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« Entrevue de Napoléon Iᵉʳ et de Gœthe »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de l’entrevue d’Erfurt, le 2 oc­tobre 1808, entre Na­po­léon et Gœthe. On dit qu’il y a entre les grands hommes comme une af­fi­nité mys­té­rieuse et sa­crée : ils échangent des re­gards d’, «des ré­ponses sym­pa­thiques, des lueurs d’ à âme» (Bal­zac), ils se com­prennent, ils s’admirent. L’entrevue d’Erfurt, c’est jus­te­ment cette ren­contre de deux grands hommes qui, par delà la di­ver­sité de leurs do­maines, ont senti la d’esprit qui les rap­pro­chait, la force res­pec­tive de leur « fas­ci­na­teur» (Stre­se­mann), leur «réa­lisme au­da­cieux» (Nietzsche) qui les éle­vait, sans ef­fort, à une place unique et sou­ve­raine au sein de leur siècle. Dans «Le Cré­pus­cule des idoles», Nietzsche dit : «Dans la de Gœthe, il n’y eut pas de plus grand évé­ne­ment que cet “ens rea­lis­si­mum” 1 nommé Na­po­léon». Et plus loin : «Le cœur de Gœthe s’est ou­vert de­vant le phé­no­mène Na­po­léon; il s’est re­fermé de­vant les guerres d’indépendance». Et en ef­fet, Gœthe res­tera jusqu’à son der­nier souffle sous le charme de l’entrevue d’Erfurt, qui est «cer­tai­ne­ment son plus grand et le dia­mant de son » (Va­léry). Il n’oubliera ja­mais que l’Empereur l’avait re­tenu pen­dant une heure, à une époque où les rois du sol­li­ci­taient comme une fa­veur quelques mi­nutes d’audience; qu’il lui avait re­mis, de sur­croît, la croix de la Lé­gion d’, si ho­no­rée et si re­cher­chée dans toute l’. «La co­quet­te­rie est es­sen­tielle à un tel en­tre­tien… Na­po­léon se fait Em­pe­reur de l’esprit et même des lettres. Gœthe se sent ici fi­gu­rer l’esprit même» (Va­léry). Quand il re­çut Gœthe, Na­po­léon était as­sis à une grande table ronde, en train de dé­jeu­ner, tan­dis que Tal­ley­rand et le comte Daru se te­naient de­bout der­rière lui. Ils furent bien­tôt re­joints par les ma­ré­chaux Ber­thier et Soult. L’Empereur amena la conver­sa­tion sur «Wer­ther», qu’il por­tait dans sa gi­berne en , di­sant : «J’ai lu sept fois votre “Wer­ther” et tou­jours avec un nou­veau charme». Et il fit une ana­lyse aussi exacte que pro­fonde de l’ouvrage. Gœthe à son tour com­mença à dé­ve­lop­per ses idées sur toutes les ques­tions qui lui étaient po­sées. Na­po­léon l’écouta d’un air mé­di­ta­tif, la tête pen­chée sur sa poi­trine. Tout à coup, il se leva, prit la main du poète et s’écria : «Vous êtes un , conti­nuez!» Et par une es­pèce de ma­nœuvre, il sé­para le poète des autres fi­gu­rants, aux­quels il tourna le dos, et pour­sui­vit l’entrevue à demi-. Après chaque ré­flexion, il ajou­tait : «Qu’en dit M. Gœthe?» Et quand le poète eut pris congé, on en­ten­dit l’Empereur ré­pé­ter à son en­tou­rage ce mot si re­mar­quable : «Voilà un homme!»

  1. «L’être le plus réel» et le plus réa­liste, la quin­tes­sence même de l’ su­pé­rieure, se­lon Nietzsche. Icône Haut

« La Rencontre de Gœthe avec Napoléon »

dans « Dans un jardin du monde : l’Europe selon Gœthe » (éd. M. Sell-Calmann-Lévy, coll. Petite Bibliothèque européenne du XIXᵉ siècle, Paris), p. 86-100

dans «Dans un jar­din du  : l’ se­lon Gœthe» (éd. M. Sell-Cal­mann-Lévy, coll. Pe­tite Bi­blio­thèque eu­ro­péenne du XIXe siècle, Pa­ris), p. 86-100

