten­due. Nous étions si près de Jaffna, et la pe­tite bande de qui nous [en] sé­pa­rait sem­blait ré­tré­cir de jour en jour. Et si les émeu­tiers fran­chis­saient le pont?… Les mi­li­taires étaient les pires : cer­tains jours, à Jaffna, ils pas­saient en voi­ture et mi­traillaient la foule au ha­sard.» Puis, il y eut juillet 1983. «Juillet noir». Les Tigres ta­mouls, consti­tués en ré­sis­tance ar­mée, ve­naient de tuer treize mi­li­taires lors d’une at­taque. Tan­dis que les étaient ra­pa­triés, le cin­gha­lais dé­cré­tait le couvre-feu à Co­lombo et dans la pro­vince du Nord, qu’il li­vrait à la vin­dicte po­pu­laire. Du­rant les se­maines sui­vantes, des foules dé­chaî­nées s’en pre­naient aux Ta­mouls, brû­lant leurs , leurs com­merces, leurs voi­tures. Com­bien de vic­times? L’ambassade d’ si­gna­lait 1 500 tués; les es­ti­ma­tions «of­fi­cielles» — 371 tués et 100 000 autres sans abri 6. Et voilà qui acheva de convaincre les in­dé­cis à em­bras­ser la cause des Tigres ta­mouls. M. Je­su­tha­san en fut. Il quitta sa mai­son en pleine , comme un vo­leur, lais­sant seule­ment ces quelques mots d’adieu : «Je vais me battre pour mon ».

  1. En «இச்சா». Icône Haut
  2. En ta­moul அன்ரனிதாசன் யேசுதாசன். Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Shoba Sak­thi (ஷோபா சக்தி). Icône Haut
  3. En ta­moul அல்லைப்பிட்டி. Icône Haut
  1. «Shoba, iti­né­raire d’un ré­fu­gié», p. 11. Icône Haut
  2. id. p. 27. Icône Haut
  3. «Ré­sumé par le re­qué­rant de la si­tua­tion au Sri Lanka» dans Com­mis­sion eu­ro­péenne des de l’ (Cour eu­ro­péenne des droits de l’homme), «Dé­ci­sions et Rap­ports», vol. 52. Icône Haut

Der Alexanian, « Des choses à vivre, une histoire française : roman »

éd. Edilivre, Paris

éd. Edi­livre, Pa­ris

Il s’agit de «Des choses à vivre, une fran­çaise», de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’histoire turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « Il s’est écoulé un siècle : roman »

éd. L’Harmattan, Paris

éd. L’Harmattan, Pa­ris

Il s’agit d’«Il s’est écoulé un siècle», de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « Arménie, Arménies. [Tome III.] Un Nom pour héritage (1987-2000) »

éd. L’Harmattan, Paris-Montréal-Budapest-Turin

éd. L’Harmattan, Pa­ris-Mont­réal-Bu­da­pest-Tu­rin

Il s’agit d’«Ar­mé­nie, Ar­mé­nies», d’après le ca­hier de son père de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « Arménie, Arménies. Tome II. Les Héritiers du pays oublié (1922-1987) »

éd. R. Laffont, Paris

éd. R. Laf­font, Pa­ris

Il s’agit d’«Ar­mé­nie, Ar­mé­nies», d’après le ca­hier de son père de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

Der Alexanian, « [Arménie, Arménies.] Tome I. Le ciel était noir sur l’Euphrate »

