
éd. Publications orientalistes de France, coll. Contes et Romans du Moyen Âge-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris
Il s’agit d’une traduction du « Yamato monogatari » 1 (« Récits de Yamato »). Ce recueil de cent soixante-treize anecdotes est le résultat d’une activité très remarquable à laquelle les Japonais se livraient autrefois (Xe siècle apr. J.-C.), laquelle consistait à situer tel ou tel poème, en en donnant l’histoire, en en faisant connaître la destination, le but, l’humeur, en indiquant en un mot toutes les circonstances de sa composition, quitte à enjoliver, à inventer. En ce temps-là, la poésie faisait bel et bien partie de l’art du quotidien. Que ce fût pour envoyer un cadeau, pour écrire un billet doux, un mot d’excuse, pour briller dans la conversation, pour exprimer des condoléances ou encore une prière aux dieux, tout le monde avait eu maintes et maintes fois l’occasion d’improviser un poème. « Mais quand tout le monde est poète », dit M. René Sieffert 2, « les bons poètes n’en sont que plus rares et que plus prisés, et l’on ne manquera pas de guetter et de relever la moindre parole de quiconque se sera fait une réputation en la matière. Et surtout, l’on se délectera à en parler, à se répéter et à commenter l’histoire de chaque poème. » Dès l’anthologie « Man-yô-shû », les vers étaient inséparables d’une narration en prose, qui les situait. Il suffisait d’agrandir cette narration, d’en soigner la forme, d’en faire un conte ou une nouvelle galante, par exemple, pour obtenir un genre nouveau : l’« uta-monogatari » 3 (le « récit centré autour d’un poème »). C’est précisément cette tradition de l’« uta-monogatari » qui atteint sa perfection dans le « Yamato monogatari » et dans l’« Ise monogatari ». Un siècle plus tard, le mélange de cette tradition avec celle du journal intime aboutira, sous le pinceau de la dame Murasaki-shikibu, au sommet le plus haut atteint par la littérature japonaise : le « Dit du genji ».
les vers étaient inséparables d’une narration en prose
Voici un passage qui donnera une idée du style du « Yamato monogatari » : « Un homme et une femme, des années durant, s’étaient connus quand, pour une raison insignifiante, ils se séparèrent ; cependant, comme sans doute ils avaient rompu sans le moins du monde être las l’un de l’autre, l’homme en éprouva lui aussi des regrets. Il envoya donc ce poème :
C’en était fini
Désormais de nos rencontres
Avais-je cru, mais
Les larmes que je répands
N’ont point cessé pour autant
La femme en fut très touchée » 4.
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- Traduction partielle de Michel Revon (1923) [Source : Google Livres]
- Traduction partielle de Michel Revon (1918) [Source : Google Livres]
- Traduction partielle de Michel Revon (1910) [Source : Bibliothèque nationale de France].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Jacqueline Pigeot, « Uta-monogatari » dans « Dictionnaire universel des littératures » (éd. Presses universitaires de France, Paris)
- René Sieffert, « La Littérature japonaise » (éd. Publications orientalistes de France, coll. Langues et Civilisations, Paris)
- Alain Walter, « Histoire et Fortune littéraire des “Contes d’Ise” » dans « En un vergier : mélanges offerts à Marie-Françoise Notz » (éd. Presses universitaires de Bordeaux, coll. Saber, Bordeaux), p. 77-78.