Il s’agit de la « Relation du voyage de Chang Chun Zhen Ren à l’Ouest [de la Chine] » 1 (« Chang Chun Zhen Ren Xi You Ji » 2). Moine chinois d’une droiture et d’une probité reconnues, Qiu Chuji 3, qui se donna le surnom de Chang Chun Zhen Ren 4 (« Homme Véritable du Long Printemps »), ou simplement Chang Chun (« Long Printemps »), naquit en l’an 1148 apr. J.-C. À l’âge de dix-neuf ans, s’étant rasé la tête, il partit étudier la doctrine de l’alchimie intérieure, dite Quanzhen 5 (« Vérité intégrale » 6), qui réunissait religion taoïste, ascèse monastique et médecine. Sous la discipline de son maître Wang Chongyang 7, il devint un homme doué des plus hautes facultés et du plus grand mérite, décrit par ses contemporains en ces termes 8 : « Longtemps [il] a séjourné parmi les pics et les ravins des montagnes ; il a caché sa voix et dissimulé son corps ; quand il exposait les doctrines transformatrices que nous a léguées le maître ancêtre, en restant assis, il faisait venir à lui des docteurs du tao qui se rassemblaient comme des nuages sur ce sentier bienheureux… » Les Jin et les Song lui envoyèrent des messagers pour l’engager à se rendre auprès d’eux ; mais il n’y consentit pas. À quelqu’un qui l’interrogeait sur ses refus réitérés, Chang Chun répondit 9 : « Ces gens ne connaissent rien aux choses du ciel. Quand les temps viendront pour moi de partir, je partirai ; il n’y a rien d’autre à dire là-dessus ». C’est sur ces entrefaites que Gengis Khan envoya, en l’an 1219, un de ses conseillers intimes, avec un sauf-conduit en or et une escorte de vingt hommes à cheval pour amener Chang Chun des bords de l’océan Pacifique jusqu’à la ville de Kaboul. Le grand conquérant mongol avait eu vent de l’immortalité que l’alchimie intérieure promettait à ses adeptes et il voulait en profiter. Déçu dans son espoir dès sa première conversation avec Chang Chun, qui lui expliqua qu’il s’agissait d’une immortalité purement spirituelle, il le traita néanmoins avec une prévenance marquée et le renvoya comblé de présents et de bienfaits.
« traversant ces contrées de l’Asie alors presque complètement inconnues »
Une description très sèche de ce lointain trajet que fit Chang Chun à travers l’Asie fut donnée par son disciple et biographe, Li Zhichang 10. Comme le note le traducteur français, « moins de trente ans après le voyage du religieux taoïste, deux autres religieux européens — [Jean de] Plan Carpin et Rubruquis — dont nous avons aussi les relations, et le célèbre voyageur vénitien Marco Polo qui les prime tous, suivirent à peu près la même route que Chang Chun, mais en sens contraire. On peut se figurer les difficultés et les périls [qu’ils] durent éprouver pendant leur longue route, en traversant ces contrées de l’Asie alors presque complètement inconnues, entrecoupées de tant de hautes montagnes [et] de déserts sablonneux, et habitées par des populations peu civilisées, occupées à défendre leur indépendance contre les armées envahissantes des Mongols… » 11
Voici un passage qui donnera une idée du style de la « Relation du voyage de Chang Chun Zhen Ren à l’Ouest [de la Chine] » : « Le [28 septembre 1222], on arriva au but du voyage et on se rendit à l’audience (donnée par Gengis Khan). L’homme professant la doctrine du tao (“tao-jin”, c’est-à-dire Chang Chun) vit l’Empereur. Il ne se prosterna point en fléchissant les genoux pour faire la salutation. Il entra dans la tente le corps incliné, les mains jointes, et rien de plus » 12.
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Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Édouard Chavannes, « Inscriptions et Pièces de chancellerie chinoises de l’époque mongole » dans « T’oung Pao », vol. 9, nº 3, p. 297-428 [Source : Revue « T’oung Pao »]
- Nicolas de Khanikof, « Compte rendu sur “Travaux des membres de la Mission ecclésiastique russe de Pékin. Tome IV” » dans « Journal asiatique », sér. 6, vol. 13, p. 70-79 [Source : Google Livres]
- Dominique Lelièvre, « Voyageurs chinois à la découverte du monde : de l’Antiquité au XIXe siècle » (éd. Olizane, Genève).
- Parfois traduit « Mémoire sur le voyage en Occident de Chang Chun, homme véritable ».
- En chinois « 長春眞人西遊記 ». Également connu sous le titre de « Xi You Lu » (« 西游錄 »), c’est-à-dire « Annales du voyage à l’Ouest ». À ne pas confondre avec « La Pérégrination vers l’Ouest », le célèbre roman.
- En chinois 丘處機 ou 邱處機. Autrefois transcrit K‘iéou Tchôu-kī ou Ch’iu Ch’u-chi.
- En chinois 長春眞人. Autrefois transcrit Tch‘âng-tchûn.
- En chinois 全眞. Autrefois transcrit Ch’üan-chen.
- Autrefois traduit « la Vérité absolue ».
- En chinois 王重陽. Autrefois transcrit Tchoûng-yâng-wâng ou Wang Ch’ung-yang.
- Dans Édouard Chavannes, « Inscriptions et Pièces de chancellerie chinoises de l’époque mongole », p. 301.
- Dans Dominique Lelièvre, « Voyageurs chinois à la découverte du monde », p. 170.
- En chinois 李志常. Autrefois transcrit Li-tchi-tchan, Li Tchi-tchâng ou Li Chih-ch’ang.
- p. 86.
- p. 83.