éd. R. Laffont, Paris

éd. R. Laf­font, Pa­ris

Il s’agit d’«Ar­mé­nie, Ar­mé­nies», d’après le ca­hier de son père de M.  1. Je­tés hors de leur pays, les pa­rents de M. Der Alexa­nian avaient été ac­cueillis en et y avaient re­fait leur . Comme tous ceux de leur gé­né­ra­tion, ils ne vi­vaient pas to­ta­le­ment heu­reux, et pas tristes non plus, avec quelque chose en eux qui res­tait in­con­so­lable. Le de leur pa­trie n’avait cessé de les pour­suivre. Là où ils si­tuaient le pa­ra­dis ter­restre; là où se dres­saient ja­dis les ma­gni­fiques de la chré­tienté; dans cette contrée que les dé­pêches ap­pe­laient l’Anatolie orien­tale, et qui était l’Arménie, il n’y avait plus au­cun . Ses avaient été dé­bap­ti­sés, ses éty­mo­lo­gies tra­hies, ses gens tués ou dé­por­tés, ses mo­nas­tères per­ver­tis en et ne te­nant en­core de­bout que pour rap­pe­ler cette page hon­teuse et san­glante au livre de l’ turque. Il ne se pas­sait pas de se­maine à la mai­son Der Alexa­nian sans vi­site de pa­rents ou de voi­sins ar­mé­niens pour ra­con­ter les drames aux­quels ils avaient été mê­lés. M. Der Alexa­nian de­meu­rait, no­tam­ment, frappé par l’une des proches amies de ses pa­rents. Par des al­lu­sions, par des demi-mots, cette femme en ap­pa­rence si calme lais­sait en­tendre qu’elle avait dû su­bir, toute jeune fille, les pires atro­ci­tés. Dé­pouillée de tous ses , bat­tue, vio­len­tée par les Turcs, elle avait été lais­sée pour morte. Par quel mi­racle avait-elle sur­vécu? Tou­jours est-il qu’elle avait erré des se­maines, des mois du­rant à tra­vers des sau­vages, vi­vant d’herbes, de ra­cines et de baies. Les pa­rents de M. Der Alexa­nian, Ga­za­ros 2 et Ne­varte, eux, par­laient peu; ou ils par­laient seule­ment de la France et de tout le que leur ins­pi­rait cette se­conde pa­trie, di­sant quel­que­fois, avec M. Charles Az­na­vour : «La France c’est mon pays, l’Arménie c’est ma » 3.

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de M. Jacques Alexan. Icône Haut
  2. On ren­contre aussi les gra­phies Ga­zar et Gha­za­ros. Icône Haut
  1. Dans Aïda Az­na­vour-Gar­va­rentz, «Pe­tit frère; avec le concours de De­nys de La Pa­tel­lière» (éd. élec­tro­nique). Icône Haut

l’amiral Tchitchagov, « Mémoires »

éd. Plon-Nourrit et Cie-Socec, Paris-Bucarest

éd. Plon-Nour­rit et Cie-So­cec, Pa­ris-Bu­ca­rest

Il s’agit de la re­cen­sion β des «Mé­moires [en fran­çaise]» de l’amiral Pa­vel Vas­si­lié­vitch Tchit­cha­gov 1, dit Paul Tchit­cha­gov, sur qui tom­bèrent les re­proches des Russes d’avoir laissé s’échapper Na­po­léon à la Bé­ré­zina. Il na­quit en 1767. Fils d’une mère saxonne et d’un ami­ral (comme lui), il sé­journa en An­gle­terre du­rant sa et à Pa­ris alors qu’il était mi­nistre de la Ma­rine; il y res­pira l’air des . Il était «pas­sionné ri­di­cu­le­ment pour les » (Lan­ge­ron); «le buste de Bo­na­parte était sur son bu­reau» (le comte de Maistre); et à ses yeux, l’armée du Da­nube et la flotte de la Noire qu’il com­man­dait de­vaient être di­ri­gées, par et par mer, contre un en­nemi : les Turcs. Que de fois il avait rêvé de mar­cher sur et de faire re­naître un Em­pire or­tho­doxe, en ex­ci­tant les Grecs et les Slaves à se­couer le joug mu­sul­man qui leur était in­sup­por­table. Même au mo­ment où Na­po­léon se pré­ci­pi­tait sur la , et que celle-ci si­gnait un non moins pré­ci­pité avec les Turcs, l’amiral Tchit­cha­gov s’obstinait à ré­pé­ter, à qui vou­lait l’entendre, qu’il se croyait sûr du de cette marche sur Constan­ti­nople qui lui pa­rais­sait «si vaste et si utile» 2 et qui eût changé les des­tins du . «Une en­tre­prise de l’importance de celle de se por­ter sur Constan­ti­nople, qui [ren­drait pro­bable] la fon­da­tion d’un nou­vel Em­pire», écri­vait-il à l’Empereur de Rus­sie avec qui il était constam­ment en rap­port 3, «en frap­pant les des al­liés de Na­po­léon qui n’ont d’autre sys­tème que ce­lui [où les] en­traîne sa vo­lonté, pour­rait pro­duire une es­pèce de sus­pen­sion de leurs mou­ve­ments. Je [suis], d’ailleurs, si près de l’exécution de ce plan que dans huit jours j’aurais passé le Da­nube à la sur­prise des , et je me se­rais déjà trouvé près des Bal­kans avant que le di­van de Bu­ca­rest en eût été ins­truit, et je me se­rais pro­ba­ble­ment trouvé aux portes de Constan­ti­nople avant que la de mon dé­part fût par­ve­nue, soit à la Cour d’Autriche soit à la connais­sance de Na­po­léon». Ce­pen­dant, l’Empereur de Rus­sie était d’avis que l’affaire de Constan­ti­nople pour­rait être en­vi­sa­gée plus tard. Le centre au­tour du­quel gra­vi­taient ses pré­oc­cu­pa­tions était Na­po­léon. Ou­blieux des Serbes, qu’il avait pour­tant en­cou­ra­gés à l’insurrection, et qui furent les pre­mières vic­times du traité de Bu­ca­rest, il rap­pela l’armée de l’amiral vers le Nord et la des­tina à por­ter un coup de grâce à celle de Na­po­léon sur la Bé­ré­zina. C’était là la grande case au jeu d’échecs où les Fran­çais de­vaient mettre le pied s’ils étaient obli­gés de re­cu­ler, et c’était là où les Russes les em­bus­que­raient.