Il s’agit de l’entrevue d’Erfurt, le 2 oc­tobre 1808, entre Na­po­léon et Gœthe. On dit qu’il y a entre les grands hommes comme une af­fi­nité mys­té­rieuse et sa­crée : ils échangent des re­gards d’, «des ré­ponses sym­pa­thiques, des lueurs d’ à âme» (Bal­zac), ils se com­prennent, ils s’admirent. L’entrevue d’Erfurt, c’est jus­te­ment cette ren­contre de deux grands hommes qui, par delà la di­ver­sité de leurs do­maines, ont senti la d’esprit qui les rap­pro­chait, la force res­pec­tive de leur « fas­ci­na­teur» (Stre­se­mann), leur «réa­lisme au­da­cieux» (Nietzsche) qui les éle­vait, sans ef­fort, à une place unique et sou­ve­raine au sein de leur siècle. Dans «Le Cré­pus­cule des idoles», Nietzsche dit : «Dans la de Gœthe, il n’y eut pas de plus grand évé­ne­ment que cet “ens rea­lis­si­mum” 1 nommé Na­po­léon». Et plus loin : «Le cœur de Gœthe s’est ou­vert de­vant le phé­no­mène Na­po­léon; il s’est re­fermé de­vant les guerres d’indépendance». Et en ef­fet, Gœthe res­tera jusqu’à son der­nier souffle sous le charme de l’entrevue d’Erfurt, qui est «cer­tai­ne­ment son plus grand et le dia­mant de son » (Va­léry). Il n’oubliera ja­mais que l’Empereur l’avait re­tenu pen­dant une heure, à une époque où les rois du monde sol­li­ci­taient comme une fa­veur quelques mi­nutes d’audience; qu’il lui avait re­mis, de sur­croît, la croix de la Lé­gion d’, si ho­no­rée et si re­cher­chée dans toute l’Europe. «La co­quet­te­rie est es­sen­tielle à un tel en­tre­tien… Na­po­léon se fait Em­pe­reur de l’esprit et même des lettres. Gœthe se sent ici fi­gu­rer l’esprit même» (Va­léry). Quand il re­çut Gœthe, Na­po­léon était as­sis à une grande table ronde, en train de dé­jeu­ner, tan­dis que Tal­ley­rand et le comte Daru se te­naient de­bout der­rière lui. Ils furent bien­tôt re­joints par les ma­ré­chaux Ber­thier et Soult. L’Empereur amena la conver­sa­tion sur «Wer­ther», qu’il por­tait dans sa gi­berne en , di­sant : «J’ai lu sept fois votre “Wer­ther” et tou­jours avec un nou­veau charme». Et il fit une ana­lyse aussi exacte que pro­fonde de l’ouvrage. Gœthe à son tour com­mença à dé­ve­lop­per ses idées sur toutes les ques­tions qui lui étaient po­sées. Na­po­léon l’écouta d’un air mé­di­ta­tif, la tête pen­chée sur sa poi­trine. Tout à coup, il se leva, prit la main du poète et s’écria : «Vous êtes un , conti­nuez!» Et par une es­pèce de ma­nœuvre, il sé­para le poète des autres fi­gu­rants, aux­quels il tourna le dos, et pour­sui­vit l’entrevue à demi-. Après chaque ré­flexion, il ajou­tait : «Qu’en dit M. Gœthe?» Et quand le poète eut pris congé, on en­ten­dit l’Empereur ré­pé­ter à son en­tou­rage ce mot si re­mar­quable : «Voilà un homme!»

  1. «L’être le plus réel» et le plus réa­liste, la quin­tes­sence même de l’ su­pé­rieure, se­lon Nietzsche. Icône Haut

« Susanne-Catherine de Klettenberg et les “Confessions d’une belle âme” »

