« Contes d’Ise, “Ise monogatari” »

éd. Gallimard-UNESCO, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion de l’« Ise mo­no­ga­tari »1 (« Ré­cits d’Ise »). Ce re­cueil de cent vingt-cinq anec­dotes est le ré­sul­tat d’une ac­ti­vité très re­mar­quable à la­quelle les Ja­po­nais se li­vraient au­tre­fois (Xe siècle apr. J.-C.), la­quelle consis­tait à si­tuer tel ou tel poème, en en don­nant l’histoire, en en fai­sant connaître la des­ti­na­tion, le but, l’humeur, en in­di­quant en un mot toutes les cir­cons­tances de sa com­po­si­tion, quitte à en­jo­li­ver, à in­ven­ter. En ce temps-là, la poé­sie fai­sait bel et bien par­tie de l’art du quo­ti­dien. Que ce fût pour en­voyer un ca­deau, pour écrire un billet doux, un mot d’excuse, pour briller dans la conver­sa­tion, pour ex­pri­mer des condo­léances ou en­core une prière aux dieux, tout le monde avait eu maintes et maintes fois l’occasion d’improviser un poème. « Mais quand tout le monde est poète », dit M. René Sief­fert2, « les bons poètes n’en sont que plus rares et que plus pri­sés, et l’on ne man­quera pas de guet­ter et de re­le­ver la moindre pa­role de qui­conque se sera fait une ré­pu­ta­tion en la ma­tière. Et sur­tout, l’on se dé­lec­tera à en par­ler, à se ré­pé­ter et à com­men­ter l’histoire de chaque poème. » Dès l’anthologie « Man-yô-shû », les vers étaient in­sé­pa­rables d’une nar­ra­tion en prose, qui les si­tuait. Il suf­fi­sait d’agrandir cette nar­ra­tion, d’en soi­gner la forme, d’en faire un conte ou une nou­velle ga­lante, par exemple, pour ob­te­nir un genre nou­veau : l’« uta-mo­no­ga­tari »3 (le « ré­cit cen­tré au­tour d’un poème »). C’est pré­ci­sé­ment cette tra­di­tion de l’« uta-mo­no­ga­tari » qui at­teint sa per­fec­tion dans le « Ya­mato mo­no­ga­tari » et dans l’« Ise mo­no­ga­tari ». Un siècle plus tard, le mé­lange de cette tra­di­tion avec celle du jour­nal in­time abou­tira, sous le pin­ceau de la dame Mu­ra­saki-shi­kibu, au som­met le plus haut at­teint par la lit­té­ra­ture ja­po­naise : le « Dit du genji ».

les vers étaient in­sé­pa­rables d’une nar­ra­tion en prose

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style de l’« Ise mo­no­ga­tari » : « Ja­dis, un homme qui avait une pro­priété dans la pro­vince de Settsu alla avec ses frères et des amis du côté de Na­niwa4. Re­gar­dant le ri­vage, il aper­çut des ba­teaux et com­posa ce poème :

Le port de Na­niwa,
C’est ce ma­tin que je le vois pour la pre­mière fois.
Par­tout dans ce havre
Sont-ce des ba­teaux qui, comme moi, fa­ti­gués du monde
S’en vont sur la mer ?

Rem­plis d’émotion, les autres s’en re­tour­nèrent »5.

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Jac­que­line Pi­geot, « Uta-mo­no­ga­tari » dans « Dic­tion­naire uni­ver­sel des lit­té­ra­tures » (éd. Presses uni­ver­si­taires de France, Pa­ris)
  • René Sief­fert, « La Lit­té­ra­ture ja­po­naise » (éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Langues et Ci­vi­li­sa­tions, Pa­ris)
  • Alain Wal­ter, « His­toire et For­tune lit­té­raire des “Contes d’Ise” » dans « En un ver­gier : mé­langes of­ferts à Ma­rie-Fran­çoise Notz » (éd. Presses uni­ver­si­taires de Bor­deaux, coll. Sa­ber, Bor­deaux), p. 77-78.
  1. En ja­po­nais « 伊勢物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Icé mo­no­ga­tari » ou « Içé mo­no­ga­tari ». Haut
  2. « Pré­face aux “Contes de Ya­mato” », p. 10. Haut
  3. En ja­po­nais 歌物語. Au­tre­fois trans­crit « ou­ta­mo­no­ga­tari ». Haut
  1. Aujourd’hui Ôsaka (大阪市). Haut
  2. p. 106. Haut