  1. En russe Павел Васильевич Чичагов. Au­tre­fois trans­crit Tchi­cha­gov, Tchi­cha­gof, Tchit­cha­goff, Tchit­cha­gof, Chi­cha­gov, Čiča­kov, Tchit­cha­gow, Tchit­scha­kof, Tchit­scha­koff, Chi­cha­gof, Tchi­cha­goff, Tchit­scha­goff, Tschit­scha­goff, Tchit­scha­kow, Tschit­scha­kof, Tchit­scha­kov, Tchi­cha­koff, Čiča­gov, Tschit­scha­gov, Tchi­cha­kov, Tchit­cha­kov, Tchi­cha­kof, Tchi­cha­gow ou Chi­cha­goff. Icône Haut
  2. Re­cen­sion β, p. 406. Icône Haut
  1. id. p. 405. Icône Haut

l’amiral Tchitchagov, « Mémoires »

éd. Infolio, coll. Microméga, Gollion

éd. In­fo­lio, coll. Mi­cro­méga, Gol­lion

Il s’agit de la re­cen­sion α des «Mé­moires [en fran­çaise]» de l’amiral Pa­vel Vas­si­lié­vitch Tchit­cha­gov 1, dit Paul Tchit­cha­gov, sur qui tom­bèrent les re­proches des Russes d’avoir laissé s’échapper Na­po­léon à la Bé­ré­zina. Il na­quit en 1767. Fils d’une mère saxonne et d’un ami­ral (comme lui), il sé­journa en An­gle­terre du­rant sa et à Pa­ris alors qu’il était mi­nistre de la Ma­rine; il y res­pira l’air des . Il était «pas­sionné ri­di­cu­le­ment pour les » (Lan­ge­ron); «le buste de Bo­na­parte était sur son bu­reau» (le comte de Maistre); et à ses yeux, l’armée du Da­nube et la flotte de la Noire qu’il com­man­dait de­vaient être di­ri­gées, par et par mer, contre un en­nemi : les Turcs. Que de fois il avait rêvé de mar­cher sur et de faire re­naître un Em­pire or­tho­doxe, en ex­ci­tant les Grecs et les Slaves à se­couer le joug mu­sul­man qui leur était in­sup­por­table. Même au mo­ment où Na­po­léon se pré­ci­pi­tait sur la , et que celle-ci si­gnait un non moins pré­ci­pité avec les Turcs, l’amiral Tchit­cha­gov s’obstinait à ré­pé­ter, à qui vou­lait l’entendre, qu’il se croyait sûr du de cette marche sur Constan­ti­nople qui lui pa­rais­sait «si vaste et si utile» 2 et qui eût changé les des­tins du . «Une en­tre­prise de l’importance de celle de se por­ter sur Constan­ti­nople, qui [ren­drait pro­bable] la fon­da­tion d’un nou­vel Em­pire», écri­vait-il à l’Empereur de Rus­sie avec qui il était constam­ment en rap­port 3, «en frap­pant les des al­liés de Na­po­léon qui n’ont d’autre sys­tème que ce­lui [où les] en­traîne sa vo­lonté, pour­rait pro­duire une es­pèce de sus­pen­sion de leurs mou­ve­ments. Je [suis], d’ailleurs, si près de l’exécution de ce plan que dans huit jours j’aurais passé le Da­nube à la sur­prise des , et je me se­rais déjà trouvé près des Bal­kans avant que le di­van de Bu­ca­rest en eût été ins­truit, et je me se­rais pro­ba­ble­ment trouvé aux portes de Constan­ti­nople avant que la de mon dé­part fût par­ve­nue, soit à la Cour d’Autriche soit à la connais­sance de Na­po­léon». Ce­pen­dant, l’Empereur de Rus­sie était d’avis que l’affaire de Constan­ti­nople pour­rait être en­vi­sa­gée plus tard. Le centre au­tour du­quel gra­vi­taient ses pré­oc­cu­pa­tions était Na­po­léon. Ou­blieux des Serbes, qu’il avait pour­tant en­cou­ra­gés à l’insurrection, et qui furent les pre­mières vic­times du traité de Bu­ca­rest, il rap­pela l’armée de l’amiral vers le Nord et la des­tina à por­ter un coup de grâce à celle de Na­po­léon sur la Bé­ré­zina. C’était là la grande case au jeu d’échecs où les Fran­çais de­vaient mettre le pied s’ils étaient obli­gés de re­cu­ler, et c’était là où les Russes les em­bus­que­raient.