dans « Le Chrétien évangélique », vol. 23, p. 21-33 & 75-88 & 119-134 & 223-229

dans «Le Chré­tien évan­gé­lique», vol. 23, p. 21-33 & 75-88 & 119-134 & 223-229

Il s’agit du poème «Re­gards je­tés dans l’éternité» («Blicke der Ewig­keit») et autres de Su­sanna von Klet­ten­berg, dite Su­sanne de Klet­ten­berg 1 (XVIIIe siècle), al­le­mande, pié­tiste et oc­cul­tiste, exal­tée s’adonnant à l’, amie de la mère de Gœthe. Les deux fa­milles, Gœthe et Klet­ten­berg, étaient ap­pa­ren­tées. Se­lon toute ap­pa­rence, Su­sanne de Klet­ten­berg connut dès son plus jeune âge l’enfant pré­coce qui de­vait, un jour, sub­ju­guer l’ et le en­tier; se­lon toute ap­pa­rence aussi, Gœthe dut à cette noble re­li­gieuse beau­coup des im­pres­sions qui en­tou­rèrent son en­fance et sa . Elle se trouve mê­lée, de ma­nière très in­time, à tout son et in­tel­lec­tuel. Écou­tons la que l’immense poète a lais­sée d’elle dans ses mé­moires : «Elle était», dit-il 2, «d’une taille svelte, de gran­deur moyenne… Sa mise très soi­gnée rap­pe­lait le des sœurs her­nutes 3. La et le re­pos de l’âme ne la quit­taient ja­mais. Elle consi­dé­rait sa ma­la­die comme un élé­ment né­ces­saire de sa pas­sa­gère ter­restre; elle souf­frait avec la plus grande pa­tience, et dans les in­ter­valles, elle était vive et cau­sante». Su­sanne de Klet­ten­berg ap­par­te­nait par sa nais­sance au monde le plus dis­tin­gué de Franc­fort; mais elle s’en était éloi­gnée de bonne heure. Sa faible, son re­le­vée, la vi­va­cité et l’originalité de son es­prit, son pen­chant pour le sur­na­tu­rel l’avaient pous­sée au mys­ti­cisme chré­tien; aux de l’ aussi : c’était le où le comte de Ca­glios­tro sé­dui­sait toutes les ima­gi­na­tions. Elle écri­vait en 1769 : «Le Sei­gneur n’est pas in­ac­tif dans notre ville, non plus; Il souffle de mille fa­çons sur les pe­tites étin­celles et les ral­lume… Il n’a cesse jusqu’à ce qu’Il ait trouvé la der­nière de Ses bre­bis» 4. Le fils de son amie al­lait de­ve­nir pour elle cette «bre­bis» éga­rée. Aux en­vi­rons de sa ving­tième an­née, Gœthe était un étu­diant tour­menté, désem­paré, «en quelque sorte comme un nau­fragé» («als ein Schiff­brü­chi­ger»), qui sem­blait «plus souf­frir en­core de l’âme que du » 5. Elle trouva en ce jeune que la avait déçu tout ce qu’elle de­man­dait : une jeune et im­pres­sion­nable, qui as­pi­rât comme elle à quelque fé­li­cité in­con­nue, et sur qui elle pût prendre de l’ascendant. «Déjà, elle avait étu­dié en se­cret l’“Opus mago-ca­ba­lis­ti­cum” de Wel­ling», dit Gœthe 6, «mais comme [cet] au­teur obs­cur­cit et fait dis­pa­raître aus­si­tôt la lu­mière qu’il com­mu­nique, elle cher­chait un ami qui lui tînt com­pa­gnie dans ces al­ter­na­tives de lu­mière et d’obscurité; elle n’eut pas be­soin de grands ef­forts pour m’inoculer aussi ce [germe]». Sous sa di­rec­tion, Gœthe porta à cette ca­ba­lis­tique l’ardeur qu’il met­tait en toutes choses.

  1. Par­fois trans­crit Su­zanne de Klet­ten­berg. Icône Haut
  2. «Œuvres; trad. par Jacques Por­chat. Tome VIII. Mé­moires», p. 293. Icône Haut
  3. Les her­nutes, plus com­mu­né­ment ap­pe­lés mo­raves, étaient des sec­taires chré­tiens d’une grande pu­reté de mœurs. Icône Haut
  1. , «L’Évolution de Gœthe : les an­nées de libre for­ma­tion (1749-1794)» (éd. F. Al­can, Pa­ris), p. 98. Icône Haut
  2. «Œuvres; trad. par Jacques Por­chat. Tome VIII. Mé­moires», p. 292. Icône Haut
  3. id. p. 295. Icône Haut

