Parny, «Œuvres complètes. Tome I. La Guerre des dieux • Les Déguisements de Vénus»

éd. L’Harmattan, coll. Les Introuvables, Paris

éd. L’Harmattan, coll. Les In­trou­vables, Pa­ris

Il s’agit d’Évariste-Désiré, che­va­lier de Parny, poète et créole qui doit la meilleure par­tie de sa re­nom­mée à ses «Élé­gies» éro­tiques et ses «Chan­sons ma­dé­casses» (XVIIIe siècle). Cha­teau­briand les sa­vait par cœur, et il écri­vit à l’homme dont les vers fai­saient ses dé­lices pour lui de­man­der la per­mis­sion de le voir : «Parny me ré­pon­dit po­li­ment; je me ren­dis chez lui, rue de Cléry. Je trou­vai un homme as­sez jeune en­core, de très bon ton, grand, maigre, le vi­sage mar­qué de pe­tite vé­role. Il me ren­dit ma vi­site; je le pré­sen­tai à mes sœurs. Il ai­mait peu la so­ciété et il en fut bien­tôt chassé par la po­li­tique… Je n’ai point connu d’écrivain qui fût plus sem­blable à ses ou­vrages : poète et créole, il ne lui fal­lait que le ciel de l’Inde, une fon­taine, un pal­mier et une femme. Il re­dou­tait le bruit, cher­chait à glis­ser dans la vie sans être aperçu… et n’était trahi dans son obs­cu­rité que par… sa lyre» 1. Mais le pre­mier trait dis­tinc­tif du «seul poète élé­giaque que la France ait en­core pro­duit», comme l’appelait Cha­teau­briand 2, était sa bonté et sa sym­pa­thie. Sen­sible par­tout aux mal­heurs de l’humanité, Parny dé­plo­rait le sort de l’Inde af­fa­mée, ra­va­gée par la po­li­tique de l’Angleterre, et ce­lui des Noirs dans les co­lo­nies de la France dont la nour­ri­ture était «saine et as­sez abon­dante», mais qui avaient la pioche à la main de­puis quatre heures du ma­tin jusqu’au cou­cher du so­leil : «Non, je ne sau­rais me plaire», écri­vait-il 3 de l’île de la Réunion, qui était son île na­tale — «non, je ne sau­rais me plaire dans un pays où mes re­gards ne peuvent tom­ber que sur le spec­tacle de la ser­vi­tude, où le bruit des fouets et des chaînes étour­dit mon oreille et re­ten­tit dans mon cœur. Je ne vois que des ty­rans et des es­claves, et je ne vois pas mon sem­blable. On troque tous les jours un homme contre un che­val : il est im­pos­sible que je m’accoutume à une bi­zar­re­rie si ré­vol­tante».

«Je ne vois que des ty­rans et des es­claves, et je ne vois pas mon sem­blable»

Parny don­nait sur­tout des larmes à la condi­tion des es­claves ma­dé­casses sur son île na­tale. Leur pa­trie était le Ma­da­gas­car qui se trou­vait à plus de deux cents lieues de là; ils s’imaginaient ce­pen­dant en­tendre au loin le chant des coqs et re­con­naître la fu­mée du foyer de leurs pa­rents. Ils s’échappaient quel­que­fois au nombre de douze ou de quinze, en­le­vaient une pi­rogue et s’abandonnaient sur les flots. Ils y lais­saient presque tou­jours la vie; et c’était peu de chose quand on avait perdu la li­berté. Quelques-uns ce­pen­dant ar­ri­vaient à des­ti­na­tion, mais leurs com­pa­triotes les mas­sa­craient «di­sant qu’ils re­ve­naient d’avec les Blancs». Qu’on lise dans les «Lettres» de Parny le dé­tail de leurs mal­heurs, et on com­pren­dra que ce n’est pas sans sin­cé­rité, ni sans connais­sance de cause, que le poète en­tre­prit de prê­ter sa voix à ces es­claves qui n’en avaient pas.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style de «La Guerre des dieux» :
«Pour vivre heu­reux, il faut ca­cher sa vie.
Ne bri­guez point la gloire et les gran­deurs,
Ob­jets constants de la pu­blique en­vie.
L’aveugle sort dis­pense les hon­neurs;
Mais quel­que­fois il se plaît à re­prendre
Tous ses bien­faits, qu’en pleu­rant il faut rendre.
Simple en mes goûts, j’ai dé­siré tou­jours
L’obscurité d’un curé de vil­lage,
Qui, pos­ses­seur d’un riant er­mi­tage,
Non­cha­lam­ment lais­sant cou­ler ses jours,
Boit chaque soir, près de sa gou­ver­nante,
Le vin fu­meux qu’il re­cueille et qu’il vante
» 4.

Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF

Voyez la liste com­plète des té­lé­char­ge­ments Voyez la liste complète

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Ca­triona Seth, «Éva­riste Parny (1753-1814) : créole, ré­vo­lu­tion­naire, aca­dé­mi­cien» (éd. Her­mann, coll. de la Ré­pu­blique des lettres-Études, Pa­ris)
  • Ca­triona Seth, «Les “Chan­sons ma­dé­casses” de Parny : une poé­sie des ori­gines aux ori­gines du poème en prose» dans «Aux ori­gines du poème en prose fran­çais (1750-1850)» (éd. H. Cham­pion, coll. Époque mo­derne et contem­po­raine, Pa­ris), p. 447-457.
  1. «Mé­moires d’outre-tombe», liv. IV, ch. XII. Haut
  2. «Es­sai his­to­rique sur les ré­vo­lu­tions», liv. I, part. 1, ch. XXII. Haut
  1. «Tome IV», p. 130. Haut
  2. p. 102. Haut