  1. En russe Павел Васильевич Чичагов. Au­tre­fois trans­crit Tchi­cha­gov, Tchi­cha­gof, Tchit­cha­goff, Tchit­cha­gof, Chi­cha­gov, Čiča­kov, Tchit­cha­gow, Tchit­scha­kof, Tchit­scha­koff, Chi­cha­gof, Tchi­cha­goff, Tchit­scha­goff, Tschit­scha­goff, Tchit­scha­kow, Tschit­scha­kof, Tchit­scha­kov, Tchi­cha­koff, Čiča­gov, Tschit­scha­gov, Tchi­cha­kov, Tchit­cha­kov, Tchi­cha­kof, Tchi­cha­gow ou Chi­cha­goff. Icône Haut
  2. Re­cen­sion β, p. 406. Icône Haut
  1. id. p. 405. Icône Haut

le lieutenant Sakurai, « “Niku-dan”, Mitraille humaine : récit du siège de Port-Arthur »

éd. A. Challamel, Paris

éd. A. Chal­la­mel, Pa­ris

Il s’agit de «Mi­traille hu­maine» 1Niku-dan» 2), ré­cit d’un réa­lisme fa­rouche, pu­blié en 1906 par le lieu­te­nant Ta­dayo­shi Sa­ku­rai 3. Parmi les té­moi­gnages sur la russo-ja­po­naise qui nous disent le mieux l’esprit des com­bat­tants , on compte le livre d’un jeune of­fi­cier de l’armée de , Sa­ku­rai, qui prit part à la cam­pagne contre Port-Ar­thur et eut la main droite cas­sée au poi­gnet, le bras gauche percé d’une balle et la jambe droite broyée d’un éclat d’obus. Tombé après plu­sieurs actes hé­roïques, on le crut . Il re­vint à lui alors qu’on était sur le point de brû­ler son af­freu­se­ment mu­tilé, et que déjà la fa­tale de son dé­cès avait été an­non­cée à sa . Deux ans plus tard, il em­ployait ses longs loi­sirs de conva­les­cence à écrire de la main gauche — la seule épar­gnée par les pro­jec­tiles — toutes ses im­pres­sions vé­cues de ba­taille et celles de la mul­ti­tude de ses com­pa­gnons d’ dont les ca­davres s’étaient mê­lés aux terres mornes et lu­gubres de la Mand­chou­rie. Notre jeune lieu­te­nant, in­connu jusqu’alors, eut le pri­vi­lège d’une au­dience spé­ciale pour y re­ce­voir les fé­li­ci­ta­tions de l’Empereur. Son té­moi­gnage fut tra­duit dans vingt langues. Il ne contient ni d’ensemble, ni vues po­li­tiques, ni sys­tème. L’, as­sez borné, est à taille d’ et à hau­teur de fu­sil. Mais on voit s’y épa­nouir comme une fleur de ce­ri­sier l’ des nip­pons, leur in­tense , leur culte in­ébran­lable de l’, de l’, du sens du de­voir. À quels ter­ribles som­mets le im­pé­rial avait porté les de ce culte — pous­sées jusqu’au or­gueilleux du , jusqu’au mé­pris per­ma­nent de la mort — le lieu­te­nant Ta­dayo­shi le montre. Avec de pa­reils sol­dats, il était bien per­mis de par­ler de «bou­lets hu­mains», de «mi­traille hu­maine», sur­tout quand c’était un Nogi qui en dis­po­sait. On connaît le mot de ce gé­né­ral nip­pon : «La vic­toire est à ce­lui qui sait souf­frir un quart d’heure de plus que l’ennemi».