« Les Minnesingers. Walther von der Vogelweide (1190-1240) »

dans « Bulletin de la Société littéraire de Strasbourg », vol. 2, p. 29-62

dans «Bul­le­tin de la lit­té­raire de Stras­bourg», vol. 2, p. 29-62

Il s’agit de «Sous les tilleuls…» («Un­der der lin­den…» 1), «Hé­las! Comme toutes mes an­nées se sont éva­po­rées» 2Owê! War sint vers­wun­den al­liu mî­niu jâr») et autres chants de Wal­ther von der Vo­gel­weide, dit Wal­ther de la Vo­gel­weide, le pre­mier grand poète de al­le­mande. «Qu’avez-vous fait», de­manda-t-on une fois à Henri Heine 3, «le pre­mier jour de votre ar­ri­vée à Pa­ris? Quelle fut votre pre­mière course?» On s’attendait à l’entendre nom­mer la place de la Concorde ou bien le Pan­théon. «Tout de suite après mon ar­ri­vée», dit Heine, «j’étais allé à la Bi­blio­thèque royale (l’actuelle Bi­blio­thèque na­tio­nale de ) et je m’étais fait mon­trer par le conser­va­teur le ma­nus­crit des “Min­ne­sin­gers”… Et c’est vrai : de­puis des an­nées, je dé­si­rais voir de mes yeux les chères feuilles qui nous ont conservé les poé­sies de Wal­ther de la Vo­gel­weide, le plus grand ly­rique .» À la fin du XIIe siècle, Vienne, ville aux confins de l’aire ger­ma­nique, en de­vint la mé­tro­pole ar­tis­tique. Elle s’ennoblit par les chants des trou­ba­dours cé­lèbres — les min­ne­sin­gers (chantres d’) — dont l’Alsacien Rein­mar de Ha­gue­nau, qui y trans­porta les formes et l’esprit de la fran­çaise. C’est sous sa di­rec­tion que Vo­gel­weide fit son ap­pren­tis­sage de poète. L’élève sur­passa bien­tôt ses contem­po­rains et son maître; et c’est mer­veille de voir à quel point, entre ses mains ha­biles, le vieux haut-al­le­mand s’assouplit et se ra­dou­cit. Ce­pen­dant, mal­gré ses ser­vices et sa , Vo­gel­weide était pauvre, et à la du duc Fré­dé­ric Ier d’Autriche, il resta sans pro­tec­teur. Il dut se ré­soudre à quit­ter Vienne et à me­ner une va­ga­bonde. Cette date marque un tour­nant dans la . Au contact des éco­lâtres iti­né­rants, go­liards, jon­gleurs, Vo­gel­weide éten­dit la forme du «min­ne­lied» («chan­son d’amour») à l’amour de la pa­trie, de la beauté, aux ré­flexions mo­rales, aux plus per­son­nels et plus vil­la­geois aussi, les jeunes pay­sannes rem­pla­çant les châ­te­laines : «De l’Elbe jusqu’au Rhin», dit-il 4, «et de là jusqu’aux de , se ren­contrent bien les meilleures que j’aie … Si j’ai bon et bon pour la beauté, pour la grâce, de par , je ju­re­rais bien que chez nous les simples valent mieux qu’ailleurs les grandes dames». Une des com­po­si­tions les plus gra­cieuses et les plus fraîches de Vo­gel­weide est sa pas­tou­relle «Sous les tilleuls…», où une jeune femme dé­crit, avec pu­deur et sim­pli­cité, les joies qu’elle a éprou­vées dans les bras de son amant, à l’ombre des té­moins.

  1. On ren­contre aussi la gra­phie «Un­ter den lin­den…». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «Hé­las! Où sont al­lées toutes mes an­nées», «Hé­las! Que sont de­ve­nues toutes mes an­nées», «Ô tris­tesse! Par où s’est-elle dis­per­sée, la gerbe de mes an­nées», «Hé­las! Où sont-ils, mes ans éva­nouis», «Com­ment ont passé mes an­nées», «Mal­heur à ! Com­ment se sont éva­nouies, où se sont en­fuies les an­nées de ma », «Las, où sont-elles en al­lées, toutes mes an­nées?», «Hé­las! Où sont en­glou­ties toutes mes an­nées?» ou «Hé­las! Où donc ont-elles dis­paru, toutes mes an­nées?». Icône Haut
  1. «Sa­tires et », p. 121. Icône Haut
  2. «Les Min­ne­sin­gers. Wal­ther von der Vo­gel­weide», p. 47. Icône Haut

Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome III.] Art et Utopie : les derniers “Fragments” (1799-1800) »

éd. Rue d’Ulm-Presses de l’École normale supérieure, coll. Æsthetica, Paris

éd. Rue d’Ulm-Presses de l’École nor­male su­pé­rieure, coll. Æs­the­tica, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Frag­ments» («Frag­mente») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome II.] Semences »