  1. Au­tre­fois tra­duit «Bou­lets hu­mains», «Pro­jec­tiles hu­mains», «Bombe hu­maine», «Pro­jec­tile de chair» ou «Chair à ca­non». Icône Haut
  2. En ja­po­nais «肉弾». Au­tre­fois trans­crit «Ni­kou­dan». Icône Haut
  1. En ja­po­nais 櫻井忠温. Au­tre­fois trans­crit Ta­deyo­shi Sa­ku­rai ou Tada-Yo­shi Sa­kou­raï. On ren­contre aussi la gra­phie 桜井忠温. Icône Haut

Pamuk, « Les Nuits de la peste : roman »

éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Du en­tier, Pa­ris

Il s’agit du «Les Nuits de la » («Veba Ge­ce­leri») de M. , écri­vain pour le­quel le centre du monde est Is­tan­bul, non seule­ment parce qu’il y a passé toute sa , mais aussi parce que toute sa vie il en a ra­conté les re­coins les plus in­times. En 1850, Gus­tave Flau­bert, en ar­ri­vant à Is­tan­bul, frappé par la gi­gan­tesque bi­gar­rure de cette ville, par le cô­toie­ment de «tant d’individualités sé­pa­rées, dont l’addition for­mi­dable apla­tit la vôtre», avait écrit que de­vien­drait «plus tard la ca­pi­tale de la » 1. Cette naïve pré n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de dis­pa­raître, et la ca­pi­tale de perdre son nom de Constan­ti­nople, vi­dée de ses Grecs, ses Ar­mé­niens, ses Juifs. À la nais­sance de M. Pa­muk, tout juste un siècle après le sé­jour de Flau­bert, Is­tan­bul, en tant que ville mon­diale, n’était plus qu’une ombre cré­pus­cu­laire et vi­vait les jours les plus faibles, les moins glo­rieux de ses deux mille ans d’. La douce tris­tesse de ses rues fa­nées et flé­tries, de son passé tombé en dis­grâce per­çait de toute part; elle avait une pré­sence vi­sible dans le et chez les gens; elle re­cou­vrait tel un brouillard «les vieilles fon­taines bri­sées ici et là, ta­ries de­puis des an­nées, les bou­tiques de bric et de broc ap­pa­rues… aux abords im­mé­diats des vieilles mos­quées…, les trot­toirs sales, tout tor­dus et dé­fon­cés…, les vieux ci­me­tières égre­nés sur les hau­teurs…, les lam­pa­daires fa­lots», dit M. Pa­muk 2. Parce que cette tris­tesse était cau­sée par le fait d’être des re­je­tons d’un an­cien Em­pire, les Stam­bou­liotes pré­fé­raient faire table rase du passé. Ils ar­ra­chaient des pierres aux mu­railles et aux vé­né­rables édi­fices afin de s’en ser­vir pour leurs propres construc­tions. Dé­truire, brû­ler, éri­ger à la place un im­meuble oc­ci­den­tal et mo­derne était leur ma­nière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour ef­fa­cer le dou­lou­reux d’une an­cienne maî­tresse, se dé­bar­rasse en hâte des , des bi­joux, des et des meubles. Au bout du compte, ce trai­te­ment de choc et ces des­truc­tions par le ne fai­saient qu’accroître le sen­ti­ment de tris­tesse, en lui ajou­tant le ton du déses­poir et de la mi­sère. «L’effort d’occidentalisation», dit M. Pa­muk 3, «ou­vrit la voie… à la trans­for­ma­tion des in­té­rieurs do­mes­tiques en mu­sées d’une ja­mais vé­cue. Des an­nées après, j’ai éprouvé toute cette in­con­gruité… Ce sen­ti­ment de tris­tesse, en­foui dé­fi­ni­ti­ve­ment dans les tré­fonds de la ville, me fit prendre de la né­ces­sité de construire mon propre ima­gi­naire, si je ne vou­lais pas être pri­son­nier…» Un soir, après avoir poussé la porte de la mai­son fa­mi­liale, fran­chi le seuil et lon­gue­ment mar­ché dans ces rues qui lui ap­por­taient et ré­con­fort, M. Pa­muk ren­tra au mi­lieu de la et s’assit à sa table pour res­ti­tuer quelque chose de leur at­mo­sphère et de leur . Le len­de­main, il an­nonça à sa qu’il se­rait écri­vain.