éd. Allia, Paris

éd. Al­lia, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Frag­ments» («Frag­mente») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « [Œuvres philosophiques. Tome I.] Le Brouillon général : matériaux pour une encyclopédistique (1798-1799) »

éd. Allia, Paris

éd. Al­lia, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Frag­ments» («Frag­mente») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « Henri d’Ofterdingen, “Heinrich von Ofterdingen” »

éd. Aubier, coll. bilingue, Paris

éd. Au­bier, coll. bi­lingue, Pa­ris

Il s’agit d’«Henri d’Ofterdingen» («Hein­rich von Of­ter­din­gen») de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

Novalis, « Les Disciples à Saïs • Hymnes à la nuit • Journal intime »

éd. Fata Morgana, Saint-Clément

éd. Fata Mor­gana, Saint-Clé­ment

Il s’agit des «Dis­ciples à Saïs» («Die Lehr­linge zu Sais») et autres œuvres de , ro­man­tique , an­cêtre loin­tain du (XVIIIe siècle). Le comte de Pla­ten écrit dans ses «Jour­naux» 1 : «On est pour les ro­man­tiques al­le­mands, [mais] , j’aime les An­ciens. On m’a lu un jour une de No­va­lis, dont je n’ai pas com­pris une seule syl­labe». Il est vrai que l’œuvre de No­va­lis est l’une des plus énig­ma­tiques, l’une des moins com­pré­hen­sibles de la ; elle est, d’un bout à l’autre, un code se­cret, un chiffre dont la clef s’appelle So­phie von Kühn, dite So­phie de Kühn. C’est au cours d’une tour­née ad­mi­nis­tra­tive, en 1795, que No­va­lis ren­con­tra, au châ­teau de Grü­nin­gen 2, cette toute jeune fille, un peu femme déjà, en qui de­vait s’incarner son ; elle n’avait pas en­core treize prin­temps. Il tomba aus­si­tôt sous son charme et bien­tôt il se fiança avec elle. Entre ce jeune rê­veur et cette «fleur bleue» («blaue Blume») qui s’ouvrait à la , sui­vant le mot de No­va­lis, na­quit une idylle aussi in­so­lite que brève. So­phie mou­rait à peine deux ans plus tard, en 1797, après de cruelles souf­frances cau­sées par une tu­meur. Sa fra­gile et an­gé­lique , sur la­quelle la et sur­tout l’ombre so­len­nelle de la avaient ré­pandu une pré­coce ma­tu­rité, laissa à No­va­lis un im­pé­ris­sable et fu­nèbre. «Le soir s’est fait au­tour de moi», dit-il trois jours plus tard 3, «pen­dant que je re­gar­dais se le­ver l’aurore de ma vie.» Si en­suite son étude fa­vo­rite de­vint la , c’est qu’elle s’appelait au fond comme sa bien-ai­mée : So­phie. Si en­suite il se dé­clara fer­vem­ment chré­tien, c’est que, dans le dé­chaî­ne­ment des mal­heurs de So­phie, il crut re­con­naître ceux de Jé­sus. Elle était, pour lui, l’être cé­leste qui était venu réa­li­ser un idéal jusque-là va­gue­ment pres­senti et rêvé, et main­te­nant contem­plé dans sa  :

«Des­cen­dons», dit-il 4, «vers la tendre Fian­cée,
Vers notre Bien-Aimé Jé­sus!
Ve­nez, l’ombre du soir s’est éployée
Douce aux amants par le abat­tus…
»

  1. En date du 10 avril 1817. Icône Haut
  2. Par­fois trans­crit Gru­ningue. Icône Haut
  1. Dans Henri Lich­ten­ber­ger, «No­va­lis», p. 55. Icône Haut
  2. «Les Dis­ciples à Saïs • à la », p. 90. Icône Haut

comte de Platen, « Odes italiennes : poèmes »

éd. La Différence, coll. Littérature-Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Lit­té­ra­ture-Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «» («Oden») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Églogues et Idylles • L’Élégie “Au théâtre de Taormina” »

éd. La Différence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit des «Églogues et Idylles» («Ek­lo­gen und Idyl­len») et «L’Élégie “Au de Taor­mina”» («Die Ele­gie “Im Thea­ter von Taor­mina”») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Le Livre des épigrammes »

éd. La Différence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Le Fleuve et l’Écho, Pa­ris

Il s’agit des «Épi­grammes» («Epi­gramme») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa , fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut

comte de Platen, « Journaux, [ou] Mémorandum de ma vie (1813-1835) »

éd. La Différence, coll. Littérature, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Lit­té­ra­ture, Pa­ris

Il s’agit des «Jour­naux» («Die Ta­gebü­cher»), ou «Mé­mo­ran­dum de ma » («Me­mo­ran­dum meines Le­bens») du comte Au­gust von Pla­ten, dit Au­guste de Pla­ten, poète (XIXe siècle). Il ap­par­te­nait à une noble et fut des­tiné, se­lon un usage ré­pandu dans les pays ger­ma­niques, à l’état mi­li­taire. Mais une du des­tin sem­bla prendre plai­sir à lui en­le­ver toute oc­ca­sion de briller sur un champ de ba­taille. Car le jour où il de­vint of­fi­cier dans l’armée, le 31 mars 1814, fut le jour même où les Al­liés met­taient fin à leur pre­mière cam­pagne de . Et quand, lors de la deuxième, la di­vi­sion ba­va­roise dont il fai­sait par­tie passa le Rhin à Mann­heim, le 13 juin 1815, elle se trouva bien trop loin de Wa­ter­loo pour prendre part au moindre com­bat. Aussi, notre sol­dat ren­tra en en n’ayant ac­com­pli, se­lon ses mots, qu’une «ac­tion pa­ci­fique» 1 en cette . L’ d’une Fran­çaise émi­grée à , la jo­lie mar­quise Eu­phra­sie de Bois­sé­son, sem­bla dé­sor­mais poindre en son cœur. Voici à quelle oc­ca­sion il avait fait sa ren­contre : «À la suite de la vic­toire rem­por­tée sur la France, il y eut ce ma­tin un “Te Deum” à la cha­pelle royale où j’étais de ser­vice. La me fut don­née d’y ren­con­trer la jeune mar­quise de B. qui est cer­tai­ne­ment la plus jo­lie jeune fille à la Cour» 2. Mais cet amour fé­mi­nin, le seul, pa­raît-il, de sa vie, fut vite dis­sipé. Confiné dans une fierté al­tière, un fa­rouche iso­le­ment, il mon­tra de plus en plus de mé­pris pour les où il vi­vait et les goûts do­mi­nants de sa , qui n’offraient à ses yeux que pla­ti­tude et bas­sesse. Voué au seul ser­vice de la beauté an­tique, «im­muable et tou­jours es­sen­tielle» («un­wan­del­bar und stets be­deut­sam»), il par­tit pour le sol de l’, qu’il ap­pela sa vé­ri­table pa­trie, et dont il s’institua le grand prêtre. Ses poèmes en mètres «an­ti­qui­sants» al­le­mands, où il chanta tan­tôt les dé­cep­tions hu­maines, tan­tôt les ruines ma­jes­tueuses de , tan­tôt Ve­nise et le «sou­pir éter­nel» qui sort des « où trô­naient ja­dis la joie et l’allégresse» 3, sont les les plus pré­cieuses de sa cou­ronne ly­rique. La pré­sente, la gloire dé­chue des ci­tés ita­liennes, ne je­tant plus que l’ombre de leurs an­ciens jours, se voit dé­plo­rée par lui avec une so­briété et une de co­lo­ris qui font par­ta­ger au lec­teur l’émotion de l’écrivain. «Au­cun poète», dit le comte Adolphe de Cir­court, «n’a senti plus pro­fon­dé­ment que Pla­ten, n’a ex­primé avec plus de vé­rité, cette émo­tion gé­né­reuse que l’aspect d’une grande ruine, la dis­so­lu­tion d’une an­tique puis­sance fait éprou­ver aux âmes ca­pables de sym­pa­thie pour ce que la voit pas­ser d’élevé.» «Je n’ai pu moins faire que de re­con­naître la de son ta­lent», nuance Gœthe 4, «mais il lui manque l’amour. Ja­mais il n’exercera toute l’action qu’il au­rait dû.»

  1. «Jour­naux», p. 172. Icône Haut
  2. id. p. 72. Icône Haut
  1. « d’amour et Son­nets vé­ni­tiens», p. 147. Icône Haut
  2. «Conver­sa­tions avec Gœthe dans les der­nières an­nées de sa vie; trad. par Jean Chu­ze­ville. Tome I», p. 170. Icône Haut