  1. «Lettre à Louis Bouil­het du 14.XI.1850». Icône Haut
  2. «Is­tan­bul», p. 68-69. Icône Haut
  1. id. p. 54-55. Icône Haut

« Le Voyage de Lapérouse (1785-1788). Tome II. [Journal de Lapérouse] »

éd. Imprimerie nationale, coll. Voyages et Découvertes, Paris

éd. Im­pri­me­rie na­tio­nale, coll. et Dé­cou­vertes, Pa­ris

Il s’agit de la grande ex­pé­di­tion confiée à La Pé­rouse 1. En 1783, Louis XVI vou­lut voir la prendre toute sa place dans l’achèvement de la re­con­nais­sance du globe, ja­loux des ac­quis sur ce ter­rain par sa per­pé­tuelle ri­vale — l’Angleterre. Il choi­sit pour ce but une ex­pé­ri­men­tée qui, en­dur­cie par le genre de dif­fi­cile des , la ren­drait ca­pable de me­ner avec suc­cès une ex­pé­di­tion ras­sem­blant en un seul les trois voyages de Cook. Cette âme, c’était  2. Les ins­truc­tions pour ce voyage, que La Pé­rouse était au­to­risé à mo­di­fier s’il le ju­geait conve­nable, furent dic­tées par Louis XVI lui-même et mises au propre par Charles- Cla­ret, comte de Fleu­rieu, fu­tur mi­nistre de la Ma­rine et des . Elles sont ées comme un mo­dèle de ce genre. Je ne peux m’empêcher d’en ci­ter quelques lignes qui ne ca­rac­té­risent pas moins le plan du roi que la lar­geur de ses sur l’action que la France est ap­pe­lée à exer­cer à l’étranger : «Le sieur de La Pé­rouse», dit le « du roi», «dans toutes les oc­ca­sions en usera avec beau­coup de dou­ceur et d’ en­vers les dif­fé­rents peuples qu’il vi­si­tera dans le cours de son voyage. Il s’occupera avec zèle et in­té­rêt de tous les moyens qui peuvent amé­lio­rer leur condi­tion, en pro­cu­rant à leur pays les… utiles d’, en leur en­sei­gnant la ma­nière de les se­mer et de les culti­ver… Si des cir­cons­tances im­pé­rieuses, qu’il est de la de pré­voir… obli­geaient ja­mais le sieur de La Pé­rouse à faire usage de la su­pé­rio­rité de ses sur celles des peuples sau­vages… il n’userait de sa force qu’avec la plus grande mo­dé­ra­tion… Sa Ma­jesté re­gar­de­rait comme un des suc­cès les plus heu­reux de l’expédition qu’elle pût être ter­mi­née sans qu’il en eût coûté la vie à un seul ». On pré­para la Bous­sole et l’Astrolabe; les deux bien­tôt, ten­dant leurs cor­dages, dé­ployèrent leur voi­lure au mi­lieu des cris et des adieux mê­lés aux chants joyeux des ma­te­lots. On plaça à bord une re­pré­sen­tant la de Cook. Et la vue de cette avi­vait l’ardeur de ces har­dis ma­rins, qui di­saient sou­vent : «Voici la mort que doivent en­vier les gens de notre mé­tier!» hommes, ils ne croyaient pas si bien dire.

  1. On ren­contre aussi la gra­phie La­pey­rouse. Icône Haut
  1. Le roi avait lu son rap­port sur la cam­pagne de la baie d’Hudson avec in­té­rêt et dans la co­pie ori­gi­nale : «on pé­nètre mieux la d’un au­teur sur son ma­nus­crit que sur une trans­crip­tion» (le ca­pi­taine de Bros­sard, «Ren­dez-vous avec La­pé­rouse à Va­ni­koro»). Icône Haut